La capitale avait de quoi faire tourner les têtes. Remplie de monde jusque dans les moindres recoins, il était plus que facile d’y passer inaperçu et, il était aussi normalement plus que facile d’y trouver de l’emploi. C’était cette éventuelle facilité qui avait amené le jeune Locke ici. Malheureusement pour lui, il n’avait rien trouvé de particulièrement intéressant comme offre. Il avait bien fait quelques menus travaux mais sa conscience l’avait bien souvent empêchée d’accepter les contrats de mercenaires qu’on lui proposait. A Urû’baen, il y a probablement plus de personnes douteuses que de personnes honnêtes.
Locke se trouvait donc sagement attablé à la taverne, finissant le maigre repas que ses finances lui permettaient de s’offrir. Rien de bien merveilleux mais au moins, il mangeait quelque chose qui ne provenait pas de sa chasse et qui était justement cuit. Par contre, il n’avait pas les moyens de loger dans l’une des chambres que proposait la taverne et campait donc à l’extérieur de la ville dans un petit bosquet.

Une fois qu’il eut finit son repas, le jeune garçon profita du laps de temps ou il pouvait rester attablé pour regarder les autres personnes présentes. Il y avait là, le plus grand palmarès hétéroclite qu’il lui avait été donné de voir. Par rapport aux tenues, un maximum des consommateurs devait être des voyageurs vivant grâce à leurs compétences au maniement des armes. Une bonne autre partie, semblait être de simples marchands. Ces derniers passaient plus de temps à surveiller leurs bourses, qu’à se concentrer sur leurs consommations. Et la dernière minorité avait justement plus d’intérêt pour les bourses que pour le reste. Locke rit sous cape avant de se lever et de se diriger vers la sortie. Une fois encore, il allait refaire le chemin qui le conduirait dans le sous bois dont il avait fait son foyer.

La journée touchait à sa fin et une fraîche brise annonçait l’arrivée de la nuit. Déjà, la lumière commençait à décroître et le jeune mercenaire se faisait plaisir et profitait de la douceur qui régnait. Il vagabondait tout en se dirigeant vers la sortie de la ville, ne prêtant guère attention aux personnes qu’il croisait. Il vit à peine, la forme noire qui frôla ses jambes et qui s’avérait être un animal qui rejoignait son maître stationné non loin. Locke regarda la personne un instant et ne put s’empêcher de penser que ce dernier faisait tout pour camoufler ses traits. Il n’eut pas le temps de s’attarder sur ce sujet plus longtemps, un mélange de cris humains et d’animaux le rappeler à la réalité. Il tourna la tête et comprit qu’ils provenaient d’une ruelle toute proche. Il décida d’aller y jeter un coup d’œil et fut stupéfait de ce qu’il y découvrit. Un groupe de cinq homme, probablement ivre mort, était en train de maltraiter un pauvre cheval. La bête était attachée à un poteau et ne pouvait donc pas s’échapper mais, les hommes tiraient violemment sur ses reines et lui frappait l’arrière train. Locke sentit la colère l’envahir instantanément et ne pouvait laisser faire cela.

– « Vous là, laissez cette bête tranquille ! »

Les ivrognes se tournèrent vers lui et le regardèrent avec un air bête avant de se mettre à rire. L’un d’eux s’écarta du groupe et fit quelques pas vers le jeune garçon.

– « Passe ton chemin gamin, ça te regarde pas. »

Locke ignora la remarque, il n’avait aucunes intentions de partir.

– « C’est à moi de choisir ce qui me regarde et je ne vous laisserais pas faire du mal à ce cheval ! »

Les hommes ne rigolèrent plus. Tous affichaient un air courroucé totalement dirigé vers le mercenaire.

– « T’es têtu hein ? »

– « On va lui faire passer cette mauvaise habitude et apprendre à respecter ses aînés ! »

Un bruit de frottement de métal retentit dans la ruelle lorsque les deux hommes qui venaient de prendre la parole dégainèrent leurs épées. Les autres ne semblèrent pas armer d’armes aussi dangereuses mais se déplacèrent à leur tour pour tenter d’encercler Locke. Lui-même lâcha le sac qu’il tenait à la main et qui contenait ses maigres possessions et sortit son épée bâtarde de son fourreau. La lame brillait dans la pénombre grandissante et il se positionna pour faire fasse aux ivrognes.

– « Je n’ai rien à apprendre de vous, lâches ! Si vous voulez vous battre, ça sera à vos risques et périls, je ne retiendrais pas mes coups ! »

L’homme qui avait prit la parole en premier pouffa de rire et se lança à l’assaut…

Son arme fusa en direction de Locke, qui se contenta d’esquive l’attaque en tournant sur lui-même. Il arqua son bras en direction de son adversaire et le frappa à la tête du plat de la lame, l’assommant sur le coup. Le jeune garçon ne perdit pas de temps à contempler sa victime et se plaça en face des quatre ivrognes restant. Ils semblèrent plus hésitant tout à coup.

Malgré la réussite de son attaque sur le premier agresseur, Locke savait qu’il ne devait pas être trop confiant. Sa technique n’avait réussi que parce que l’homme était ivre, sans cela ça n’aurait pas été aussi simple. Il se savait bon combattant mais pas suffisamment pour vaincre cinq hommes vaillants. Par chance, ce n’était pas le cas de ses opposants. Le second personnage armé d’une épée se présenta devant lui. Il était plus prudent que le premier et n’attaqua pas directement. Locke s’aperçut heureusement assez tôt qu’il ne s’agissait en fait qu’une diversion et que l’un des autres antagonistes tentait de le pendre à revers. Il était dépourvu d’arme et aussi rapide qu’un baudet surchargé. Le jeune humain n’eut qu’à s’éclipser lors de son attaque et à parer le coup d’épée que l’autre lui assénait. Le bruit de l’acier s’entrechoquant résonna. Locke força sur sa lame et fit reculer l’ivrogne, avant de rompre l’engagement et de frapper fort sur la lame de son adversaire. Ce dernier trébucha et lâcha son arme. Locke en profita pour lui donner un fort coup de pied au visage et le laisser inconscient. Il n’avait plus que trois adversaires et aucuns d’eux n’étaient armés, la chance était de son côté.

Les trois décidèrent de l’attaquer en même temps. Ils se placèrent en quart de cercle devant lui et avancèrent, leurs larges poignes écartées menaçant de l’étrangler. Ils se jetèrent sur lui en même temps. Locke ne voulait pas les tuer et il écarta son épée de leur trajectoire. L’un d’eux le percuta lourdement et il lâcha son épée. Le garçon donna un coup dedans afin de l’éloignée suffisamment pour qu’elle ne tombe pas dans les mains d’un de ses adversaires. Apparemment, aucuns d’entres eux n’en eu l’idée et ils se contentèrent d’essayer de le rouer de coups. Locke se recroquevillera sur lui-même afin de se protéger et attendit le bon moment pour riposter. Dès qu’il eut une ouverture, il détendit son bras droit violemment, sentit qu’il touchait une mâchoire et que celle-ci se brisait sous l’impact. L’homme hurla de douleur et s’éloigna en titubant. Le jeune mercenaire en profita pour foncer tête la première dans un des deux brigands restants. Il le repoussa sur quelques mètres, s’éloignant du dernier par la même occasion. Il releva le buste avec virulence, frappant le dessous de la mâchoire avec son crâne. Des dents sautèrent sous le choc et l’homme s’écroula en arrière. Locke se retourna pour faire face au dernier. Celui-ci semblait plus hésitant désormais et au bout d’un instant de doute, il choisit de faire marche arrière et prit la fuite. Les deux qui n’avaient pas été assommé par le combat firent de même et Locke se retrouva presque seul dans la ruelle.

Il s’approcha du cheval maltraité et tendit la main. L’animal prit peur et hennit fortement. Locke lui murmura des paroles douces afin de la calmer et était trop concentré sur lui pour remarquer que son premier adversaire se relevait. Le jeune homme eut juste le temps de voir la dague que l’autre sortait et réaliser qu’il n’aurait jamais le temps de réagir, lorsqu’il entendit un « clac » sonore retentir. L’ivrogne s’écroula sur le sol, une flèche plantée dans l’épaule. Locke regarda a l’entrée de la ruelle et vit l’homme qu’il avait observé quelques temps auparavant, accompagné de son chien. A bien y regarder, il s’agissait d’un loup en fait. Un loup noir aux yeux rouges, d’une taille impressionnante qui était en train de grogner à l’encontre des ivrognes. Le nouveau venu s’avança vers Locke en conservant son arc prêt à servir à la main mais il n’y avait plus de danger. Le jeune homme se détourna quelques peu du cheval pour s’adresser à son sauveur.

– « Je vous remercie de votre aide. »

L’individu baissa son arme et fit un geste en direction de son loup pour le calmer. De sa main libre il rabaissa son capuchon, laissant apparaître des traits fins d’une terrifiante beauté, de longs cheveux de jais ainsi, et c’était la chose la plus surprenante pour Locke, que des oreilles anormalement pointus. Un Elfe ! Voilà qui se trouvait devant Locke.

– « Ce n’est rien, j’ai horreur des lâches dans leur genre. »

L’Elfe continua à avancer et se dirigea vers le cheval. L’animal ne semblait pas avoir peur de lui et s’apaisa même à son contact. Locke vit l’Elfe murmurer quelque chose à l’oreille de l’animal et lui caresser doucement l’encolure.

– « Peu de gens aurait risqué leur vie pour celle d’un animal. Que vas-tu faire d’elle maintenant ? »

– « Faire d’elle ? Heu… je n’en ai aucunes idées, le cheval n’est pas à moi. »

L’elfe se retourna vers Locke et le fixa de ses yeux perçants. Leur couleur était assez indéchiffrable.

– « Si tu le laisses ici, ils le tueront surement à leur réveil. »

– « Je… je n’avais pas pense à ça…»

– « Si tu choisis de l’emmener avec toi, il te faudra quitter la ville. Ils t’accuseront surement de vol de cheval. Je t’accompagnerais si tu choisis cela. »

– « Pourquoi le feriez-vous ? »

– « Je n’étais que de passage dans cette ville et ma tâche est terminée. Je comptais partir demain matin, ça ne change donc rien pour moi. »

– « D’accord. Cette ville ne m’a rien apportée de toute manière et je ne peux pas laisser ce cheval se faire tuer. »

– « Très bien, alors partons maintenant avant qu’ils ne reviennent avec de l’aide. »

Il fit demi-tour et s’éloigna du cheval. Lorsqu’il passa à la hauteur de Locke, il lui dit.

– « Elle s’appelle Alkoomie et elle est à toi désormais. »

Locke le regarda avancer avant de rejoindre le cheval. Il était bien plus calme qu’avant et ne dit rien lorsqu'il le caressa et le tira pas la bride pour l’emmener avec luii.

Locke suivait l’Elfe au travers du dédale de rue. Il ne comprenait pas encore pourquoi il le faisait mais, quelque chose le poussait à faire confiance à cet être. Le jeune homme était impressionné de la facilité que l’Elfe avait à circuler parmi la foute toujours plus dense. Il avait l’impression que les autres personnes s’effaçaient sur son passage. Locke de son côté, avait bien plus de mal à avancer surtout avec le cheval à diriger. Bien souvent, il s’apercevait qu’il avait perdu de vu son compagnon inconnu et commençait quelque peu à paniquer. Généralement, c’était à cet instant que le loup noir s’interposait et l’enjoignait à le suivre. La bête le conduisait toujours là où se trouvait l’Elfe à l’attendre et la marche reprenait.
Enfin, les murs extérieurs de la ville étaient visibles. Locke commençait à en avoir plus qu’assez de se frayer un chemin et fatiguait à force de tirer Alkoomie derrière lui. L’Elfe se faufila à l’extérieur de la cité et le mercenaire suivit encore. Ils n’avaient pas échangé le moindre mot depuis qu’ils s’étaient mis en route. Locke ignorait même le nom de son sauveur. Tout ce qu’il savait, c’était que l’être lui inspirait une sensation de confiance invraisemblable.

Ils continuèrent de cheminer pendant un moment, la nuit commençait à englober les environs. Locke aurait aimé allumer un flambeau mais l’Elfe ne lui en laissait pas le temps. Ce dernier ne semblait aucunement gêné par la pénombre et avançait comme si de rien était. Enfin, l’Elfe stoppa sa marche.

– «Voilà, ici se sera très bien. »

Sous le regard incrédule de Locke, l’Elfe se débarrassa de ses affaires et les déposa sur le sol. Le jeune homme alla accrocher la jument à un arbre et revint en direction de son compagnon. Ce n’est qu’à ce moment là, qu’il réalisa que l’Elfe l’avait amené au même endroit où il campait depuis plusieurs semaines. Comment avait t’il connu l’endroit exact ? Locke commença à devenir méfiant. Il regarda en direction de l’Elfe et le vit en train de rassembler des branchements dans le but de faire un feu. Sans qu’il ne comprenne comment, les flammes prirent vie sans que son sauveur n’utilise la moindre pierre à feu ou autres instruments. La magie ! Oui, Locke savait que les Elfes utilisaient la magie et c’était certainement par ce moyen qu’il avait allumé le feu. Le jeune garçon se plaça de l’autre côté du feu afin de toujours garder un œil sur l’autre.

– « Je ne connais même pas votre nom. Je m’appelle Locke d’Arkan. »

L’être des forêts souris et inclina la tête.

– « Enchanté Locke d’Arkan. Je m’appelle Ephraïm. »

L’Elfe attrapa un bout de bois d’une bonne longueur et commença à remuer les braises du feu. Locke l’observa un peu plus et, détailla ses longs cheveux noirs et son regard bleu glacier. Ephraïm irradiait la beauté.

– « Je vous remercie de m’avoir sauvé tout à l’heure mais, qu’est ce qui vous amenait dans cette ruelle ? »