Comment qualifier mon retour sur ces terres qui m’ont vu naître? Je n’ai aucun moyen de le faire sans risquer d’oublier les détails important de ma vie si longue aux yeux des hommes. L’elfe que je suis ne peut qu’avancer à travers les décennies qui pavent ma route à première vue sans fin. Une route qui n’aurait pas le moindre intérêt sans les nombreuses rencontres auquel je suis sujet. Elles ne peuvent être toute agréable mais c’est bien cette nuance qui leur donne cette importance, leur saveur inégalable similaire à une drogue dont vous ne pourriez plus vous passer sous peine de vous ressentir cette sensation de vide. Amis, ennemis, frère de sang et personne lambda compose cette masse immense qui peuple le continent et ses cités. De la plus petite bourgade à l’impressionnante mégapole où les gens ressemble d’avantage à des fourmis dans leur tanière, allant ça et là tout en obéissant aux lois, non pas sans les transgresser par moment. Tant de chemin qu’empruntait les hommes et femmes qui agissaient selon leurs convictions et désirs du moment. Pour ma part je m’étais dirigé sur une ville qui avait attiré mon regard lors d’un de mes précédents voyages. Il me fallait bien ça pour me remettre de mes émotions tant ces dernières étaient fortes. Chacune de mes précédentes rencontres finissaient par apporter soit un duel, soit un bain de sang qui alourdissait mon cœur et celui de mon dragon qui, malgré ses instincts primaires, appréciait bien plus la bière, les moments de détente, et bien entendu, m’ennuyer autant que possible. Shigeru n’était pas une brute ou un animal sauvage, juste un ami qui ne manquait pas une occasion de faire la fête donnant une image nouvelle des dragons. Et rien que pour cela je lui devais bien ça, sans compter que nous n’étions jamais passés par ici avant donc pas de risque de trouver porte close. D’autre part j’étais peu enclin à croiser le fer, bien plus prompt à échanger des mots aussi longtemps que les futs seraient pleins. Ma manière de conjurer le sort, celui qui incombe au fils des ombres. Celui de verser le sang et de maintenir l’équilibre. Une lourde tâche dont je me serais volontiers passé mais l’on ne choisi pas toujours son destin. Ainsi donc ma longue vie allait être éprouvante mais je ne regretterai rien.

À peine pieds à terre les plus jeunes des habitants venaient à notre rencontre porteur de question par dizaine. Ce vacarme incessant nourrit par les paroles de ces enfants et leurs parents quelque peu intimidé par notre présence. Juste le temps de se présenter son un ‘faux’ nom et déjà l’atmosphère s’apaisait pour notre plus grand bonheur. Cette bourgade bien que modeste de par sa taille fini par me voler le cœur de l’assassin. Ce décors à mi-chemin entre le milieu rural et urbain avait de quoi séduire plus d’une personne. Que demander de plus si ce n’est une bonne bière fraîche et une place sous ce soleil qui de ses rayons apporte une chaleur réconfortante et une bonne humeur à balayer toute trace de mélancolie. L’univers du café me porte comme une feuille le serait par le vent. Et me retrouver en territoire connu m’apportait ce sentiment de paix si rare en ces temps troubles. Si certain s’enfilaient les liqueurs les plus fortes, pour sa part l’elfe s’était limité à une bière, quoi de plus simple pour ne pas dire évident. Et ce n’est pas ses origines dudit ‘beau peuple’ qui le forcera à boire uniquement de l’eau. Les risques de tomber malade sont bien plus grand qu’avec une bonne bière à même de tuer les microbes. En somme un remède à bien des maux tant son pouvoir guérisseur est grand. À l’extérieur il n’était pas possible d’ignorer ce qu’il se passait. Un concours impliquant un dragon, le mien entre autre, avec des hommes présomptueux un peu trop sûr d’eux. Le genre d’évènement qui ne peut vous laisser de marbre. S’ils pensent pouvoir battre un dragon dans ce genre de jeu et bien c’est de leur femme que viendrait le danger. Chance que je n’avais pas ce problème, ma nature instable et mes absences répétées ne viennent que renforcer un sentiment d’infidélité qui est la plupart du temps injustifié. Lorsque l’on donne son cœur à une personne ce n’est pas pour le reprendre et le donner à une autre mais là la jalousie vient tout détruire lorsque ce n’est pas le sentiment de solitude qui s’en occupe. Une situation peu enviable mais qui vous laisse une liberté sans égale. J’avais au moins cela pour moi.

À l’extérieur les paris s’ouvraient tandis que Shigeru mettait sous terre ses opposants les uns après les autres sans le moindre remord. Son seul regret… l’absence d’adversaire plus coriace qui pimenterai un peu le jeu. Une remarque faite à lui-même qui n’échappa pas au dragonnier qui ne manqua pas l’occasion de lui rappeler qu’ingérer un fut n’était rien pour un seigneur du ciel, et un exploit pour un bipède. Mais de ce détail le dragon n’en fit qu’un tas de cendre refusant de s’abaisser à vider une malheureuse chope à peine plus grand qu’un de ses crocs qui orne sa mâchoire. Le dragonnier s’était posté à l’intérieur observant une partie de carte en cours. Juste le temps d’assimiler les règles que déjà il se joignait au jeu, la main heureuse pour une première partie qui voyait ses gains augmenter de façon considérable. Mais ce qui l’intéressait avant tout était le plaisir de jouer, l’argent obtenu souvent utiliser pour payer des verres aux autres participants qui ne bronchaient pas lorsque les verres s’enchainaient. Une compensation qui valait bien de perdre quelques pièces. Une heure, voir deux était passée et la journée avançait, le soleil suivant sa courbe dans le ciel. Le dragonnier fini par se retirer de la partie laissant sa place pour en prendre une à proximité des musiciens. Chasseur d’ambiance par excellence l’elfe savait où se placer pour trouver de l’animation. Un don dont il se serait bien passé si le choix lui avait été donné. Si cela est utile en temps de paix ce n’est pas le cas en lors des périodes où les conflits sont omniprésents.

Et, alors que le temps passait, son regard parcourait la salle de long en large passant tantôt sur la décoration, tantôt sur les personnes qui entraient et sortaient. Dans ses yeux l’espoir de tomber sur un visage familier. Un frère d’arme, une connaissance, tout était bon pour briser cet isolement qui m’amenait doucement dans les bras de Morphée. La musique me portait comme le ferai le courant de la mer jusqu’à ce que la présence du dragon ne se fasse plus insistante. Poussant le guerrier à sortir de sa léthargie à contrecœur tant la mélodie avait le mérite de lui plaire. Comme seule et unique réponse un grognement mental à l’adresse de Shigeru qui incitait l’elfe à s’extraire de la foule. Encore des problèmes en perspective se dit-il sur l’instant, si seulement le lézard ailé qui lui servait de monture savait se sortir lui-même des futs qui l’empêchait d’ouvrir sa gueule. Chance pour le dragon anthracite ce n’était pas le cas, ses paroles ayant encore un peu de sens mais pour combien de temps à ce rythme, les futs s’enchainant à une vitesse ahurissante. Le regard de l’elfe parcourant les alentours il ne perçu rien dans un premier temps ce qui eut le mérite de casser momentanément sa mauvaise humeur. Il se tourna alors vers son ami à quatre pattes prêt à lui faire regretter de l’avoir fait bouger pour rien. Un mouvement interrompu dans la seconde lorsqu’une présence ‘familière’ fit son apparition.