AccueilDernières imagesS'enregistrerConnexionRechercher
Le Deal du moment : -40%
-40% sur le Pack Gaming Mario PDP Manette filaire + ...
Voir le deal
29.99 €

Partagez|

Walking on the moon [PV Ellen]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Myad


Nombre de messages : 3809
Âge : 32



Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Myad
Message Sujet: Walking on the moon [PV Ellen] | Sam 14 Avr 2012 - 15:31


L'Outreterre...

Myad leva les yeux vers le ciel en s'éblouissant une nouvelle fois d'y voir l'infini rassurant qui l'avait chapeautée tout au long de sa vie. Le couvercle oppressant avait laissé place au vide immense, à la liberté d'un bleu intense ; une profonde inspiration attira dans ses poumons une bourrasque fraîche chargée de senteurs typiques. Le vent était seul à chanter sur les chemins sans écho pour lui renvoyer ses propres hurlements. Le moindre son s'évadait invariablement vers une destination que personne ne pouvait connaître... La surface, c'était la liberté, le flottement, l'évasion. Bondissant à votre gré à travers champs, forêts, rivières, traçant sa propre route là où le cœur vous enchante, collines, villages, vallées, crevasses, vous n'aviez que la pesanteur comme limite. Celle qui avait grandi comme un animal sauvage ne ressentait que plus brutalement la différence entre ce milieu et le précédent. Sous terre, vous êtes obligé de choisir un itinéraire parmi ceux que la nature vous propose, avec l'espoir qu'elle ne condamnera pas tous les accès et sorties d'un séisme capricieux. La flore y était plus tenace que la faune, elle-même vile et vicieuse avec toutes les sombres beautés que procure la vie dans le silence et les ténèbres.
Noctambule, Myad était naturellement attirée par les tréfonds, le jeu d'ombres, les éclipses subtiles. Néanmoins ces quelques jours avaient mis à rude épreuve à la fois ses nerfs, ses convictions et sa vie elle-même. Il lui faudrait du temps avant de retrouver l'envie de voir les cités drow, de parcourir le lac murmurant, de chasser dans les abysses dévorantes. Pour l'instant, rien ne lui était plus délicieux que ce soudain changement de décor.
L'automne s'était installé tranquillement, rappelant à l'Impératrice qu'une période de règne délicate s'approchait. En hiver, le peuple est fragile, les guerriers susceptibles, les nobles frileux. Pour sa part la demi-elfe vouait une tendresse rêveuse envers cette saison effrayante. Elle se surprit à la désirer dès à présent, son froid vigoureux, les larmes givrées accrochées aux branches, l'infini manteau de neige duveteuse.
Quenthel s'ébroua avec un roucoulement. Sa cavalière tendit une main gantée de noir pour lui flatter l'encolure. La lézarde sursauta, tourna vivement la tête vers elle en roulant des yeux effrayés avant de la reconnaître et se secouer de nouveau, contrariée. La créature était beaucoup moins volubile depuis leur petite virée dans le monde de leurs origines. Après tous ces cris, tous ces morts, tout ce danger surtout, la sensible monture était devenue prompte aux sursauts et aux fuites précipitées.

La route impeccablement tracée était récente, remarqua-t-elle avec amusement. D'un regard circulaire, la seigneure de ces terres identifia le propriétaire des lieux. En voilà un qui redoutait une inspection surprise de ses réseaux routiers... Il avait d'ailleurs été bien inspiré, étant donné que l'investigatrice de cette loi était elle-même en train de les emprunter. Elle croisait de temps en temps des charrettes de paille, des messagers sautillant au rythme du trot de leur monture, des enfants qui jouaient dans les champs. Tout le monde la remarquait – en même temps, il était difficile de passer outre un lézard noir géant, de longues plumes mauves sur la tête, mené par une silhouette toute noire dont seuls les yeux rouges étaient visibles sous la capuche... La plupart mettait un temps à la reconnaître, avant d'écarquiller les yeux, la saluer précipitamment et la suivre du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse de leur champ de vision. Quelques enfants s'étaient enfuis. Elle avait ri. Braves petits... Ils savaient où était le danger, eux. A moins qu'elle ne sente encore l'atmosphère si particulière de l'Outreterre, cette ambiance hypnotique et morbide lui collant à la peau en une toile invisible.
Toile... Myad serra les dents, lâcha les chaînes qui lui servaient de rênes pour joindre ses doigts sur la nuque et presser doucement celle-ci. Les sensations lui revenaient en pleine figure avec trop de réalisme pour qu'elle puisse les ignorer. Blessures physiques soignées, mémoire intacte. C'était là son souci.
L'Impératrice doutait qu'on ne réussisse à lui faire peur à Dras Leona, même un petit frisson, après ce qu'elle avait ressenti récemment. Ce n'était pas si mal ; on en serait que moins enclin à essayer de l'assassiner.

Quenthel s'arrêta soudain, pilant au milieu d'une foulée galopante, ce qui donna une espèce de trébuchement laid où elle tricota avec ses longues pattes jusqu'à pouvoir s'immobiliser. Myad, interloquée, garda son équilibre et reprit les rênes sans attendre. Elle chercha partout ce qui avait pu surprendre la créature au point de la figer dans sa course. Quand elle le vit, la femelle hybride écarquilla les yeux.
Si elle avait pensé ne plus être prise au dépourvu, la voici détrompée.
Descendant doucement vers le sol en une courbe large, un tout petit bateau d'herbes emmêlées flottait contre le vent. En l'observant attentivement la Dragonnière réalisa qu'il avait été fait à la main, par quelque artiste inspiré, à l'aide de brins d'herbe suffisamment longs. Un travail d'elfe, devina-t-elle aussitôt, et elle repoussa la cape en arrière pour ne pas entraver ses mouvements, perdre à réduire le bateau en cendres. On déplorait assez d'attaques mystérieusement redoutables sur ses convois pour qu'elle ne se méfie pas d'un artifice elfique. Le bateau continuait sa descente, paisible, paresseux. Myad le suivit du regard, prête à incanter, jusqu'à ce qu'il arrive à hauteur de ses yeux et s'immobilise. Prudemment, elle tendit une main vers lui pour le toucher ; le bateau s'y laissa choir, toute lévitation annulée. Les herbes se délièrent, se défirent tristement pour délivrer un petit carré de papier plié.
En l'ouvrant, l'Impératrice n'avait aucune idée de ce qu'elle y lirait. Elle n'aurait certainement pas pensé à une invitation de la Reine Ellenwen, adressée à sa personne propre. Magie merveilleuse. Myad souffla sur les brins d'herbe qui s'envolèrent gracieusement, devenus anonymes dans cette prairie émeraude qui flanquait la route des deux côtés. Elle était un peu triste que le bateau n'ait été condamné qu'à un seul voyage, pour mourir une fois qu'il eut délivré son message. Toutefois sa rêverie ne l'empêcha pas de prendre une décision quant à celui-ci. Courbant son corps vers la droite, joignant son mouvement à un talonnement précis, la femelle hybride lança sa monture droit vers l'Est, déviant sa trajectoire du tout au tout.
Dras Leona attendrait son retour encore quelques jours.

¤

Le pas prudent de la lézarde semblait résonner dans les bois silencieux. La Dragonnière avait enlevé sa capuche et son foulard, désirant sentir de tous les pores de son visage l'atmosphère unique qui les entourait. Quenthel se tassait sur elle-même, mal à l'aise parmi ces arbres gigantesques, majestueux et sages, semblant les juger de leur faîte tutoyant le ciel. De son côté l'Impératrice était impressionnée, respectueuse. Le silence qui régnait ici était éternel. Sans âge, sans prétention. Elle avait l'impression d'être déjà venue ici, d'avoir flâné entre ces troncs jumeaux – la Gardienne pinça les lèvres, sachant très bien d'où ce sentiment provenait.
Elle avait appris très récemment que les deux Diamants qu'elle portait, ainsi que les autres Sources Originelles, absorbaient à leur mort toute l'âme de leur porteur. Les milliers de souvenirs, sensations, soupirs, sourires de ceux qui l'avaient précédé étaient là, à portée de ses doigts, l'accompagnant inconsciemment à chaque instant. Depuis ce moment trouble où elle avait vu l'impensable se produire, cette influence était plus forte. Des songes incongrus fusaient parfois dans son esprit, sans lien avec ses réflexions habituelles. Quel Gardien avait ici aimé chanter, jouer, et rire, elle avait sa petite idée là-dessus.

Ses dents grincèrent lorsque ses mâchoires se frottèrent durement l'une contre l'autre. Hurlement silencieux.

D'un mouvement de rênes, l'Impératrice arrêta sa monture. Elle vit quelqu'un – une silhouette, sans pouvoir définir qui – qui lui faisait effectivement signe de s'arrêter. Il était encore assez loin mais par prudence elle ne souhaita pas s'approcher sans s'assurer de sa sécurité.

- Je viens en paix, dit-elle en ancien langage, hésitant à lui donner la raison de sa venue.

Cela dut suffire à la mystérieuse silhouette, car elle s'évanouit comme elle était venue. Incrédule, Myad murmura à Quenthel d'avancer, la lézarde piaulant misérablement avant de se traîner droit devant elle...
La nuit tombait. La lune seule éclairait leur avancée.
Sa Dragonnière n'en menait pas large non plus. Elle ferma son esprit à l'univers entier, bloquant toute intrusion avec d'avantage de protection que nécessaire. Nervosité. Elle avait l'impression d'être un loup parmi d'autres loups, revenant à la tanière les babines entachées du mauvais sang. Elle arrêta Quenthel pour mettre pied à terre, toujours par méfiance, mais aussi pour éviter de finir par terre si la créature pétait les plombs à force de tension.
Au premier elfe rencontré, elle dut s'arrêter de nouveau.

Etant donné l'expression horrifiée qui déforma son beau visage, il lui sembla probable qu'Ellenwen n'avait pas pris la peine d'avertir ses sujets de sa venue prochaine. Lasse, Myad écarta les bras pour montrer ses mains vides, ce qui ne parut pas le convaincre. Son pendentif par contre fut dramatiquement visible. L'elfe vociféra quelque chose de très malpoli avant de disparaître devant un arbre étrangement façonné, un arbre-maison supposa-t-elle avec émerveillement, le premier avant tant d'autres... Emerveillement vite douché lorsqu'il en sortit une demi-douzaine.
L'air pas aussi accueillant que ne le vantaient les ménestrels dans leurs chants.

- Faites de la politique, qu'ils disaient, soupira Myad en prenant fouet et dague d'un geste las, prête à se défendre.
Revenir en haut Aller en bas
Ellenwen

Dirigeante de l'Equilibrium

Nombre de messages : 22351
Âge : 34

http://bartimeus.actifforum.com

Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Ellenwen
Dirigeante de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Dim 15 Avr 2012 - 23:11


La reine n'avait que trop retardé l'échéance. Cela faisait de nombreux mois qu'elle aurait dû faire quelque chose, régler tous les problèmes qui maintenaient son royaume au bord de la guerre. Mais son épuisement nerveux suite à son retour du royaume des morts, sa guérilla contre l'empire, ses tentatives pour profiter d'un peu de paix auprès de son compagnon, l'avaient longtemps retenu. Et puis... revoir Myad c'était se rappeler de vieux souvenirs, d'une époque où elle avait été enfermée dans un donjon et où l'impératrice et elle avaient failli se battre. Elle se souvenait encore de leur négociation, à mots couverts, chacune regrettant la posture de l'autre sans trouver la force d'essayer de changer quoique ce soit. Et la semi-drow lui rappelait sa propre sauvagerie, son animalité et faisait voler en éclat le vernis de culture et de civilisation des elfes. Sans compter qu'elle ne trouvait aucune solution pour transmettre discrètement un message à l'impératrice sans que son messager ne lui revienne en pièces détachées. Partagée entre l'inquiétude, la fatigue et la crainte, Ellenwen avait sans cesse oublié d'inviter son homologue. Mais lorsque les rapports de ses espions et de ses éclaireurs lui avaient appris que la célèbre dirigeante de l'empire semblait traverser ses propres terres totalement seule, loin de son armée, de ses gardes et de ses conseillers, revenant d'une destination inconnue mais qui semblait l'avoir épuisée, elle ne put que saisir l'occasion qui lui était offerte. Attablée devant sa table, torturant son esprit pour trouver la meilleure des formulations, le simple petit mot fut long à écrire. Et encore plus long à être protégé de toutes les manières possibles. Ellenwen ne voulait laisser aucune place à la chance, au hasard ou à la malveillance. Nulle autre que la drow ne devait pouvoir ouvrir ce mot. Nul, pas même ses conseillers, ne devaient y voir la douceur qui s'en dégageait. Les deux femmes étaient censées se haïr et l'étrange amitié, mêlée d'inquiétude, d'incompréhension et d'attirance, ne pouvait que choquer. La rencontre devait sembler à une simple réunion politique. Sa plume se posa sur le papier.

Myad,

Il est temps pour moi d'honorer une promesse que je t'ai faite il y a longtemps. J'ai appris que tu avais enfin pu t'évader de ta prison dorée, seule. Rejoins moi à Ellesméra si tu le peux, si tu le souhaites. Tu y seras, comme je te l'ai promis, la bienvenue.

Ellenwen

Elle apposa son sceau, petite tache de cire rouge marquée d'une lune. Puis, un sourire aux lèvres en imaginant la réaction de l'impératrice, l'elfe s'ingénia à tisser et sculpter un fin bateaux d'herbes folles et de fleurs des champs dans lequel elle glissa le message. Puis, l'imprégnant de sa propre magie, de sa propre personne, elle en scella l'accès avant de l'envoyer. Maintenant, elle n'avait plus qu'à prévenir son peuple, qui s'inquiéterait, et attendre. Elle savait que Myad viendrait. Ne disait-on pas que la curiosité peut perdre un chat ?

________________________________

Lorsque Myad pénétra enfin dans la forêt, quelques jours plus tard, l'elfe jubila. Encore une fois, elle avait gagné son pari avec elle-même. Elle devenait forte à ce jeu. Guidant sa progression du mieux qu'elle pouvait, son esprit effleurant à peine celui de la visiteuse, elle organisa, du mieux qu'elle put, l'arrivée de celle que les elfes considéraient, à presque juste titre, comme leur ennemie la plus dangereuse. Une mince affaire. Après avoir convaincu ses conseillers qu'elle ne craignait rien, mais vraiment rien, je vous le jure, elle dut jongler pendant quelques longs jours avec irascibilité de ses congénères, juguler leur soif de vengeance et traiter avec leur volonté de la protéger. Comme si elle craignait quelque chose. Comme si la demi-elfe pouvait avoir l'idée stupide de tenter quoique ce soit au plein coeur du Du Weldenvarden, là où sa magie, cumulée à celle de la forêt, la rendait presque invincible. Et où, en cas de meurtre réussi, un millier d'elfes se seraient sacrifiés pour la venger. C'était prêter bien peu d'esprit à l'impératrice du plus grand empire humain moderne. Sans compter que, si la visiteuse avait eu de mauvaises intentions, même cachées, le gardien ne l'aurait jamais laissé passer. Et elle n'aurait pu lutter contre le gardien. Les jours s'écoulèrent interminable. L'attente était longue, angoissante et l'elfe appréhendait l'instant où elle reverrait le visage de Myad. SOn instinct lui soufflait qu'aucune des deux ne sortiraient intacte de cette entrevue. Même si Laïaga, le soir, lui susurrait qu'elle n'avait rien à craindre. Qu'il serait là, toujours là, au besoin.

Lorsqu'enfin Myad pénétra à Ellesméra, Ellenwen se précipita dehors. Tous ses ordres avaient été exécuté, quelques heures plus tôt, et il ne lui restait rien d'autre à faire qu'accueillir la voyageuse. En grandes pompes, pour donner le change. Pour l'occasion, elle s'était choisie l'apparence la plus digne qu'elle ai pu imaginer sans rougir d'elle-même. Ses oreilles, habituellement plus rondes que celles de ses semblables, étaient longues et effilées, très distinctes parmi la masse de cheveux blonds et bouclés qui lui tombaient jusqu'aux reins. Si sa robe blanche, rattachée au cou par deux rubans bleus, était très simple, un fin diadème d'argent incrusté de saphirs rappelaient dans conteste son rang. Courant, plus que marchant, devançant de quelques pas ses conseillers, la reine parvint enfin devant l'impératrice, déjà entourée d'une demi-douzaine d'elfes. Un seul coup d'oeil alentours la renseigna vite sur la tension qui régnait. Elle lança un long regard noir au plus jeune de ses conseillers, une jeune recrue d'une centaine d'années, le plus fougueux de tous. Elle ne savait pas si elle pouvait réellement lui imputer le manque de respect dont ses sujets faisaient preuve envers l'impératrice, mais elle savait qu'en lui laissant voir sa colère, il se chargerait de calmer la situation. Puis, se retourna vers son étrange amie, elle s'inclina légèrement, un fin sourire aux lèvres.


- Soyez la bienvenue à Ellesméra, Myad, fille d'Athor et de Minë. Je suis heureuse que vous soyez parvenue jusqu'à nous sans encore.

Une vrille de crainte lui tordit l'estomac lorsqu'elle vit les traits tirés de la voyageuse, dague et fouet en main. Jusqu'à sa monture qui semblait aussi épuisée qu'effrayée. D'un instant à l'autre, tout pourrait tourner au bain de sang. Sans se départir de son sourire, Ellenwen s'avança lentement jusqu'au lézard géant et, doucement, effleura le museau de celui-ci du bout de la main. Ses paroles, sussurées en ancien langage, étaient destinés à calmer l'animal. Mais lorsqu'elle les prononça, l'elfe fixa la demi-drow dans les yeux.


- Sssssssssh, ici tu n'as rien à craindre. Tu es ici chez toi, personne ne te fera de mal.

Puis elle se tourna vers les elfes qui se massaient autour d'elles, par grappes de plus en plus nombreuses. Un simple effleurement de leur esprit lui apprit toute la tension qui les habitait. La peur, la rancune et la tristesse aussi. De nombreux elfes étaient morts dans une guerre qu'ils n'avaient pas voulu et dont on ne les avait pas prévenu.

- Je vous confie la monture. Traitez la avec le plus grand respect. Elle est effrayée et épuisée. Quant à l'impératrice, je crois qu'elle mérite aussi du repos et un solide repas. Je crois que vous pouvez nous laisser seules.

Tout était prêt au coeur de la ville. Elle avait prévu d'amener la jeune femme directement au lieu le plus précieux et le ancien de tout Ellesméra. Elle voulait que l'exilée puisse retrouver instantanément ses racines, comprendre profondément ce que cela signifiait être elfe. Oublier tous les préjugés de politesse, de gentillesse, de civisme parfait des elfes et de découvrir leur nature plus sombre, plus sauvage... plus effrayante aussi. L'arbre Menoa les attendait.
Revenir en haut Aller en bas
Myad


Nombre de messages : 3809
Âge : 32



Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Myad
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Lun 16 Avr 2012 - 22:17


Lorsque la foule d'elfes mécontents s'écarta d'une gracieuse ondulation, une des plus belles créatures que portait l'Alagaësia apparut à l'Impératrice... Qui laissa ses bras retomber le long de son corps, le fouet s'enroulant mollement sur le sol. Il n'y avait plus de combat possible, la paix était arrivée. Un cessez le feu muet... Imposé par la maîtresse absolue des lieux.
Ici la femelle hybride n'avait aucun pouvoir qui puisse lui permettre d'assujettir quiconque à sa volonté – du moins sans user d'artifices magiques – ce qui ne lui effleura même pas l'esprit. Sa visite n'avait guère d'autre but qu'un entretien pacifique. Sinon, la silhouette l'aurait-elle laissée passer ? Assurément non, on ne pouvait mentir en ancien langage. Myad avait répondu à l'Appel, un Appel aussi puissant que celui qui avait poussé les dragons à quitter leurs nids pour partir en guerre, une nostalgie des gènes, de l'âme, du cœur. Cela faisait trop longtemps qu'une petite voix suppliante tirait l'hybride par le coude en gémissant son désir de vagabonder dans la Vieille Forêt. Elle voulait voir les arbres maisons, elle voulait courir dans des prairies fleuries, elle voulait croiser des oreilles pointues qui auraient le sourire mystérieux que son père avait tant aimé chez sa mère...
Elle voulait vivre ce que les souvenirs de Minë avaient distillé en son inconscient.

De plus, sa part elfique qu'elle avait toujours eu une fâcheuse tendance à résorber, voire à détruire, cherchait sa reconnaissance. Ayahantê se sentait incomplète, imparfaite.
Boire du sang, chasser ventre à terre, se couler dans les ombres... A jouer le drow elle s'était rendue compte qu'elle ne le serait jamais tout à fait. Son corps avait envie de soleil, de caresser les feuilles comme les doigts d'aimés amis, son cœur avait envie de sincérité, de confiance. Son passage dans l'Alliance l'avait permise de boire à cette source en côtoyant des elfes, cependant la soif qui avait suivi n'en avait été que plus agressive. La fille d'Athor n'était pas qu'une ombre grimaçante, elle était également une étoile dansante. La lune nimbait sa peau grise d'un éclat irréel, d'un gris luminescent qui détonait en comparaison des épidermes blancs et or autour d'elle.

Ellenwen n'avait pas changé, elle ; en soi ce n'était guère surprenant. L'elfe était trop ancienne pour que son apparence soit aussi volatile que celles des jeunots qui en changent souvent. Elle était éternelle, immuable. Alors que ses iris de serpent suivaient l'avancée de la Reine vers elle, une puissante sensation de chaleur, de confort envahit les muscles fatigués de la voyageuse. C'était au-delà du soulagement, de la caresse psychologique. La dernière fois qu'elles s'étaient vues... C'était dans des conditions différentes.
Aujourd'hui elle était convalescente ; après une bataille de longue haleine, de nombreuses blessures et des tourments psychologiques lourds, elle n'était plus la même.
La prestance d'Ellenwen était tellement différente de l'image qu'on lui renvoyait d'elle-même... Ses mains flottant gracieusement dans l'air frais paraissait prêtes à enserrer le monde pour le réconforter ou le rappeler à son devoir. Son sourire était d'une malice sans âge, et d'une sagesse sans nom. Elle inspirait confiance... Tout simplement. Myad sentit ses yeux la brûler. Elle serra les dents en perfectionnant les barrières de son esprit. Ce n'était pas le moment que les elfes perçoivent son trouble.

- Soyez la bienvenue à Ellesméra, Myad, fille d'Athor et de Minë. Je suis heureuse que vous soyez parvenue jusqu'à nous sans encombre.

Myad inclina la tête et le haut du torse, respect qu'elle réservait à très peu de personnes connues. La plupart des êtres vivants n'avaient pas droit à son attention...

- Je vous remercie de m'avoir invitée en votre magnifique cité, Ellenwen-elda, Reine des elfes, répondit-elle en effleurant ses lèvres de deux doigts, levant la main qui tenait la dague.

Un frémissement parcourut l'assemblée. La dague n'avait pas encore pu être restaurée ; elle était encore tâchée de sang jusqu'à la garde, ébréchée même. Le vent s'engouffra dans ses cheveux alors qu'Ellenwen s'approchait de Quenthel.
Myad sentit les regards glisser jusqu'à son cou.
Elle savait ce qu'ils y verraient : trois cercles concentriques de petits trous inégaux, perçant sa peau en de vilains trous noirâtres. Il y avait d'autres marques fraîches de son passage sous terre, néanmoins sa préoccupation actuelle n'était pas tant les preuves de sa faiblesse physique que la réaction de la lézarde face à l'elfe.
Quenthel ondula du cou, sa tête triangulaire se balançant quelques fois dans une curiosité et une hésitation évidentes. Quand finalement les doigts graciles effleurèrent son gros becs, la créature se détendit jusqu'à fermer à moitié ses lourdes paupières d'écaille. Myad se détendit un peu. Elle sentait douloureusement à quel point elle était tendue. D'autant que la tension la mordit tout aussi fort lorsque le regard pénétrant de l'elfe revint à elle.
Sssssssssh, ici tu n'as rien à craindre. Tu es ici chez toi, personne ne te fera de mal.

Le message était clair, toutefois Myad n'arrivait pas encore à y croire. Elle avait frôlé la mort bien trop souvent ces dernières semaines pour pouvoir se détendre de quelques mots. Ce n'était pas faute d'être tentée... Elle savait qu'elle était en sécurité... Une partie d'elle ne l'avait pas encore intégré.

- Je vous confie la monture. Traitez la avec le plus grand respect. Elle est effrayée et épuisée. Quant à l'impératrice, je crois qu'elle mérite aussi du repos et un solide repas. Je crois que vous pouvez nous laisser seules.

Myad parcourut l'assemblée du regard et constata avec quel engouement ils s'approchaient de Quenthel, créature dont ils ne connaissaient même pas le régime alimentaire. Dans un souci de santé pour sa monture, la demi-drow prit la parole, d'une voix calme et douce, mais lasse surtout.

- Elle s'appelle Quenthel et mange des végétaux tendres. Jeunes pousses, fruits. J'ignore où vous poserez sa selle, mais je vous serai gré de la laisser intacte.

Bien entendu on serait tenté de jeter un coup d'oeil dedans – et rien, en soit, n'était véritablement une révolution dans les sacoches de sa selle – pourtant si on pouvait éviter d'informer Ellesméra qu'elle revenait fraîchement de l'Outreterre...
Quoi que cette information transpirerait bientôt... Ses plaies récentes, son odeur... Elle puait les souterrains, le drow, le sang... Elle ne le savait que trop.
En signe de paix, l'hybride attacha ses armes à la selle de Quenthel. Trois elfes finirent par s'en approcher pour s'emparer délicatement de ses rênes, des chaînes de métal. On lui lança un drôle de regard, comme un reproche pour cet outil, mais l'Impératrice l'ignora. On n'allait pas lui apprendre à dresser un lézard de monte. De surcroît, si elle devait réagir à chaque regard qui tue ce soir, elle avancerait en sautillant.

- Je vous suis, dame Ellenwen, murmura-t-elle en lui faisant un signe gracieux pour lui proposer de mener la marche.

Dès qu'elle se fut avancée, Myad fit glisser ses gants noirs le long de ses bras pour les glisser sous sa ceinture, ouvrit plus largement le col de sa combinaison. Puis l'hybride détacha le montant d'argent en forme de serpent qui la fermait à l'épaule, l'ôta de ses épaules et la prit d'une main, qu'elle posa contre son épaule, la cape flottant derrière elle.

- Qu'il est bon de te sentir enfin, Ellesméra, souffla-t-elle en fermant un instant les paupières.

Ses bras étaient striés de rouge. De très minces lignes rouges enlaçant le bout de ses doigts jusqu'à la moitié de ses avants-bras en des entrelacs profonds. Sa main gauche avait même été transpercée de par en part par une flèche ou un carreau d’arbalète. Sa combinaison était déchirée par endroits, poussiéreuse, abîmée.
Mais Myad n'avait pas l'air de souffrir, au contraire.
Elle semblait étonnamment paisible.

- Un jour, Athor, j'emmènerai notre enfant dans ma cité.
- Ils vous égorgeront comme des porcs.
- Non, je suis sûre qu'ils me pardonneront... Et j'entendrai son rire rebondir entre les arbres... Ils s'extasieront devant sa beauté, et son sourire... Il sourira !
- Il pleurera, plutôt. Tu es trop naïve petite elfe.


Ces souvenirs qui n'étaient pas les siens lui parurent résonner en écho, un écho d'un passé mort et révolu...
Larmes de sang. Alors qu'elle rouvrait les yeux pour retrouver le regard étrangement jeune d'une vieille dame, Myad avait les yeux rouges, rouges comme la haine, mais comme l'amour aussi. Deux larmes roulèrent sur ses joues, se perdirent dans sa gorge. La source se tarit aussitôt.
Elle souriait aussi, rêveuse. Paisible.

- Merci. Rien que pour cela, Ellenwen, merci.
Revenir en haut Aller en bas
Ellenwen

Dirigeante de l'Equilibrium

Nombre de messages : 22351
Âge : 34

http://bartimeus.actifforum.com

Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Ellenwen
Dirigeante de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Mer 18 Avr 2012 - 13:27


Les yeux fixés sur la voyageuse, la reine ne voyait d'elle que son visage, flou, et ses yeux, ses grands yeux cernés par la fatigue, les privations et la peur. Elle cherchait à deviner ce que pensait la jeune femme, ce qu'elle pouvait bien ressentir à être là, entourée des siens qui voulaient sa mort. Dans une ville qui appartenait à la fois à son histoire, à son passé et à son être et qu'elle n'avait jamais eu le droit de connaitre avant ce jour. Elle avait du mal à imaginer être ainsi séparée de tout une partie d'elle-même, être privée de ses racines. D'ailleurs, Myad ne semblait pas apprécier beaucoup la situation non plus. Ses mains étaient crispées sur ses armes, ses yeux légèrement écarquillés, entre émerveillement, inquiétude et révolte et si son visage restait impassible, le plis amer de sa bouche, ses oreilles légèrement abaissées, ne criaient que trop combien elle se sentait mal à l'aise et étrangère parmi son peuple. Ellenwen en avait mal au coeur. Elle ne se rappelait que trop bien le jour où elle-même avait dû revenir parmi les siens après un exil de plusieurs centaines d'années. Lorsque Pierrot, après des négociations longues et douloureuses, avait enfin réussi à la convaincre de dévoiler son histoire pour la première fois, de faire face à ses souvenirs et de dévoiler son innocence, il lui avait fallu affronter ses mêmes regards méprisants, sournois, haineux parfois. Elle avait dû venir seule pour tenter de retrouver ce qui lui appartenait de droit. Et soudain elle réalisa que, comme elle avait craint et admiré à la fois Izlansadi, son amie de toujours, Myad restait figée par un mélange de crainte et de respect devant elle. Lorsqu'elle lui sourit, elle vit les dents de son amie se contracter, comme si elle retenait une irrépressible envie de pleurer, de crier, de se soulager du poids de ses propres souvenirs, de faire voler en éclats les derniers monstres de son enfance. Le coeur serré, soulevé par une vague de compassion, Ellenwen vit avec surprise la drow lever deux doigts... et les porter à ses lèvres. Une salutation immuable et immortelle pour honorer la reine des elfes et reconnaître son pouvoir, sa force. Peu d'étrangers l'utilisaient, bien peu encore la connaissait à présent que les elfes s'étaient enfermés dans leur forêt, se coupant peu à peu du monde des hommes. La reine n'aurait jamais pensé le revoir exécuté par une demi-elfe, demi-drow, probablement l'une des seules ou la seule de son espèce, qui s'était toujours cru indigne de l'une ou l'autre des races. Comme en échos à sa surprise, elle entendit un murmure s'élever autour d'elle, né d'un respect nouveau de ses semblables pour la nouvelle venue. Soudainement, par ce seul geste plus puissant et profond qu'une salutation en ancien langage, les elfes écartèrent un peu, un tout petit peu, leur méfiance et leur mépris. Ils mirent de côté un instant, un tout petit instant, toutes les réticences à l'idée de laisser leur reine seule avec une rénégate. Ellenwen esquissa un léger sourire de triomphe et, d'un mouvement fluide, s'inclina devant l'impératrice.

- Vous n'avez pas à me remercier. Je n'ai fait qu'honorer une ancienne promesse.

Continuant de rassurer l'énorme lézarde, l'elfe sourit à nouveau à l'hybride plus tendue que jamais. Et, pour la première fois depuis son arrivée, elle sentit un parfum nouveau, âcre et désagréable qui lui brûlait les narines. C'était un mélange de sang et de poussière, d'humidité et d'obscurité. Un parfum qu'elle n'avait jamais connu sur terre mais qui lui rappelait étrangement les plus sombres cavernes naines, là où le soleil ne pénètre jamais et où la négligence rend à la terre ce qui lui appartenait. C'était aussi l'odeur des combats, des corps transpercés et de la mort, de l'acier qui s'enfonce dans les chairs. Un instant surprise, la reine ne mit pas longtemps à comprendre son origine. Ainsi, avant de venir renouer avec son peuple à la peau claire, la jeune femme était redescendue dans les entrailles de la terre, chez leur cousin à la peau sombre. Délaissant le visage d'un gris luminescent de la voyageuse, les yeux inquisiteurs de l'elfe scrutèrent le reste de son corps et vit à présent ce qu'elle avait oublié de voir. Des traces de brûlures circulaires sur son cou. Vêtements brûlés et déchirés à de multiples endroits comme si plusieurs épées avaient tentés de réduire en morceaux leur porteuse. Jusqu'à sa dague qui était encore couverte de sang. Quoiqu'ai fait la jeune femme en Outreterre, il semblait que cela n'aie pas été de tout repos. L'accueil n'avait pas été très chaleureux, probablement encore moins que celui qu'elle venait de recevoir à Ellesméra. Tout à coup une grande partie de la tension et de la peur que la reine voyait dans les yeux et le comportement de la voyageuse trouvait une explication. Une désagréable explication. Il allait lui falloir du repos. Beaucoup de repos. Pressée de la soustraire aux yeux inquisiteurs de ses congénères, elle les laissa s'occuper du lézard de monte. Il serait entre de bonnes mains, les elfes étaient adoraient les animaux. Surtout ceux qu'ils ne connaissaient pas encore. Se faufilant à travers la foule, les deux jeunes femmes s'éloignèrent rapidement du centre de l'attention. Les ordres de la reine furent suivis à la lettre et nul ne les suivit.

- Enfin seules...

Ellenwen poussa un long soupir de soulagement, autant pour elle que pour Myad. Elle sentait l'esprit de la jeune femme, auparavant totalement replié sur lui-même, s'entrouvrir très légèrement, comme pour humer l'ambiance de la ville, trouver ses repères ou, peut-être retrouver ceux qu'on lui avait transmis. Après tout, sa mère avait dû longuement lui parler des arbres maisons, de la douceur de vivre protégé au milieu des plantes et des fleurs. Peut-être avait-elle aussi espérer pouvoir y revenir un jour et avait transmis ses espoirs à sa fille. Elle ne pouvait que trop bien imaginer les tourments de l'exilée. Vivre à Ellesméra et en partir avait toujours un effet dévastateur. Le Du Weldenvarden était le lieu de vie idéal et parfait pour les elfes. Le quitter était aussi épuisant qu'effrayant et nul ne pouvait en ressortir indemne. Ellenwen elle-même avait mis une centaine d'années avant de cesser de souffrir dans les grandes étendues désertiques des hommes, leur manque de beauté, leur manque total d'instinct pour la magie et les forces du monde. Et à voir le regard de Myad, son pas souple, la décontraction de ses épaules, elle devait ressentir ce que ressent un homme assoiffé dans le désert qui trouve pour la première fois une oasis. La laissant profiter, Ellenwen la laissa à ses trouvailles intimes, à cet exploration et à cette découverte jusqu'à ce que la demi-elfe brise le silence en la remerciant. Elle sourit et secoua la tête.

- Tu n'as pas à me remercier, je te l'ai dit. Tu es ici chez toi. Tant que tes intentions sont pacifiques, tu pourras venir ici à ta guise et nul ne pourrait t'en empêcher. Tu es une elfe. A ta manière peut-être mais tu es une elfe. Peut-être même plus que nous tous, puisque tu es le produit pur des deux espèces.

Le tutoiement lui était revenu avec plaisir, mêlé d'inquiétude. Tout leur monde était tellement précaire. Un mot plus haut qu'un autre, un geste un peu trop vif, une note de déplaisir et elle savait que la sauvagerie de l'une entraînerait la sauvagerie de l'autre. Il lui semblait être un funambule, dansant sur un fil bien trop haut, duquel la chute serait mortelle. Elle ne savait pas ce qu'elle pouvait où ne pas dire à son homologue ennemie et néanmoins amie. LOutreterre était peut-être un sujet tabou. Tout comme ses blessures... Ou peut-être que non. Posant doucement une main sur le bras gris dénudé, elle parla doucement.

- Tu devrais soigner et refermer ces blessures, Myad. Elles doivent être douloureuses, comme les souvenirs qui les accompagne. Je peux m'en charger, si tu le souhaites.

Si elle n'était pas guérisseuse, sa participation à de multiples guerres lui avait appris à soigner vite et bien les blessures les plus faciles, et à soulager les plus profondes. Peut-être pourrait-elle faire au moins cela pour son amie... A moins que la vue de l'arbre Menoa ne la calme tout à fait... De toute façon, la vérité n'allait pas tarder à se faire connaitre. Avec un sourire malicieux, l'elfe écarte une lourde branche de pin, dévoilant l'arbre Menoa, le plus vieil arbre, gardien des elfes et de la forêt. De son tronc immense, large comme une centaine d'hommes se tenant par la main, des racines jaillissaient, crevaient le sol avant de replonger dans la terre meuble. Ses branches quand à elles s'élevaient si haut que, depuis leur position, les deux femmes ne pouvaient en voir le sommet. Calé entre deux racines, au pied de l'arbre, une table improvisée avait été dressée, contenant tout ce qu'il fallait pour restaurer une demi-douzaine d'elfes. Ici, au coeur même de la forêt, au centre de la vie des elfes, les deux femmes allaient pouvoir parler.

- Tu devrais ouvrir ton esprit, Myad-elda. Tu pourrais comprendre beaucoup de choses.


Dsl la fin est un peu écourtée mais j'ai pas bcp de temps ^^ Je reprendrais plus en détail dans le prochain post
Revenir en haut Aller en bas
Myad


Nombre de messages : 3809
Âge : 32



Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Myad
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Jeu 19 Avr 2012 - 19:38


- Tu n'as pas à me remercier, je te l'ai dit. Tu es ici chez toi. Tant que tes intentions sont pacifiques, tu pourras venir ici à ta guise et nul ne pourrait t'en empêcher. Tu es une elfe. A ta manière peut-être mais tu es une elfe. Peut-être même plus que nous tous, puisque tu es le produit pur des deux espèces.

Les mots d'Ellenwen produisaient des picotements électriques sur son épiderme comme autant de piqûres étranges qu'il lui fallait subir sans se crisper. L'hybride ne voulait pas que la Reine la croie paranoïaque. Si les elfes les avaient laissées seules, c'était qu'ils respecteraient ses conditions, aussi n'avait-elle rien à craindre de ses pairs. Non, ce n'était pas cela qui lui valait cette démangeaison désagréable.
C'était le malaise, l'incertitude, le trouble que cette situation inédite faisaient naître en elle.
Jusqu'ici, étant donné le nombre réduit de personnes connaissant ses origines raciales, tenir ce genre de discussion ne lui était pas coutumier. Marek tenait pour acquis qu'elle était l'enfant de deux espèces aux ancêtres communs, ce qui ne changea jamais quoi que ce soit dans son comportement. Il ne l'avait pas vraiment interrogée, d'une part parce qu'elle n'en avait pas paru désireuse, d'autre part à cause de son naturel étonnamment flexible. Il absorbait l'improbable pour le faire routinier avec une facilité atterrante. Lorsqu'Oryon avait appris qu'elle avait un parent elfe et un parent drow, il n'avait pas non plus creusé ce thème, néanmoins elle savait précisément pourquoi ; le jeune homme avait conscience que lui conter son histoire avait été dépasser les limites de son plaisir, il avait donc respecté cette réserve et ne lui en avait plus touché mot. Peut-être qu'il changerait d'avis en la revoyant ainsi.
En vérité ce qui gênait Myad c'était de discuter de ses origines avec une elfe pur jus, l'incarnation même de la race elfique puisqu'il s'agissait de sa Reine. Un sujet tabou avec une espèce autrefois hostile, dans un lieu nouveau... L'Impératrice avait du mal à entendre, à intégrer ce concept. Elle commença à réaliser que peut-être, un jour, elle pourrait être traitée par le Beau Peuple comme une bizarrerie malchanceuse, mais ni méprisable, ni responsable de leurs problèmes. Hallucinant. Son regard se troubla et elle plissa légèrement les yeux avant de soupirer.

- J'aimerais que les choses soient aussi simples. Toujours et partout. Que mon hybridation soit une richesse respectée, que les pays soient des partenaires commerciaux sans aucune velléité... Douce utopie.

Le fait qu'Ellenwen la tutoie ne lui posait aucun problème. Myad avait tendance à vouvoyer les gens qu'elle tenait à distance quand ils voulaient se croire à son niveau, voire ses amis – ses conseillers, les nobles en général, et son père pendant de longues années en avaient fait les frais. Finalement le tutoiement prenait le pas une fois l'interlocuteur apprécié, accepté, ce qui n'était pas systématiquement le cas. Il était fort probable que les sang bleu du Saint Empire ne soient guère plus d'une poignée à tâter de ce privilège d'ici leur mort.

- Tu devrais soigner et refermer ces blessures, Myad.

L'elfe, dont le regard s'était perdu dans la contemplation des magnifiques ouvrages chantés – chantés, oui, comme le disaient les manuscrits – revint aussitôt se fixer à celui d'Ellenwen, avec une rapidité un peu brutale, semblable à celle qui étreint les gens tirés d'un profond sommeil. Elle grimaça légèrement, ne sachant que répondre.

- Elles doivent être douloureuses, comme les souvenirs qui les accompagne. Je peux m'en charger, si tu le souhaites.
- Assurément le souvenir de leur apparition ne m'est pas particulièrement chaleureux, confirma-t-elle d'un ton énigmatique.

Après un instant de réflexion, l'Impératrice reprit la parole d'une voix plus douce, plus personnelle.

- Il a fallu en soigner certaines, trop graves, toutefois je ne souhaite pas guérir par la magie. Une sorte de discipline personnelle... J'en garderai les cicatrices pendant quelques semaines et elles disparaîtront. Le temps de me rappeler les erreurs qui m'ont valu de les porter, conclut-elle avec un sourire pour adoucir la rigueur de ses paroles.

La superbe femme aux oreilles pointues lui adressa alors un sourire malicieux ; Myad pencha la tête de côté, ainsi qu'elle le faisait parfois quand elle était très intriguée. Elle suivit du regard le geste de la Reine pour tomber sur...
Un arbre.
Enfin, c'était beaucoup plus qu'un arbre : la femelle ne trouvait même pas de mot assez énorme, assez majestueux pour le nommer. Les pupilles de serpent s'écarquillèrent démesurément tant sa surprise était grande, surprise qu'elle ne chercha nullement à voiler. Présence... Il lui imposait tant de choses par sa seule présence. Complètement estomaquée par semblable vision, elle qui n'avait jamais porté un amour véritable pour les végétaux, l'elfe fut tirée de sa contemplation par un murmure mélodieux qui semblait lui être destiné.

- Tu devrais ouvrir ton esprit, Myad-elda. Tu pourrais comprendre beaucoup de choses.

Cela la sortit une nouvelle fois de son mutisme. Myad se redressa, cligna des yeux, haussa les sourcils, véritablement impressionnée. Elle fit plusieurs fois l'aller-retour entre Ellenwen et l'arbre, ce roi des arbres, ce continent feuillu. Cela put lui permettre de constater qu'une table avait été dressée avec suffisamment de générosité pour satisfaire son propre estomac pour des semaines. La générosité du Beau Peuple n'avait d'égale que sa formidable mémoire, poids ambivalent de leur existence... L'Impératrice se sentit soudain très lasse.
Lasse de parlementer, lasse de se battre contre des moulins à vent, lasse d'essayer de rendre heureux des inconnus ingrats. Elle n'avait qu'à se coucher au pied de ce roi végétal, fermer les yeux et attendre la fin du monde sans déplaisir ni crainte. Il était plus qu'un roi, il était un dieu. Myad ne put résister davantage et alla au-delà de sa répugnance prudente pour étendre vers lui son esprit.
Elle l'effleura – se prit une sorte de gifle spirituelle qui la fit reculer d'un pas.

L'elfe rétracta son esprit, respectueuse, sans pour autant revenir aux barrières de son crâne. Tâtant l'univers merveilleux qui l'entourait, la fille de Minëria découvrait le monde que sa mère avait abandonné à cause d'une foutue prophétie. La jeune femme songea douloureusement qu'elle ne sortirait pas indemne de ce voyage, et que ses racines allaient se concilier en un doux appel contradictoire, la poussant à la fois vers les ténèbres du sous-sol et la lumière des forêts avec un amour égal. Myad sentit une joie pétillante faire palpiter son cœur, une joie simple et pure, le bonheur d'être vivante et entourée de vie.
Elle avait l'impression que le Diamant blanc devenait fou ; la lumière crue qui l'agitait dans un sifflement léger laissait entendre que cet endroit ne le laissait pas indifférent. A moins que ce ne soient les esprits, fondus en lui, des Gardiens du Bien, qui réagissaient à ce lieu ? Myad effleura la pierre et tâcha de lui communiquer l'apaisement. Un bref instant plus tard, le diamant amenuisit sa luminosité pour conserver un vif éclat, mais silencieux.

- Est-ce lui le fameux arbre Menoa ? demanda-t-elle doucement en regardant Ellenwen, mais elle connaissait déjà la réponse.

Athor lui en avait parfois parlé, franchement amusé par l'idée qu'on puisse se prendre autant d'amour pour un végétal. Un concept qu'un elfe noir a beaucoup de mal à comprendre, plus encore à partager. Très souvent, Myad se demanda comment ses parents avaient pu s'aimer, et surtout vivre ensemble. C'était un mystère que peut-être elle ne résoudrait jamais.

- Parle-moi de lui, murmura-t-elle, comme en parlant d'une personne. Si Minë avait été passionnée par lui, l'arbre devait avoir une identité unique. Tu ne m'as pas emmenée ici pour me laisser là-dessus, si ?

Elle sourit, sincèrement, affectueusement.
Les sourires de Myad sont des pierres précieuses. Tantôt sanglants, tantôt tranchants, ils peuvent se faire aussi beaux et lumineux qu'ils étaient précédemment froids et cruels. Elle offrait rarement celui dont elle faisait don à Ellenwen, et elle le savait. Les pleutres aimaient raconter n'importe quoi sur cet apparent dédain du monde, cette froideur du cœur. Ils disaient beaucoup de choses guère subtiles pour expliquer qu'elle se déridait peu, et mimaient tout autant son besoin de côtoyer de vrais hommes pour apprendre à sourire... Comme une femme. C'était comique de la part de vermisseaux qui se terraient dans leur trou à son proche... Comme des larves.

Mais Ellenwen n'était pas cela, non... C'était quelqu'un qui avait d'ores et déjà gagné son respect. Aujourd'hui peut-être se perdrait-elle jusqu'à lui donner son amitié...
Revenir en haut Aller en bas
Ellenwen

Dirigeante de l'Equilibrium

Nombre de messages : 22351
Âge : 34

http://bartimeus.actifforum.com

Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Ellenwen
Dirigeante de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Jeu 10 Mai 2012 - 22:47


A la mention de son hybridation, Ellenwen vit l'impératrice se recroqueviller. Son esprit s'était refermé sur lui-même et ses traits, jusque là d'une banale neutralité étaient devenus tendus, comme si elle essayait par tous les moyens de se forcer à garder sa neutralité. Intriguée, la reine la dévisagea discrètement quelques instants. Elle ne parvenait pas à déterminer si sa compagne était gênée par son hybridation - elle aurait pourtant dû s'y habituer depuis le temps qu'elle vivait sur cette terre - qu'on l'évoque ainsi sans pudeur - pourtant, il ne s'agissait pas vraiment d'un sujet tabou, si ? - ou qu'une elfe de pure race, une de ceux qui l'avaient longtemps rejeté, en parle comme s'il s'agissait d'une chose relativement normale. Peut-être un mélange des trois. La reine ne savait pas trop ce que la demi-elfe demi-drow avait vécu. Trop de choses lui étaient inconnues et ce qu'elle savait n'était pour la plus part du temps que des racontars à peine digne d'intérêt. Et elle-même ne la connaissait au final que très mal. Une estime mutuelle était née de leurs brèves rencontres mais elle n'avait aucune idée de tout ce qui pouvait tracasser la jeune femme. Elle prit note, mentalement, d'essayer de creuser le sujet. Après tout, elle avait promis à Myad de l'accueillir comme une elfe, comme l'un des siens, une soeur à la peau bien sombre. Et si elle ne pouvait pas parler de sa particularité, les échanges risquaient de rapidement tourner court... Elle allait tenter de détourner la conversation lorsque les paroles de la jeune femme la fit éclater de rire, malgré elle. Elle avait tenté de s'en empêcher pour le pas vexer sa compagne mais tant d'ironie dans une phrase... et tant de naïveté...

- Comme ça serait ennuyeux à mourir ! Elle se radoucit et regarda la jeune femme avec tendresse. Je ne sais pas ce que tu as vécu ni comment tu as vécu jusqu'ici... Tu as toujours été considéré comme une honte pour tous les tiens, non ? Mais imagine comme le monde serait triste sans complexité. Un monde où tout le monde serait uniforme, sans surprise. Les pays ne peuvent que se concurrencer, ça créé de l'émulation. Disons que dans ton genre tu es une pépite rare, une création unique. Et une oeuvre d'art ne peut être appréciée des néophytes. Ca leur fout la trouille et voilà. Elle sourit largement. Tu sais, d'une certaine manière, je ne suis pas plus appréciée que toi par moi propre peuple.

Elle toucha ses oreilles, bien plus rondes que celles d'un elfe. Quant à ses cheveux blonds, à sa taille un peu trop petites, ses traits un peu moins fins, ses manières un peu humaines, ils ne répondaient à aucun standard elfique. Ayant vécu presque un millénaire loin de ses siens, loin de la forêt, loin de ses habitudes et de ses lois, elle avait peu à peu dérivé dans le monde des humains, se conformant à leurs propres habitudes, jusqu'à se fondre parmi eux et oublier ses propres origines. Et quand elle était revenue, elle n'était qu'une elfe bannie, pour un crime dont peu se souvenait mais dont on disait qu'il avait été horrible et terrible. Elle n'était qu'une souillon d'avoir ainsi renié toutes ses origines, son peuple et ses croyances. Elle avait du petit à petit faire ses preuves, ce qui au final ne lui avait servi à rien lorsqu'elle était devenue reine, elle qui sortait de nulle part, qui était venu sur le lit de mort de la reine vêtue de crasseux vêtements de voyage, dépeignée. Ce que nul n'avait oublié lorsqu'elle avait été nommé reine. Avec un petit sourire, elle songea que depuis ce temps là, elle n'avait cessé d'accumuler les "crimes" contre son peuple. Elle l'avait ouvert aux autres peuples, avait participé à des guerres, ramené comme compagnon l'ancien empereur léonien... Mais au moins, elle amenait un peu de vie dans un peuple qui avait tendance à se laisser aller à l'indolence. Et, au final, malgré toutes les tensions, malgré ses fréquentes tentations d'aller tester la gravité sur les bords d'une falaise, elle commençait à bien s'amuser. Elle allait commenter sa propre expérience lorsque la découverte de Myad de l'arbre Menoa la fit taire. Elle recula respectueusement d'un pas pour laisser la jeune femme faire la découverte d'un monde qui jusque là lui avait été totalement étranger. Un monde qui l'avait exclu et qu'aujourd'hui elle découvrait avec une force qui ne la laisserait probablement pas indemne. Avec un petit pincement au coeur, la reine se demanda si sa décision était bonne, si elle avait vraiment le droit d'introduire aussi brutalement dans une culture une personne qui n'avait rien demandé et qui semblait mal vivre le fait même d'appartenir par héritage à cette même culture. Elle lui avait un peu forcé la main, sans lui laisser le temps de se préparer au choc, convaincue que celui ne pourrait être que bénéfique. Inquiète elle guetta donc les mimiques du visage de la jeune femme. Elle vit ses yeux s'agrandir, reflet de sa stupeur, de sa surprise et peut-être d'une pointe de crainte, d'admiration pour quelque chose qui la dépassait. Un regard en aller retour, pour quoi ? Pour confirmer que ce qu'elle avait en face d'elle n'était pas un fruit de son imagination, une illusion elfique ? Pour chercher son soutien silencieux ? Ellen ne sut trop quoi penser et se contenta de sourire légèrement. Au moins, d'une certaine manière un peu étrange, l'arbre semblait avoir sur la drow une influence agréable. Ou du moins plutôt positive.

Et, à la très grande surprise, l'impératrice lui obéit, ouvrant son esprit pour accueillir l'arbre. Une expression de respect et de joie se peignait sur son visage. Une expression bien étrange pour qui avait l'habitude de la voir réservée, neutre voire sombre et sévère. Avec une joie quasi enfantine et pour ne pas être en reste, la reine suivit ses propres conseils, accompagnant son homologue dans sa quête de l'esprit plusieurs fois millénaires. Elle ouvrit grand son esprit, sans réserve ni limite, sans crainte que Myad ne vienne piller ses souvenirs. Peut-être au passage cette dernière pourrait-elle y glaner quelques éléments qui lui permettraient de comprendre son deuxième peuple. Peut-être pourrait-elle comprendre à quel point, malgré toutes ses différences, malgré son attachement au monde des humains, malgré son propre rejet des elfes, Ellenwen était profondément elfe. Un dureté quasi minérale, une volonté implacable mais une capacité à s'émerveiller et à rêver qui était totalement absente chez les humains. Une sauvagerie sous le couvert de la civilisation, un grand raffinement sous le couvert de la brutalité. La reine chancela sur ses jambes lorsque son esprit effleura l'esprit de l'arbre, s'y mêla, oubliant un bref instant de respirer, de vivre, comme si elle n'avait plus qu'à aspirer le suc de la terre par ses racines. Un monde de petites consciences venaient à elle, l'agonie d'un insecte, le labeur de fourmis travailleuses. Un monde qui la tirait d'elle-même. Elle sourit et se rattrapa quelques secondes avant de tomber lorsque la question de Myad la sortit de sa transe. Elle se sentait proche de l'ivresse, dans cet état étrange de lucidité quasi parfaite qui précède de peu l'abrutissement complet. Son regard bleu un peu vague croisa celui de l'hybride. Elle vit son sourire, franc, tendre et doux et fondit instantanément. Ce sourire était si rare, si beau et si rare qu'il lui semblait voir une fleur unique, éclose sur des lèvres de velours. Un élan qu'elle dut réprimer lui fit faire quelques pas, pour venir sauter au cou de la jeune femme qui lui faisait face, les yeux brillants. Mais celle-ci n'était pas forcément habituée à la spontanéité de la reine enfant des elfes. Aussi Ellenwen se contenta-t-elle de retourner à l'hybride un sourire brillant, éclatant et infiniment reconnaissant. Puis, posant une main sur son bras, elle l’entraîna vers la table dressée.


- Oui, il s'agit de l'arbre Menoa. La seule forme de divinité que nous reconnaissons, nous autres elfes. Il s'agit tout à la fois de notre histoire, passée, présente et future, de notre coeur et de notre protecteur. Je ne pourrais pas exactement t'expliquer le lien qui nous unit à lui. Elle se tut quelques secondes, désespérée de ne pouvoir mettre des mots sur ses pensées. C'est tellement différent pour chacun de nous mais... oui je crois que le terme de divinité s'en approche. Elle rit doucement. Je ne sais pas précisément pourquoi je t'ai amené ici. Je sais que je devais le faire, c'est tout. Je ne puis tout t'expliquer, il te faudra découvrir beaucoup de choses par toi-même, comprendre la part de toi que tu n'as jamais pu mettre à nu. Comme ta relation à cet arbre. Mais je peux déjà te raconter son histoire.

Tout commence bien avant que notre mémoire ne s'éveille, avant la guerre contre les dragons. Nous n'avions pas alors accédé à cette forme d'immortalité qui effraye tant les humains. A cette époque, nul souvenir d'elfes "blancs" et d'elfes "noirs". Dans ces temps là vivaient une femme, Linnëa. Elle s'était entièrement consacrée aux plantes, à l'art de les chanter, de les choyer. Elle n'avait pas d'enfants, n'avait jamais connu l'amour. Elle n'en avait cure. Quelle peine peut provoquer un état qu'on ne connait pas ? Mais un jour, un jeune homme vint frapper à sa porte, porteur de mots d'amour, de tendresse et de joie. Linnëa l'aima. Passionnément. Elle rattrapait tout le retard qu'elle avait accumulé : pour lui, elle sacrifia son travail et sa passion. Mais l'homme était jeune, trop peut-être, et ne put se satisfaire uniquement de cette amour absolu et il séduisait une jeune femme de son âge. Rendue folle de douleur devant cette trahison et de jalousie, Linnëa les surprit, un soir. Sous l'effet de la fureur, elle poignarda son amant. Le lendemain, consciente de sa faute, de la douleur qu'elle traînerait toute sa vie durant, elle marcha jusqu'au plus vieil arbre du Du Weldenvarden, le gardien de notre mémoire. Pendant trois jours et trois nuits elle chanta, jusqu'à ce que son corps et son esprit se fonde entièrement dans l'arbre immense, renonçant à sa propre espèce. Depuis, elle vieille sur la forêt, et sur ses habitants.

Ellenwen se tut. Dans cet endroit hors du temps, l'histoire, si connue des elfes, lui semblait avoir pris une coloration plus tragique, plus solennelle comme si ces paroles avaient conclu des trames de destin qui erraient, solitaires, depuis des temps immémoriaux. Avec plus de gravité que de coutume, l'elfe releva son regard vers l'arbre gardien et soupira doucement, les yeux fermés, scrutant le moindre son, le moindre craquements. Blottie contre une racine de l'arbre, sa robe tachée d'herbes et de terre, il lui semblait que l'instant présent allait durer une éternité. Que quelque chose allait enfin se mettre en place, un déclic dans une machine grippée. Elle porta un verre à ses lèvres et sirota doucement le jus de fruit sucrée - elle parvenait mal à se remettre d'une soirée un peu trop festive avec Kellran et Laïaga. Puis, doucement, les yeux encore à demi clos, elle reprit la parole, légèrement hésitante.

- Tu sais, pour moi, cette distinction elfes sylvestres-drow est probablement la meilleure invention des hommes pour nous séparer. Et les elfes, si sages, n'ont pas vu l'erreur. Après tout, tu connais les hommes comme moi. Tu sais qu'il y en a des doux et des bons, et des violents et cruels. D'autres qui aiment les villes, d'autres qui ne pourraient sortir de leur campagne. Et pourtant ils ne forment pas deux peuples différents. Ils se côtoient, se fréquentent et souvent s'interchangent. Rien n'est figé et l'un peut aisément devenir l'autre. Pourquoi en serait-il autrement pour les elfes ? Il ne s'agit que d'un choix que chacun de nous effectue dans son âme et conscience, les uns se tournant vers la civilisation pour contrôler leurs pulsions primaires, les autres leur laissant libre court.
Revenir en haut Aller en bas
Myad


Nombre de messages : 3809
Âge : 32



Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Myad
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Ven 18 Mai 2012 - 12:58


- Comme ça serait ennuyeux à mourir !

Nullement vexée, la femelle hybride tourna la tête vers la Reine pour l’interroger d’un regard sur son soudain amusement.

- Je ne sais pas ce que tu as vécu ni comment tu as vécu jusqu'ici... Tu as toujours été considéré comme une honte pour tous les tiens, non ? Mais imagine comme le monde serait triste sans complexité. Un monde où tout le monde serait uniforme, sans surprise. Les pays ne peuvent que se concurrencer, ça créé de l'émulation. Disons que dans ton genre tu es une pépite rare, une création unique. Et une œuvre d'art ne peut être appréciée des néophytes. Ca leur fout la trouille et voilà.
- Et voilà, répéta pensivement Myad, comme une conclusion très simple à un exposé très complexe.

Jamais elle ne serait à même de vivre une vie sans rides, chaos, abysses, falaises abruptes, précipitations glacées, incendies dévastateurs. Les brèves périodes de paix qui lui avaient été accordées s’étaient ensuivies d’un désenchantement empressé de manière à lui éviter généreusement toute lassitude. Si elle n’en parlait pas, cela ne l’empêchait pas de s’interroger sur cette mélancolie qui touche les êtres humains – les créatures intelligentes les plus sensibles émotionnellement – lorsque leur existence leur paraît creuse, grise et triste. Elle songeait qu’en vertu de son caractère éminemment aventureux, elle ne serait pas amenée à connaître cet ennui maladif. Néanmoins, dans un univers où tous se côtoyaient sans heurt, que lui serait-il arrivé ? C’était une question à laquelle elle doutait de trouver jamais une réponse. Ellenwen était beaucoup plus âgée qu’elle, cela ne faisait aucun doute, et l’Impératrice ne remettait pas sa sagesse en cause. Accoutumée à n’être qu’une exception dans la règle générale, l’elfe se dit que son raisonnement devait être juste pour tous ceux qui n’étaient pas dans sa situation. Un monde sans défi ni adversaires, quand on est comme les autres, n’offre pas d’alternative, aucune occasion de se distinguer, de se dépasser.

- Tu sais, d'une certaine manière, je ne suis pas plus appréciée que toi par moi propre peuple.

Intriguée, l’Impératrice haussa un sourcil, examinant d’un œil neuf celle qu’elle connaissait depuis plusieurs années sans la connaître vraiment. Elle nota le geste de la Reine sur ses oreilles légèrement arrondies, effleurant une mèche de ses soyeux cheveux blonds. Pourtant, son odeur était bien celle d’un elfe sylvain pur jus. Myad en déduisit qu’elle avait humanisé son apparence par magie, comme le font d’autres en se couvrant d’écailles ou de fourrure. A sa manière, sa comparse avait choisi de se fondre dans une masse autrement appréciée ; si les animaux étaient aimés et respectés unanimement par ses pairs, il en était un autre cas des hommes.

- Les peuples aiment-ils donc tant se faire gouverner par des personnes qui les révulsent ? ironisa-t-elle.

Au sein du Saint Empire Léonien, peuple d’humains, que faisait-elle sur le trône, elle en tout point différente de ses sujets ? Elfe, elfe noire, Dragonnière, Gardienne Absolue. Personne ne semblait moins bien loti pour comprendre et rendre heureux ses subordonnées. Et pourtant quoi qu’on puisse lui reprocher, il était désormais évident, à près de deux ans après le début de son règne, que son peuple lui était chaque jour plus reconnaissant. Peut-être était-ce cela, la clé. Elle ne pouvait que mieux les cerner puisqu’elle n’était pas des leurs…

Lorsqu’Ellewen lui rendit son sourire, Myad songea aux milliers d’êtres qui se détestaient, s’insultaient, s’entretuaient pour l’une ou pour l’autre, alors qu’elles se regardaient sans haine et sans déplaisir. Déesses au-dessus des devoirs, ou au contraire contraintes à leur véritable mission. L’hybride grava ce souvenir dans sa mémoire. Elle trouvait cette femme forte et fascinante, vive et chantante comme l’eau d’un ruisseau, mystérieuse et majestueuse telle la mer, qui vous couve d’un regard bienveillant sans vous noyer dans sa propre peine.

- Oui, il s'agit de l'arbre Menoa. La seule forme de divinité que nous reconnaissons, nous autres elfes. Il s'agit tout à la fois de notre histoire, passée, présente et future, de notre coeur et de notre protecteur. Je ne pourrais pas exactement t'expliquer le lien qui nous unit à lui.

Ellenwen se tut un moment, visiblement aussi concentrée qu’elle était contrariée. Dans cette charmante mimique, elle avait l’air infiniment plus jeune, presque enfantine.

- C'est tellement différent pour chacun de nous mais... oui je crois que le terme de divinité s'en approche.

Myad avait donc visé juste. Elle se contenta de hocher la tête en silence, attentive.

- Je ne sais pas précisément pourquoi je t'ai amené ici. Je sais que je devais le faire, c'est tout. Je ne puis tout t'expliquer, il te faudra découvrir beaucoup de choses par toi-même, comprendre la part de toi que tu n'as jamais pu mettre à nu. Comme ta relation à cet arbre. Mais je peux déjà te raconter son histoire.

L’Impératrice ferma les yeux et se fondit toute entière dans l’histoire de sa congénère, dont la voix paisible, triste, mélodieuse portait un récit venant du fin fond des âges. Alors qu’elle l’entendait raconter l’histoire de l’arbre, l’hybride voyait défiler des images sur ses paupières, des souvenirs qui n’étaient pas les siens… En directe corrélation avec ce que contait Ellenwen. D’abord déroutée, l’elfe se résigna et contempla en spectatrice muette le spectacle qui s’offrait à elle. Etait-ce elle qui imaginait des perceptions, influencée par une voix hypnotisante, ou bien les Diamants qui lui faisaient partager – comme ils ne cessaient de le faire depuis quelques jours – la mémoire sans âge qu’ils portaient en eux ? Cela n’était pas important. Tout ce qu’elle savait, c’était que ce récit était aussi triste qu’il était vieux, avec quelque chose d’irrémédiablement familier ; l’amour ne cesserait jamais de rompre les promesses les plus sincères, ses souffrances seraient toujours le prix des plaisirs qu’il offrait innocemment… Et le regret, le remords… N’avaient pas d’âge non plus…

Lorsqu’Ellenwen poussa un soupir, elle sortit son invitée de ses pensées, l’attirant avec elle dans la réalité présente.
Celle-ci baissa les yeux vers le festin qui s’offrait à elles ; tendant sa main fraîchement labourée de cicatrices, elle s’empara d’une superbe grappe de raisin noir qu’elle se mit à manger délicatement, fruit par fruit, en le croquant doucement avant de le laisser fondre sur sa langue. Non seulement le raisin était sucré et savoureux, mais après des jours de privations la faim était à la hauteur de la nécessité ; il lui fallait manger doucement sous peine de se rendre malade. Un silence paisible s’installa entre elles ; la nuit les enveloppait en une couverture fraîche. Myad se laissa aller contre une grosse racine avec un soupir de contentement. Enfin, pendant quelque temps, elle allait pouvoir respirer, manger, boire, se reposer… Sans crainte de se faire attaquer.

- Tu sais, pour moi, cette distinction elfes sylvestres-drow est probablement la meilleure invention des hommes pour nous séparer.

Ayahantê rouvrit les paupières sans quitter sa tenue décontractée. Il n’y avait pas d’agression dans le ton de l’ancienne créature, seulement de l’hésitation, comme si elle craignait de toucher à un point sensible. D’autres ne s’étaient pas pris cette peine. Elle n’avait pas besoin de prendre des pincettes mais l’Impératrice ne chercha pas à l’en dissuader ; c’était agréable de se sentir ménagée, parfois…

- Et les elfes, si sages, n'ont pas vu l'erreur. Après tout, tu connais les hommes comme moi. Tu sais qu'il y en a des doux et des bons, et des violents et cruels. D'autres qui aiment les villes, d'autres qui ne pourraient sortir de leur campagne. Et pourtant ils ne forment pas deux peuples différents. Ils se côtoient, se fréquentent et souvent s'interchangent. Rien n'est figé et l'un peut aisément devenir l'autre. Pourquoi en serait-il autrement pour les elfes ? Il ne s'agit que d'un choix que chacun de nous effectue dans son âme et conscience, les uns se tournant vers la civilisation pour contrôler leurs pulsions primaires, les autres leur laissant libre court.

Cette fois ce fut Myad qui sourit, amusée par la naïveté de ces paroles :

- Tu n’es jamais allée en Outreterre, n’est-ce pas ? demanda-t-elle doucement, mais elle connaissait déjà la réponse.

Elle croqua dans un fruit d’un coup de canine précis, sans quitter la Reine de son regard transperçant.

- Sur la base de tes réflexions, je suis d’accord. Nous ne sommes pas différents les uns des autres. Nous sommes tous patients, secrets, hypocrites et puissants. Malgré vos différences, vous pourriez sans doute finir par vous entendre. Les opposés s’attirent et se complètent ; mes parents ne se sont-ils pas passionnément aimés ? Néanmoins je vais attirer ton attention sur un point, Ellenwen, que tu as sous-estimé : depuis combien de milliers d’années votre peuple s’est-il dissocié du leur ? Aucun d’entre nous ne le sait. Chacun a continué son évolution de son côté. On ne colmate pas ces millions de jours en claquant des doigts. Je les ai vus comme je te vois, je les ai aimés et haïs.

L’elfe s’interrompit un instant pour reposer la grappe équeutée et fixer pensivement le ciel d’un bleu profond, transpercé par la lune.

- Là où vous êtes mesurés, ils sont passionnés. Quand vous préférez la diplomatie, ils cherchent la guerre. Si vous prônez la vérité, ils s’enorgueillissent de manipuler le mensonge à la perfection. Vous ne faites l’amour qu’avec l’élu de votre cœur ? Ils couchent tous ceux qui les excitent, sans retenue et sans morale, avec des esclaves ou des démons. Ils prennent tout ce qu’ils veulent et si possible en le volant, cela leur donne plus de gloire. Aucun d’entre eux n’a honte de ce qu’il est. Ils feraient croire à un Ombre qu’il est une truite. Et s’ils ont oublié comment chanter les arbres, s’ils se méfient des dragons parce qu’ils ne les ont pratiquement pas connus, ils possèdent un savoir que vous le Beau Peuple, vous avez perdu.

Son visage était particulièrement sérieux, désormais.

- Tu sais d’où je viens. Ma mission en Outreterre s’est achevée il y a quelques jours. Je tiens à te remercier de vive voix pour avoir accepter de m’aider en m’envoyant Kellran Anàrion. Je ne me serais jamais doutée qu’il viendrait accompagné de Max, mais ils m’ont tous les deux été infiniment précieux. Je ne saurais te remercier assez. Sauf peut-être…

Elle eut un sourire.

- Si jamais tu as besoin d’une traductrice ou quelque spécialiste des traditions drow… Je dois déjà procurer mes enseignements à Charlie, tu pourrais en bénéficier. Quoique je ne pourrais t’apprendre leur idiome. Elle est réservée à ceux qui portent leur sang.

Myad s’arrêta alors, parfaitement consciente que quelque chose clochait.

- T’ai-je offensée ? demanda-t-elle poliment, prudemment.
Revenir en haut Aller en bas
Ellenwen

Dirigeante de l'Equilibrium

Nombre de messages : 22351
Âge : 34

http://bartimeus.actifforum.com

Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Ellenwen
Dirigeante de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Jeu 31 Mai 2012 - 11:25


Ellenwen sentit le regard de Myad sur sa personne quand elle découvrit ses oreilles arrondies. Peut-être l'hybride se rendait-elle compte, pour la première fois, combien Ellenwen ne ressemblait pas à un elfe sylvain pure souche. Beaucoup, même parmi son peuple, la prenait, aux premiers abords, pour une demi-elfe, demi-humaine. Ses cheveux bouclés, indisciplinables, leur blondeur, tranchaient avec les longs cheveux lisses, toujours noirs ou argentés de ses congénères. Et c'était sans compter qu'elle était plus petite que la moyenne, plus fine aussi. Ses traits étaient plus doux, son visage plus ronds, ses lèvres plus pulpeuses. Et, pour ceux qui l'avaient déjà vu combattre, elle usait autant des techniques propres à sa race que celles des humains. Elle attaquait de front, souvent sans se servir de magie autrement que pour augmenter sa propre vitesse, sa propre force. Elle qui aurait probablement pu réduire une petite armée avec quelques paroles adéquates. Et, pour combler le tout, elle n'était même pas végétarienne, même si elle mangeait peu de viande. Elle était une anomalie pour et parmi son peuple. Quelque chose qu'ils ne comprenaient pas, et qu'ils craignaient un peu. Et elle était leur reine, ironie du sort qu'elle savourait chaque jour avec un plaisir non diminué. Elle sourit doucement, subissant l'examen avec indulgence. Sans doute pensait-elle, comme tant d'autres, que la reine avait choisi son apparence, manipulant son propre corps grâce à la magie. Mais lorsqu'elle était sortie de sa réclusion, quelques centaines d'années plus tôt et qu'elle avait commencé à fréquenter les humains, elle était incapable d'effectuer le moindre sort, même le plus simple. Son apparence s'était simplement modifiée à mesure des années, à mesure que l'elfe perdait de vue son peuple pour adopter celui qui l'avait recueilli et soigné. Mais peut-être devait-elle quelques explications à l'impératrice. Celle-ci semblait croire que la reine révulsait son propre peuple, espérant peut-être qu'elles étaient dans le même cas. Pour la première fois, Ellenwen prit pleinement conscience le déchirement que devait éprouver la jeune femme, perdue entre deux peuples, craignait le mépris et la répulsion de chacun. Une double source d'emmerdes. Surtout quand, comme elle semblait l'avoir été, on est bercé d'histoires quant à son exclusion. Comme si elle avait jamais vraiment été une source de honte. Comme si les elfes étaient réellement capables de rejeter l'un d'entre eux. Les hybrides d'humains étaient parfaitement intégrés et avaient le choix de rester ou de repartir. Pourquoi en aurait-il était différemment pour elle ? Ellenwen secoua doucement.

- Oh, je ne suis pas une source de révulsion pour mon peuple. La plupart d'entre eux m'aiment bien et tous sont à peu près conscients que je fais une bonne reine. C'est plus que je les inquiète. Qu'ils ont du mal à me comprendre et à me saisir.

Elle hésita un instant. Ce qu'elle allait dire, peu de gens l'avaient entendu. Peu de gens le savaient et encore moins connaissaient tous les détails. A vrai dire à sa connaissance, la seule à avoir suivi toute l'histoire du début à la fin était morte. Islanzadi. Sa meilleure et pire ennemie. Mais, au moins pour la demi-drow, elle devait le raconter. Peut-être parce qu'au fond, leurs histoires étaient si semblables et qu'Ellenwen ne pouvait pas sentir la souffrance de son homologue sans vouloir y trouver un remède. Peut-être parce que la jeune femme ressemblait si justement à l'Islanzadi qu'elle avait connu, toute jeune. Peut-être parce que, sans savoir pourquoi, il lui semblait qu'elles devaient absolument s'accrocher l'une à l'autre pour ne pas sombrer. Et parce que rien ne pouvait remplacer ses 1500 ans d'expérience, d'exclusion et de violence. Elle-même n'avait pas totalement renié son propre peuple, se retrouvant alors à deux doigts d'en mourir ? Elle inspira profondément.

- J'ai plus de 1500 ans. Je ne sais combien exactement, et au fond, je m'en moque complètement. C'est déjà trop long pour un être, quel qu’il soit. Mais, sur tout ce temps, je n'ai passé qu'environ 500 ans parmi mon peuple. Pour eux, je suis une étrangère, en quelque sorte. Et chacun sait que mon passé est plus que trouble, même s'ils ne connaissent presque rien de mon histoire. Heureusement. J'ai été bannie une première fois alors que j'étais encore très jeune. J'avais, un jour funeste, croisé la route d'une grande voyante elfe. Aucune de ses prédictions n'avaient encore jamais été mise en défaut. Je la percutais et provoquais en elle une vision. Une sorte de prophétie. J'allais tué mes parents et trahir mon peuple. On délibéra longtemps mais on la crut. Je fus enfermée, avec mes parents qui avaient décidé de me suivre, dans une demeure à la lisière de la forêt. Pendant la guerre contre Galbatorix, nous servîmes de gardes-frontières. Et puis, lors d'un raid, mes parents furent tués par un ombre... avec ma propre arme que j'avais eu l'imprudence d'oublier. J'ai fui, avant d'être capturée par une troupe d'urgals...

Elle frissonna à ce souvenir, qu'avait ravivé l'ombre dans le royaume des morts. Une longue nuit de souffrance qu'elle ne pouvait pas raconter. Malgré les années, les milliers d'années écoulées, chaque plaie étaient encore inscrites dans sa chaire. Son ventre ne pourrait jamais porter d'enfants.

- Je ne sais pas comment j'ai survécu à cette nuit. Tout ce que je sais, je l'ai appris de la troupe d'elfes qui ont détruit les urgals et m'ont recueilli, à peine vivante, presque écorchée vive. Ils avaient retrouvé les corps de mes parents et suivi ma trace. Personne ne savait ce qui c'était passé. Bref. Après une centaine d'années dans le coma. A mon réveil, j'étais incapable de me souvenir de ce qui c'était passé. Dans le doute, on ne me tua pas, mais je fus exilée à vie. J'ai passé des années misérables, au fond de la forêt, à vivre comme une bête. C'est ma rencontre avec Finwë qui m'empêcha de me laisser mourir.

Elle sourit au souvenir de cette rencontre, si étrange, si drôle. Elle effleura le lien qu'elle avait avec son loup, d'une caresse. Elle le sentait chasser, non loin d'elle. Elle sentit sa tendresse pour elle quand il lui renvoya une petite tendresse réconfortante.

- Je n'ai rejoint les humains que bien plus tard et j'ai vécu parmi eux de très nombreuses années. C'est ainsi que j'ai perdu petit à petit mon apparence d'elfe pour prendre celle que j'ai là. Je ne l'ai pas choisi. Ca c'est, disons, imposé à moi. Mon corps reflète ce que je suis réellement et même si j'essayais de prendre une autre apparence, je pense que celle-là reviendrait, comme quand on dragonnier humain prend progressivement des traits presque elfiques. J'ai commandé les Vardens, je me suis battue, j'ai aimé des humains. Je me suis bien amusée, à vrai dire. Je ne suis revenue parmi les miens que lorsqu'on

*Un Pierrot déchainé par cette injustice* songea-t-elle avec tendresse. Son ami lui manquait profondément.

- m'a forcé à parler de mes souvenirs et à me disculper. Et encore, suis-je retourné dans le monde des hommes aussi vite que j'ai pu, pour recommencer à emmerder le monde. Jusqu'à ce qu'Islanzadi ne meure et ne me force, bien malgré moi à accepter ce trône, moi l'étrangère venue d'on ne sait où, qui a choisi comme compagnon l'un des fondateurs de l'Empire léonien. Je ne sais toujours pas trop aujourd'hui si elle a très bien réalisé ce qu'elle faisait, dit-elle en éclatant de rire. J'ai fait perdre leur ancien langage à tous mes conseillers, ils n'arrivent pas à comprendre mon esprit et ma façon de faire. Ils me craignent et chacun aurait voulu être à ma place. Mais au fond, je les fais renaître et ils le savent. Un compromis, en quelque sorte.

Elle sourit à l'hybride, à ses souvenirs, et à son peuple qui devait la subir jour après jour avec une patience qu'elle admirait elle-même. Suivant l'exemple de sa compagne, elle tendit la main, frémissant intérieurement à la vue des cicatrices qui déchiraient sa peau grisée, et attrapa un fruit qu'elle croqua à petites bouchées. Le silence les entoura, paisiblement, comme pour les bercer. Ellenwen se blottit entre deux racines, rabattant les plis de sa longue robe autour de ses pieds nus. La discussion, jusque là ininterrompu pris un instant de repos, chacune méditant les paroles de l'autre. Cela faisait longtemps que la reine n'avait pas eu une discussion aussi sérieuse avec qui que ce soit. Il lui semblait que là, à cet instant, c'était l'avenir qu'elle changeait, créant pour la première fois une complicité étrange, entre deux reines ennemies, deux peuples que pour l'instant tout séparait. Probablement une situation sans précédent. Lorsqu'elle reprit la parole, pour parler des différences elfes-drows, elle observa le sourire amusé de sa compagne. Comme si ses paroles étaient trop naïves... Oh, elles l'étaient, naïves, la reine le savait. Mais elle savait aussi que c'était à cause de ses sourires amusés que les deux peuples s'étaient enfermés dans leurs différences. Elle éclata de rire, secouant la tête. Décidément, Myad la connaissait mal, comme elle la connaissait mal. Elle se délectait de l'échange, de ces points de vue qui se complétaient, se déformaient. Il lui semblait que toutes les deux se comprenaient, au delà des mots et que leurs pensées étaient étrangement similaires, même si chacune avait du mal à comprendre l'autre. Comme si elles regardaient le même point à travers deux plaques de verre déformantes.

- Oui, je pense que je connais le poids des années qui passent. Mais, justement, j'ai envie de les colmater en claquant des doigts. Ou d'essayer du moins. Je ne suis pas plus sage que n'importe qui. Je suis juste beaucoup plus têtue et fantasque. Je veux le faire parce qu'il me semble que c'est...

Elle fronça les sourcils, perturbée. Elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui la gênait tant. Sur ce qui la motivait réellement, sur ce qui la poussait à vouloir à tout prix, réellement à tout prix, ce rapprochement que tous considérait contre nature. Mais elle sentait qu'il en allait de la survie de leur deux peuples contre les humains qui, un jour où l'autre, chercheraient à les détruire. Parce qu'elle sentait qu'elle avait tant de choses à apprendre, à réapprendre d'eux. Parce qu'elle était si frustrée de vivre à côté d'un peuple dont elle ignorait tout, d'être apparenté à eux, comme le serait deux frères, et d'être séparé. D'une petite pensée, elle essaya d'envoyer toutes ces sensations à Myad. Cette sensation d'urgence et de besoin absolu. Cette envie d'approfondir ces deux peuples en les côtoyant, de les tirer de l'oubli, de leur redonner une seconde vie. De les compléter l'un l'autre, peut-être. Elle soupira.

- Tu me dis que nous préférons la diplomatie à la guerre ? Cela n'est pas vrai. Nous sommes des guerriers, dans l'âme. Nous sommes entraînés pour cela dès notre plus jeune âge. Mais nous avons du l'oublier pour survivre. Pour ne pas tuer notre peuple dans des guerres sans fin. Nous prônons la vérité ? Nous nous vantons surtout de savoir mentir en ancien langage, et cela sans que personne ne s'en rende compte. C'est de cela dont nous nous enorgueillons. Nous ne faisons l'amour qu'avec l'élu de notre coeur ? Viens à l'une de nos fêtes. Et personnellement, j'ai peur des dragons. J'ai du mal à leur faire confiance alors que mon peuple les encense. Tu dis que les drows ont des savoirs que nous n'avons pas. Je le sais bien. Il n'y a pas de peuple supérieur ou inférieur. Les humains ont des connaissances que les elfes n'auront jamais non plus. Mais c'est justement pour ça qu'il me semble vital que les deux peuples se rencontrent et se redécouvrent. J'ai le sentiment que nous ne pouvons continuer à survivre que comme cela. Et puis, tu sais, les elfes et les drows se sont plus côtoyés que l'on ne le pense. Islanzadi est morte avant de me transmettre quoique ce soit mais j'ai retrouvé quelques échanges de lettres avec la reine des drows dans ses papiers. Apparemment c'était un secret très bien gardé mais les deux dirigeants de nos peuples savaient l'existence l'un de l'autre et entretenait à l'occasion des relations diplomatiques.

Elle s'arrêta, fatiguée par sa tirade. Elle avait perdu l'habitude de devoir s'expliquer. Elle laissa la drow continuer son explication... et se figea à mesure que ses paroles la choquait. Elle se raidit légèrement. Elle s'était doutée de l'endroit d'où revenait l'impératrice. Son odeur la renseignait assez. Mais elle ne s'était doutée à aucun moment qu'elle lui avait envoyé Kellran pour la seconder. Elle sentit une vague de colère enflammé son esprit à la pensée que son ami avait pu partir en secret et ne pas la tenir informée de ce qui semblait être une mission de la plus haute importance. Que se serait-il passé s'il était mort là-bas ? Et qu'était-elle donc réellement si, en tant que reine, elle n'était pas tenue au courant de tous les évènements du monde politique ? Faisait-elle donc figure de potiche aux yeux de son ami ? S'estimait donc au dela de toutes les règles, de toutes les normes pour ainsi la trahir ? Elle aurait du y aller. C'était son rôle de reine. Elle se trouvait dans une posture délicate. En tant qu'amie, elle ne pouvait lui en tenir rigueur d'avoir gardé son indépendance. Mais en tant que reine, elle ne voyait que les conséquences désastreuses que ce silence pourrait entraîner. Sa mâchoire se serra. Elle ne savait comment réagir. Devait-elle punir, pardonner ? Elle se passa la main sur les yeux, soudain très lasse. Elle ne redressa la tête que lorsqu'elle entendit l'intonation inquiète dans la voix de Myad. Cella-ci la dévisagea avec circonspection, comme un animal qui peut vous sauter à la gorge d'un instant à l'autre. Ce nouveau climat, fait de méfiance, peina l'elfe millénaire qui sourit, avec un peu de tristesse.

- Non, ne t'inquiète pas. Pardonne ma réaction mais... je ne sais rien de ta mission en Outreterre. Et je ne t'ai jamais envoyé Kellran.

Elle fixa l'impératrice, la suppliant silencieusement de ne rien dire sur ce problème d'insubordination. Elle n'aimait pas l'idée qu'un autre dirigeant, fût-ce quelqu'un en qui elle avait relativement confiance, soit au courant de ses problèmes internes. Elle sourit, un peu jaune.

- Une preuve que les elfes n'ont pas besoin de leçon des drows quand il s'agit de mensonge. Elle haussa les épaules. Quoiqu'il en soit je te remercie de ces offres très généreuses. Je serais ravie que tu m'enseignes tout ce que tu sais. C'est vraiment très généreux de ta part. Merci du fond du coeur. J'aurais bien aimé apprendre leur langue, je trouve cela beaucoup plus agréable pour les discussions mais je suppose que je ne dois pas trop en demander. Enfin... Je serais ton obligée si tu voulais bien m'expliquer la nature de ta mission en Outreterre et accepter mes excuses de ne pas être venue moi-même.

*Je vais tuer Kellran !*

Ne restait plus qu'une seule question, probablement la plus importante. Pourquoi Kellran avait-il choisi d'accompagner la reine "ennemie" dans ce voyage dangereux sans mettre au courant sa reine ? Pour quelles raisons avait-il choisi de partir ainsi ? En regardant Myad à travers le filtre de ses cils baissés, Ellenwen se dit qu'elle n'avait pas envie d'en connaitre la réponse. Ce n'était surtout pas le moment d'y réfléchir. Certaines choses se devaient de rester secrètes.
Revenir en haut Aller en bas
Myad


Nombre de messages : 3809
Âge : 32



Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Myad
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Ven 8 Juin 2012 - 10:57


L’Impératrice écouta la Reine des elfes lui conter son histoire.

Sans qu’elle ne lui eut rien demandé – et ses proches savaient à quel point Myad respectait les secrets des autres – la très vieille dame s’ouvrit à elle avec autant de naturel qu’une fleur sous les doigts dorés de l’été. Ce ne serait pas l’hybride qui en aurait fait de même, quel que soit le sourire de sa comparse. Au retour de l’Outreterre, la Dame sanglante était encore moins encline à s’épandre sur ses origines, d’autant que celles-ci lui semblaient d’un gris de mort, des lames d’argent dont l’éclat aurait été soufflé. Elle ne ressentait plus qu’amertume à parler de ces gens qui étaient tous à morts à cause d’elle – sans exception. Même son père qu’elle eut pu considérer comme une exception avait désormais subi cette vile malédiction. Il lui restait, en vérité, quelqu’un de son sang à aimer, mais comment pouvait-elle le faire sans travers quand c’était cette même personne qui avait pactisé avec la mort à sa place ? Elle lui avait volé l’illusion la plus tendre dont elle eut jamais pu se bercer. Celle qui lui assurait qu’Athor ne tomberait jamais. La parfaite figure paternelle, fière, souriante, indestructible, inébranlable. En le tuant elle l’aurait achevé sans le déparaître de sa grandeur. Au lieu de cela elle l’avait vu inconscient dans les bras de sa demi-sœur révélée, les yeux clos, les traits tirés par une faiblesse suprême et une tristesse ancienne…

Il y avait aussi de la tristesse dans les souvenirs d’Ellenwen… Plus le temps passait plus les deux femmes se découvraient des motifs communs de compassion. De la culpabilité ; elle se sentait responsable de la mort de sa famille. De la haine ; on lui avait arraché les tripes, au sens propre comme au sens figuré. De la folie ; oubliant qui elle était, se réfugiant dans l’amnésie. Près des humains… Myad n’avait pas côtoyé d’elfes pendant plus de cinquante ans – hormis son paternel quand il l’avait retrouvée – pourtant elle ne s’était jamais fondue dans la masse mortelle. Elle n’avait pas essayé, on n’avait pas tenté de l’y accepter non plus. Néanmoins elle comprenait que sa congénère y ait trouvé une forme de paix, puisqu’ils représentaient la seule alternative viable à sa souffrance. Les humains n’ont pas des siècles, des millénaires pour vous pourrir la vie. Ils s’effraient vite de vous, ils vous laissent tranquille, voire ils vous admirent secrètement si vous les impressionnez assez. L’Errante savait. L’ironie du sort était qu’Ellenwen, une des elfes les moins prédisposées à prendre le pouvoir à la mort de la précédente Reine, avait hérité du trône. Malgré ses désirs propres, semblait-il. Myad sourit discrètement, pensive. Pour sa part, elle avait fui son rôle d’héritière pour en prendre un autre, comme on choisit le fouet plutôt que la lapidation. Finalement, à l’instar de la monarque elfique, elle se trouvait bien à sa place. En dépit de tous les ennuis qu’elle rencontrait depuis sa nomination, l’Impératrice était contente de son choix.

- J'ai fait perdre leur ancien langage à tous mes conseillers, ils n'arrivent pas à comprendre mon esprit et ma façon de faire. Ils me craignent et chacun aurait voulu être à ma place. Mais au fond, je les fais renaître et ils le savent. Un compromis, en quelque sorte.
- Un jour, ils avoueront ne plus pouvoir se passer de toi. Dans quelques centaines d’années, ajouta-t-elle d’un ton amusé.

Ellenwen était elle aussi fière de sa décision.

Elles servaient une cause plus grande, bien plus grande que leur simple petit destin personnel. Elles construisaient quelque chose de fort, de stable, de durable. Elles étaient respectées non plus seulement pour leurs faits d’armes mais également pour leurs idées, leurs politiques. Leur peuple apprenait à les aimer. Mais elles étaient ennemies. Depuis quand ? A cause de qui ? Toujours les mêmes questions sans réponses, de problèmes sans solutions…

Lorsqu’elle éclata de rire, Myad réalisa que malgré son tout jeune récit, elle ne savait pas grand-chose de la souveraine des elfes. Sur le papier, désormais, elle serait en mesure de conter sa vie. Mais ces connaissances ne pouvaient l’aider à la deviner, à la connaître profondément. Tout comme son apprenti, cela influencerait son jugement, lui donnerait des indices. Mais on ne résout pas une énigme avec de la poussière, fut-elle d’or et d’argent ; il lui fallait étudier longuement, patiemment cet être pour bien le comprendre.

- Oui, je pense que je connais le poids des années qui passent. Mais, justement, j'ai envie de les colmater en claquant des doigts. Ou d'essayer du moins. Je ne suis pas plus sage que n'importe qui. Je suis juste beaucoup plus têtue et fantasque. Je veux le faire parce qu'il me semble que c'est...

La dame d’Ellesméra fronça les sourcils, soucieuse, voire troublée de ne pas trouver de raison évidente à sa démarche. La dame de Dras Leona l’observa calmement, auditrice attentive, dans l’attente d’une fin de phrase qui ne vint pas.

Myad ne savait que penser de ce désir de rapprochement. Elle avait tendance à considérer elfes sylvains et drows comme deux races si différentes que, excepté pour la reproduction, ils ne pouvaient donner lieu à de fertiles échanges. C’était sans doute à cause de sa méconnaissance encore grande du Beau Peuple, et à des expériences essentiellement négatives avec celui d’Outreterre. Etant celle qui avait côtoyé le plus les deux clans – avec Djenka, il lui semblait qu’un objectif tel que la réunification de l’espèce elfique était pratiquement irréalisable. « Mais possible » aurait rappelé le Diamant blanc, lui vecteur de paix, d’espoir, d’optimisme. Certes. Dangereux, décevant peut-être, décisif sûrement. Le projet d’Ellenwen avait toutes les raisons du monde d’être abandonné et pourtant la personne assise près d’elle en cet instant… En avait une pour y croire.
Sa mère aurait tant combattu pour ce rêve. Arget l’aurait fait si elle l’avait pu. Ces deux mères avaient vu leur amour tourmenté, et leur vie abrégée par ces futiles guerres intestines.

De par son respect pour la souveraine, l’Impératrice essaya de lui rappeler à quel point ces peuples étaient différents. Cela ne sembla guère la convaincre puisqu’elle essaya de lui prouver qu’au contraire, ils se ressemblaient beaucoup.

- Tu me dis que nous préférons la diplomatie à la guerre ? Cela n'est pas vrai. Nous sommes des guerriers, dans l'âme. Nous sommes entraînés pour cela dès notre plus jeune âge. Mais nous avons du l'oublier pour survivre. Pour ne pas tuer notre peuple dans des guerres sans fin. Nous prônons la vérité ? Nous nous vantons surtout de savoir mentir en ancien langage, et cela sans que personne ne s'en rende compte. C'est de cela dont nous nous enorgueillons. Nous ne faisons l'amour qu'avec l'élu de notre coeur ? Viens à l'une de nos fêtes. Et personnellement, j'ai peur des dragons. J'ai du mal à leur faire confiance alors que mon peuple les encense. Tu dis que les drows ont des savoirs que nous n'avons pas. Je le sais bien. Il n'y a pas de peuple supérieur ou inférieur. Les humains ont des connaissances que les elfes n'auront jamais non plus. Mais c'est justement pour ça qu'il me semble vital que les deux peuples se rencontrent et se redécouvrent. J'ai le sentiment que nous ne pouvons continuer à survivre que comme cela. Et puis, tu sais, les elfes et les drows se sont plus côtoyés que l'on ne le pense. Islanzadi est morte avant de me transmettre quoique ce soit mais j'ai retrouvé quelques échanges de lettres avec la reine des drows dans ses papiers. Apparemment c'était un secret très bien gardé mais les deux dirigeants de nos peuples savaient l'existence l'un de l'autre et entretenait à l'occasion des relations diplomatiques.
- Ellenwen… commença Myad, avant de s’arrêter une seconde.

Elle pesa ses mots avant de reprendre la parole.

- Je méconnais ton peuple, et je m’en rends compte à travers tes paroles, toutefois je te demande de toujours garder en mémoire que des millénaires de séparation ne peuvent être oubliés d’une promesse, ou d’un papier. Je tiens d’ailleurs à préciser quelque chose au sujet des « savoirs » que vous n’avez pas, et eux si… Que ce n’est pas parce que vous avez oublié ces secrets qu’ils ne s’imposeront pas bientôt à vous. Un jour prochain je crains que tu ne te retrouves face à cet inconnu, et qu’à ce moment-là tu me haïsses pour ne pas t’avoir tout révélé. Mais je n’en ai pas le droit, ma Reine. C’est à vous seuls de retrouver ces connaissances que vous avez enterrées, puisque ce sont vos prédécesseurs qui ont préféré vous les cacher. Moi-même je ne suis qu’un enfant, apprenant chaque jour un peu plus. Peut-être mourrai-je ignorante, mais vous… Vous en saurez sans doute bien plus que moi d’ici là. Je vous fais confiance pour cela.

Et au regard lointain, paisible qu’elle lança au firmament, il y avait quelque chose de définitif. La discussion était close – elle n’en dirait pas plus à ce sujet.
Cependant, celui que la dame en noir choisit d’aborder ne sembla pas plaire du tout à sa congénère. Ellenwen réagit violemment à l’évocation de sa mission, alors qu’elle eut du en être informée précédemment par un message écrit et enchanté par ses soins. L’elfe se raidit, ses muscles se figeant sous sa peau de porcelaine tandis que ses pupilles se contractaient, ses sourcils s’animant tel un ciel brumeux, annonçant l’orage. Myad perdit sa tranquille nonchalance pour changer légèrement d’attitude, prête à bondir loin de la Reine s’il s’avérait qu’elle avait un faux pas à se rapprocher. Alors, certes, la souveraine pouvait avoir accepté à contrecœur de lui envoyer Kellran, ou alors s’était-il trouvé qu’elle regrettât son choix par la suite, elle n’en savait rien, mais…

- Non, ne t'inquiète pas. Pardonne ma réaction mais... je ne sais rien de ta mission en Outreterre. Et je ne t'ai jamais envoyé Kellran.

Devant le regard intense de la magnifique elfe, l’hybride ne put cacher sa surprise. Ses propres sourcils se haussèrent au-dessus d’yeux écarquillés, ce qui chez Myad qui contrôlait si bien ses expressions, était signe d’un étonnement véritablement inattendu.

Kellran a intercepté le message. Il l’a détruit discrètement, a embarqué Max dans sa galère et est parti comme un voleur.

La figure de l’Impératrice reprit rapidement contenance, reprenant le calme tranquille qu’elle arborait peu auparavant, mais elle vit le sourire d’Ellenwen, qui ressemblait plus à une grimace exaspérée et désabusée. Visiblement, elles étaient arrivées à la même conclusion. A la seule différence que l’une des deux femelles savait pertinemment pourquoi Kellran avait agi ainsi. L’autre pouvait avoir des soupçons, des indices, des idées. Dangereuses hypothèses que Myad allait essayer d’apaiser. Pour son amant comme pour elle en tant que chef d’Etat, son contrôle d’elle-même allait être crucial pour éloigner Ellenwen de conclusions qui pourraient réellement la mettre en colère.

- Une preuve que les elfes n'ont pas besoin de leçon des drows quand il s'agit de mensonge. Elle haussa les épaules. Quoiqu'il en soit je te remercie de ces offres très généreuses. Je serais ravie que tu m'enseignes tout ce que tu sais. C'est vraiment très généreux de ta part. Merci du fond du coeur. J'aurais bien aimé apprendre leur langue, je trouve cela beaucoup plus agréable pour les discussions mais je suppose que je ne dois pas trop en demander. Enfin... Je serais ton obligée si tu voulais bien m'expliquer la nature de ta mission en Outreterre et accepter mes excuses de ne pas être venue moi-même.

Myad effectua un gracieux mouvement de la main, accompagné d’un hochement de tête, afin d’exprimer à la fois son acceptation, son respect et son soutien. Elle commençait à connaître suffisamment le Fils du Soleil pour deviner qu’il devait être bien pénible d’être son supérieur… Lui qui n’en faisait toujours qu’à sa tête ! Penser à lui l’envahit d’un mélange curieux de tristesse et de joie, en parts égales. Quand le reverrait-elle ? Peu importe, lui murmurait une petite voix. Vous vous reverrez, c’est tout ce qui pour toi doit compter.

- Je vais commencer par te conter ce que mon message, envoyé plusieurs jours avant le départ pour la mission, souhaitait te transmettre.

Elle réfléchit une seconde pour choisir ses mots avec exactitude avant de reprendre la parole d’une voix paisible, chaude et claire.

- Pendant des millénaires les elfes noirs ont été gouvernés par une femme, la première Reine, dont la durée du règne n’avait d’égale que la puissance. On raconte que c’est la déesse Lolth elle-même qui lui a offert le pouvoir sur sa race, en lui offrant une autorité héréditaire sur ses pairs, et le droit de réclamer le trône sans limite de temps ou d’espace. En échange la Reine se devait de vénérer la déesse et d’en faire faire de même à ses sujets. La première Reine eut deux enfants, un mâle et une femelle. Dans cette société matriarcale, seule la seconde pouvait prétendre au pouvoir à la mort de sa mère. Lorsque son frère s’en chargea, ce fut donc Kaltendâ qui prit la tête du royaume. C’est sûrement avec elle qu’Islanzadi a pu converser, quoi que j’ai encore du mal à imaginer cette créature établir une relation diplomatique durable avec qui que ce soit sans le poignarder dans le dos ensuite, ajouta-t-elle avec un sourire carnassier, vestige de la haine qu’elle avait ressenti envers sa tante.Le règne de Kaltendâ prit fin il y a une dizaine d’années. Elle n’avait aucune descendante, pas même de fils qui eut pu engendrer une héritière. Son frère, Athor, avait bien eu des enfants bâtards, nés de viols et d’orgies, mais personne ne connaissait de femelle digne d’hériter du trône ; une drow de sang pur étant bien sûr préférée à toute autre créature.

Myad ne précisa pas qu’il s’agissait de sa propre personne – Ellenwen tirerait ses propres conclusions.

- L’ambition est l’un des traits de caractère les plus courants, et encouragés chez les elfes noirs. Sous le règne d’une femme, les différentes familles se disputent la seconde place, celle de deuxième Maison la plus puissante. Mais à la mort de Kaltendâ, les plus folles perspectives s’ouvrirent à elle, mettant en péril le fragile équilibre du royaume. La Maison la plus douée réussit à placer leur Mère Matrone en position de favori pour le trône ; elles élirent Nyara Maarsheluk en lui donnant une Voix – pouvoir de domination – artificiel, celle-ci n’ayant pas hérité. Cela ne satisfit personne. Maintenant que tout le monde savait qu’il leur était possible d’accéder au trône, qu’est-ce qui empêchait tout un chacun d’essayer de s’en emparer ?

Une pensée fugace traversa l’esprit de la Dragonnière « Tu regretteras un jour de m’avoir choisi, » avait dit son père à la dragonne qui avait éclos pour lui. Lui le prince millénaire, sans autre pouvoir que de regarder des femmes folles se battre pour un trône qu’il aurait occupé avec toute la sagesse que lui conférait son âge, son rang… Lui qui avait été assujetti aux pires démones, emportant sa compagne dans son enchainement… Eux spectateurs impuissants, victimes voulues de ce soulèvement. Chassant rapidement ces pensées, elle poursuivit, le regard perdu dans le vide.

- Djenka, mon amie et apprentie du prince Athor, se trouvait en Outreterre lorsqu’une guerre civile explosa. Un groupe de mâles rebelles se souleva le même jour qu’on découvrit que la Reine Nyara avait disparu depuis dix jours – elle se faisait torturer par un Archimage, on l’apprit plus tard – et que la Maison Maarsheluk fut violemment attaquée par plusieurs autres. Ajoutons à cela qu’une araignée supérieure, comparable en puissance et en intelligence à un dragon, se réveilla de son sommeil de pierre pour se venger de ceux qui l’avaient changé en statue. Le prince et sa dragonne en l’occurrence. Athor força son apprentie à prendre la fuite et celle-ci vint quérir mon aide. Consciente que ce problème dépassait les simples frontières de l’Empire, j’ai cherché à entrer en contact avec les autres clans pour leur demander de participer à une opération en Outreterre. Je suppose que Kellran, devinant la dangerosité de la situation, a voulu te protéger. J’ai cru comprendre qu’il avait beaucoup d’amour pour sa Reine, expliqua Myad avec sincérité.

Après avoir laissé un moment de silence à Ellenwen afin qu’elle digère toutes ces informations, Myad résuma leur excursion :

- Nous avons trouvé la cité de Goterada non sans croiser sur notre route des preuves atterrantes de l’insurrection générale. Des drows maudits, nommés driders, sont venus nous attaquer alors que nous n’avions même pas atteint les portes grandes ouvertes de la ville. Un silence inquiétant régnait là-bas… Nous avons fouillé le quartier Maarsheluk mais il n’y avait aucun survivant, quelle bêtise, c’était la famille la plus vaste, la plus fertile… Suite à une séparation involontaire, notre groupe a retrouvé Nyara, enchaînée dans un cachot où l’Archimage de sa famille l’y avait laissée avant de se faire tuer ailleurs. Djenka partit à la poursuite de voleurs, elle se retrouva confrontée aux rebelles mâles… Et sauvée par une Mère Matrone qui connaissait sa défunte mère. Finalement, c’est elle qui nous trouva une héritière de sang, révélant à Djenka qu’elle était la plus jeune fille du prince, celui-ci ayant réussi à cacher l’origine de sa fille plus de trente ans après sa naissance. Elle a pris le pouvoir après quelques… Elle examina ses bras, toucha sa nuque d’un geste un peu raide difficultés, disons. Mais grâce à un nouveau pacte avec Lolth – ou un puissant effet placebo, nous ne le saurons jamais – Djenka a pu asseoir son autorité sur son peuple. Les blessés ont été soignés et nous sommes rentrés chez nous, avides de lumière.

Elle avait complètement omis de préciser comment l’histoire finissait pour le père de Djenka et sa dragonne, mais également ce que Lolth avait demandé en échange de pouvoir. Prenant des pêches duveteuses, elle se remit à manger sans perdre l’expression lointaine, énigmatique qui la prenait de plus en plus ces derniers temps.
Revenir en haut Aller en bas
Ellenwen

Dirigeante de l'Equilibrium

Nombre de messages : 22351
Âge : 34

http://bartimeus.actifforum.com

Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Ellenwen
Dirigeante de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Lun 18 Juin 2012 - 13:44


Ellenwen éclata de rire à la remarque de l’impératrice – la seule que la jeune femme aie fait sur sa vie. Déclarer que dans quelques siècles ses conseillers allaient être fiers d’elle lui semblait un peu incongru et assez véridique à la fois. Elle pouvait bien imaginer la bande de grincheux qui ne pouvaient passer un jour à ses côtés sans lui dire, avec une exquise politesse, qu’elle ne respectait pas les décisions prises par feu la reine Islanzadi. Comme si elle avait pu vraiment les suivre, elle qui lui avait succédé en catastrophe et ne connaissait rien de ce qui avait été fait durant toutes les années qu’elle avait passé en exil. D’ailleurs, elle ne s’y était pas encore vraiment intéressée. Elle avait eu plusieurs guerres sur les bras depuis son arrivée sur le trône et avait dû quelque peu délaisser le passé pour se préoccuper du présent. Mais d’imaginer qu’un jour des elfes pourraient parler d’elle sans baisser la voix pour rajouter quelques petites précisions déplaisantes la laissait songeuse. Imaginer des réunions sans conflit. Imaginer qu’elle n’aurait pas à repasser derrière chacun d’eux pour vérifier qu’ils n’avaient pas trouvé une faille dans ses ordres pour essayer d’en atténuer les effets le plus possible. Imaginer qu’elle puisse leur faire confiance et s’accorder plus qu’une heure de repos et d’intimité toutes les vingt-quatre heures… Elle n’était pas sûre que cela lui plairait tant, au final. Elle avait besoin de bouger, de se battre, de montrer qu’elle ne se laisserait pas faire. Et surtout, il lui semblait que, si elle arrivait à ce stade, les elfes auraient repris leur inertie d’antan, quand leur neutralité était devenue synonyme d’oubli. Même si elle savait, qu’au fond, presque tous étaient fiers de leur reine, grande combattante et grande magicienne, elle ne tenait juste pas à se l’entendre dire.

- Ça, ça m’étonnerait ! Ou alors, je serais morte sur un champ de bataille et ils n’auront qu’à chanter mes louanges pour se déculpabiliser de m’avoir laissé mourir.

Elle fit un petit clin d’œil à la jeune femme en face d’elle qu’elle sentait presque tendue, trop sérieuse pour une discussion aussi amicale dans un lieu aussi paisible. Comme si, après avoir ouvert son esprit à l’arbre Menoa et s’être saoulé de cette sensation d’ivresse, elle s’était refermée, reprenant son rôle d’impératrice, qui se devait de ne montrer aucune faiblesse à la vermine qu’elle dirigeait – vermine qui n’aurait pas hésité un seul instant pour la détruire dans le cas contraire. Même si la discussion se prêtait bien à se mélange de formalisme et de sérieux. La reine acquiesça doucement aux paroles de sa compagne. Ne pas faire confiance à un bout de papier ou à une parole donnée… Étrangement, elle se sentit prise en défaut. Non pas qu’elle ignorait toutes les trahisons qui pouvaient avoir lieu même après la signature d’un traité mais elle s’était attendue que, comme cela se faisait souvent chez les elfes sylvains, un engagement en ancien langage soit force de loi. Mais peut-être les drows n’ignoraient-ils rien non plus de l’art de mentir en ancien langage et, à leur manière, s’en réjouissait autant que leurs cousins. Elle ignorait encore tant de choses sur eux. Elle se sentait à la fois un peu effrayée, ayant conscience de l’ampleur de la tâche à venir, de sa difficulté aussi, et exaltée mais le danger qu’elle allait un jour ou l’autre devoir affronter, par la promesse d’une aventure qu’il lui tardait de vivre. Elle avait toujours fonctionné au défi – défi à l’égard de la prophétie qui voulait la réduire à l’emprisonnement le plus total, à l’égard de son bannissement qui aurait été synonyme de mort pour bien des personnes de son peuple – et celui là se révélait l’un des plus grands qu’elle aie jamais relevé.

- Oh, je ne te haïrais pas, ne t’en fais pas pour ça. Tout au plus aurais-je l’envie et la possibilité de te tuer mais pour que je te haïsse, il faudrait que tu me caches une trahison qui me blesserait en tant que femme plus qu’en tant que reine. Et je ne crois pas que tu sois en mesure de le faire.


Si la phrase avait sonné, un peu malgré elle, comme une menace, elle atténua ses paroles par un sourire amusé. Elle n’avait pas haï grand monde durant sa longue vie. Elle n’avait pas assez de volonté pour le faire. Haïr c’était tellement violent. Tellement inchangeable, irrécupérable. C’était l’antithèse de l’amour. Elle n’avait jamais beaucoup aimé, elle n’avait jamais beaucoup haï. Pourtant elle avait adoré et détesté. Elle avait tué par rage, par colère. Elle s’était vengée de nombreuses fois mais toujours assez froidement. Néanmoins les paroles de l’hybride avaient éveillé sa curiosité. Elle se retint à grand peine de lui demander plus d’explications, de la saouler de question jusqu’à plus soif. Mais quelque chose dans le regard de celle qui lui faisait face lui disait qu’elle n’obtiendrait jamais les réponses. C’était frustrant. Ellenwen avait toujours adoré les secrets, et ceux qu’on cache le plus soigneusement, ceux qu’on ne peut révéler, étaient souvent les meilleurs. Surtout que, dans ses paroles, se cachait une menace voilée, comme un joli colis enrubanné peut cacher une bombe prête à exploser. Et quelque chose d’autre lui soufflait à l’oreille qu’elle serait particulièrement touchée. Soit en tant que reine, soit en tant qu’Ellenwen, vieille elfe millénaire. Quelque chose qui devait se passer près d’elle sans qu’elle ne soit parvenue à l’identifier. Mais si, comme elle l’avait entendu, elle avait une chance de l’apprendre, de comprendre ce secret… Ellenwen décida de laisser tomber et acquiesça d’un petit geste de la tête et d’un sourire.

- Décidément, vous me lancez dans un jeu bien compliqué, votre majesté. Et vos défis sont intéressants à relever. Je tiens le pari.

Une mimique amusée, qui cachait mal une volonté d’explorer des méandres qu’elle ne connaissait pas encore, apparut sur son visage. Le vouvoiement lui était revenu, naturellement, l’espace de quelques secondes, comme pour sceller un pacte dont ni l’une ni l’autre ne savait vraiment les tenants et les aboutissants. Mais elle voulait réussir. Elle voulait parvenir à surprendre la jeune femme si sage qui lui faisait face, et qui, elle, n’avait pas eu 1 500 ans pour engranger cette sagesse. Mais déjà la discussion sur l’Outreterre reprenait son attention, lui faisant écouter chaque miette du discours. Elle ne l’interrompit pas une seule fois. A peine un petit mouvement des sourcils faisait-il parfois comprendre à son interlocutrice qu’elle ne parvenait pas à comprendre tout le fil de l’histoire. Ainsi, les drows avaient-ils eu une reine unique, durant des millénaires. Elle ne pensait pas que le phénomène soit possible. Elle se doutait qu’ils étaient immortels, tout comme son propre peuple. Mais, chez les elfes sylvains, peut d’elfes voyaient l’éternité comme un fruit à croquer à pleines dents. Du moins passé un petit millénaire. Certains préféraient l’exil, tentant de rejoindre les terres mythiques qu’ils avaient quittées. Beaucoup préféraient la métamorphose, se fondant peu à peu dans la forêt qu’ils aimaient tant, parfois pour reparaître parmi les leurs des siècles plus tard. Mais, à part elle, elle ne connaissait qu’une poignée d’elfes conscients de leur âge véritable et, surtout, à n’avoir jamais cédé à l’envie de l’oublier quelques poignées d’années. Elle nota également la croyance en une divinité, Loth, qui semblait plus ou moins réelle. La société matriarcale, l’ambition et les luttes intestines. L’organisation du peuple sous forme de maisons, un trait qui les rapprochait de leurs cousins sylvestres pour qui l’appartenance à telle ou telle lignée déterminait beaucoup de choses dans leur vie. Mais elle ne put s’empêcher d’étouffer un éclat de rire derrière sa main lorsque Myad parlait de Kellran. Bien sûr qu’il l’aimait beaucoup. Après tout ils se connaissaient et s’appréciaient depuis si longtemps ! Elle avait connu ses deux femmes, élevé son fils… Elle avait combattu à ses côtés et ils s’étaient plusieurs fois sauvés la vie mutuellement. Et c’était pour cette même raison que jamais, jamais !, l’elfe n’aurait cherché à la protéger. Il savait qu’elle l’aurait pris comme une insulte, un rabaissement de ses capacités. Sans compter qu’il savait pertinemment qu’elle l’égalait, sinon le dépassait, dans l’art du combat. Il l’avait traîné dans les pires situations, ils s’étaient dépêtrés des missions les plus dangereuses. Et ils avaient adoré ça. Ils partageaient le même goût pour l’aventure. Risquer sa vie à chaque instant, se battre pour protéger les siens, c’était cela qui les faisait se sentir vivant tous les deux. Et il ne l’aurait pas privé de ce plaisir… pas sans une bonne raison que, à en voir et croire les yeux de la jeune femme, elle n’avait pas envie de connaître pour le moment. Lorsque l’histoire fut finie, l’elfe attendit quelques instants avant de déclarer, très doucement :

- Désolée.

Elle effleura du bout du doigt les cicatrices de la jeune femme, sentant presque la douleur qu’elle avait dû ressentir. Et les très rares émotions qui avait percé dans le récit, sa haine pour l’ancienne reine n’était pas des moindres, lui faisait comprendre qu’il s’était passé bien plus de choses qu’elle ne le saurait jamais. A commencer par la révélation de Djenka – qu’elle ne connaissait que très mal, ne l’ayant croisé que quelques fois aux côtés de Marek – comme la demi-sœur de Myad, si ses calculs étaient exacts. Et qui, comme la plupart des révélations de cet ordre, n’avait pas dû se faire sans douleur et stupeur. De toute manière, l’expression lointaine et rêveuse de la jeune femme ne la renseignait que trop quant à la quantité de choses qui avaient été passé sous silence. Elle avait juste noté, avec une curiosité qu’elle se promettait de régler plus tard, et un plaisir mitigé d’inquiétude, la nomination au pouvoir de Djenka. Celle-ci ayant vécu des années à la surface, côtoyant elfes et humains, il lui était permis plus que jamais d’espérer un rapprochement entre les deux peuples. Même si la situation allait être beaucoup plus compliquée du fait même de ces connaissances. Et de la nouveauté du pouvoir pour la dragonnière. Elle-même ne savait que trop que, durant un bon moment, toute proposition parait suspecte et que pour asseoir son autorité, on se défie de tous et de tout. Avec un frottement de main mental, elle relégua l’information bien au chaud dans les méandres de son esprit, se promettant d’en rediscuter plus tard. Pour l’heure, l’expression de sa compagne et qu’elle pouvait imaginer de sa lassitude la convinrent de changer provisoirement de sujet. Lui tendant une petite galette au miel, bien plus nourrissante que des pêches, elle la dévisagea avec ce qui ressemblait fort à de la tendresse.

- Je suis heureuse de toutes ses nouvelles et de savoir que vous êtes revenus tous en vie. Mais, tu n’es pas venue que pour me parler de tous ces soucis, que j’aurais aimé partager. Désormais, tu es en sécurité et loin de toute cette violence que tu as côtoyée ces derniers jours. Tu dois avoir envie de te reposer. Veux-tu que je te mène à ta chambre ? Ou bien préfères-tu en savoir plus sur le peuple de ta mère ? N’hésite pas, pose moi toutes les questions que tu souhaites, je n’ai pas de secret.


*Menteuse !*

- Ou peu, rectifia-t-elle avec amusement.
Revenir en haut Aller en bas
Myad


Nombre de messages : 3809
Âge : 32



Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Myad
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] | Jeu 5 Juil 2012 - 14:25


- Décidément, vous me lancez dans un jeu bien compliqué, votre majesté. Et vos défis sont intéressants à relever. Je tiens le pari.

La Reine des elfes semblait s'amuser de ce défi non dissimulé, de cette invitation ingénue à passer au-delà des convenances pour découvrir quelque chose. Ses traits s'étaient tordus d'une charmante façon lorsqu'elle avait pris la parole, une manière discrète de marquer son intérêt plus que brûlant sur la question. Myad ne doutait pas des capacités d'Ellenwen à faire le rapprochement entre toutes ces évidences voilées. Les humains n'avaient pas en leur possession des millénaires de légendes endormies ; les elfes, si. Ils ne s'étaient pas encore rendu compte de leur éveil, voilà tout, contrairement aux drows qui avaient été quelque peu forcés de le constater. Un instant, l'Impératrice s'interrogea sur la possibilité qu'elle eut rasé une partie de l'antique forêt ; comment ses congénères de la surface auraient-il réagi ? Guère différemment, sans doute, des elfes noirs. N'importe qui aurait été durablement traumatisé - un peuple entier démembré, décharné, démystifié - par une destruction venue de nulle part. Personne ne méritait de vivre cela. Nul doute que si elle avait pu revenir en arrière, retrouver l'époque tendre où elle était encore la jeune élève de son père, elle aurait tout fait pour fuir l'Outreterre, leur épargnant ainsi la privation prochaine de centaines des leurs et de deux cités. Myad ne s'enorgueillait pas de ces massacres. Pour quelle raison l'aurait-elle fait ? Il n'y aucune gloire à abuser de sa toute-puissance, même si ce n'était pas volontaire, même si elle n'en avait pas eu connaissance. Il n'y a aucun plaisir à détruire des innocents, à arracher au monde des créatures déjà rarissimes ; à le déposséder d'un peu de sa beauté supplémentaire, le rendant chaque fois plus creux, plus laid, d'un gris sans intérêt.

Il n'empêche que, si Myad avait assassiné les deux dernières Reines de l'Outreterre sans scrupule d'aucune sorte, elle n'aurait pu faire de même avec celle d'Ellesméra. Au-delà d'une puissance que ses opposantes souterraines n'avaient pas eu, la dame millénaire possédait une force morale et un charisme particulier qui empêchaient l'hybride de la traiter d'une manière similaire. La fois où, accompagnant son maître Brexinga, celui-ci lui avait demandé de s'emparer de la belle blonde, celle-ci s'y était refusée. Son accession au pouvoir n'avait rien changé.

Une fois qu'elle lui eut conté leurs aventures sous la surface du monde, Ellenwen garda le silence quelques instants dans une démonstration de respect, pour sa douleur, pour sa confiance également sans doute. Puis elle prit le parole avec une douceur troublante :

- Désolée.

La caresse presque timide qui effleura ses doigts ne la fit pas réagir ; le fauve se laissait toucher, preuve de confiance, un stoïcisme étudié valant tous les discours quant à son état psychologique. Ellenwen savait que son calme n'était qu'apparent, actuel également. Un jour il lui faudrait s'isoler, et hurler, à s'en briser les cordes vocales, frapper les flancs d'une montagne, malmener ses dents sur les os et les chairs d'inconnus gesticulants. Elle acceptait sa compassion car c'était tout ce qu'elle pouvait accepter pour l'instant ; la compréhension de personnes elles-mêmes porteuses d'un passé trop lourd.

La souveraine du Beau Peuple se chargea de la faire revenir à l'instant présent en lui tendant un gâteau luisant de miel, ce qui eut le mérite de distraire effectivement l'esprit de l'elfe. Elle prit l'offrande avec un infime hochement de tête, fuyant discrètement le regard affectueux que lui lança son interlocutrice... Qui était étrangement perturbée par ce genre d'oeillade, dont elle n'avait pas l'habitude. Surtout chez une elfe. Surtout chez une femme.

- Je suis heureuse de toutes ses nouvelles et de savoir que vous êtes revenus tous en vie. Mais, tu n’es pas venue que pour me parler de tous ces soucis, que j’aurais aimé partager. Désormais, tu es en sécurité et loin de toute cette violence que tu as côtoyée ces derniers jours. Tu dois avoir envie de te reposer. Veux-tu que je te mène à ta chambre ? Ou bien préfères-tu en savoir plus sur le peuple de ta mère ? N’hésite pas, pose moi toutes les questions que tu souhaites, je n’ai pas de secret.

Ayahantê croqua dans la pâtisserie avec une satisfaction rêveuse. Chaque seconde passée lui faisait comprendre un peu plus sa mère, et l'ampleur du sacrifice.

- Ou peu, corrigea-t-elle avec un sourire malicieux.
- L'inverse eut été bien ennuyeux, rétorqua l'Impératrice en lui rendant son sourire.

Elle saisit au vol une plume minuscule qui s'était égarée dans son champ de vision. La caressant du pouce, elle se demanda quel oiseau pouvait être si petit et si blanc. Un bébé, sans doute, encore aveugle, vagissant et duveteux.

- Tu n'imagines pas le nombre de réponses que tu as déjà apportées à mes muettes questions. Ce soir m'aura été plus bénéfique sur le plan de mes origines que toutes mes entrevues avec des elfes sur les 30 dernières années. Tu m'as donné beaucoup et je ne perds pas espoir de t'en rendre au moins autant.

Dans son regard résolu on ne lisait que la détermination d'honorer ses engagements, récents et plus anciens, que ce soit concernant la conciliation elfes/drows ou à propos de la paix en Alagaësia.

- Si tu me le permets, je vais vagabonder dans la cité pendant la nuit... J'ai envie de goûter à l'obscurité d'ici. Elle me semble avoir une saveur... Unique.

Après avoir fini son gâteau et s'être délicatement léché les doigts, l'hybride se leva d'un bond gracieux, tendant la main à la souveraine dans une invitation polie.
Une fois toutes les deux sur leurs pieds, Myad embrassa la joue de son hôte de sa bouche luisante de miel, y ajouta un minuscule coup de langue joueur, cligna de l'oeil en reculant et s'en fut en bondissant, s'éloignant de quelques foulées dansantes telle une enfant désormais empressée de se rouler dans l'herbe et de jouer sous la lune.
Revenir en haut Aller en bas





Walking on the moon [PV Ellen] Vide

Contenu sponsorisé
Message Sujet: Re: Walking on the moon [PV Ellen] |


Revenir en haut Aller en bas

Walking on the moon [PV Ellen]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut

Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Brisingr, Chroniques de l'Alagaësia - Forum roleplay :: Hors RP :: Fantômes du passé :: RPs Achevés :: Verte-Frondaison-
Ouvrir la Popote