[ Là d'abord - Là ensuite ]

Il tombait, et n'y pouvait rien. Dos au sol, les yeux rivés vers le ciel, il sentait sur son dos les chocs et les griffures des nombreuses et frêles branches du grand feuillu qu'il traversait. Il n'était plus qu'une épave, une masse inerte qui tombait à pic vers les bas fonds de la forêt des elfes, et qui viendrait finalement s'écraser sur son sol sacré pour y nourrir les animaux nécrophages. Au fur et à mesure qu'il s'enfonçait, tout devenait vert, le soleil disparaissait doucement, tout semblait s'obscurcir et les chocs se faisaient de plus en plus violents. L'humain souffla, puis cria de douleur. Une épaisse branche venait de lui frapper l'avant bras... Un instant plus tard, ce fut au tour de sa jambe gauche. Alors, au rythme des coups et des chocs que lui assenait sans pitié l'arbre centenaire, sa silhouette se mit à virevolter en tous sens. Il griffait son visage, frappait ses membres, lacérait son armure, engourdissait ses muscles, sans arrêt, toujours plus vite, toujours plus fort, sans état d'âme, comme châtiment d'être venu souiller ce sanctuaire. Puis, soudain, une épaisse branche le stoppa net. Plié en deux, tel une souple brindille, il déglutit bruyamment, avant de poursuivre sa chute. Des coups, encore, le jeune homme était désorienté. Il ne voyait plus qu'ombres et lumières... Il ne sentait presque plus les chocs, il se sentait voler, il se sentait porté par les branches qui pourtant venaient doucement à bout de son armure. Un nouveau choc, encore, sur son bras, puis sa jambe, puis sur le flanc gauche, puis le tibias, puis la tête, tout devint noir. Il était en paix à présent.

Qu'il vive ou meurt. Il ne sentirait plus rien.

J'ouvre les yeux. J'ai mal. La forêt... Je suis en vie. Je suis éblouit. Je lève la tête, enfin, je crois que je lève la tête, je ne sais pas trop. Il y a des branches, en tout sens, tout est vert, on dirait que... Je ne suis pas sur le sol, je suis... La tête en bas, empêtré dans un arbuste. Et j'ai mal, mal partout, mal à la tête. Il ne faudrait pas que je bouge de trop, je ne suis peut-être pas encore sur le sol... Ahh... J'ai vraiment mal au crâne. Je ferait mieux de vérifier, alors je bouge le bras droit... Ahh... Non, il me fait mal. J'ai mal au coude. Je vais plutôt bouger le gauche, oui, celui ci bouge mieux... J'arrive à tâter mon crâne. C'est humide, froid, du sang... J'ai du sang sur l'arrière du crâne.
Un craquement, non ! Je glisse ! Je tombe ! Le vide ! Le sol ! Il s'approche !

Puis tout s'arrête. J'ai toujours mal, même si ça va mieux. J'ouvre le yeux, à nouveau, il fait sombre. Je suis sur le sol, cette fois, le sol froid et humide de la forêt des elfes... La magnifique forêt des elfes. Doucement, je tente de me relever... Mais mon bras droit me rappelle à l'ordre. Il doit être cassé, ou fêlé... J'arrive à peine à le bouger. Une fois debout, je réalise que ma jambe droite, elle aussi, me fait mal, bien que j'arrive à prendre appui dessus. En fait, j'ai mal à peu prêt partout, mais rien de très grave... A première vue... Autour de moi, tout est calme, il n'y a pas un bruit, pas le moindre chant d'oiseau pour venir le briser, rien... Il y a des arbres, de grands arbres, à perte de vue. La forêt est dense, mais s'y déplacer ne semble pas impossible... Je devrais cela aurait put être pire, bien pire...
Il va falloir trouver un truc... Je ne vais quand même pas me laisser crever... Alors j'avance. J'ai mal, mais j'avance...

La tombée de la nuit m'a surpris. Il est vrai qu'il était déjà bien tard lorsque j'ai atterrit ici, et qui sait combien de temps j'ai passé dans le cirage, mais la lumière a vraiment baissé d'un coup, sans même me laisser le temps de me trouver un abris. Il me faudra faire plus attention dorénavant, enfin, j'espère surtout ne pas avoir à passé trop de nuits ici. Il faut que je trouve une route au plus vite.

Et puis cet endroit est étrange, lorsque la luminosité était encore suffisante, je n'ai pas vu le moindre être vivant. Pas même un oiseau ou un rongeur... Rien. Tout juste quelques insectes, et encore... Trouver de quoi se nourrir ne sera pas facile ici. Et puis... Quant bien même il y en aurait, je n'aurait pas grand chose pour les attraper, je n'ai plus rien. Dans ma chute, même mon arc s'est rompu en deux. Avec la corde, et comme il me reste trois flèches, je pourrais peut-être m'en faire un nouveau... Mais je n'ai même plus de couteau, alors à quoi bon...

Il ne fait pas très chaud, la nuit, dans cette forêt. Je commence même à avoir franchement froid. Comme d'habitude, je me suis terré dans un coin, dans un creux boueux. Je serait bientôt trempé. La nuit s'annonce longue, trop longue, d'autant plus que je commence enfin à percevoir la présence d'autre animaux... Pourvu qu'ils ne soient pas trop gros, pourvu qu'ils ne soient pas carnivores. Il faut que je me calme, je ne dois pas avoir peur, cela ne changera rien, et les animaux risquent de le sentir. Bon sang ! Pourquoi je n'ai pas la vision nocturne des elfes, hun ? Maudite mère, demi-elfe.... Elle m'a légué ces oreilles de débiles mais n'a même pas été fichue de me passer ça...

Et puis bon, tout ça, ce serait pas bien grave si la chute ne m'avait pas autant malmené... Il y a mon coude d'abord, qui ne me fait plus vraiment mal, du moment que je ne le bouge pas. Il est devenu tout bleu, et a doublé de volume, il faudrait que je trouve de quoi faire un bandage, ou une attelle, pour l'immobiliser si je ne veut pas que ça s'aggrave. Ensuite, il y a ma tête, qui cogne... Dur... Elle m'empêche de dormir. Elle ne saigne plus, mais cela reste inquiétant, il ne faudrait pas que ça continue. Enfin, il y a une bonne nouvelle, quant même... Ma jambe ne me fait plus trop mal, elle n'avait rien de bien grave finalement. Tout juste me lance-t'elle encore un peu, mais je pourrais probablement courir d'ici quelques jours, si j'arrive à survivre assez longtemps.

Enfin, je ferais mieux de dormir un peu, quant même... Dans mon petit buisson, je suppose qu'aucun animal ne viendra me troubler. J'espère...

Comme promis, la nuit a été longue, très longue. Je ne crois pas avoir dormis beaucoup, il y avait sans cesse des animaux qui rodaient alentours. Je crois même qu'une grosse bête est passée toute proche, avant de repartir, j'ai bien cru me faire bouffer sur ce coup... Et puis il fait tellement noir, la nuit, dans cette forêt... Si un animal voulait me bouffer, je ne donnerais pas bien chère de ma peau. Je crois que j'ai eu de la chance, cette nuit, il ne faudrait pas que cela se reproduise.
Je n'ai pas eut trop froid finalement. En fait, le plus pénible, c'est l'humidité. Au réveil, mes vêtements étaient déjà boueux et trempés. Et d'ici quelques jours, même le cuir de mon armure sera probablement moisie... Il ne fait pas bon être un humain par ici.

Dés que la lumière est revenue, je me suis remis en route, un peu plus vite que la veille. Il me faut trouver une route au plus vite, enfin, encore faudrait-il qu'il en existe une ici... A cause de ces fichus arbres, je n'arrive même pas à me diriger avec le soleil. Si je le voyait, je pourrais toujours aller vers le sud, et je finirais bien par tomber sur le désert. Il ne me resterait alors plus qu'à longer la forêt vers l'ouest pour retrouver la civilisation. Enfin...
J'ai marché pendant toute la journée. Et comme mes bottes ne sont pas étanches, avec cette humidité, même mes pieds commencent à moisir... Je n'ai pas d'ampoules pour le moment, mais si ça continue, cela risque de ne pas tarder. Sur mon chemin, je n'ai toujours pas croisé le moindre animal, ils doivent sentir ma présence, je suppose. Si je veux chasser, il me faudra être plus discret, beaucoup plus discret.

Pour mon bras, j'ai trouvé de quoi me faire une atelle. Deux branches coudées, quelques lanières de cuire que j'ai récupérée sur mon armure, et l'affaire était pliée. Mon bras me fait moins mal comme ça, j'espère qu'il guérira plus vite. Pour cette nuit, je me suis trouvé un abris. Je dormirais entre deux grosses pierres. J'en ai obstrué l'accés avec quelques branches pour éviter de laisser les animaux trop curieux s'approcher. Je pourrais dormir sur mes deux oreilles, c'est déjà ça.

Il fait nuit, maintenant, et je commence à avoir vraiment faim... Il faudra que je trouve un truc à bouffer, demain. En attendant, il est l'heure de dormir. Il n'y a rien d'autre à faire de toute façon. Je ne vois même plus le bout de mon nez... Et voilà que j'entends à nouveau des bruits...

J'ai faim.

Aujourd'hui, j'ai bouffé des plantes, de l'herbe, des baies qui n'avaient miraculeusement pas été mangées auparavant. J'aurais bien aimé être herbivore, s'aurait été plus simple. Enfin... J'ai essayé, et je n'aurais pas dût. Ca m'a donné la chiasse, enfin, je n'avais plus grand chose à chier, mais j'ai libéré toute l'eau de mon corps... Cette foutue forêt veux ma peau, j'ai jamais vu ça, rien à voir avec celles que j'ai l'habitude de côtoyer. Les plantes sont différentes, les animaux me sentent venir à cinq cents mètres à la ronde... Il faut vraiment que je trouve un truc à bouffer, un truc comestible.

Finalement j'ai finis par abandonner mon armure, je n'en pouvais plus de la porter partout. Alors je n'ai gardé que les protections des bras, cela peut toujours servir, ainsi que les lanières de cuire qui maintenait le tout en une pièce unique. De toute façon, le cuire est détrempé. D'ici deux jours, elle ne vaudra plus rien tant elle aura été imbibée d'eau... Même si je ne suis pas certains d'être là pour le voir. Et c'est pareil pour mes bottes, elles sont pleines d'eau à présent, et je commence à avoir de sérieuses ampoules. A ce rythme, je n'irais plus bien loin...
Et puis, ce n'est pas tout... Mon bras n'a pas désenflé d'un poil et est passé du bleu au vert-violet. Je n'arrive toujours pas à le bouger, c'est embêtant pour chasser...

Peu avant de m'arrêter, je suis enfin tombé sur une immense trouée dans la forêt, une grande zone verdoyante complètement déboisée. Un torrent d'eau pure y coule, mais je ne me fait pas d'illusion, ce ne sera probablement pas beaucoup mieux que dans la forêt pour ce qui est de la bouffe. Enfin, on peut toujours rêver. La bonne nouvelle, c'est que j'ai enfin put voir dans quelle direction j'allais depuis le début. La mauvaise, c'est que j'allais vers le nord-ouest. Il me faudra partir vers le sud-ouest demain... Si j'arrive à marcher...

Enfin, une nouvelle nuit à passer... Elle sera longue, encore... Même si au moins, cette fois, je vois les étoiles.

Je n'aurais jamais dut me risquer à bouffer des plantes que je ne connaissais pas. Une des daubes que j'ai avalée m'a rendu malade comme un rat mort. J'ai très mal dormis, j'avais de la fièvre, j'avais froid... Je crois même avoir eut des hallucinations, à moins que ce soient ces foutus cauchemars qui me poursuivent depuis ma chute... Enfin... Ce matin, je me sentais mieux, mais j'étais à bout de forces. Je n'ai même pas eut la force de continuer le voyage. Je vais devoir me trouver un truc à bouffer avant de pouvoir repartir... De la viande, de la vraie bouffe... Et pour ça, j'ai un plan. Mon dernier, je suppose.

C'est étrange, il y a pas mal de dragons dans le coin. J'en ai vu un dans le ciel, ce matin, mais surtout, j'ai trouvé de nombreuses traces trahissant leur présence. Des empreintes, des cheminements à travers les buissons, mais aussi et surtout, quelques beaux tas de leurs monstrueux éscrémants... Eux, au moins, ont l'air de bien se nourrir. C'est peut-être à eux que je dois ce manque de gibier d'ailleurs...
J'ai aussi trouvé un point d'eau, près d'une petite cascade. L'eau y est fraîche et pure... De nombreux animaux viennent y boire. Il me suffirait de pouvoir en surprendre un et... Enfin... J'ai un bras en berne mais... Je n'ai pas trop le choix. Au point ou j'en suis, je vais devoir tenter ma chance, sinon, je n'aurais plus qu'à espérer un miracle... Et je n'y tiens pas trop. Le problème, c'est que les animaux sentent ma présence. La solution... N'a pas été très agréable, j'ai bien cru que j'allais déglutir mon repas mais, heureusement... Je n'en avais pas pris depuis trois jours... Quelle chance !...
Enfin, l'essentiel maintenant, c'est que je ne crois pas sentir suffisamment mauvais l'humain pour que les animaux puissent me repérer une fois recouvert de merde de dragon. J'espère...

A présent, me voilà tel un cadavre, allongé dans l'herbe, à deux mètres du point d'eau... Depuis plus de trois heures maintenant. Enfin, je vais pas me plaindre maintenant, au point ou j'en suis, je préfère encore chasser couché que de courir dans les bois. Je n'en serait plus capable de toute façon... Au moins, la bonne nouvelle, c'est que le camouflage à l'air de fonctionner. Déjà deux bêtes sont venues s'abreuver depuis tout à l'heure. Manque de chance, elles étaient trop loin pour que je leur saute dessus, car si je rate mon coup, cela risque d'effrayer les autres, et tout serait perdu...

Je n'aurais alors plus qu'à crever en silence, mais plus grave encore, je me serais recouvert de merde pour rien.
... Ca chlingue putin !... Mais qu'est ce qu'ils mangent ces satanés dragons pour sentir comme ça !

J'ouvre les yeux... Je me suis endormis, c'est malin. J'ai faim... Je ne me sens pas très bien... Bon sang, je n'aurais jamais dut bouffer ces trucs. Et cette odeur, c'était stupide, je vais crever ici...
Hun ? Un bruit ? Je lève la tête. Il y a quelques chose qui bouge derrière les hautes herbes. Un animal, de la taille d'un gros chien. Il boit. C'est ma chance. Bien que fatigué, je bondit. S'il me reste des force, c'est le moment de les utiliser. La bête est surprise, elle lève la tête, la tourne vers moi en sursautant. Merde... Un loup... Trop tard pour changer d'avis, trop tard pour reculer, je l'aurais. Il grogne. Je le percute... Il mort. Je frappe. Il se débat. Ma jambe, il m'a chopé la jambe. Je cri, j'ai mal. Il couine, il a mal aussi... Hahah... Nous avons mal... Je saigne. Je n'y arriverais pas.

Le combat perdure, je me débat, mais il ne lâche pas. J'ai beau frapper, rien à faire. J'ai l'impression d'être la proie... J'ai attendu trois heures pour... Me jeter dans la gueule d'un loup, quel crétin. Si encore j'avais deux main valides, j'aurais eut une chance. Mais... Pas le temps de penser à ça... Pas le temps de me déconcentrer, je dois ma battre bon sang ! De ma main valide, je chope une grosse pierre, puis l'élance sur la tête de la bête. Elle me glisse des mains. Il couine, il lâche prise, grogne, puis presque aussitôt, mord mon avant bras droit. Ca fait mal, très mal, je cri, mais ne saigne pas. J'avais raison de garder certaines pièce de mon armure, dont le poignet, qu'il agrippe désormais fermement.
J'ai l'impression d'avoir le bras en charpie. Mon coude droit, celui que je gardais immobilisé depuis plusieurs jours maintenant, s'est subitement étendu... Pas le temps d'avoir mal, j'ai encore une chance, j'ai à nouveau une chance. Avec mon bras droit, je le saisit par le cou, puis saute à l'eau. Par réflexe, j'inspire à fond, pas lui. Rapidement, tel un boa constrictor, je l'étreint de mes deux jambes. Je m'immobilise, il se débat. Il lâche prise, il est trop tard...

Le temps passe. Il ne bouge plus...
Alors je remonte à la surface. J'ai mal, j'ai faim, mais j'ai gagné...

Je replonge, le saisit, le remonte à la surface. Il est là, mort, sous mes yeux, il est à moi. Je l'ai eu.
Subitement, une image me revient. Dans l'eau, il y avait quelques chose. Je l'ai aperçu du coin de l'oeil. C'était vert, la lumière du jour se reflétait à sa surface... Je replonge, trouve la chose, la remonte... C'est une pierre, verte comme une opale, mais d'une taille qui ferait pâlir tout bon joêllier. Une pierre, parfaitement lisse, ovale, parfaite... C'est bien ma veine, je trouve de quoi faire fortune, mais je n'aurait certainement pas le courage de le ramener... Et ou, je ne sais même pas ou aller... Je n'aurais pas dût la remonter en fait.

Enfin... Peut importe. Il est l'heure de manger. Péniblement, je remonte sur le bord du trou d'eau. Ma jambe... Saigne... Plutôt pas mal. La morsure est sévère, mais le muscle semble intacte, seul la peau est touchée. Cela pourrait être pire, mais il faudra que je fasse attention à ces vilaines plaies. Alors, rapidement, je retire ma tunique de lin pour la nouer vigoureusement autour de ma blessure.

C'est suffisant, et j'ai faim. Alors, sans prêter la moindre attention au bijou, je saisit une roche pointue, puis ouvre la peau de la cuisse droite de la bête. Elle bouge encore... De deux puissants coûts bien placés, je lui ouvre le crâne. Au moins, il ne soufre plus, lui...

Bon appétit.

Le repas fut long, très long. Je crois bien ne jamais être resté aussi longtemps à manger le même plat. Il faut dire qu'armé d'une simple pierre légèrement tranchante, il me fallait déjà pas mal d'efforts pour en arracher un bout et bien d'avantage encore pour le mastiquer. Au final, je me suis résigné à l'attaquer directement avec les dents, le visage contre la chaire... Ce n'est pas si mauvais, la viande crue, même si ça manque un peu de goût, et que ce n'est pas évident à mâcher...

Le bon côté des choses, c'est qu'avec tout ça, j'en ai oublié mes blessures. Ma jambe, mon bras, je n'y faisait plus attention. La pierre non plus, d'ailleurs. J'ai passé quatre bonnes heures, sous le regard surpris et jaloux de certains animaux, à dévorer la bête... Comme n'importe quel prédateur en fait. Puis, après avoir terminé un bon morceau de la cuisse de l'animal, je l'ai entièrement replacé dans l'eau froide, de sorte qu'il se conserve mieux. Une fois cela fait, j'ai minutieusement nettoyé les multiples plaies que m'avait infligé le la morsure du loup, sur ma jambe. Certaines sont plutôt profonde, et même si elles ne saignent plus, je ne crois pas être capable pour le moment de reprendre ma route...

Alors quoi... Je vais rester ici, recouvert de merde, à attendre qu'une plus grosse bête ne vienne me dévorer ? Je vais attendre la fin... Comme une grosse victime... Si Rasapa était là, il m'aurait déjà soigné, je n'aurais même plus mal à l'heure qu'il est, et il nous aurait déjà téléporté chez lui. Nous serions en sécurité, au chaud...


Alors que le soleil commençait à disparaître derrière la cime des arbres, je me suis fais un abris, à nouveau... Mais je ne suis pas serein. Pour surveiller la carcasse, je n'ai pas put m'éloigner du point d'eau. Je n'ai donc pas put me mettre à l'abris convenable, et j'ai bien peur que d'autres loups ne viennent au point d'eau. Celui-ci était seul, j'ai eut de la chance... Mais si jamais ils sentaient mon état, ils ne manqueraient pas de s'en prendre à un animal blessé.

Alors, je me suis simplement enfoncé dans un fourré, un buisson épineux. L'odeur de merde est tenace et suffira peut-être à les convaincre de ne pas approcher. J'ai aussi pris soin de cacher la pierre, juste à côté, elle sera en sécurité... Même si au fond, sa sécurité est bien le moindre de mes soucis.


Ca y est, il fait nuit... Une petite pause, pour récupérer de cette journée, et ça ira mieux. J'aviserais... Demain.

Je me réveille en sursaut. Il fait nuit, encore. Je suis trempé de sueur, et je ne me sent pas très bien. Mal jambe me fait mal, je suis fatigué, j'ai mal à la tête, et sans doute un peu de fièvre. Ce doit être un coup des baies, encore, ou bien de la viande crue... Je ne vois rien, tout juste les silhouettes de quelques arbres éclairés par les rayons lunaire. Il faudrait que je me rendorme... Mais... J'entends du bruit. Des pas, tout prêt, dans les fourrés, quelques chose est tout près.
Rapidement, je saisit la pierre pointue que j'avais pris soin de poser à proximité. Dans mon buisson, caché, camouflé, la bête ne viendra probablement pas, mais je dois être vigilant, plus que jamais. Les bêtes savent flairer la peur, ainsi que les blessures, mais moi, ils ne m'auront pas. Jamais !

Quelques minutes plus tard, les bruits ont cessés, laissant place à un calme aussi apaisant qu'inquiétant. Une nouvelle bête viendra sans doute, mais en attendant, je dois reprendre des forces. Demain, je reprendrais la route... Demain...

Alors, je me recouche, et à nouveau, m'offre à Morphée. Elle ne manquera pas, sans doute, de me tourmenter avec ces cauchemars qu'elle aime tant m'imposer ces derniers temps... J'aimerais tellement être rentré...

J'ai dormis longtemps, beaucoup trop longtemps. Lorsque je me suis réveillé, le soleil était déjà haut dans le ciel, et je n'allais vraiment pas bien. Ma jambe est malade. Lorsque j'ai retiré le bandage, j'ai put voir... Elle avait quasiment doublé de volume et avait pris une étrange couleur, entre le rouge et le bleu. J'avais de la fièvre, mal à la tête, des étourdissements, et peinait à me lever... Et alors que la veille, je marchais sans peine, j'ai à présent du mal à prendre appuis sur le mollet blessé... J'ai déjà vu ça, c'est à cause de la blessure, c'est à cause du loup. Il se venge de ce que je lui ai fais... Il veut m'emmener avec lui...

Je me sentais tellement mou que faire la moindre petite chose me semble insurmontable, mais je sais bien que si je reste, je crèverais ici. Il fallait que je trouve de l'aide, que quelqu'un me soigne, et vite, et si mon corps pouvait encore avancer ne serait-ce qu'un peu, ce serait déjà pas mal... Alors j'ai lutté, enfin, j'ai essayé de lutter. Je me suis relevé, j'ai nettoyé la plaie, même si cela n'avait pas vraiment l'air d'avoir suffit la veille, puis j'ai découpé un morceau de viande avant de partir en laissant le corps de la bête à l'air libre, l'abandonnant aux charognards. Je ne reviendrais plus ici de toute façon... Il me faudrait marcher, vers l'ouest, trouver une route, rapidement...

Avant de partir, je suis retourné voir la pierre... L'opale, qui n'en était pas une en fait. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'était un oeuf, et il avait éclos pendant mon sommeil. C'était peut-être de là que venaient les bruits que j'avais entendu durant la nuit. Un dragon, peut-être, ou autre chose... En toute cas, ce ne doit pas être une petite bête. Les dragons ne doivent pas être les seules créatures gigantesques de ces terres...
Enfin, peu importe. L'oeuf éclos, il n'avait plus aucune valeur, alors je l'ai laissé, et je me suis mis en route... Laborieusement.

J'ai longé la lisière de la forêt, en direction du haut d'une colline, sur à peu près cinq kilomètres, mais toujours rien. Bien qu'au sommet, je ne vois rien d'autre que de l'herbe, des nuages, cette satanée forêt... Rien... Et je suis à bout de force, j'ai la tête qui tourne, je vais faire une pause... Alors je m'assied, puis m'allonge... Dans les hautes herbes... Que le ciel est beau, les nuages, un oiseau passe, ça y est, je suis perdu. Je n'arriverais jamais à retrouver mon chemin, et cette maladie va m'emporter, alors à quoi bon avancer, je n'en ai plus la force...

Faisons une pause... Une toute petite pause... Et fermons les yeux... Un court inst...

Puis la lumière, le ciel, les nuage. La journée est magnifique, et la mort ne semble pas encore m'avoir emporté. J'ai chaud, j'ai froid, je suis en miettes... Ce cauchemar, encore... Il ne me lâche plus depuis le combat. Ce n'est probablement pas un hasard. Je me souviens, c'est cette elfe... Elle a fait quelques chose, elle m'a envoûté... Enfin, peu importe, bientôt, cela n'aura plus aucune importance. Mort, tout ira mieux.
Ma main droite semble brûlante. Une hallucination ? Je la lève, péniblement, et l'approche de mon visage. Mon coude non plus ne va pas mieux, bouger le bras reste difficile. Je l'observe. Elle est sale, recouverte de terre. Voilà donc ce que cette vie a fait de moi. Voleur ou soldat... J'ai toujours été bouseux, toujours caché, au fond du trou... La fièvre. Je ne me sens pas bien, le soleil m'éblouit, en voilà un qui ne risque pas d'être malade. Une étrange chaleur semble émaner de la paume de ma main droite, alors je la masse. J'en écarte la terre, la bouse, le sang, puis aperçoit une marque. Il y a quelques chose... Une cicatrice... Mais je n'ai pas mal... Mmhh... Peu importe.

Un instant, je ferme les yeux, puis les rouvre. Je me suis endormis, à nouveau. J'ai dormis, enfin, je crois avoir dormis. Mais je ne sais même pas combien de temps. L'herbe est si confortable et me lever me semble si dur. J'aimerais rester ici pour l'éternité, à observer le ciel... Le soleil... Le soleil a disparu. Il est beaucoup plus bas à présent. D'ici quelques heures, il fera nuit, et je serais seul, plongé dans le noir...

Je ferme les yeux, puis les rouvre, à nouveau. Il y a quelques chose sur me main. Alors, je tourne la tête, pour observer mon propre corps étendu, et j'aperçois... Non ! Je dois halluciner. Il y a un animal, un petit dragon, un tout petit dragon vert, juste là. Son aile enveloppe le bas de mon torse. Il se réveille alors, lève la tête, puis m'observe, plongeant ses yeux dans les miens. Mon coeur s'emballe, c'est incroyable, je dois rêver. Mais sa présence semble amicale, familière, alors ma tête retombe... Il est avec moi...

Je ferme les yeux.

J'ouvre les yeux. J'ai mal. Ma jambe me fait mal, mon état ne s'arrange pas... Il fait sombre, il fait nuit, mais la lune nous éclaire. Il y a des bruits, des grognements, des couinements... Il se passe quelques chose... Un combat, ou plutôt non, des cris d'animaux. Alors je tourne la tête, le dragon est là, il s'agite, il tourne autour de moi frénétiquement en poussant de petits cris menaçant, mais il n'est pas tout seul. Il y en a d'autres, pas des dragons, je les entends. Alors je tourne la tête, je les cherche. Je les entends, leurs cris me sont familiers. Ils sont là ! Des loups !... Il y a des loups... Ils vont me dévorer, ils veulent me dévorer... J'ai peur... Je ne veut pas mourir. Je voudrais fuir, mais n'y arrive pas.

Et alors, je comprends. Le dragon, il les repousse, il me protège. Seul, il parvient à les tenir à distance en les menaçant de sa frêle stature... Mais pourquoi fait-il cela ? Pourquoi m'aide-t'il... Ils vont le dévorer, lui aussi, alors que moi, je suis condamné... Il me prend pour sa mère, c'est ça ? Ce doit être lui qui était dans l'oeuf, et il me protège à présent ! Mais je ne veux pas... Non... Je ne veux pas qu'il se sacrifie... Je suis condamné !
Alors je lève le bras, doucement, le caresse, puis le repousse...

Mais il ne réagit pas. Il ne se tourne même pas... Il continue... Et moi... Je suis trop fatigué. Alors je ferme les yeux. Pourvu que je meurt avant qu'ils ne me dévorent. Je ne veux pas être mangé vivant...


Ce spectacle dura toute la nuit. Je me réveillais régulièrement, et à chaque fois, découvrait le dragonneau, à mes côtés, et à l'affût, qui guettait alentours. Toute la nuit durant, il y eut des cris, des gémissements, des grognements. Puis, enfin, lorsque le soleil fut levé, je le découvrit, à nouveau, allongé tout prêt de moi, la tête posée sur ma poitrine, et son aile recouvrant le bas de mon torse. Il était là, encore... Et j'étais en vie... Toujours...
Allait-il donc rester là jusqu'à ce que ma dépouille ne pourrisse ?

Alors que venait d'apparaître à la lisière du bois un dragon doré, le dragonneau vert se réveilla. A vrai, dire, il ne dormais pas vraiment, pour rester à l'affût, mais la nuit de veille l'avait fatigué, et à son âge, il lui fallait du sommeil. Surpris, il se redressa soudainement, puis grogna timidement. Il n'était de toute évidence pas rassuré. Alors, doucement, il s'avança d'un pas, afin d'enjamber le jeune homme, puis étendit ses ailes de tout leur long au dessus du guerrier, signifiant clairement qu'il se trouvait sous sa protection.

Alerté par le grabuge, Oryon ouvrit doucement ses yeux cernés, comme tiré d'un sommeil millénaire. Visiblement, l'état de sa jambe ne s'était pas amélioré, et il en était de même de son état de santé général. Alors, doucement, il tourna la tête, puis aperçu la grande et aveuglante silhouette dorée. Eblouis, il plissa ses yeux à l'extrême, pour finalement comprendre à qui il avait à faire.

Il s'agissait sans doute d'un rêve, d'une hallucination ! Comment ce dragon avait-il put survivre ? La dernière fois que ces deux être s'étaient croisés, il l'avait laissé pour mort, carbonisé, en miettes, et aujourd'hui... La situation était inverse. Pourquoi l'aiderait-il ? Comment aurait-il put plus mal tomber ? Doucement, Oryon soupira, puis toussa douloureusement. Que pouvait-il bien lui dire ? Qu'il était désolé ? Qu'il n'aurait pas dut l'abandonner ? Qu'il regrettait et qu'il implorait son aide ?
S'aurait été trop facile... Oryon avait d'avantage d'honneur que ça, et Szanghai n'était pas assez stupide pour ne pas faire le rapprochement entre leurs deux situations. Alors qu'il aurait dut l'aider, il l'avait abandonné. Aujourd'hui, c'était au tour de Szanghai de cueillir sa vengeance. Elle pouvait le laisser, l'abandonner, mais contrairement à son cas, sauf miracle, il était peu probable qu'il ne survive.

Le dragonneau, quant à lui, ne prêta aucune attention au bout de viande que lui avait jeter la dragonne, mais, admettant finalement que ses intentions n'étaient pas mauvaise, il cessa de grogner avant de se reculer doucement tout en gardant sa petite tête à proximité de celle du jeune homme.

Le jeune homme écouta, et ne dit rien. La dragonne avait beau parler, il savait ce qu'il avait fait, et bien que, sur le coup, il avait pris la bonne décision, aujourd'hui, il s'en voulait. Puis, alors que Szanghai procédait aux soins, Oryon serrait les dents. A chaque sursaut , à chaque tressaillement du jeune homme, le petit dragon semblait d'avantage inquiet, comme si lui même ressentait ces petites douleurs qui venaient ponctuer le processus de soin.
Finalement, les soins furent relativement concluant. Les blessures s'étaient résorbées, les cicatrices étaient en bonne voie de guérison, les douleurs avaient disparues, mais la fièvre n'avait, pour le moment, pas disparue. Même si Szanghai venait de lui donner un bon coup de main, c'était à présent à l'organisme du jeune homme de faire le travail pour éradiquer les traces de l'inféction.

Se sentant un peu revigoré, le jeune homme se redressa doucement avant de s'intéresser au petit dragon qui, alors, était venu poser ses pâtes avants sur les jambes du jeune homme afin d'approcher son museau du visage fatigué d'Oryon.
Il sourit, caressa longuement l'animal, puis sans même observer la dragonne dorée, lui répondit.

* Voila un état d'esprit que j'approuve plus...c'est ce que j'ai appris depuis quelques jours. Vivre dans le passé n'est pas bon, garde les bons souvenirs, apprend des mauvais, de tes erreurs et oublie le reste.*

Elle faisait référence a sa résolution de vivre le présent d'Oryon. Et tandis qu'elle continuait de donner la becqué au dragonneau, elle sentait a quel point les paroles d'Hinestel étaient vraies. Si elle souhaitait tant que ca materné, elle n'avait qu'a se trouver un dragon qui veuille bien d'elle. Sa façon d'agir avec le dragonneau vert prouvait ce qu'avait dit son dragonnier. Au fond d'elle même, elle se sentit soulagée, elle était restée une dragonne sauvage, plus préoccupée par son espèce que son devoir de dragonne de dragonnier.

* Tu peut remercier ton pourpoint de cuir en tout cas, tu ne l'aurais pas abandonné, je n'aurais pas eu idée de partir a ta recherche * lâcha t'elle distraitement.

Elle observa Oryon avec douceur puis le tout jeune dragon. Qu'est ce qui l'avait décidé a éclore pour lui? Faisant reposer sa réflexion sur des faits, elle demanda au dragonneau, uniquement pour lui.

* C'est parce que tu as vu en lui que c'était un battant, cherchant a survivre coute que coute, comme un dragon, qui t'a décidé a sortir de l'oeuf ? Je sais que tu comprends ce que je dit mais que tu ne peut pas encore parler, répond simplement d'un hochement de tête. Quoi qu'il arrive, je serait toujours la pour toi, mon tout petit. *

Poursuivant plus pour Oryon que le dragonneau.

* Il serait bien que tu lui donnes un nom qui lui plaise. Même si cela me démange de le faire moi même par les instincts maternelle qui m'habite, il s'agit la d'un devoir qui t'incombe. Qui plus est je suis une dragonne sauvage apprivoisée, il y'a bien un deux patte dans ma vie.*