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Medhiv [en cours]

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Laïaga

Dirigeant du Cam Serarna

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Laïaga
Dirigeant du Cam Serarna
Message Sujet: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:13


Identité :


Prénom et nom :Medhivanastaphanès Shimeorsha Sin Asir Mahôtsukai Mai’Avalon, mais appelez-le Medhiv…

Race : Plus humain que semi-elfe, cependant le sang du beau peuple coule dans ses veines.

Sexe : Masculin

Âge : 69 ans

Défauts :

Qualités :

Projets d’avenir : Les voies de Dieu sont impénétrables…

Descriptions :


Caractérielle :


Dernière édition par Laïaga le Lun 15 Déc 2008 - 20:43, édité 1 fois
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Laïaga

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Laïaga
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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:14


Histoire :


Ce récit commence dans la belle cité de Silverfall. On dit que ce sont des colons d’outre-monde qui l’ont créée. Des colons d’une tribu au nom imprononçable, et dont de toute façon, personne ne se souvient (on se souvient juste qu’il est imprononçable). M’enfin bon en même temps, tout ça c’est des légendes. Des contes qu’on se raconte au coin du feu pour faire sourire les enfants de Silverfall et de tout le pays d’Ash, patrie dont la cité aux mille et une chutes d’eau est la capitale. Oui car Silverfall – et ça on s’en souvient très bien – veut littéralement dire « chutes d’argent ».
Cette ville est exceptionnelle. Si elle s’appelle ainsi, ce n’est pas pour rien, aussi laissez-moi vous présenter le joyau des cités, la plus belle ville de toutes. Celle où, jamais de votre vie, vous ne voudriez aller vivre…
Les Chutes d’Argent choient au nord de la ville, dans un bassin qui est bordé par l’esplanade des Allongés. Ça ne vous rappelle rien ? Si, voyons ! Le boulevard des Allongés : le petit nom du cimetière, en Alagaësia ! Comme quoi, d’une contrée à l’autre, l’on conserve les mêmes expressions. Ou presque. La lumière commence à se faire dans votre esprit ? Pas complètement, c’est sûr. Mais vous allez vite comprendre. Malheureusement.
Vous vous demandez sans aucun doute « comment une ville aussi magnifique peut-elle inspirer autant de mélancolie chez ce narrateur de mes deux !? »
C’est bien simple en fait, vous allez voir tout s’emboite. Le taux de mortalité infantile, en Alagaësia, est de, allez, vingt-cinq pourcents. C’est peu, très peu même au vu du niveau de développement des indigènes. Mais les magiciens y sont pour beaucoup, et leurs talents de guérisseurs remontent sensiblement l’espérance de vie.
A Silverfall, le taux de mortalité infantile est de…soixante-et-onze pourcents. C’est pour ça, d’ailleurs, que la population s’accroit si peu. Personne ne vient habiter à Silverfall, c’est plutôt le contraire, des quartiers entiers se désertent. La capitale se meurt à petit feu.
Comment ça je tourne autour du pot ? Ah oui, la cause de cette mortalité, c’est vrai. Parce qu’il ne faut pas s’y fier, la mortalité chez les adultes ne vaut guère mieux. Bref, fi des digressions. Ces chutes magnifiques d’une eau argentée unique au monde, ces arcs-en-ciel comme vous n’en avez jamais vu, les plus beaux et les plus scintillants, des arcs-en-ciel d’argent, tout ça est du fait que…
Que l’eau qui compose les Chutes d’Argent est saturée de mercure au point d’en avoir la couleur, mais surtout les propriétés. La toxicité, pour être précis. Ainsi les alentours de Silverfall (l’eau, la terre, les plantations, tout !) sont intoxiqués. Les habitants respirent le poison, boivent le poison, mangent le poison, à longueur de journée. Les enfants mort-nés sont légion. Oui mais alors pourquoi une telle ville s’est-elle développée ? Oh, ce n’est pas compliqué. Ces colons d’outre-éther qui ont colonisé l’endroit (mais là je vous raconte des légendes, il ne faut pas prendre ça au pied de la lettre, c’est juste une histoire communément admise) étaient insensibilisés au mercure, ils ne craignaient pas ses effets. Leur eau était pure et leur terre, propre. Il n’y avait pas que des hommes. Peu après les colons, vinrent d’autres colons – ça devait être la mode, à l’époque – mais ceux-là étaient des elfes. Des mages, des dragonniers, des Chanteurs (ceux qui chantaient le bois, les meilleurs d’entre eux), des maîtres d’armes, des alchimistes, et de simples elfes sans rien de particulier. Tout ce beau monde (Joli jeu de mots non ? Ce beau monde, le beau peuple…humm…oublions.) rencontra ces fameux colons qui avaient déjà érigés Silverfall telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ils décidèrent de s’installer avec les colons. Ainsi Silverfall fut rapidement peuplée de semi-elfes. Les elfes étaient moins nombreux que les hommes, mais immortels ou peut s’en faut, et préservés par nature de la toxicité du mercure.
Pourtant comme dans tout pays il y eut des guerres. Silverfall était une cité-état, aussi sa force militaire était pour le moins réduite. Bien sûr ces terres au nord-est du Du Weldenvarden regroupaient elles aussi des pays plus ou moins développé, et plus ou moins belliqueux. Les colons d’outre-monde ne se démarquaient plus en rien de la population locale de ces terres depuis longtemps, et malgré qu’ils furent à la base plus avancés que le reste de la population du continent, ils avaient perdu tout avantage au fil des siècles. Quant aux elfes, ils étaient puissants mais peu nombreux, et la guerre à l’encontre de Silverfall réduisit quasiment la population à néant. Il ne restait pas un seul elfe. Les rares survivants durent intégrer le royaume d’Ash, et le roi de l’époque décida de faire de la cité aux mille et une chutes d’eau sa capitale. Des hommes et des femmes vinrent s’installer, d’abord on ne se rendit compte de rien. On attribuait les morts à des maladies locales, au changement de climat trop brutal, voire à la « sauvagerie des autochtones qui n’avaient pas encore su s’adapter à la civilisation Ash ». Puis les autochtones et leurs enfants, et les enfants de leurs enfants, eux, ne subissaient pas de telles pertes. Pourtant avec le temps le sang elfe se dilua dans les veines des enfants des enfants des enfants des enfants des enfants des contemporains de la guerre signant la fin des elfes à Silverfall. Ce sang elfe qui faisait que ces gens ne craignaient pas le mercure et sa toxicité disparut, et rapidement, les morts se firent plus nombreuses, étonnamment nombreuses. C’était un peu plus d’un siècle après l’intégration de Silverfall à Ash, et ce ne fut que là que des alchimistes de tout le royaume se penchèrent sur la question. Et dix ans plus tard, ils finirent par définir la nature du problème.
Oh bien sur ça ne les aida pas à grand-chose, à part à faire fuir la populace. Le temps passa, les siècles s’égrenèrent. On n’arrête pas le Temps, et les morts continuèrent tandis que la ville se dépeuplait.
Ceci explique grandement la position de la femme dans la société. Je n’en ai pas encore parlé ? Oh, que je suis tête en l’air ! En fait et pour exposer clairement la situation : elles n’ont aucun droit officiel. Elles n’existent pas, en fait, de simples noms sur un registre, elles ne peuvent travailler (officiellement), ne peuvent pas avoir une place quelconque dans la société, bref, elles sont juste bonnes à faire des mioches.
Non, personnellement, je ne suis pas sexiste, qu’il n’y ait pas de malentendu hein ! De toute façon je suis le narrateur, et le narrateur est une projection de la voix de l’auteur, une sorte de vision de l’esprit, enfon tout ça pour dire que je n’existe pas, donc bon…Rabattez vous sur l’auteur en cas de réclamations ou affiliés.
[Vous êtes pas obligés d’écouter les conseils à la con que je mets dans la bouche de mon narrateur…prenez-vous en à lui, il sera ravi de vous répondre. Je ne suis pas sexiste non plus.]
Enfin, pour reprendre mon histoire, dans les premiers temps qui suivirent la conquête de Silverfall, la condition de la femme se dégrada sévèrement. Car les « sauvages de la cité grise » accordaient, eux, contrairement à la « civilisation hautement distinguée Ash », une place à la femme qui n’avait rien à envier à celle de l’homme. Bref, les sauvages ont du apprendre à régresser pour rattraper la civilisation.
Mais ça, à la limite, pourrait paraître secondaire par rapport au gros problème de la suite des événements : les terres infertiles, la pollution au mercure, tous ça faisaient mourir beaucoup d’enfants, et de fait, les femmes devaient enfanter encore et encore pour pas que la civilisation Fallen (terme invariable désignant les habitants de Silverfall) ne disparaisse. Les Fallen qui l’étaient déjà à l’époque de la guerre qui vit disparaître les elfes, et leurs descendants, étaient pour ainsi dire assignés à résidence. Ils n’avaient pas le droit de se rendre dans d’autres villes de l’empire Ash (qui n’était un empire que pour les Ash, pour les pays alentour, Ash restait un pays…). Bien sûr, tout s’achète, mais la plupart des Fallen ne pouvaient se permettre de soudoyer les fonctionnaires Ash et devaient donc se contenter de la vie affreuse dans un cadre paradisiaque que permettait Silverfall. Alors les femmes devaient faire toujours plus d’enfant, car sans ça, leur famille s’éteignait, et surtout, l’économie Fallen déplorable avait tendance à faire hausser le prix de la marchandise, et quelques bras en plus pour travailler n’étaient jamais de trop. De fil en aiguille, en quelques décennies, les femmes se retrouvèrent au statut – à peu de choses près – d’objets. Certes, d’une famille à l’autre, ça variait, mais dans l’ensemble la femme n’avait guère d’autres droits que de coucher avec son mari.
Cela perdura, et même si c’est du plus haut immoralisme, ça sauva sans doute la cité, car un peu plus de mille ans plus tard, si la cité est restée quasiment inchangée (mille ans plus tard, c’est à l’époque du début de notre histoire), ce qui témoigne de la qualité exceptionnelle des matériaux utilisés pour bâtir tous ces bâtiments (bâtiments construits par les premiers colons avec l’aide des elfes, les deux races ayant des styles très différents, ça donne un style hétéroclite de métaux et de bois de toutes sortes, beau et extrêmement résistant : même pendant la guerre, aucun bâtiment n’a été sérieusement abimé, alors que les catapultes, les trébuchets, et autres engins de siège faisaient choir leurs projectiles), la population reprend son essor. De génération en génération, les enfants sont devenus de plus en plus résistants à l’empoisonnement au mercure et autres métaux lourds, et au jour d’aujourd’hui la mortalité infantile est « d’à peine » cinquante-trois pourcents. Bref, presque le double de l’Alagaësia, où il n’y a eu aucune évolution non plus (mais ça les Fallen ne le savent pas, ils ne connaissent même pas la patrie des dragonniers…), mais bien moins qu’un millénaire et quelques plus tôt.
Maintenant, dans cette ville toujours déserte mais un peu moins, un jeune homme que vous apprendrez bientôt à connaître fait ses ablutions matinales…
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Laïaga

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Medhiv [en cours] Vide

Laïaga
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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:14


Bon, avant de parler de Medhiv, puisque c’est lui, et vu que l’on a fini l’histoire, il est temps de s’attaquer à la géo. Les enfants, sortez vos cahiers et ouvrez votre livre à la page…Ah non, c’est pas ça. La géographie de Silverfall. La perle d’argent de l’empire Ash.
Les Chutes d’Argent donc (Vous avez vu ? L’argent revient partout !), elles se situent au nord de la cité. Pour une capitale, vu que les rois n’ont jamais quitté Silverfall depuis leur installation, se contentant de manger et boire des denrées importées en se tenant le plus loin possible des effluves de mercure, elle est assez petite. En même temps, elle n’abrite qu’un peu plus de trente mille âmes. Ce qui est loin d’Avana’Mazd, la capitale économique du pays d’Ash, qui compte dans les huit cent mille habitants. On ne sait pas exactement où les chutes d’argent prennent leur source, certainement quelque part dans Terra Incognita, une immense chaîne de montagnes où l’on dit qu’il se passe de choses bien étrange, cependant on ne peut pas le vérifier, personne n’est jamais allé sur le plateau au nord de Silverfall, là où commencent les chutes. Sur les cartes, au nord de Silverfall, il n’y a qu’une grande zone blanche.
On ne sait pas non plus où vont les torrents d’eau au mercure après être sortis de la ville. Ils s’enfoncent tous sous terre, et on suppose – encore une fois, des suppositions… - que le mercure est purifié par des éléments inconnus sous terre. Bref, on n’en sait rien du tout.
Les chutes forment un demi-cercle d’argent en fusion qui choit dans un étang bouillonnant juste devant l’esplanade des Allongés. On l’appelle comme ça parce que les sans-abris à y être retrouvés morts sont des dizaines chaque année. L’esplanade est construite autour des chutes, le sol est en marbre blanc veiné de noir, et le panorama est vraiment magnifique. Il rappelle à quel point la nature est imposante et comme elle peut se montrer impitoyable, voire cruelle. Elle rappelle comme l’homme est insignifiant, et comme il est mesquin pour le plus puissant d’entre eux, quel que soit son domaine de puissance, de se croire puissant.
Cette esplanade est comme une excroissance de la ville, elle en dépasse en quelque sorte. A droite et à gauche de l’esplanade des Allongés, des canaux rentrent dans la ville. Parfaitement pavés depuis une douzaine de siècles, ils sont parallèles sur cent cinquante mètres puis ils se rejoignent autour du Mausolée. Là où se célèbre la fête des ombres du Monde. Là, les canaux forment un cercle autour de cet ilot qu’est le Mausolée, et de ce cercle partent une vingtaine de canaux. Ils sont comme les rayons d’un soleil, partant ans tous les sens en s’éloignant, parfaitement droits, ils distinguent les quartiers de Silverfall. Ainsi chaque quartier forme un triangle pointant vers le Mausolée, excepté le quartier des fantômes gris. C’est celui qui est délimité par les deux premiers canaux partant de l’esplanade des Allongés. Celui-là est rectangulaire et s’il s’appelle ainsi, c’est parce que c’est là qu’il y a le plus de morts, vu que l’esplanade des Allongés en fait partie et que les canaux sont plus larges qu’autour des autres quartiers. De plus les vapeurs de mercure exhalées au pied des chutes se concentrent surtout dans ce quartier.
Il y a en tout vingt-deux quartiers qui sont composés de maisons, de commerces, de parcs, de monuments, et d’autres magnificences que vous ne trouverez jamais ailleurs. Les canaux qui séparent les quartiers les coupent parfois en divers endroit, se rejoignant entre eux.
Les quartiers sont :
Le quartier des fantômes gris.
Le quartier des faiseurs de miracles.
Le quartier du quadrant solaire.
Le quartier du vingt-troisième quarrât.
Le quartier sans-nom, il ne s’appelle pas car c’est une sorte de décharge et de refuge pour les plus pauvres, bref, un lieu à éviter.
Le quartier de la royauté.
Le quartier de l’eau de mort.
Le quartier de l’avènement.
Le quartier des ombres.
Le beau quartier.
Le quartier artistique.
Le quartier aux métaux.
Le quartier amputé.
Le quartier des artisans.
Le quartier chaud (oui, là, ils ne sont pas allés chercher loin, je vous laisse imaginer pourquoi il s’appelle comme ça…).
Le quartier aux enclos.
Le quartier des lumières.
Le quartier des lettres.
Le quartier sacré.
Le quartier mosaïqual.
Le quartier aux guerriers.
Le quartier de la science occulte.

Bien sûr, pour ajouter la touche tragique de si bon augure, Medhiv est originaire du quartier des fantômes gris. Je vous ferai grâce de la description indépendante de chaque quartier, votre imagination saura bien s’en charger…
Sachez seulement que le nom de chaque quartier n’est pas choisi au hasard. Ainsi le quartier de la royauté voit la résidence du Roi, le quartier mosaïqual n’est qu’une immense fresque donc chaque arbre et chaque maison est une partie, et qui représente une ombre, vu du ciel.
Bon, ça y est, vous voyez où vous êtes ? Let’s go…

Medhivanastaphanès du quartier des fantômes gris se lavait tranquillement, à moitié allongé dans le plan d’eau de l’esplanade des Allongés. Il se frottait le corps avec du savon. A Silverfall, on trouvait très facilement du savon de la meilleure qualité. Ce qui était plus compliqué à trouver, c’était de l’eau pour se laver.
Pourtant Medhiv se lavait dans les eaux argentées et bouillonnantes qui venaient directement de ces cascades empoisonnées dont je vous ai parlé. Il passait ses mains mousseuses au travers de ses cheveux comme un peigne, tentant tant bien que mal de démêler sa tignasse qui descendant juste en-dessous de sa nuque.
Son torse maigrelet dépassait de l’eau peu profonde, et n’eut-ce été son absence de seins, on aurait pu prendre le préadolescent pour une fille tant son visage exprimait la féminité et la grâce, tant ses cheveux paraissaient être ceux d’une femme, tant ses manières paraissaient déplacées pour un garçon.
Pourtant c’est bien ce qu’il était, un garçon. Un garçon et même le seul qui…

-Medhiv !

Medhiv cessa de peigner ses cheveux et leva les yeux vers celui qui l’interpelait, lui faisant un petit sourire.

-Salut Ozdoréam. Tu vas bien ?
-Certainement pas aussi bien que toi, répondit l’autre, acide. Habille-toi, ia ta mère qui t’appelle.
-Desnée ? Qu’est-ce qu’elle veut ?
-Tu pourrais l’appeler maman…
-Désolé…répondit piteusement Medhiv.
-Allez viens. Dépêche-toi ! dit Ozdoréam en donnant un coup de pied dans un caillou qui partit droit sur le front de Medhiv.

Il poussa un glapissement en se posant les mains sur le front, les larmes aux yeux, il leva des yeux implorants vers le gamin qui venait de lui faire mal.

-Pourquoi tu as fait ça ?
-Pour que tu te bouges ? Allez viens, ou j’appelle les autres ! Hé les gars ! Venez m’aider à remmener Medhiv chez sa maman !
-Non arrête ! se récria le garçon de douze ans. Il se précipita hors de l’eau empoisonnée, les mains croisées devant son entrejambe pour masquer sa nudité, et attrapa tant bien que mal sa tunique, il courut derrière une maison pour se changer et se mettre à l’abri. Une pierre rebondit obliquement à l’arrière de son crâne, il gémit, mais il avait l’habitude.
Il se changea rapidement, revêtant l’habit couleur ocre passé. Il serra les multiples lanières formant le haut de la tunique tandis que la pièce de toile servant de « jupe » s’ajustait en fonction. Une fois habillé, le petit garçon trottina jusque chez lui. Il entra sans frapper – normal, car les portes des maisons de Silverfall n’étaient que des draps de tissu ou de peau tendus pour donner un semblant d’intimité.
A l’intérieur de la petite maison presque entièrement dépouillée, il vit sa mère entrain de préparer le repas du soir. Il s’approcha à petits pas, pas vraiment sûr qu’elle ait des intentions louables.

-Ce soir c’est la cérémonie, dit-elle dés qu’elle se rendit compte de la présence de son fils.

Desnée était un spectre, l’ombre d’une femme, le genre de personnes qui allait bientôt sombrer dans les eaux empoisonnées. La toxicité du mercure l’avait atteinte, déclenchant en elle la maladie qui pourrit, et ses jours étaient comptés.
Pourtant elle mettait un point d’honneur à faire comme si de rien n’était, travaillant sans se plaindre, perdant peu à peu ce qu’il lui restait de vie. A qui aurait-elle pu se plaindre, de toute façon ? Medhiv, avec sa réflexion enfantine, aurait conclu qu’elle ne l’avait jamais écouté quand il s’était plaint, et qu’il devait faire de même avec elle.
Quant au géniteur du futur sorcier, il était inconnu, un des clients de la femme du temps où elle était encore saine, douze ans plus tôt, et où elle devait se coucher sous de vieux débris pantelants de graisse pour gagner de quoi survivre.

-Je sais, répondit-il.
-Le haut prêtre veut que tu…l’assistes, dit-elle d’une voix basse.
-Quoi ?! cria Medhiv, presque malgré lui. Non ! Tu ne peux pas avoir accepté. Maman…

Desnée eut un mouvement de recul instinctif quand il l’appela ainsi. C’était la première fois depuis qu’il avait cinq ans. Elle eut même un petit rictus. Elle aimait vaguement son fils car il était sa chaire, mais pas plus, cependant lui-même ne lui vouait pas une once d’amour, mais dés qu’il avait besoin qu’elle le protège, là c’était le retour de « maman » !
Elle lui mit une gifle retentissante qui fit tomber le gamin sur le coté. Il leva ses yeux dorés vers sa mère, celle-ci eut presque des remords devant ce regard de chien battu.

-J’ai accepté, et tu iras, je te battrai jusqu’à que tu y ailles. De toute façon, je ne fais qu’abréger tes souffrances, si tu ne meures pas aujourd’hui, tu finiras par être tué par le mercure.
-Tu sais que c’est faux ! accusa Medhiv. Tu mens, tu sais que c’est faux, que je…
-Tais-toi ! cria la mère du garçon, le coupant d’une voix hystérique. Arrête de raconter n’importe quoi. Personne n’est immunisé aux effets du mercure. Il n’y a que les elfes. Tu as l’impression d’être un elfe ? dit-elle en attrapant son oreille et en la tirant sauvagement, arrachant un cri à Medhiv. Tu trouves que tu ressembles à un elfe ?
-Non…gémit notre héros. Non, lâche-moi !

Elle le lâcha. Medhiv se recula vivement en se relevant, de grosses larmes roulant sur ses joues à la peau presque blanche.

-Tu feras e que je te dirai ?
-Oui.
-Bon, c’est bien, dit-elle avec un sourire.

Elle ébouriffa affectueusement les cheveux de son fils, et ce dernier lui rendit son sourire, cependant dés que Desnée fut sortie de la maison aller chercher des légumes pour finir son plat, l’enfant aux cheveux de feu se mi à sangloter en tombant à genoux.

-Je te déteste je te déteste je te déteste je te déteste…répéta-t-il pendant de longues minutes soulagentes.
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Laïaga
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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:14


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La cérémonie si typique de Silverfall, la danse des ombres du Monde. Le nom apportait sa part de mystère, peut-être d’exotisme, et présentait la chose sous les meilleurs hospices.
Ça c’était pour le néophyte n’ayant jamais passé une année révolue dans la ville aux chutes d’argent.
La danse des ombres du Monde est un rituel dont le sadisme est fonction du point de vue du spectateur.
Ici l’on ne connaît pas la magie.
Mais un ordre de prêtres pratique la sorcellerie, que d’autres appellent l’invocation ou encore la nécromancie.
Le haut prêtre en est leur chef, et il préside à la cérémonie, accompagné d’un assistant, différent chaque année…
Anastamodoïkamel « Anast » Av’Aragan, haut prêtre de Silverfall, portait la bure noire qui seyait à ceux de son rang. Derrière lui, l’enfant qui le suivait tête basse avait une toge blanche brodée d’or.
Le Mausolée était éclairé de six cent soixante six bougies très exactement. Elles s’échelonnaient sur les murs, dans des niches prévues à cet effet. Au centre, tout au centre, un bassin d’eau empoisonnée bouillonnait. L’eau y était emmenée par un système de canaux, et la pression à leur sortie provoquait ces remous.
La margelle du puits était gravée de runes et de signes cabalistiques.
Et à la lueur des torches, on pouvait voir des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui se massaient pour assister à la cérémonie.

-Ce soir dansent les ombres du Monde ! annonça le prêtre. Les djinns viennent ce soir à nos portes !

Un grand silence se fit à cette annonce rituelle.
Si on regardait par terre, on voyait le pentacle – car c’en était un – qui prenait le puits pour centre se prolonger jusqu’aux murs du mausolée. La coupole était un vitrail composé de cinq pierres précieuses différentes, et les murs et colonnes étaient en marbre jaune pâle strié de rose.

-Vous pouvez donner les lames.

Des milliers de ces spectateurs attentifs jetèrent à l’eau des lames de tarot. Le jeu de tarot Fallen comportait vingt-et-un atouts, comme tout jeu de tarot, et en cartomancie, chaque carte avait sa définition.
Les habitants devaient faire un vœu, et choisir une carte dont la symbolique s’en rapproche. En lançant la carte choisie dans l’eau, cette nuit-là, les djinns réaliseraient peut-être leurs vœux. Etrangement, Justice et Roue de la Fortune revenaient très souvent.
Quand ce fut fait, le sorcier eut un large sourire. Il était vieux et usé, le nez aquilin et le regard sévère.

-Bien alors…Moi et Medhiv, mon assistant de cette année, allons remmener les Djinns.

Medhiv déglutit. Il y eut un froid. Tout le monde savait ce que cela impliquait. Medhiv était condamné à mort. Il y avait un enfant désigné chaque année. Il en fallait bien un…Mais de toute façon on ne l’aimait pas, alors…
Le prêtre posa les mains sur la margelle du puits et incita Medhiv à faire pareil d’un signe de tête discret. Celui-ci resta immobile un instant, les joues baignées de larmes, et le cœur serré, cependant un regard aux sévères gardes le convainquit, et il posa lui aussi les mains sur la margelle, en face du prêtre.
Le pentacle se mit à lui doucement, une lumière noire étonnante, qui projetait de longues ombres, mais des ombres lumineuses, sur la foule. C’est ce qu’on appelait les ombres du Monde.
Puis il se mit à pulser, se mouvoir, sembla se distordre tandis que l’eau dans le puits devenait de plus en plus agitée.
L’eau polluée jaillit en gerbes du puits, éclaboussant le prêtre et Medhiv, cependant ce dernier ne bougea pas d’un poil ; après tout, pour lui, ce n’était que de l’eau. Il sentit en revanche très distinctement la présence face à lui, dans le puits, au sommet de la gerbe d’eau qui ne semblait pas vouloir redescendre. Il y eut un rugissement sourd qui persista, bruit de fond inquiétant, et l’esprit prit la forme d’une volute de fumée qui flottait au-dessus de la margelle du puits.

-Comme on se retrouve, humain, déclara l’être immatériel de sa voix d’outre-tombe. Ça faisait longtemps, non ? Je n’ai pas la notion du temps…J’espère que je t’ai manqué.
-Silence Jiam. Je te donne un réceptacle, pour un mois entier, remplis ta propre part du marché…
-Dix mille litres c’est ça ? Qui dois-je prendre ?
-L’enfant…Comme toujours…

Medhiv comprenait lentement ce que l’on n’expliquait qu’aux prêtres. Les runes sur son corps, cachées par sa tunique, était cet enchantement qui empêcherait le djinn de s’éterniser dans le monde des vivants plus de temps que prévu, celles sur le sol l’empêchaient de s’en prendre à quiconque d’autre qu’à lui. Or, si un esprit venait à posséder cotre corps, votre âme et votre esprit disparaissaient pour toujours, ne laissant que le corps aux mains de l’esprit.
Ainsi, la danse des ombres du Monde était un sacrifice, qui avait toujours intrigué Medhiv, mais il n’avait jamais compris comment mourraient les assistants.
L’esprit invoqué était d’une rare puissance, du genre de ceux que personne ne pourrait maitriser, mais de toute façon, un enfant serait incapable de dominer la plus petite raclure d’esprit.
Medhiv déglutit tandis que des larmes roulaient encore sur ses joues. La foule applaudit, acclama, à grands renforts de sifflets, tandis que la masse informe de fumée s’approcha de Medhiv, qui était fasciné, sa peur refluant doucement devant ce phénomène au-dessus de la compréhension des hommes.
Il ne put s’empêcher de remarquer combien le prêtre était stupide d’ainsi choisir d’envoyer un esprit sur le corps d’un enfant incapable de le contrôler alors qu’il pourrait en choisir un moins puissant qu’il contrôlerait lui-même, ce qui lui permettrait de purifier dix mille litres d’eau – comme le stipulait les termes du contrat entre les prêtres et Jiam – à chaque fois qu’il le voudrait, et en plus de ça, accroitrait considérablement son pouvoir.
Medhiv sentit le contact de Jiam sur sa peau bardée de protections ne visant aucunement à le protéger, lui, et il se sentit un grisé, dépassé par autre chose. Il se tendit vers le djinn, sans essayer de le repousser ou de s’enfuir, et le laissa pénétrer en lui. Ce qui lui sembla prendre plusieurs heures ne dura en fait qu’une seconde, et il sentit la deuxième présence en lui. Pourtant il ne ressentit ni la douleur qu’il s’attendait à ressentir, ni l’impression de disparaître qu’il s’attendait à subir. L’esprit cohabitait sans tenter de le dominer.
« Pourquoi ne me détruis-tu pas ? demanda-t-il intérieurement.
-Parce que ça n’en vaut pas la peine ; le premier humain que je voie qui ait des prédispositions à être sorcier, un vrai sorcier, je veux dire, pas un de ces jeteurs de sorts du dimanche comme ton haut prêtre, ce serait dommage de le tuer.
-Des prédispositions pour devenir sorcier ?
-Tu ne t’en étais pas rendu compte ?
-Non…
-Et bien…maintenant tu le sais. Tu pourrais tuer le prêtre si tu veux.
-Non ! Je…je ne suis pas un assassin !
-Humm… »
Le prêtre, pour sa part, resta circonspect en ne voyant pas l’enfant bouger.

-Jiam…souviens-toi de notre marché, rappela-t-il. Tu ne peux le rompre.

« Laisse-moi te défaire de ces runes qui nous emprisonnent tous les deux alors…dit l’esprit sans tenir compte de la remarque du prêtre.
-Tu vas en profiter pour t’échapper !
-Pour prendre le corps de quelqu’un qui va claquer instantanément ? Je préfère un être vivant…C’est tellement mieux…
-Tu ne tueras personne hein ? »

-Jiam !

« Crois de bois, croix de fer…persifla le djinn. Si je mens, tu vas en enfer…
-Joie…
-Laisse-moi prendre possession de ton corps. Qu’est-ce que tu veux qu’il t’arrive de pire que vivre ici, de toute façon ?
-Plein de choses ! Je…je me plais ici. Même s’ils ne m’aiment pas tous.
-Personne ne t’aime et tu n’aimes personnes…Tu n’as rien à perdre non ? »

Medhiv serra les dents devant la remarque. Le djinn ne remarquait pas comme il le faisait souffrir. Pourtant, pourtant, il devait avouer qu’il avait raison : rien à perdre. Le prêtre leva les paumes marquées à l’encre noire de deux runes, elles se mirent à luire. Rien ne se passa.

-Que…

Medhiv fit tomber sa tunique, dévoilant son corps nu, avec un petit sourire.

-Plus rien, prêtre…
-Comment tu as fait ?
-L’enfant…me prête son corps…
-Comme chaque année…Comment as-tu fait ?
-L’enfant me prête son corps, prêtre, mais je ne pense pas que tu comprennes ce genre de subtilité. Il me le prête et je ne le lui prends pas. Un prêt…Mais tu ne comprends pas ce genre de subtilité…Je crois que nous allons nous retirer…Braves gens…

Les ombres du Monde cessèrent de danser. Il ne resta qu’un corps d’enfant nu dans une cité perdue dans le désert. Au milieu de près de trente mille hommes et femmes. Il se tourna vers eux, descendant du mausolée. Tous s’écartèrent. Jiam venait de rompre tous les enchantements prévus pour lui. Intérieurement, Medhiv exultait. Ils lui cédaient le passage. Personne n’osait s’interposer.
Ils traversèrent ainsi la ville, laissant derrière eux l’enfance du sorcier. Jiam prit une tunique au hasard dans une maison au hasard avant de s’enfoncer dans le désert entourant Silverfall…

_~¤*°*¤~_


« Recherche escorte pour une expédition en Terra Incognita.
1 drake d’or par tête.
Demander Birman au Comptoir Commercial. »

Medhiv empocha l’annonce. Il la fourra dans une poche de son jean délavé. Il fit demi-tour, traversant la grande place d’Avana’Mazd pour rejoindre l’Enclave, le tripot pourri où il logeait. Il avait passé vingt ans aujourd’hui, et était mercenaire depuis qu’il en avait quinze. C’était une bonne situation, dans cette ville où ce travail était quasiment institutionnalisé.

-Armand, sers-moi un whisky s’te’plait, lança-t-il au tavernier en entrant dans le bar.

Il s’assit à sa table habituelle, où l’attendaient une quinzaine d’hommes. La table était trop petite pour eux, aussi s’entassaient-ils autour sur des chaises rongées par les mites et branlantes.

-Salut la Compagnie ! lança-t-il avec un petit sourire. J’ai trouvé la poule aux drakes d’or. Regardez-ça.

Armand vint lui porter son whisky, qu’il règle de trois drakes de bronze. L’inflation faisait son train, il se rappelait que cinq ans plus tôt, il n’en payait qu’un pour la même consommation. Ses compagnons observèrent tour à tour l’annonce sur du vélin. Ils sifflèrent avec admiration, certains même applaudirent tandis que Medhiv laissait échapper un petit rire.

-Qu’est-ce que vous en dites ?
-Super ! lança Roland avec enthousiasme. On prend.

Une quinzaine de voix l’approuvèrent en cœur, et il fallut plusieurs secondes au Vieux pour les faire taire. Le Vieux n’avait de vieux que le surnom, mais on l’appelait comme ça parce qu’il se prenait pour la voix de la raison.

-Et personne ne se demande pourquoi on paie aussi cher pour escorter un groupe d’explorateurs ? demanda-t-il, sarcastique. On va certainement pas tuer que des rats.
-Tu t’es enrôlé pour tuer des rats, le Vieux ? railla Sébastian. On est des mercenaires, et qui plus est, on est la Compagnie. On chasse pas les rats.
-Entre les rats et les dragons, ia une différence, Seb, tu sais ? argumenta le Vieux. Je vous suis, les gars, mais réfléchissez bien avant.
-J’ai un argument qui va tous nous mettre d’accord, la Compagnie, intervint Isidore le taciturne. Qui est-ce qui a de quoi payer sa chambre cette nuit ?

Et effectivement, ils furent tous d’accord. Accompagné de Roland et d’Isidore, Medhiv se rendit au Comptoir Commercial, lieu de rencontre de tous les marchands ambulants, de toutes les caravanes, de toutes les expéditions passant aux alentours d’Avana’Mazd, où il demanda Birman. C’était un grand homme, de près de deux mètres, avec une longue tresse rousse et un échalas dégingandé.

-On vient pour l’annonce, annonça le sorcier. Une escorte pour une expédition. On est quinze.
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Laïaga

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Laïaga
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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:14


« Toujours aussi franc, à ce que je vois, souligna Jiam à l’intérieur de Medhiv. Il a raison le vieux, elle pue cette mission…Méfie-toi. Lui aussi il pue.
-Tout doux Jiam. On a besoin de cet or. Même si on part à la chasse du dragon pendant deux mois, ça vaut le coup. C’est sûr que pour un esprit, ce genre de considérations bassement humaines est incompréhensible non ? T’es à l’épreuve de ça toi.
-Arrête, gamin, je te rappelle que sans moi tu serais entrain de te faire crever à petits feu par tes amis de Silverfall. Assume, moi, je te suis parce que je t’aime bien, mais si ça vire salement, je rentre dans mon plan et je te laisse seul avec tes talents d’épéiste. »

Medhiv savait que Jiam ne ferait jamais ça. Et aussi, il savait que ce n’était pas par amitié pour lui qu’il l’aidait. Il y avait autre chose mais il ne savait pas quoi. Jiam n’était pas du genre à faire des cadeaux gratuits. Quoi qu’il en soit, « ils étaient une armée à eux deux », comme se plaisait à le dire Ménestrel, un autre membre de la Compagnie.

-Quinze ? demanda Birman comme s’il était déçu, mais Medhiv n’aurait su dire si c’étai à cause de la somme à débourser ou au contraire parce qu’ils n’étaient pas assez.
-Ouai, quinze, répondit Roland. Quand on part ?
-Ce soir, jeta leur employeur de but en blanc. Vous serez prêt ?
-On est déjà prêt, se venta Isidore, à ce soir, mon bon mécène.

Ils retournèrent encore à l’Enclave. Ce soir…On n’avait pas idée de presser autant des mercenaires ! Surtout que Medhiv aurait juré que l’annonce n’était là que depuis ce matin. Mais ils n’avaient pas le choix, et de toute façon, comme presque tout le monde dans cette ville, ils ne laissaient pas grand-chose derrière eux. Medhiv enfourna dans sa besace des affaires de rechange, un nécessaire de couture (qui faisait de lui la risée de la Compagne, mais auquel il tenait), deux cimeterres, et son écritoire. Il fourgua dans les poches de son manteau acheté à un prix pharaonique son jeu de tarot si spécial, dont les lames étaient en acier, accrocha un poignard sur son biceps gauche, et alla retrouver le reste de la Compagnie pour se partager leur argent et acheter des provisions. Souvent, le couvert n’était pas compris dans l’offre de leurs employeurs, et on ne savait jamais quels revirement de situations pouvaient survenir, aussi se tenaient-ils toujours prêts. Les quinze mercenaires prirent le soir même la direction de Silverfall.

_~¤*°*¤~_


Ils suivirent tout d’abord une grande route. Il y avait trois chariots et cinq gardes à cheval. Medhiv se demandait pourquoi on avait demandé l’aide de mercenaires pour escorter un si petit convoi par ailleurs déjà escorté. Il se demandait aussi pourquoi ils avaient avancé toute la nuit et pourquoi tout le monde semblait avoir les lèvres cousues. Il en avait longuement parlé avec Jiam. Vu la taille du convoi, six des leurs montaient la garde avec les cinq gardes pendant que les neuf autres se reposaient à l’arrière des chariots bâchés. Ils en auraient pour un mois et demi à atteindre Silverfall. Pendant ses heures de repos, Medhiv entreprit, avec l’aide de Jiam, de continuer son œuvre. Il avait pris l’exemple de l’un des deux sorciers qu’il avait réussi à rencontrer et gravait maintenant ses cercles d’invocation sur des artefacts divers. Celui qu’il avait vu vivait dans une maison dont même les poutres étaient gravées de symboles cabalistiques. Pour l’instant, Medhiv se contentait d’un jeu de tarot. D’ailleurs, il n’avait pas de maison.

« Rajoute des circonvolutions, Medhiv, intervint Jiam.
-Tu crois ?
-La Horde Sauvage…Il faut au moins vingt circonvolutions, plus il y en a plus il sera simple de les soumettre. Ils sont nombreux… »

La Horde Sauvage. Une des rares invocations multiples. Qui invoquait la Horde invoquait toute une troupe de gobelins, ce qui, pour Medhiv, ne semblait pas bien compliquer. Medhiv devait arriver plus tard à la conclusion que c’était parce qu’il ne connaissait pas la difficulté de ce qu’il entreprenait que ça lui était si simple.
Medhiv jeta le vélin qu’il tenait au fond du chariot, avec plusieurs autres, et recommença sur un nouveau ce qu’il avait déjà entamé une vingtaine de fois. Un cercle, une succession de circonvolutions autour, de minuscules flèches transperçant chacune des circonvolutions vers l’extérieur, des runes que lui dictaient Jiam au fur et à mesure. A la tombée de la nuit, il avait terminé. Quand il mit le point final à sa création, le vélin devint aussi dur que de l’acier, il n’y eut plus qu’à l’insérer dans une lame de tarot. Elles semblaient faites pour ça, le vélin se fondait dans la lame d’acier aux arrêtes tranchantes, et bientôt, il n’y paraissait plus.

« Tu commences à avoir de la ressource, petit homme, commenta Jiam dans la tête de Medhiv. Tu seras grand plus tard… »

La Réalisation, la Papesse, l’Impératrice, et maintenant l’Empereur. Quatre lames imbibées de la sombre magie de Medhivanastaphanès.

_~¤*°*¤~_


-Aux armes ! Aux armes !

Medhiv se réveilla en sursaut. Il vit une brume indéterminée faire mine de s’enfuir de son corps et la retint à la force de son esprit : il n’était pas encore temps de dévoiler sa sorcellerie à ses employeurs. Il tira un cimeterre de sa besace et bondit au sol, quittant le chariot où il dormait. La nuit était d’encre et seule la lueur du feu de camp qui réchauffait les caravaniers éclairait chichement la scène. Medhiv sourit en voyant deux flèches siffler juste devant son nez. Isidore avait beau être taciturne, c’était un archer d’exception.

« Jiam, je te laisse le contrôle, bonne chance…
-Joie. »

L’attitude de Medhiv changea du tout au tout, et ce fut un autre homme qui riposta aux bandits de grands chemins. Animé par une énergie débordante : Jiam ne sentait pas la fatigue du corps qu’il habitait. Roland maniait ses deux rapières avec son élégance habituelle, Troubadour avait sorti ses couteaux de lancer et en usait avec précision, la plupart des Compagnons se battaient à l’épée ou au sabre. Le Vieux, Séb, Loïc, et tous les autres…
Les bandits ne devaient pas être très nombreux car le combat fut terminé en une quinzaine de minutes. Il y avait un mercenaire mort : c’était Roland.

-Merde…lâcha Medhiv d’une voix atone en regardant le corps de son ami, le cou à moitié ouvert. Enculés de bandits…

Il serra les poings si fort qu’il crut que les tendons de ses muscles allaient lâcher. Mais cette douleur salutaire n’arriva pas, rien ne vint le détourner de la douleur de la perte d’un ami. D’un côté, c’étaient les risques du métier…Mais Roland…Comment pouvait-on tuer Roland ?

-Eh merde !

Rageant, il grimpa sur un cheval et se remit à faire la ronde autour des caravanes. Ce genre d’attaques était de plus en plus fréquent, ils se doutaient qu’ils auraient à affronter quelque chose comme ça, ils en avaient même déjà combattus. Mais comment Roland avait-il pu se laisser avoir ?

-Arrête de te torturer, sorcier, lui dit le Vieux en approchant de lui. C’est la malchance qui l’a pris, on peut pas espérer passer entre les lames toute sa vie.
-Ouai…T’avais peut-être raison, au bar. Quand tu disais que ça sentait mauvais…
-Sans doute, mais pour l’instant, c’est en-dessous de ce que je craignais.
-T’as raison, que Roland soit mort, c’est pas grand-chose.
-C’est pas ce que j’ai dit ! se défendit le Vieux. Je suis pas là pour que tu te passes les nerfs sur moi, Medhiv.
-Désolé, s’excusa le sorcier. Ça m’a choqué, juste.

La nuit se passa sans autres incidents. La caravane se remit en route deux heures après, le temps d’enterrer Roland. Les bandits étaient laissés à pourrir au soleil. La Compagnie se remit en marche vers son destin.

_~¤*°*¤~_


Ils arrivèrent finalement à Silverfall. La caravane fit une entrée bien sentencieuse dans la ville. Medhiv reconnut certains des visages. Sa mère était morte, il n’en conçut qu’une certaine joie sauvage, mais rien de la jubilation à laquelle il s’était attendu depuis qu’il imaginait le décès de sa génitrice.
Le vieux prêtre vint à sa rencontre tandis qu’il admirait les chutes, assis sur l’esplanade des Allongés.

-Medhiv ? résonna sa voix dans la place vide. C’est toi ?
-Oui, pourquoi ? rétorqua-t-il avec une indifférence feinte.

Au fond de lui, une tempête se déchainait, tempête de souvenirs et de démons personnels. Toute sa haine, sa rancœur, tout ce qu’il gardait à l’encontre de sa cité d’enfance menaçait de remonter. Et les mots de Jiam, ceux qu’il avait prononcé bien des années auparavant, s’imprimèrent en lettres de flammes sur les parois de son esprit. Personne ne t’aime et tu n’aimes personne, avait-il dit.

-Ça faisait longtemps, Medhiv, dit le prêtre avec une certaine raideur.
-Bien, je suis devenu mercenaire. Comment se porte la cité depuis…le départ de Jiam ?
-Nous avons eu du mal à trouver de l’eau à cause de cet incident. Ta mère est morte peu de temps après, le mal l’a emporté, elle n’avait pas assez d’argent pour acheter de l’eau pure. Une femme seule, tu comprends…
-C’est dommage, concéda Medhiv. Tu as quelque chose à me dire ?
-Je voulais juste savoir ce que deviennent les enfants de Silverfall, rétorqua le prêtre.
-Ils se portent bien. Je suppose que toi aussi ; tu dois avoir la main mise sur la trafique d’aliments sains non ? Un vieil homme comme toi, qui survit…Dis-moi, qu’est-ce que tu vois quand tu te regardes dans le miroir et que tu penses aux femmes seules qui sont mortes parce qu’elles n’avaient pas assez d’argent pour se payer de la bouffe sur ton marché noir ? Hein ?
-Tu affabules, petit salopard, cracha le prêtre. Tu as tué ta mère en succombant à Jiam. D’ailleurs, il te contrôle, il m’écoute, là, non ?
-Ferme-là, sal hypocrite, commença à s’échauffer le sorcier. Tais-toi maintenant !
-Non, je ne me tairai pas ! Tu nous as tous trahi, ne me demande pas de te faire une faveur, sale créature moins qu’humaine que tu es devenue ! Qui es-tu pour oser te montrer à la face du monde hein ? Et avec ces frusques de malandrin ? Tu devrais être mort !
-Comme tous ceux avant moi, prêtre ? Comme tous ceux qui t’ont servi à invoquer Jiam ?! s’écria Medhiv. Tous ces pauvres gosses que tu as sacrifiés. Comment peux-tu te sentir humain, ainsi ? Comment ? Réponds !

Medhiv attrapa le prêtre à la gorge, serrant de toutes ses forces, cependant une douleur cuisante envahit son mollet. Il relâcha le prêtre en grognant, regarda son pied pour y voir un gnome, une invocation de bas niveau, pitoyable, presque risible. Pourtant le prêtre ricana.

-Tu ne peux rien faire contre un vrai sorcier, éructa-t-il. Pauvre merde…
-Bien dit, répondit dans un mince sourire Medhiv.

Il bondit en arrière, tirant son jeu de cartes de sa poche. Il y piocha une carte dans les premières, le Pape, terminé récemment. Le pentacle gravé dans la lame luisit brièvement et fut remplacé par un avatar de lumière, une créature de cinq mètres qui éclairait les alentours comme un immense feu de joie. Le gobelin pitoyable se consuma en tentant de le toucher, et ce fut une déferlante de lumière qui emporta le prêtre.

-Suffit ! claqua la voix du sorcier, et l’avatar disparut.

Tout cela n’avait pris que quelques secondes. La place où se trouvait le prêtre quelques instants plus tôt était vide. Il n’y avait ni zone carbonisée, ni éclaboussures de sang. Plus qu’un souvenir de sa face de rat. Etrangement, personne ne regardait. Ceux qui avaient assisté à la scène s’étaient sans doute empressés de s’en aller.
Medhiv retourna là où attendait la caravane, et le reste de la journée fut morne. Le lendemain matin, ils reprenaient la route vers Terra Incognita, peu au nord de Silverfall. Là où se trouvait la source des chutes d’argent.

_~¤*°*¤~_


Cette brume n’était pas normale. Non, pas normale du tout, l’instinct de Medhiv le lui soufflait, et les événements le lui confirmaient. D’abord, le fait qu’elle était tombée dés que Silverfall avait été hors de vue. Ils avaient grimpé le long d’une route, se demandant ce qu’elle pouvait bien faire là, puis Silverfall avait disparu derrière une crête. Et la brume était tombée.
D’abord, ça n’avait été qu’un voile léger brouillant les formes. Maintenant, on n’y voyait pas à dix mètres et les sons eux-mêmes semblaient étouffés. Et deux des gardes avaient disparu alors qu’ils partaient en éclaireur. Impossible de savoir ce qu’il était advenu d’eux. Est-ce qu’ils s’étaient perdus ? Troubadour aussi était porté disparu ; il était allé pisser, et pfuit ! envolé. Medhiv était parti à sa recherche avec Sébastian et Isidore. Il tenait un fil qui était relié à un des chariots. Ils avaient exploré pendant une demi-heure, sans doute plus, les sens de tous étaient floués. Mais quand ils avaient voulu revenir à la caravane, ils s’étaient rendu compte que leur fil d’Ariane était tranché et maintenu tendu par un rocher où il s’était coincé.
Seuls les sens de Jiam ne semblaient pas atteints et ils purent regagner leur point de départ puis suivre les traces du convoi. Toutefois, plus personne ne s’éloigna des chariots.

-‘ia une accalmie, annonça le Vieux d’une voix morne. Je vois le soleil.
-Vrai ? demanda Isidore.
-Vrai, répondis-je à la place du Vieux. On va enfin pouvoir voir où on pose les pieds.

En effet, une vingtaine de mètres plus loin, la brume cessait subitement. Et quand nous regardions derrière nous, il n’y avait qu’un chemin sinueux et…parfaitement visible.

-Ohé !

Medhiv sursauta en se retournant. Arrivaient derrière eux les deux gardes qui avaient disparu dans la brume. Il eut un petit sourire ; avec un peu de chance, Troubadour reviendrait aussi. Mais quand un des gardes encore présents répondit à l’appel des deux égarés, ceux-ci semblèrent ne pas l’entendre. D’ailleurs, leur démarche indiquait qu’ils étaient encore dans la brume. Ils avançaient à tâtons en écarquillant les yeux. Medhiv sentit son estomac se serrer tandis que l’angoisse le saisissait.
*Putain mais où est-ce qu’on est ?*
Et surtout : est-ce que c’étaient les égarés qui le ne les voyaient pas, ou bien eux qui avaient une illusion collective ? Est-ce que ces deux gardes étaient bien là ou pas ?

-Je vais voir, lâcha subitement Medhiv. Je veux savoir.

Personne n’essaya vraiment de l’arrêter. Isidore l’appela deux fois, mais sans oser bouger. Medhiv sauta sur un cheval et se rendit vers les deux égarés.

-Hé les gars !
-Ohé ! lui répondirent-ils sans le regarder. Répondez-nous !
-Je suis là ! Là devant vous.

Mais ils ne le voyaient pas. Il était pourtant à dix mètres…Cinq…Il les touchait presque…

-Allez viens John, on va essayer de rentrer, dit finalement un des gardes avec de la résignation dans la voix. On ne les trouvera jamais dans cette purée de pois.
-Mouai…

Dans cette purée de pois…Ils étaient donc bien dans le brouillard. Les deux hommes firent demi-tour ; Medhiv lança sa monture au trot pour les rattraper. Il tendit le bras pour attraper celui d’un des gardes.
Et passa à travers.

-Quoi ?

Son cheval ralentit, s’arrêta, et Medhiv se retourna. La brume l’entourait, et les deux gardes venaient juste de s’enfoncer dedans, laissant une légère turbulence dans ce qui ressemblait peut-être plus à de la fumée qu’à des particules d’eau condensées.

-Eh merde à la fin !

« Jiam tu peux retrouver la caravane ? »
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Laïaga

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Medhiv [en cours] Vide

Laïaga
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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:15


Pas de réponse.
« Jiam ?
-…
-Jiam ! s’écria mentalement Medhiv avec une angoisse encore accrue.
-Non. Je ne sais pas où on est…avoua l’esprit à contrecœur.
-Tant pis… »
Medhiv déglutit, et repartit vers la position supposée de la caravane. Mais le sol ne lui rappelait rien. Du lit de cailloux sur lequel évoluait la Compagnie, il était passé à une lande herbue. Peut-être un pâturage au milieu de la Terra Incognita…

-Si quelqu’un m’entend…jeta-t-il à tout hasard. Si quelqu’un m’entend, je vais bien, je suis juste perdu, avancez sans moi je vous rejoindrai.

En disant cela, il avait à l’esprit les deux gardes qui appelaient, leur voix portant jusqu’aux oreilles des caravaniers et de leur escorte, alors que la réciproque n’était pas vraie.
Il avança dans le brouillard opaque. Sans aucune possibilité de dire combien de temps il y passait. Il n’y avait ni jour ni nuit, et il eut l’impression d’avancer une éternité.
Tantôt il restait sur le dos du hongre qu’il avait emprunté sans même savoir son nom, et tantôt il marchait à ses côtés. La lande herbue ne se terminait pas. Il aurait mis sa main au feu qu’il avait quitté Terra Incognita.
Au bout d’un moment, elle se termina. Pas en passant à un autre type de relief ; non. Elle se termina comme ça, d’un coup. Il y eut une barrière, un mur, une fin, comme vous voulez. Un mur de la couleur du brouillard, froid comme de la glace, et si haut qu’on n’en voyait pas la fin…c’est-à-dire qu’il dépassait trois mètres, puisqu’au-delà, tout se perdait dans le brouillard. Idem à droite et à gauche du mur. Il semblait…infini.
Mais par essence, l’infini n’existe pas. C’est une invention de l’homme destinée à caractériser ce dont il ne voit pas la fin. En pratique, rien n’est infini. Et ce mur était on ne peut plus tangible. Medhiv le suivit, sa main droite glissant contre ce qui semblait être de la pierre parfaitement lisse. Il y eut un angle, un angle droit exact, et le mur continua, puis une ouverture, béante, avec le chambranle d’une porte. Mais pas de porte. Ni une ni deux, le sorcier entra, se retrouvant dans un hall de la même pierre que celle des murs, aussi bien pour l’escalier que le plafond ou le sol. Un escalier montait, l’autre descendait, et il n’y avait rien d’autre.
Medhiv jugea que c’était un bon endroit pour se reposer.

_~¤*°*¤~_


Le brouillard s’était levé. Mais ce qu’il dévoilait était plus énigmatique encore que ce qu’il cachait. Quand Medhiv sortit de la pièce de pierre étrange où il s’était réfugié, il vit un ciel plombé derrière lequel on devinait un soleil rougeoyant. Il formait une tâche brune derrière les nuages gris. Medhiv fronça les sourcils. Chez lui, le soleil était jaune.
« Qu’est-ce que t’en dis Jiam ?
-Je n’en dis rien, je ne sais pas où on est, mais ça ne me dit rien du tout…Cet endroit n’est pas naturel…
-Hmm… »
Medhiv s’étira de toute sa taille, et jeta un regard alentour. Il venait de sortir d’un bâtiment exceptionnellement haut – plus haut en fait que tout ce qu’il avait jamais vu, du moins pour une si petite superficie – dont la façade était recouverte de verdure à partir de cinq mètres environ. Des lianes pendaient jusqu’au sol, des fenêtres parfaitement régulières crevaient la façade vertigineuse, et d’elles aussi s’échappaient des plantes.
Bizarrement, il y avait des « trous » dans la toison émeraude du bâtiment. Des endroits, de forme aléatoire, la plupart du temps larges d’un mètre ou deux, où rien n’avait poussé. La façade était vierge de végétation, mais avait l’aspect d’un bout de bois sur lequel on aurait versé de la soude.
Medhiv poussa un soupir. Et en plus il n’avait pas quitté Terra Incognita…En regardant autour de lui, il y avait d’autres bâtiments du même genre que celui où il s’était reposé, certains en encore plus impressionnants, ils semblaient s’aligner autour de ce qui avait autrefois été une rue très large, probablement la grand’rue du village dans lequel il avait atterri. Mais plus personne n’habitait là depuis des siècles. En revanche, au bout de la rue ensevelie sous la terre et la végétation, il voyait une lande herbue, celle qu’il avait traversée, et ensuite des parois rocheuses qui formaient une cuvette. Mais il ne pouvait pas avoir mis autant de temps à traverser une si petite étendue d’herbe ! Quoi que…Combien de temps avait-il mis ? Le savait-il ? Non, sinon il ne se poserait pas la question, bien sûr…
Medhiv alla sceller le hongre, qu’il baptisa Roland. Il remonta l’allée transformée en long jardin. D’ailleurs, à sa droite et à sa gauche, les bâtiments étaient d’autres jardins géants. Plus on s’éloignait de la périphérie du village, et plus les bâtiments ressemblaient à des excroissances végétales. Si bien que bientôt, ils ne furent plus que des masses vertes ponctuées de zones de non-végétation.
Plus que ces immenses bâtiments – Medhiv leur donnait bien deux cent mètres de haut – c’étaient les petits monticules qui s’élevaient par ci par là qui l’intriguaient. Ils étaient incongrus, n’avaient rien à faire là. Quand le sorcier descendit du dos de Roland pour déblayer le monticule à la main, celui-ci s’effondra sur lui-même dans un vague bruit de ferraille. Il obtint le même résultat sur les autres monticules. Alors il reprit sa route. La périphérie de la ville s’éloignait, mais son centre ne semblait pas se rapprocher. Où qu’il regarde, Medhiv ne voyait que des bâtiments divers, couverts de végétation, et les pas de Roland étaient étouffés par la couche de feuilles mortes qui tapissaient le sol.
A un endroit, suprême étrangeté, trois bâtiments formaient les trois sommets d’un triangle, et dominaient le reste de ce qui était une ville, et non un village. Les plantes n’avaient pas réussi à escalader leur hauteur souveraine, on pouvait distinguer leur façade, grêlée de cratères, elle semblait être entièrement faite de vitres qui avaient disparues depuis longtemps. Il n’y avait que des poutres de la pierre grise qui revenait partout, mais elles semblaient bien insuffisantes pour supporter leur propre poids. Medhiv supposait qu’il devait y avoir d’autres dispositifs cachés à l’intérieur des bâtiments, peut-être des sortes de contreforts sur la façade qu’il ne pouvait voir…
Quoi qu’il en soit, un des trois géants avait la tête tranchée : il s’arrêté sur une déchirure malsaine, plusieurs dizaines de mètres avant ses confrères, et à ses pieds s’élevait une petite colline. Sans doute les débris recouverts de terre et de plantes.
Medhiv avança sans un mot jusqu’au centre du triangle matérialisé par les trois géants. Il leva les yeux au ciel bleu. Bleu ? Il était couvert de nuages à peine une demi-heure plus tôt ! Le temps ne pouvait pas avoir changé aussi vite, d’autant plus qu’il n’y avait pas un nuage à l’horizon.
Un sifflement, comme celui qu’aurait fait une flèche en bien plus rapide, vrilla les nerfs de Medhiv. Par réflexe, il lança son cheval au galop à alla se plaquer contre la paroi du bâtiment amputé de sa partie supérieure, avant de mettre pied à terre pour chercher une entrée.
« Tu vois quelqu’un ? demanda Jiam.
-Non, personne, répondit Medhiv, surpris que ce soit l’esprit qui lui pose la question. On nous a bien tiré dessus ? »
Comme pour répondre à sa question, de nouveaux sifflements retentirent, identiques à l’ancien, ils semblaient plus proches. Medhiv entendit des chocs contre de la pierre, et du verre. Soudain au-dessus de lui les vitres volèrent en éclats, répandant une pluie de débris au sol.
Bon sang mais quelles vitres ? Il n’y en avait plus aucune ! Et quel sol ? Il devrait être caché. Pourquoi, par la Vierge, pourquoi y avait-il une esplanade de marbre et un grand chêne au milieu ? Pourquoi n’y avait-il plus, tout d’un coup, des monticules de nature sauvage ? Qui étaient ces hommes tenant des bâtons noirs dans les mains, engoncés dans des armures noires ?
Leurs intentions ne semblaient pas favorables. Soudain, il y eut un « bang » sonore, come jamais le sorcier n’en avait entendu, et trois des hommes qui traversaient l’esplanade en armure noire furent fauchés dans un déluge de sang et de cette chose noire qui composait leur armure.
Entrèrent sur l’esplanade par un autre côté de vrais géants, ceux-là marchaient. Medhiv poussa un cri mais personne ne sembla l’entendre. Les soldats en armure s’éparpillèrent, un vint se coller au mur où se trouvait Medhiv, mais sans même le calculer.

-Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda le sorcier.

Pas de réponse. A la place, l’homme cala son bâton contre l’épaule et regarda dans une longue-vue version courte (« Une courte-vue ? » se souvint de s’être demandé incongrument Medhiv). Il y eut un nouveau « bang », plus faible que celui de tout à l’heure, et un des géants vacilla puis tomba. Une de ses jambes ne le portait plus. Le bâton noir avait dû la lui casser…
Medhiv fut impressionné de la puissance de ce magicien, mais plus encore par celle des géants. Celui qui avait la jambe brisée pointa son bras sur son agresseur, et celui-ci se mit à tourner sur lui-même, déchainant une pluie de flammes dans un vacarme à rendre sourd. Le mur derrière Medhiv explosa (la base du bâtiment était faite de la même pierre grise qui revenait partout), répandant une brume de gravats. Le sorcier se boucha les oreilles de toutes ses forces en fermant les yeux, mais le vacarme ne semblait pas vouloir s’arrêter. Il dut finalement les rouvrir, pour découvrir un large trou derrière son dos, mais lui n’avait rien. Il y avait du sang partout, les hommes en armure gisaient pour la plupart au sol. Plusieurs étaient retranchés derrière la colline que formaient les débris du toit du bâtiment qui venait de s’effondrer.
Le magicien que Medhiv avait vu en action tait du lot, et tentait tant bien que mal d’abattre les géants, qui se tenaient au centre de la place comme en terrain conquis. Medhiv s’approcha des géants, effrayé mais en même temps convaincu de son immunité, il put les observer. Ils étaient faits de métal et de la même matière noire que les armures des humains. Bref, ils étaient artificiels. Leur bras qui crachait le feu n’était pas en métal, mais était tout de même trop « parfait » pour être biologique. Bref, cette guerre opposait des humains à des humains.
Il retourna vers les hommes derrière la colline de gravats, le sol explosant parfois sous ses pieds sans qu’il en soit affecté.
Celui qui avait blessé le géant tripotait une chose rectangulaire, grise et noire avec des inscriptions vertes, mais impossible pour Medhiv d’en dire plus. Les autres changeaient quelque chose sur leurs bâtons magiques. Medhiv choisit un point de vue d’où il pouvait observer les deux camps.

-C’est bon ?
-Ouai, on a chargé l’antimatière, commencèrent à échanger les guerriers.
-Feu ! annonça un troisième.

Plusieurs se levèrent, pointant leurs armes sur les géants. Il y avait un changement radical de leur puissance : les géants explosèrent et tombèrent comme des mouches. Mais il y en aurait d’autre. Ce combat avait beau ne pas être le sien, Medhiv savait reconnaître des éclaireurs quand il en voyait, une dizaine de géants ne formaient pas une armée. Et que pouvaient espérer faire ces guerriers en armure face à autant d’adversaires. Medhiv regarda attentivement les points d’impacts des sorts lancés par les guerriers : ils correspondaient aux zones où rien ne poussait, « dans le futur ».
Il ne trouva pas d’explications à ce phénomène. Une quinzaine de guerriers en armure noire rejoignirent ceux déjà présents, et il ne se passa rien pendant deux heures. Medhiv et son hongre observaient en silence. Soudain un des guerriers releva la tête vers lui, sursauta et braqua son bâton noir.

-Qui es-tu ? demanda-t-il en plusieurs langues en voyant l’accoutrement du sorcier.

Celui n’en comprit qu’une, mais ça semblait être la langue que parlaient les guerriers entre eux. Il se présenta, certain que ses vis-à-vis ne retinrent de tout son nom que le diminutif – comme tout le monde – et expliqua qu’il escortait une caravane et qu’il s’était perdu.
Plusieurs hommes en noir éclatèrent de rire, un rire qui semblait plus nerveux que sincère, comme celui de ces soldats qui revenaient de plusieurs mois de guerre et riaient de la moindre incongruité.
Ils ne s’en montrèrent pas moins méfiants pour autant. Deux l’agrippèrent ; deux autres tentèrent de remmener son cheval, mais celui-ci se débattit. Il arriva quand Medhiv le siffla.

-Scanne-le, ordonna un des hommes à un autre.

On lui passa une sorte de peigne sans dents sur tout le corps.

-Il est OK.
-D’accord. Bon, qu’est-ce que tu fous là mon vieux ?
-Je viens de vous le dire, rétorqua Medhiv. Vous m’avez écouté ?
-C’est ça, et moi j’ai la queue à Eléanore dans mon cul…

Medhiv ne comprit pas, mais les guerriers, eux, semblaient avoir saisi. Il haussa les épaules en conservant une expression neutre, tout en se demandant, et en demandant à Jiam, surtout, comment est-ce que ces types avaient fait pour le voir. Bien sûr, Jiam ne savait pas.
A ce moment, le sol explosa juste à côté d’eux, et Medhiv sut que cette fois, ce serait lui qui exploserait le cas échéant. Aussi courut-il se cacher avec les guerriers. Il tira une lame de tarot dans sa poche. L’Impératrice. Bien. Pourquoi pas. Un des guerriers le regarda et lui tendit le fameux bâton noir.

-Tu sais te servir de ça ? demanda-t-il.
-Non.
-Ben tu vas apprendre. Tu le prends comme ça (il le lui mit dans les mains), le canon vers l’ennemi, et t’appuies sur la gâchette.
-Sur quoi ?

Le guerrier posa l’indexe de Medhiv sur une protubérance de métal mat, et pressa. Il y eut une série de « bang », et le mur en face du jeune homme se retrouva criblé d’impacts.
« Quelle arme puissante !
-Par trop, si tu veux mon avis, répondit Jiam. Trop de puissance est nuisible pour qui sait la manier.
-Je ne pense pas. Avec cette puissance, on pourrait défendre Ash sans y prendre des centaines ou des milliers de vies chaque année, et nos ennemis n’oseraient plus attaquer.
-Non…Mais crois-tu vraiment que ceux qui disposeraient d’une telle puissance s’en serviraient pour défendre la veuve et l’orphelin et pas pour leur profit personnel ?
-On en reparlera plus tard… »
Medhiv se releva, le mur derrière lui vola en éclats, il appuya sur la gâchette, et des géants explosèrent. Une de ses oreilles fut arrachée. Il poussa un cri et se coucha au sol. Le sang ruisselait sur sa joue. Mais il entendait normalement. Ses oreilles étaient devenues exceptionnellement longues ces dernières années, pas comme celles d’un elfe mais pas loin, et seule une partie superficielle avait été arrachée.

-T’as le cul béni ! lui lança un des guerriers.

Ça, il comprenait. Mais il n’était pas exactement d’accord. Il changea d’avis quand il vit la tête du guerrier en question exploser. Son armure intégrale n’était que peu déformée (un exploit !) mais le choc avait dû disloquer le front de l’homme, et du sang suintait des pores de son casque.
Medhiv sentit un goût de bile dans sa gorge, comprenant soudain ce que voulait dire Jiam. Il jeta le bâton noir loin de lui, attrapa son Impératrice et concentra son pouvoir ; le temps devint visqueux. Un cercle d’invocation prit forme. Une femme apparut en son centre, vêtue de vert, une longue robe prude, et le visage baigné de larmes, elle porta un regard mélancolique sur son invocateur.
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Laïaga

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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:15


-Tues-les…murmura-t-il. Tues-les tous.

La femme ouvrit la bouche, et poussa le plus affreux cri que vous puissiez imaginer. Il déchira l’air et sembla dissoudre la réalité. Il y en avait un peu du hurlement du loup, des plaintes de l’enfant abandonné, des sanglots de la femme qui accouche, des cris de l’oie sauvage…
C’était le cri de la Banshee, et même en ce lieu étrange, son sens était sans ambigüité. Un craquement sinistre retentit, et une partie de la façade d’un bâtiment chuta au sol ; ça ne semblait pas être lié à la Banshee, il avait été miné par les impacts des bâtons noirs. Et pourtant…
Les débris tuèrent quatre géants et en immobilisèrent cinq de plus. Le bras tournant d’un des géants se bloqua soudain, et explosa l’instant d’après, soufflant son propriétaire et les deux géants les plus proches.
Un des géants trébucha, et tomba, sans cesser de tirer, « scalpant » un des bâtiments dont le sommet tomba, écrasant des dizaines de géants. Et ainsi de suite, succession de coups du sort qui firent qu’au bout d’une heure d’âpre combat, les géants se retirèrent, accompagnés par le cri de victoire des défenseurs.

-Ça y est ! s’écria l’un deux. Ça y est, le rayon est prêt.
-On a gagné…gémit un autre. On les a baisés ces salops.
-Ouai, comme tu dis.

Les hommes s’affairèrent sur des machines pendant dix minutes. Un des géants les prit à revers. Medhiv le vit, mais trop tard. Trop tard pour le géant, comme pour lui, car un des hommes en armure noire venait d’appuyer sur un bouton de sa boite grise et noire, déclenchant un « bip bip bip » accéléré et rapide. Le ciel s’éclaircit. Le géant leva le bras. Le soleil fut masqué par une lumière sanglante. Le bras se mit à tourner. L’atmosphère s’embrasa, élevant la température à une vitesse à une vitesse phénoménale. « Bang ». Les flammes blanches transcendant le ciel et les dieux avalèrent Medhiv en grondant furieusement. Un projectile déchira sa poitrine comme un autre avait déchiré son oreille. Ce fut le noir.
La lumière de nouveau. Si on peut parler de lumière. Medhiv était étendu au sol, la joue propre, mais l’oreille déchiquetée. Roland gisait, le corps en morceaux, ou presque.

-Merde…Merde merde merde merde !

Medhiv donna un coup de pied dans un tas de poussière. Où il était encore ? Il n’y avait plus de végétation, plus qu’une plaine morte, un paysage désertique couvert de poussière, parfaitement plan. Medhiv cracha par terre, et la terre but sa salive en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire (pourtant, j’écris vite).
« Jiam…Je deviens fou…
-Non, je vois la même chose que toi.
-Ça prouve quelque chose ?
-Les esprits ne deviennent jamais fous… »
Medhiv n’était pas convaincu, mais il n’ajouta rien. Il rangea l’Impératrice dans son paquet de cartes. Et se mit à marcher dans ce paysage mort. Perdu dans ses pensées, il ne se rendit pas compte que le brouillard se levait.

_~¤*°*¤~_


-Ohé !

Medhiv sursauta comme s’il s’était brûlé. Il se retourna pour voir Isidore. Il venait de jaillir de la brume et lui tendait une main avenante.

-Tu es vraiment là, Isidore ?
-Bien sûr, où veux-tu que je sois ?
-Je sais pas…
-T’as l’air choqué. Tu as vu un fantôme ?
-Ouai. Remmène-moi à la caravane.

Isidore remmena le sorcier à la caravane. La brume se leva de nouveau. Il n’y eut plus que l’horizon et la beauté dénudée de Terra Incognita.

-Je viens de voir un monde mourir.
-Tu deviendrais pas fou, mon vieux ? s’inquiéta Isidore.
-Les esprits ne deviennent pas fou…répondit l’humain.

Isidore lui jeta un regard, l’air de dire « il est bon pour l’asile ».
Le lendemain matin, ils arrivaient à destination. Ils avaient retrouvé la source des chutes d’argent. Medhiv sentit qu’un détail clochait. Ils n’avaient pas suivi la rivière. Ils étaient venus ii tout de suite.
« Ils connaissaient le chemin, confirma Jiam. »
Medhiv se rendit auprès du maître de caravane. Il lui posa une main sur l’épaule, le forçant à se baisser à son niveau.

-Vous connaissiez notre destination depuis le début, non ? affirma-t-il plus qu’il le demanda.
-Je ne vois pas de quoi vous parlez jeune homme…
-Je ne vous crois pas…rétorqua le sorcier en sentant la colère l’envahir.
-Vous êtes payés pour nous protéger, pas pour poser des questions !

Medhiv décocha un coup de poing dans le visage du vieil homme, le faisant chanceler.

-Gardes ! héla-t-il. Gardes ! Tuez-le !

Il n’en fallut pas moins. Les trois gardes survivants se retrouvèrent avec quatorze Compagnons prêts à se défendre. Ils baissèrent rapidement les armes, sans qu’aucun coup ne soit échangé. Medhiv s’assit à côté du maître de caravane.

-J’attends…
-Ouai, je savais où on allait, ça te dérange ? On te paye un drake d’or pour nous escorter, tu veux pas te plaindre non plus ?
-Quelles sont nos chances de retourner en vie à Silverfall ?
-Très bonne, répondit le caravanier, nous avons fait le plus dur du chemin, le reste, c’est du gâteau…
-Quel est cet endroit ? Sur les plates-bandes de quoi est-ce que l’on empiète ?
-Rien qu’un…trou dans le temps, soupira l’homme. On est peut-être à notre époque en pays d’Ash, et peut-être mille ans plus tard, assistant à la fin du monde, ou encore des millions d’années plus tôt, avant que le règne de l’homme ne commence. Mais je pense qu’on est toujours chez nous. Je reconnais le relief.
-Que faisons-nous là ?
-On…Cette eau qui empoisonne Silverfall…Elle est hors du temps. Arrivée à Silverfall, elle est souillée par le présent, mais ici, dans le trou, elle est pure. Une eau puisée ici peut conserver n’importe quoi ad vitae aeternam. Ça s’arrache à prix d’or…
-Ah bon…Combien ?
-Disons…Dix drakes le gallon.
-Combien ?!

Medhiv regarda l’homme avec de grands yeux. Ce salopard allait débourser pour les payer le prix d’un gallon et demi, alors qu’il allait remmener plus d’une dizaines de barils de trente-cinq galons.

-On n’en trouve nulle part ailleurs ?
-Malheureusement non, et puis il y a les morts…

Une volée de flèches qui faucha le caravanier mit fin à l’entretien. Medhiv ne chercha pas à l’aider, mais leva plutôt les yeux. Au-delà de la source des chutes d’argent, il y avait une dépression, si bien qu’il y avait un large angle mort à une dizaine de mètres de la caravane.
Sauf que de cet angle mort jaillissaient des silhouettes, certaines dépenaillées, presque inhumaines, et d’autres qui ressemblaient à n’importe qui. Leurs intentions étaient cependant claires.

-Partez devant, je les retiens, annonça Medhiv en sautant à terre.

Les morts arrivaient. Oui, dans un lieu hors du temps, c’était normal que les morts se retrouvent. Est-ce qu’ils en voulaient aux vivants de vivre encore ? Sans doute, à entendre leurs cris qui leur disaient de leur foutre la paix, et qu’ils n’avaient rien à faire ici. Une nouvelle volée de flèches partit ; Medhiv avait déjà lancé son sort. La Réalisation. Son tarot était encore incomplet, mais déjà efficace. De la carte tombée dans la poussière naquit un pentacle qui s’étendit jusqu’à entourer le sorcier, et sur sa face magique rebondirent les flèches.

-Partez je vous dis !

La caravane faisait déjà demi-tour, mais les gardes continuaient à remplir les barils, faisant l’aller-retour entre les chariots et la source d’eau argentée. Ils ordonnèrent à la Compagnie de faire de même s’ils désiraient leur paiement.

-Par la Vierge, qu’ils crèvent tous ! hurla Medhiv en jetant au sol l’Empereur et le Pape.

Un avatar de lumière jaillit du cercle de puissance, tandis que les ombres s’assemblaient et se muaient en gobelins armés de leurs griffes et de leurs dents.
« Arrête, tu vas te tuer, le prévint Jiam.
-Pas question… Vas-y aussi. »
Comme s’il n’attendait que ça, Jiam bondit du corps qu’il partageait depuis tant de temps maintenant. Une créature de plus de deux mètres de haut, le pendant sombre de l’avatar de lumière, quatre bras, un visage noyé dans l’ombre, et une crinière hirsute qui trainait au sol. Jiam s’élança en même temps que l’avatar de lumière sur les morts. Quand l’un faisait déferler une lumineuse puissance qui consumait ses ennemis, les englobant dans ses bras pour les faire disparaître corps et âme, l’autre taillait à coups de lames, ravageant ce qui s’opposait à lui, et les gobelins sautaient aux gorges de ces âmes qui avaient pris corps. La Banshee les rejoint bientôt, poussant son terrible cri de guerre. Puis ce fut le Rokh qui déploya son ombre sur le chant de bataille.

-Allez-vous en…murmura Medhiv en jetant un regard angoissa à la Compagnie qui transvasait de l’eau. Partez…

Il se mit accroupi, toujours protégé derrière son bouclier, les cinq cartes qu’il avait jetées au sol formant les pointes d’un pentacle. Il en traça les arrêtes dans la terre, écrivant des signes du bout de l’indexe. La tête lui tournait, mais il avait autre chose à faire que de se reposer. Soudain, un mort perça ce qui servait de ligne de défense. Il bondit sur Isidore. Une flèche lui traversa le cou qui aurait du le tuer une seconde fois. Le mort ne ralentit pas, attrapa Isidore au cou.

-Non !

Medhiv sortit en courant de son pentacle, un cimeterre à la main, attrapant le mort pour le décapiter. Son ami avait une marque violacée sur le cou et respirait avec difficulté. C’est là que les ennuis commencèrent vraiment. D’abord, parce que les morts semblaient arriver sans fin, ensuite, parce qu’ils contournaient maintenant les esprits. Les humains étaient sur leur territoire et n’avaient rien à faire là.
Les deux humains se relevèrent, tandis que les gardes finissaient leur dernier voyage. Les esprits resserrèrent leur cercle autour de leur invocateur.
Et puis ce fut tout la Compagnie qui se retrouva à ferrailler. Medhiv regarda autour de lui et vit qu’ils revenaient en file indienne, tranchant et frappant.

-Je vous ai dit de vous tirer !
-Tu croyais quand même pas qu’on allait te laisser ? On a récupéré notre paie et on est revenus…

Medhiv eut un petit rire. Mais en même temps, ils allaient sans doute tous mourir, alors…

-Ecoutez…Faut qu’on avance jusqu’au pentacle de protection là-bas…Possible ?
-Non, répondit un des mercenaires. On est acculés au fleuve…
-Oui, répondit Jiam. Reste dans mon sillage.

L’esprit noir donna un énorme coup de ses quatre bras en même temps, dégageant un demi-cercle de deux mètres de rayon devant lui qui lui servit à se frayer un passage dans la masse de morts. Medhiv marchait derrière lui. Ils arrivèrent dans le pentacle où le sorcier put terminer de tracer son invocation.

-L’âme est au corps ce que le corps est à l’âme, indissociablement liés et vecteurs de puissance, l’avenir l’un pour l’autre, le passé à l’inverse…J’en appelle à tout ce qui de la liberté porte le nom, par la Vierge et les esprits…

Medhiv cessa de psalmodier. Les runes cessèrent de briller pour redevenir poussière, et le pentacle fut balayé par le vent, ainsi que celui qui protégeait le sorcier. Le vent qui enfla, prenant corps, prenant âme, se liant à Medhiv. Une formidable puissance qui dévasta tout ce qui se trouvait en face du sorcier, laissant un champ de cadavres démembrés et un sorcier comateux.

_~¤*°*¤~_


Medhiv se réveilla plusieurs jours plus tard. La brume était levée, il y voyait clair. Il sentit la présence de Jiam en lui, rassurante. Mais la Compagni était décimée. Ils étaient tous morts. Sans doute quelques instants avant qu’il ne déclenche ce sort qui avait réglé la situation. S’il s’était un peu dépêché, les esprits n’auraient plus eu qu’à achever quelques rares survivants…
Medhiv se leva pour déguster de ses yeux caves ce spectacle grandiose et dramatique. Terra Incognita s’étendait à ses pieds, et en bas, bien plus bas, se trouvait Silverfall. La cité aux milles chutes d’eau semblait se dresser telle un mirage à l’extrême de son champ de vision. Elle sanctionnait le spectre du visible. Elle balisait la réalité. C’était l’unique repère qu’il restait à l’esprit dérouté du sorcier. Medhiv ramassa ses cartes et les assembla en un paquet compact.
Il regarda autour de lui, une dernière fois, ce paysage désolant. Il poussa un soupir. Il n’avait plus rien à faire ici.
Jiam aurait abondé en son sens. Il ne lui posa pas la question. Il n’avait plus de chevaux. Plus de vivres. Plus d’amis. Plus rien que leur souvenir. Medhiv se pencha sur le corps d’Isidore. Il passa la main sur le cou de l’homme, et y défit la chaîne qui y pendait. C’était un fétiche d’Isidore. Un Fou Noir en ébène.
« C’est tout ce qu’il reste maintenant…
-Bah, il a eu une bonne mort, tu trouves pas ?
-Il y a des bonnes morts ? demanda Medhiv. Je ne crois pas… »
Mais de toute façon, Isidore était mort. Tous les autres étaient morts. Il n’avait plus qu’une chose à faire. Une ultime chose. Il y avait du monde qui devait mourir sous peu.
Medhiv se mit en marche. Il partit avant que le soleil n’atteigne son zénith. Il arriva, et de la plus incompréhensible manière, avant que l’astre diurne ne dépasse la ligne d’horizon. La brume ne se leva plus de tout le trajet. Comme si sa colère et sa peine formaient un rempart face à ses attaques.
Les portes de Silverfall étaient fermées.

-Ouvrez, intima Medhiv aux gardes en faction. Ouvrez cette porte, pour l’amour des Esprits.

Les gardes refusèrent, bien évidemment. Medhiv n’était pas habitué à se voir refuser l’entrée de Silverfall. Il n’était pas habitué à ce qu’elle soit refusée à quiconque.

-Quelque chose s’est passé ? demanda-t-il ensuite.
-Les caravaniers sont revenus, ceux qui étaient partis explorer Terra Incognita, en affirmant que de terribles monstres étaient à leurs trousses. Qui pouvaient prendre forme humaine pour nous duper. Et le roi a ordonné de ne laisser rentrer personne. Désolé l’ami, il va falloir coucher à la belle étoile pour aujourd’hui.

Medhiv leva les yeux vers les gardes. Il sentit la fureur bouillonner en lui. Ils avaient été trahis. Ils avaient été menés en bateau de bout en bout pour servir de chaire à lames, et maintenant que l’un d’eux, unique survivant, revenait en vie, il était jeté dehors comme une loque, en vertu du fait que leurs adversaires étaient des créatures à l’apparence humaine.
De plus, les caravaniers avaient menti. Les morts n’avaient pas la capacité de se faire passer pour humains. Personne, pas même le dernier idiot, n’aurait pu les confondre avec des vivants, et ça, le sorcier le savait.
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Laïaga

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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Lun 16 Juin 2008 - 22:16


-Allez-voir les caravaniers, et dites-leur que Medhiv de la Compagnie est rentré, dites-leur qu’il veut leur parler.

Un des soldats partit. Il revint quelques minutes plus tard. Les caravaniers n’avaient jamais entendu parler d’un certain Medhiv. Pas plus que de cette « compagnie » à laquelle il faisait référence. Des voleurs de grands chemins ? Les gardes commencèrent à se montrer suspicieux. Ce qui témoignait de l’atmosphère de paranoïa qui devait régner dans la ville.
*Ça, c’est pas mon problème, jugea Medhiv.*

-Soyez sympas, ouvrez-moi cette porte. Ils vous mentent. Les morts le sont maintenant pour de bon. C’est moi qui les ai achevés. Je suis de Silverfall. Vous ne pouvez pas me laisser dormir aux pieds des remparts.

Si. Ils pouvaient. Comme Medhiv pouvait faire usage de son pouvoir. Il avait fait son possible pour régler la situation pacifiquement, du moins avec les gardes de la ville. Il s’approcha de la porte, se plaçant sous le perron. Avec un poignard, il grava dans la porte un pentacle simple. Une simple invocation d’un gibelin, un esprit mineur tout ce qu’il y a de plus aisé à dominer. L’esprit apparut comme une conscience désincarnée, et s’incarna en cette porte massive, épaisse, dont l’ouverture se faisait à l’aide d’une dizaine de chevaux de bat.
La porte s’ouvrit, pivotant d’elle-même sur ses gonds. Les gardes descendirent du chemin de ronde en toute précipitation pour voir Medhiv avancer d’un pas tranquille entre les battants de la porte, congédiant d’un geste de la main et d’une action de l’esprit le gobelin. Il fit un clin d’œil aux gardes.

-Maintenant, on s’écarte, chuchota-t-il, et Jiam se désolidarisa de Medhiv, d’abord nuage de fumée, puis géant de plus de deux mètres, tout de noir et doté d’une longue crinière descendant jusqu’au sol, ses quatre bras tenant des armes trop lourdes pour le plus puissant des humains.

Les soldats formèrent un demi-cercle autour de lui. Plusieurs le tenaient en joue avec leurs armes. Medhiv avait la Réalisation à la main. Et personne ne semblait décidé à bouger. Le sorcier le savait, si le combat s’engageait, alors il les tuerait tous, et ça, il ne le voulait pas. Ils étaient innocents, et ne méritaient pas qu’il les combatte. Il y avait juste du monde avec qui il devait converser.
La flèche sembla partir d’elle-même. Medhiv vit clairement les mains du soldat trembler, et la corde lui échapper, se détendre, décochant sa flèche. Elle le manquerait, il le sut instantanément, elle était mal ajustée. Mais c’était ans importance. Dans une seconde, ce serait toute la garde qui lui sauterait dessus. Il jeta la Réalisation au sol, dressant un bouclier d’énergie entre lui et ses assaillants. Jiam, suivant leur plan, se jeta sur les gardes. En quelques secondes, ce fut fini. Il n’y eut plus, ni soldats, ni flèches volant dans l’air du soir. Il n’y eut plus que Jiam et Medhiv. Ce dernier récupéra sa carte et brisa le bouclier.

-Joli, commenta-t-il. Tu as un don, tu sais ?
-On me le dit souvent…confirma Jiam. Tu vas attendre ici que le reste de l’armée arrive ou on avance ?

Ils avancèrent. Medhiv invoqua la Banshee, ainsi que l’esprit défunt d’un maître d’armes des anciens temps, d’avant les dragonniers. Un des elfes qui avait combattu les dragons et était mort sans trouver le repos. Le groupe traversa Silverfall dans un silence de mort. Personne ne s’interposa. Jusqu’au palais.
Le combat fut bref, le palais était un lieu à vivre, pas une place forte militaire. Les soldats ne tinrent que peu de temps les jardins, et Medhiv suivait ses invocations en jetant un regard froid sur la mort qu’il semait.

_~¤*°*¤~_


-Maintenant que je suis là, il me siérait d’entendre ce que vous avez à dire.
-Traître…C’est toi qui devrais trouver quelque chose à dire pour ta défense ! Je n’ai pas à justifier mes actes aux yeux d’un …mercenaire.
-Il va pourtant falloir, votre Altesse, sinon, je vous décape les phalanges une à une et je vous les fais bouffer. Je vous en prie, n’allez surtout pas croire que je ne le ferai pas…susurra le sorcier en enfonçant le fil de son poignard dans la chaire du doigt du roi du pays d’Ash.

Ce dernier cria en tentant de retirer sa main, mais Medhiv la tenait fermement. Quant au reste de son corps, c’est Jiam qui le maintenant prisonnier. Medhiv soupira. Il enfonça plus profondément sa lame, tirant des cris de plus en plus aigus au roi, avant de buter contre un os. L’homme se débattait de toutes ses maigres forces, mais les bras de Jiam comme les stimulants que lui avait donnés Medhiv l’empêchaient de s’enfuir de quelque manière que ce soit. Il finit par crier qu’il dirait tout ce que Medhiv désirait entendre. Medhiv sourit.

-On y arrive. Alors, commençons. D’abord, qu’est-ce que vous faites avec cette eau qu’on se tue à remmener ?
-On…On conserve, haleta le roi. Plein de choses. Des trésors, des…des documents…des gens des fois. Il y a des gens qui ont payé des fortunes pour baigner dans l’eau hors du temps. J’ai entendu dire que certains mouraient, je ne sais pas si c’est vrai, ou pas. En fait, je m’en fiche, je…
-La ferme. Ça fait longtemps que vous savez où trouver cette eau ? Et que c’est elle qui empoisonne Silverfall ? Et ce qui la garde ?
-Je ne sais pas…Je te jure, je ne sais pas…C’est mon père qui me l’a dit. Quand il m’a cédé le pouvoir. Il me l’a expliqué. Je ne sais pas comment il le sait lui-même. Il est mort maintenant !
-Alors tu savais tout, et tu nous as envoyés à la mort, hein ?
-N…Non. Non, j’en avais besoin. Tu ne comprends pas, tu n’es qu’un mercenaire, mais sans cet argent, il serait impossible de faire survivre Silverfall…

Dans un mouvement de fureur, Medhiv donna un coup de poing au roi en sang, puis un second, avant de finalement lui planquer la pointe de sa lame contre les yeux. Il se retenait difficilement de l’enfoncer, et un sourire sadique se dessinait sur son visage.

-Connard. Espèce de connard. Sans cette putain d’eau, il n’y aurait même pas de problèmes à Silverfall ! On n’aurait pas besoin de demander de l’eau à des esprits ! Pas besoins d’envoyer des hommes crever là-haut ! Tu comprends pas, ça, hein ? Tu piges pas ?

Les mains serrées sur le manche de son poignard à s’en blanchir les jointures, Medhiv se rendit compte qu’il l’avait enfoncé jusqu’à la garde à travers l’œil du roi du pays d’Ash. Il lâcha le poignard comme s’il le dégouttait.

-Viens, on se tire, dit-il à Jiam.

Jiam acquiesça sans rien dire. Il n’avait jamais vu Medhiv, depuis toutes les années où ils étaient un, dans un tel état. Il lui faisait presque peur. L’homme et l’esprit se rejoignirent, et sortirent du palais à travers un chemin de cadavres sanguinolents.
Il remonta les couloirs aux murs repeints de rouge, traversa les salons aux moquettes poisseuses de sang, passa à travers les haines déchirées à l’épée, pour se retrouver dans la ville, devant un attroupement de personnes qui l’observaient, hébétées. Il reconnut, parmi elles, certains visages, ceux qu’il avait connus durant son enfance.
Le sang le recouvrait de pied en cape. Et sa colère ne l’avait pas quitté. Il avançait cimeterre en main. Alors que la foule se fendait pour le laisser passer, il décocha un coup de taille aussi subit qu’inattendu.
Le sommet du crâne d’un de ces enfants qui avaient grandi en l’oubliant complètement roula au sol. Le reste de son corps suivit.

-Je m’appelle Medhivanastaphanès, pour ceux qui l’auraient oublié ! cria-t-il. Medhiv-qui-fut. Adieu, et puissiez-vous tous crever mille et mille fois.

Medhiv quitta Silverfall, emportant avec lui sa rancœur. Il prit la direction du sud, abandonnant définitivement son passé, d’ailleurs, c’était la meilleure chose à faire après la mort de la Compagnie. Il n’avait plus rien qui le retienne ici. Il marcha longuement, s’arrêtant acheter des provisions au premier village qu’il croisa.
Sa traversée des plaines se fit sans encombre. Tout juste, deux fois, des bandits de grands chemins l’attaquèrent-ils. La première fois, pas très malins et sûrs d’eux, ils l’encerclèrent, et le sommèrent de leur céder. Medhiv jeta au sol son cimeterre en signe de reddition. Jiam les tua tous en l’espace de dix secondes, avant même qu’ils ne comprennent ce qu’il se passait.
Les seconds, plus malins, traquèrent le sorcier et attendirent qu’il s’endorme pour le détrousser. Medhiv se leva presque nu le lendemain matin, et sans le sou. Il invoqua Fenrir, le loup mythique, qui traqua les voleurs avec l’aisance d’un chasseur accompli, et engagea le combat, mais dut cependant prendre la fuite.
De fait, quand Medhiv lui demanda un compte-rendu de la situation, il lui apprit que les bandits étaient au nombre de cent vingt, mais surtout, qu’ils avaient parmi eux quatre mages qui avaient mis l’invocation en déroute. De plus, ils étaient retranchés dans une grotte qui tenait de la forteresse.
Medhiv préféra ne pas tenter le destin, et en fut quitte pour une bourse bien remplie, son arme, son manteau, sa nourriture. Il lui restait de l’eau, une chemise, et son pantalon.

_~¤*°*¤~_


Medhiv aimait bien les déserts. Tant mieux pour lui, parce qu’en matière de désert, celui-là était une apothéose. Une steppe infinie d’un blanc poussiéreux, qui exhalait une chaleur digne des hauts fourneaux des Enfers.
Bon sang, où qu’il regarde, il n’y avait que le désert. Il avait du dévier vers le sud-ouest, puisqu’au sud il aurait du rentrer dans la république de Nadèze. Tant pis. Il avait décidé d’avancer aussi loin que ses pieds le porteraient. Il allait traverser ce désert.
« Ça me rappelle mon chez moi, chuchota Jiam dans son esprit.
-C’est vrai ?
-Non, c’’était pour te faire marcher. Le plan d’où je viens ne peut se comparer à ce que l’on trouve chez les Hommes.
-‘faudra que tu m’invites un de ces jours.
-Bien sûr.
-C’est vrai ?
-Non, c’était pour te faire marcher… »
Medhiv ne répondit rien, vexé. Il avança à travers le désert. En chemise et pantalon. Avec une gourde d’eau et de la viande séchée qu’il avait lui-même volée à des voyageurs imprudents.
La chaleur devint vite insupportable. Elle écrasait Medhiv comme un bloc de roche. Elle pesait des tonnes. La chaleur du soleil qui lui brulait les bras et le visage, la chaleur du sol qui lui brûlait les pieds à travers ses chaussures.
Medhiv avançait sans s’arrêter, pourtant. Il avançait si doucement qu’il avait parfois l’impression de s’arrêter, pourtant, il avançait. Le désert de roches était plan à perte de vue. Aucune ombre. Aucun endroit où se réfugier, à l’abri des lances solaires acérées.
Les jours passèrent, très lentement. Plusieurs fois, Medhiv crut voir des étendues d’eau parmi les circonvolutions de l’air surchauffé, mais il se refusa à leur prêter attention.
Et à chaque fois qu’il passait au large de la surface miroitante de ces lacs imaginaires, il sentait son corps se serrer et menacer d’imploser tant la tristesse l’étreignait de devoir abandonner de l’eau.
Mais intellectuellement, il était presque convaincu qu’il s’agissait d’une diffraction particulière de la lumière due à la chaleur qui faisait qu’il voyait le ciel au sol.
Et puis, il préférait manquer une vraie source que de voir ses espoirs voler en éclats devant une image de son esprit.
Plus tard, il commença à délirer. Les voix de ses anciens amis résonnaient dans son esprit, celle des membres de la Compagnie. Et, horrifié, il se rendit compte qu’il n’arrivait pas à mettre un visage sur chaque voix.
Celle-là…était-ce celle du Vieux ? Ou d’Isidore ?
Elles lui, disaient de se reposer un peu. Qu’il en faisait trop. Qu’il en avait déjà tellement fait…Mais Jiam se taisait. Tant et si bien que, pour la première fois depuis des années, Medhiv en vint à oublier que quelqu’un partageait son esprit.
Un jour, il crut voir un canyon rempli d’une rivière calme, une onde bleutée qui s’écoulait en toute quiétude, parcourue de bancs d’écume blanche là où se formaient des remous, sur les rochers. Pourtant, il le savait, l’eau était le ciel et le blanc les nuages.
Il continua sa route, et il lui sembla même, à un moment, entendre le flot gazouiller, comme de très loin. Il ne s’arrêta pas.
Peu après, le désert de roche devint un désert de sable dans lequel ses pieds s’enfonçaient. Le sol était encore plan, mais au loin, il voyait des dunes se former.
Le sable semblait coller, l’empêcher d’avancer. Medhiv finit par s’écrouler alors que le soleil amorçait la phase descendante de sa révolution.

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-Tu as eu de la chance, Marcheur, lui apprit l’homme en tunique blanc cassé.

Medhiv poussa un grognement. Des élancements lui vrillaient le cerveau. Il tenta d’ouvrir les yeux, mais ne fit qu’un immense noir, avec des silhouettes indiscernables dedans.

-Je suis aveugle ?
-P’t-être bien, Marcheur. Mais je crois pas. Laisse juste le temps à tes yeux de s’habituer à l’ombre.

Medhiv sentit comme des milliers d’aiguilles plantées un peu partout sur son corps. Ses yeux lui faisaient mal. Il avait l’impression que l’ombre insidieuse s’insinuait à travers le cristallin, tailladant sa rétine à grands coups furieux. Il ferma les yeux, mais la douleur ne disparut pas.
Enfin, l’absurdité de la situation apparut au jeune homme.

-Mais qu’est-ce que je fais ici, au fait ?
-Ah, on y arrive, dit l’inconnu dans un petit rire. Tu es chez les Satuhalis, mon vieux. Les Tuniques Bleues du Hadarac. Dis-moi, qu’est-ce que tu faisais, dans ce désert ?

Medhiv, les yeux toujours fermés, laissa dériver ses pensées un instant. Il sentait la brûlure des milliers d’aiguilles sur chaque parcelle de sa peau. Il sentait les élancements dans son crâne.
« Insolations…pensa-t-il.
-Bingo, répondit Jiam du tac-au-tac. »
Les derniers événements défilèrent devant les yeux clos du sorcier. Suites d’images qui n’aurait eue aucun sens pour quiconque autre que lui.

-Je quittais mon pays natal, finit-il par répondre. Parce que, si j’y étais resté, j’aurais tué tout le monde, tout ce qui serait passé à portée de ma lame, jusqu’à que quelqu’un me tue. Je pense que j’aurais tué beaucoup d’innocents et de gens biens. Alors j’ai préféré me tirer.
-Tu es un homme étrange, Marcheur. Tu devrais rester avec nous. Nous avons des médecins qui s’occuperont de toi. Tu étais presque mort, quand on t’a récupéré, tu sais ? Tu passais non loin de notre source d’eau douce, et, comme c’est rare, nos guetteurs t’ont remarqué.
-Je m’appelle Medhiv, dit le sorcier.
-Je m’en souviendrai, Marcheur. Moi c’est Sol.
-Mais arrête de m’appeler Marcheur bon sang !
-C’est ce que tu es pourtant…Marcheur.

Sol lui fit un clin d’œil que Medhiv ne put pas voir. Il quitta la pièce. Medhiv ne savait même pas à quoi ressemblait la pièce. Il ne savait pas non plus à quoi ressemblait Sol, et il n’avait pas vu le clin d’œil, pourtant.
« C’est un homme d’âge mur, le visage anguleux, basané, les yeux bleus, les cheveux bruns. Ils sont sales et long, mais c’est parce qu’il n’a pas souvent l’occasion, ni de les laver, ni de les couper. Il m’a fait un clin d’œil, de l’œil gauche. »
Et tout ça, le Marcheur aurait pu en jurer. En revanche, il n’arrivait pas à comprendre pourquoi on l’appelait le Marcheur.
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Laïaga

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Laïaga
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Message Sujet: Re: Medhiv [en cours] | Jeu 19 Juin 2008 - 14:06


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Medhiv se mit à arpenter la cité Satuhali. Il n’avait jamais vu quoi que ce soit d’aussi…monumental. En fait, il ne la voyait pas vraiment. Il commençait à douter que sa vue revienne jamais. Il avait toujours cette sorte de voile noir devant les yeux, même s’il ne sentait plus de douleur nulle part, après deux semaines de convalescence. Il semblerait que Sol se fut trompé dans ses prédictions, en disant que Medhiv recouvrerait probablement la vue.
Pourtant, ça ne le dérangeait pas plus que ça. Il sentait le monde autour de lui. Comme s’il le voyait. Il portait un bandeau sur les yeux, ce qui lui évitait de devoir garder les paupières closes. Un bandeau de lin.
Une expédition s’apprêtait à partir chercher de l’eau. Medhiv s’approcha de l’entrée de la sortie de la cité.
Cette cité bâtie entièrement dans une immense caverne.
Les Tuniques Bleues parlaient paisiblement, préparant ce qu’il restait à préparer pour l’expédition de routine. Medhiv eut un petit sourire. Décidément, où qu’il aille, l’eau posait toujours problème.
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