[Au manoir]

Le soir...


Le repas avait été frugal, malgré les habitudes de Marek. Celui-ci n'avait pas franchement faim ce soir là. Il salua les servants en cuisine, Dinath comprise, et rejoint sa chambre.

Là, il se déshabilla entièrement, et rejoint avec délice le bain chaud qui l'attendait dans la salle d'eau de la chambre. Depuis le temps qu'il attendait ça! Rien ne valait un bon bain pour oublié ses tracas, et se laver. Bon surtout pour se laver après une semaine d'absence dans la sueur et le sang.

Il était si bien là, dans l'eau, qu'il finit par s'endormir. Il rêva de bébés, de Leyra, d'aigle, de combat, c'était flou mais cela faisait longtemps qu'il n'avait plus fait de rêves normaux. Il n'était plus dragonnier, mais le lien avec Hathir avait changé beaucoup de chose, hormis ses oreilles qui s'allongeaient.

C'est en sursaut qu'il se réveilla. Les torches étaient éteinte, il était plongé dans le noir. Des vêtements lavés étaient posés sur une table près de la porte de la salle d'eau.

* Dinath... *

La jeune femme était surement venu pour vérifié s'il dormait bien -il avait vraiment une tête à faire peur depuis qu'il était rentré- et l'ayant trouvé dans le bain avait posé les vêtements à l'entrée. Brave fille...

Il sortit du bain, toujours oppressé par cette sensation étrange et indescriptible. C'est alors, dans le noir complet, qu'il remarqua que le rubis émettait une douce lueur rouge, qui était plutôt inhabituelle. Il s'habilla, une tenue simple et légère, faite d'une chemise blanche et d'un pantalon marron, et se rendit magiquement sur la grande Terrasse des Magisters.

Là, il ferma les yeux, et dit mentalement:

* Athor? Arget? Je sais que vous m'entendez, où que vous soyez. S'il vous plait, pourriez vous venir quelques instants? *

En effet, le père de sa soeur était le mieux amené à élucider ce mystère, et en plus il avait quelque chose à demandé à la dragonne.

- Elle n'a pas à le savoir.

La gueule immense de la dragonne millénaire flottait au coeur du ciel, sculpture sublime étincelant auprès du firmament. Qui, des étoiles lointaines aux écailles anciennes avait le plus d'histoires à conter, de beauté à exposer ? Des rubis luminescents se voilaient de temps à autre d'écailles argentées, les yeux magnifiques du reptile énorme comme des feux follets dans les ténèbres nocturnes. Au-dessus de ce crane majestueux, assis en tailleur, se tenait un elfe à la peau si sombre qu'il se fondait presque dans le ciel. Il avait les mêmes iris rouges que la créature surnaturelle qu'il chevauchait depuis des siècles et des siècles.

*Je ne suis pas d'accord.*

- Et si je ne prenais pas ton avis en compte ? rétorqua le drow, le vent jouant avec ses longs cheveux.

*Tu serais stupide. On ne fait pas l'enfant à ton âge.*

- Il n'y a pas d'âge pour être stupide. La sagesse est intemporelle.

La dragonne poussa un soupir qui fit frémir les arbres autour d'elle. Comme si la nature avait quoi que ce soit à craindre d'elle. Cette gigantesque créature était plus délicate, plus respectueuse, plus bénéfique à l'environnement que les petits humains gesticulants qui brûlaient le monde sur lequel ils vivaient.

Ils frémirent, chatouillés par une impression, une caresse, un appel. Le prince cligna des yeux, remua doucement ses doigts autour de ses genoux. Curieux, il attendit.

*Athor? Arget? Je sais que vous m'entendez, où que vous soyez. S'il vous plait, pourriez vous venir quelques instants?*

Le prince sourit de toutes ses dents. Il était ravi.

- En route ! Quel plaisir que de trouver une excuse pour rester encore un peu à la surface !

*Pour une créature de l'Outreterre, c'est un comble.*

- Pas plus que le paradoxe, la contradiction, l'oxymore, et toutes ces valeurs que nous affectionnons tant, ma douce Arget.

~o~

Quelques heures plus tard - le duo avait pris le voyage le plus long en comparaison de la téléportation, par paresse ou pour profiter, qui sait - ils furent à Aberon. La ville endormie ne vit pas les deux millénaires les flatter de leur présence, comme plusieurs fois depuis quelques années. Ils commençaient à connaître presque par coeur cette région du Surda, ayant à y passer de temps à autre pour visiter un bipède fantasmagorique, son épouse, leurs amis et quand ils le pouvaient, leurs enfants.

*Je me demande bien ce qu'il me veut* roucoula intérieurement Athor.

Il avait toujours aimé que les créatures qu'il surveillait perpétuellement, un peu inconsciemment, acceptent leur condition et l'appellent. Myad l'acceptait mal mais l'appelait parfois. Quand elle y était réduite.

*Tu n'as pas été voir ça dans son esprit ?*
*Je me réserve la surprise. C'est tellement plus amusant.*

Arget poussa un grognement, ne fit aucun commentaire et piqua vers la demeure obscure. Quelques fractions de seconde plus tard, elle se posait très doucement sur la terrasse, ses ailes voilant la lune en s'étendant autour d'elle. Un rideau d'argent étendu sur le ciel...
Le prince sauta à bas de sa monture d'un bond souple, atterrissant nonchalamment sur le sol lisse. Sa tunique voleta autour de lui, vêtement de voyage brodé avec une beauté toute royale.

- Marek, quel étrange hasard ! Nous croiser en cette nuit timide !

Le prince s'approcha, croisa les bras et pencha la tête de côté, sa façon de montrer qu'il était attentif.

- Que nous vaut cette rencontre fortuite, M'Ehiatê Raï ?

La première fois qu'Arget et Athor avaient entendu parler de Charlie, il venait de naître. A l'époque, le sujet du royaume "sous le soleil" comme était appelé la monarchie drow basée à l'extérieur et née de dissidents était à éviter. Il valait mieux fuir cet épineux problème logé dans le pied de la Reine - à l'époque, Kaltendâ - si l'on voulait vivre. Le prince lui-même n'abordait ce thème qu'en cas d'extrême nécessité, se faisant copieusement gifler, insulter et fouetter quand sa soeur entendait dans sa bouche ces propos outrageants. Car pour la femelle, qu'une bande de honnis ait créé son propre royaume en se prétendant pour certains des rois et des reines, que des mâles gouvernent, cela, c'était un outrage. Que son frère en parle était une excuse pour s'en venger sur lui. Le prince étant de nature curieuse, il s'était rendu à la surface pour aller à la rencontre de ce nouveau petit prince qui lui avait valu tant d'humiliations. Il n'avait jamais dit à personne s'il y était, ou non, parvenu...
Il trouvait aujourd'hui fort amusant que les trois nouveaux Gardiens aient été élus hors de l'Outreterre, et qu'aucun d'entre eux ne soit assujetti à la volonté de quelque monarque de cette terre, alors qu'ils - ou plutôt elles - s'étaient tant agitées pour que ce soit le cas.

- Charlie... Bizarrement, je pensais qu'il avait plus d'affinités avec le feu qu'avec l'air...
- Et l'élément de prédilection de Myad est la terre. La nature est pleine de mystères...

C'était étonnant et non pas incompatible. On peut croire toute sa vie à une vérité jusqu'à ce que l'on découvre sa valeur réelle, et l'on peut être doué dans plusieurs domaines avec des prédilections pour l'un ou l'autre. Comme d'habitude, Marek se remit assez aisément de sa surprise et reprit son attitude décontractée :

- Mais il faut croire que votre race me réserve bien des surprises!

Le drow passa une langue provocatrice sur ses canines :

- Tu ne crois pas si bien dire, ironisa-t-il. Nous sommes un alcool puissant et répugnant, qui enivre à jamais ceux qui se saoulent avec !

Marek ayant épousé une mortelle, il n'aurait pas ce problème. Il est vrai cependant que les elfes noirs avaient un côté subtil et fascinant, dangereux et troublant qui rendaient parfois grisâtres le commun des mortels, en comparaison...

- Et sinon... Comment va Myad?

Le vieux mâle baissa doucement la tête, ses prunelles luisant d'un éclat moqueur alors qu'il haussait les épaules.

- Elle n'en est pas encore morte, dit-il simplement.

*Elle a refusé qu'on la soigne* expliqua Arget, compatissante. *Tu la connais, ce genre de blessures est vu comme une punition. Elle est très fatiguée, et bien sûr, elle mettra du temps pour s'en remettre... Mais son apprenti est avec elle... Heureusement qu'il est là.*

La dragonne n'en dit pas plus. Elle n'avait pas à parler du désarroi de la princesse, de son immense détresse alors qu'Arkillon était dans le coma, mourant, et que l'Empereur dans un état alarmant était rentré transformé de son absence. Sans Oryon, cet humain irascible et borné qui avait le chic pour l'exaspérer, elle n'aurait plus de point d'attache. Et Myad sans stabilité, vous connaissez ? Non ? Mieux vaut l'éviter. Imaginez une bombe atomique qu'on secouerait dans tous les sens. Rassurant, hein ?

*Athor ? Laisse-nous, s'il te plaît.*

Le drow tourna la tête vers la dragonne, ostensiblement, lentement. Il la fixa de longues secondes, comme pour attendre qu'elle s'explique.

*Et si je refuse ?*

Un grondement, long, d'abord très grave, rocailleux, puis grimpant dans les tonalités jusqu'à faire frémir la terrasse, naquit du torse puissant du reptile. Le message était clair.

*A tout à l'heure, mon prince.*

Athor fut tenté de rester, ne serait-ce que pour voir ce que sa compagne perpétuellement calme pourrait bien faire. Une gifle spirituelle envoyée par cette dernière finit par le faire renoncer. Poussant un soupir théâtral, l'elfe claqua des doigts et disparut dans un nuage de fumée. Le silence revint, pénétrant.

*Personne ne pourra pénétrer en nos âmes durant notre entretien. Tu peux me parler librement.*

La dame d'argent possédait des secrets qu'elle ne désirait pas révéler, mais l'un d'entre eux serait-il sur le point d'être découvert ce soir ?

L'avoir blessé physiquement l'avait beaucoup affecté, plus qu'il n'en laissait paraître...

D'aucuns prétendent qu'un dragon ne sera jamais parfaitement un dragon de Dragonnier tant qu'il n'aura pas fusionné, âme, coeur, actes et mémoire, avec son compagnon. Ils répugnent à séparer l'un de l'autre, froncent le nez à la découverte d'un couple vagabondant chacun de son côté - comme si l'individualité était une imperfection dans l'univers, une grossièreté mal venue oubliée sur un gros diamant. Il y avait quelques mages érudits, puissants et réfléchis qui discutaient du cas d'Arget et d'Athor des heures durant, dans le Royaume sous la terre. Ils n'étaient jamais d'accord sur le pourcentage d'union ou de désunion qu'ils avaient atteint puis gardé, si celui-ci avait changé avec les années ou selon les années, et si cela était un poids ou un atout. Est-on meilleur quand on est deux, quand on est deux corps pour un même esprit, quand on est partiellement unis ? Les disputes allaient parfois jusqu'à l'affrontement physique. On entendait alors, entre explosions foudroyantes, rugissements incendiaires et hurlements incompréhensibles, les arguments plus ou moins bien formulés de chacun. La dragonne n'était pas sans ignorer leur curiosité - qu'ignorait-elle ? Ce qu'elle n'avait pas désir de connaître. Cette personne si douce, si maternelle, portait sur ses griffes des centaines voire des milliers de meurtres. Des enfants avaient péri sous ses pattes, elle avait dévoré des innocents. La lueur indescriptible qui brillait dans ses prunelles rouges dénotait non seulement la distance temporelle qui la séparait des autres, mais aussi une alarme discrète, une prévention subtile. Si le caractère aimable et tendre du reptile le rendait plus sympathique que son drow de Dragonnier, il ne fallait pas oublier qu'elle n'avait pas hésité à se lancer à la poursuite d'une bande de dragons sauvages, qu'elle avait participé à d'innombrables guerres puis survécu, et qu'il ne lui restait que trois enfants. Sur ses neuf petits, six lui avaient été pris. Elle qui avait vécu longtemps, elle se fichait éperdument de mourir ; mais pour protéger ceux qu'il lui restait...
Ce mystère qui enveloppait l'immense créature valait aussi, parfois, pour le prince.
Celui-ci n'avait pas une connaissance absolue de sa compagne, tout comme elle lui réservait le droit de garder ses secrets pour lui. Ainsi, jamais personne n'avait eu le droit de connaître l'identité du père de Yenlui. Son premier amour, celui qui la fit le plus souffrir - un amour interdit, un amour qui ne promettait aucun fruit... Hormis la mort. Arget avait dû faire un choix horrible il y avait bien longtemps, un choix qui l'aurait peut-être privée de coeur pour toujours si - ô surprise salvatrice - un oeuf n'avait pas adouci sa peine. Quand elle avait disparu on ne sait où pendant plusieurs jours, Athor avait essayé de la questionner à son retour. Il faillit perdre un oeil et comprit qu'il n'en tirerait rien. Ce n'était que plus des siècles plus tard, quand elle le crut bon, que la dragonne sortit son premier oeuf de sa cachette. Il alla à Myad. Il lui demanda son histoire, comme l'avaient fait ses soeurs... Mais n'obtint pas de réponse. Même son fils n'avait pas à lui faire rompre son serment. Alors qu'il était mort. Alors qu'il l'aurait peut-être voulu, qui sait vraiment ?

* Très bien. Je pense que nous avons chacun un secret. Je vous dis le mien, et vous me dite le votre? *

Immuable, la dragonne attendit qu'il poursuive.

Si ses soupçons se révélaient exacts - après tout, aucune assurance n'est complète - son secret ne serait bientôt plus le sien. Non qu'elle ait défait sa promesse ; quelqu'un avait eu entre les mains tous les moyens d'apprendre l'histoire, son histoire. Celle qu'on ne trouve pas dans les livres, ni dans les légendes non plus, quoi qu'elle eut été belle et triste comme celles que chantent les voyageurs...
C'eut été un simple, un inconnu, un ennemi, elle l'eut tué sans hésitation.
Ce n'était pas le cas.
Devait-elle le faire pour autant ? Et pourquoi tuerait-elle un mage puissant et honnête, dont le passé se mêlait quelque peu au sien, qui avait eu la bonté de lui remettre son secret en main propre, comme une possession précieuse et illégale ?

* Je partage en secret mon esprit avec celui d'un de mes ancêtres. Personne ne le sait, je ne sais même pas pourquoi il est là. C'est le cas depuis mon problème avec Vadrael. Et il se trouve que j'ai l'intime conviction que vous vous connaissez... Tout comme vous le connaissez lui *

Toujours silencieuse, Arget observa d'un air lointain, presque ennuyé, le tableau qu'elle connaissait déjà. Ses yeux étaient ailleurs, très très loin d'ici. Ils brûlaient, ils étaient plongés dans d'autres, qui la suppliaient - mais de quoi ? De partir, de rester ? Que pouvaient-ils faire - qu'y pouvaient-ils faire ? Elle se souvint de sa langue sur sa gorge, chaude et douce, ses grognements, la brume de son souffle dans l'air frileux de l'aube. Elle referma tout ceci dans un coin de sa tête en s'interdisant d'y retourner pour le moment. "Rêve quand tu es seul. Même les rêves - surtout les rêves - ont un écho..."

* C'est vous n'est-ce pas? C'est vous la dragonne dont Kael'Thas est tombé amoureux, non? *
* Et j'ai fort à croire que ce soit lui, le père de Yenlui... Je me trompe? *

Arget examina de son âme le toucher inconnu de cette âme - ils ne s'étaient pour ainsi jamais rencontrés, hormis à travers les souvenirs de Kael'Thas ou quelque rencontre fortuite. Les dragons s'étaient mis d'accord sur le fait que leurs Dragonniers ne devaient pas être mêlés à leur aventure. Pour leur sécurité commune.

*Je ne pensais pas remuer le passé avec toi un nouveau jour, Fuhala.*

Elle scinda l'esprit de Marek d'un regard pénétrant.

*Il parlait avec tant d'estime de toi. Je n'aurais pas pensé qu'un homme comme toi refuserait de mourir pour subsister dans la tête des autres.*

Une légère teinte d'humour perçait sous la remarque.

*Je ne l'avais pas pensé, ce qui m'amène aujourd'hui à reconnaître ce que j'aurais voulu continuer à cacher.* Elle approcha sa gueule de l'homme, comme pour accentuer la pesanteur de ses mots. *Yenlui, mon premier et dernier fils, est à l'instar de Myad un enfant maudit. Son père dans le camp des bons... Sa mère liée à un Gardien du Diamant noir. Lui le soleil, moi la lune. Lui les terres du dessus, moi celles du dessous.*

Elle recula la tête pour dévisager l'horizon.

*Il y aurait eu tant de morts si nous avions choisi la même chose qu'Athor et Minë. Il n'y en aurait peut-être pas aujourd'hui si cela se savait, mais j'ai promis à Kael'Thas de garder le secret de notre liaison. Dont sa paternité. Un secret qu'il nous faut maintenant partager.*

La dragonne glissa un oeil vers le jeune humain lorsque palpita à ses sens aiguisés l'utilisation de la magie ; quelques instants plus tard apparaissait une forme qu'elle connaissait pour l'avoir vue dans l'esprit de Kael Thas, son Dragonnier... Un elfe, un Haut Elfe comme ils s'étaient eux-même nommés. Il en avait la prestance, la beauté lisse et sans dureté, la douceur un peu paternaliste. Il ne se serait pas entendu avec Athor. Jamais deux êtres aussi différents et aussi peu désireux de s'entendre n'auraient pu accepter la liaison de la personne qu'il aimaient le plus au monde avec cet Autre. A présent, des siècles plus tard, Arget avait séché ses larmes et fait de sa douleur de la nostalgie. Et il y avait ses enfants...

*Je
n'ai pas choisit de me retrouver dans l'esprit de Marek. J'en suis
aussi étonné que lui... Malheureusement nous n'avons encore trouvé aucun
moyen de me libérer... *

Peut-être que ce phénomène magique était heureux ; à vrai dire, Marek n'ayant plus ses parents avait besoin d'un guide pour l'aider. Il valait mieux qu'un druide ancien trotte dans sa tête que de laisser le Gardien du Feu se débrouiller seul. Il n'y avait qu'à voir ce que Myad était devenue, lâchée dans la nature pendant plus de vingt ans sans personne pour l'aider et la contrôler. Il faudrait trouver les autres Gardiens et veiller, une fois révélés, qu'une personne plus puissante soit à leurs côtés. Mais une personne désintéressée...

-
Me prendrez-vous pour un homme sans parole? Personne ne sait que Fuhala
se trouve dans mon esprit, et personne ne saurait jamais qui est le
père de Yenlui. Même Myad n'en sera pas informé...

Arget tourna sa large gueule vers Marek, quittant l'observation des cieux pour le dévisager de ses immenses yeux rouges.

*Je ne doute pas de ta capacité à garder un secret.* lui dit-elle doucement.

C'était vrai : elle savait qu'il savait conserver un bien précieux et fragile comme ce genre de mystère, pourquoi, comment, elle n'avait pas à se justifier, car la grande dame d'argent avait atteint une sagesse qui ne demandait plus de raisons à une prise de décision.

*D'ailleurs, le jour venu, je te demanderai peut-être de l'annoncer à mon fils. Ainsi, Fuhalla pourra lui parler de son père.*

Après tout, son amant n'avait pas prévu qu'un oeuf naîtrait de leur union.

*Je pense qu'il aurait voulu que son fils connaisse ses origines un jour, ne crois-tu pas, druide ?*