Et pour travailler, ils avaient effectivement très bien travaillé, les bougres. Même que de mémoire d'homme, on n'avait jamais vu de gens plus motivés pour empiler des briques. Officiellement, c'était parce que ce port était une bonne cause mais officieusement, c'était pour en avoir fini le plus vite possible avant qu'un problème ne se décide à frapper - comme une météorite par exemple - alors que les constructeurs étaient encore dans les parages...
Un peu à l'Est de Furnost s'élevaient dorénavant ce qui allait être les entrepôts du port. Il s’agissait là de bâtiments de tailles et de formes diverses, soit en pierre, soit en bois selon l’usage pour lequel ils étaient prévus. Les magiciens engagés sur les chantiers y avaient rajouté quelques fonctionnalités de leur cru, comme des sorts pour protéger l’intérieur de l’humidité ou pour y garder une température convenable. Ils avaient aussi travaillé sur la résistance au feu de ces bâtiments car avec ce que faisaient certains voisins, c’était tout de même plus sûr. Des allées assez larges pour laisser passer deux attelages de front les desservaient, encore boueuses car personne n’avait trouvé le temps de les paver. En revanche, l’avenue principale l’était, et plutôt drôlement bien. En la suivant vers l’Est, on passait sur une grande tour de guet surmontée d’une girouette en forme de dragon dont la flamme de rubis pointait vers le nord. Des soldats du Nomins Ageati ne cessaient d’y aller et venir, de s’interpeller à tout va, le tout dans une ambiance plutôt décontractée. Le plus gros du travail était déjà derrière eux et la fête d’inauguration – car il se devait d’y en avoir une – ne saurait trop tarder.
L’avenue principale suivit les rives du Tudösten, obliquant peu à peu vers le Sud. De là, on pouvait voir l’éclat argenté de la jetée et le début des quais. Il avait fallu du temps pour creuser les berges du lac et là encore, l’aide des magiciens avait été appréciable de même que celle d’un Flaïnor qui avait passé pas mal de temps à faire descendre en douceur d’énormes blocs de granit. Pour l’instant, cela semblait tout de même désespérément vide. Vide ? Ah, voilà un problème qui allait vite être résolu. Il suffisait pour cela de regarder l’immense bâtisse qui s’étendait tout en longueur, s’avançant même jusqu’aux eaux placides du lac. Même depuis l’extérieur, on pouvait entendre le martèlement des outils sur le bois, les instructions braillées pour passer par-dessus le vacarme environnant. Le chantier naval avait été le premier bâtiment à être construite et pendant que le reste du port se construisait, on avait déjà commencé les premières étapes nécessaires à la fabrication d’un bateau et le premier n’allait d’ailleurs pas tarder à aller se promener sur le lac. Bien sûr, il allait autant avoir à voir avec un galion qu’un faucheux avec une mygale mais ce n’était là qu’un coup d’essai.
Plus loin encore, comme si personne ne voulait de lui, s’étend un bâtiment un peu noircit et dont le toit a été remplacé à la va vite par des bâches tendus entre ce qui reste de la charpente. Le début de son activité a été particulièrement bruyant, mais cela semblait s’être amélioré, surtout depuis qu’ils faisaient des tests quand à la flottabilité d’énormes fûts bizarres capables de contenir plusieurs hommes – quand on avait une flotte aussi importante que celle du Nomins Ageati, il fallait bien un moyen pour transporter un maximum de marchandises avec un minimum de bateaux et remorquer des barils contenant ces marchandises pouvait bien être une solution…
Mais revenons donc au petit village de Furnost. Sa situation s'était améliorée depuis que les fondations du port avaient été jetées et les ouvriers n'avaient pas à se plaindre ni des salaires, ni des conditions de travail. Le tavernier du village était particulièrement content puisque sa taverne était pleine chaque soir et résonnait de champs parfois grivois, tout comme d'histoires de hauts faits - même si certaines semblaient tout droit sorties de l'imagination des soldats que d'une quelconque d'expériences sur le champ de bataille.
Il n'y avait que les pêcheurs pour râler parce que certains soldats ne savaient même pas pêcher et mettaient trois plombes pour apprendre les bonnes techniques, quand les plus maladroits ne faisaient tout simplement pas chavirer les embarcations fraichement retapées...