]Myad sentit que quelque chose se passait, comme si elle était aspirée, dans l'obscurité, le silence... Elle ferma les yeux, par réflexe, même si cela ne servait à rien... Une odeur de terre mouillée vint lui picoter les narines. Un parfum d'arbres - conifères, peut-être une montagne. Mumak avait parlé de la Crète... Oui, ils étaient bien là.
Elle sentit qu'il s'éloignait d'elle, il y eut un bruit léger, il devait s'être assit. Le silence. Myad n'osait rouvrir les yeux, de peur de la réacion de celui qu'elle aimait. Déjà que cela ne devait pas être simple pour lui... La jeune femme se concentra, localisa Mumak grâce à son souffle et le rejoignit. Elle se laissa tomber à genoux, sa cape l'entourant en cercle. Sa capuche tomba de ses épaules. Le vent vint faire voleter quelques mèches de ses cheveux noirs.

- Tu as raison, il faut que je te dise ce que tu n'as pas vu, murmura-t-elle avec douceur de sa voix chaude.

Myad était moins paniquée, et même elle était apaisée, elle se savait en sécurité avec le Dragonnier. Elle posa les mains sur ses cuisses et commença à raconter toutes ces choses qui lui étaient arrivées depuis la dernière fois qu'ils s'étaient quittés.

- L'autre jour... rappelle-toi, c'était l'aube... Un cavalier noir. Il m'a prise de force, je crois qu'il avait un somnifère... Je ne sais plus trop. C'était un elfe noir. Comme ce Charlie.

Myad se demanda si il fallait lui dire ce qu'il lui avait fait subir et décida de ne pas le faire.

- Il m'a emmenée dans une prairie solitaire, et il a voulu que je lui dise des choses que je ne savais pas. Au bout de combien de temps, je ne sais, un elfe est venu - il l'a tué, m'a détachée et a disparu. Un grand elfe ux longs cheveux d'argent. Des yeux métalliques à l'éclat vengeur. Oui, il y avait de la souffrance dans ce regard. Je suis restée là jusqu'à ce qu'un voyageur dont j'ignore le nom me trouve. Il m'a soignée... Kev, qu'il se nommait, je crois. Il m'a prêté des vêtements, a allumé un feu, m'a soutenue. Je ne sais pas ce qui serait arrivé si j'étais tombée sur quelqu'un de mal intentionné. Sur ce, est arrivé Fundoor... Et cet elfe étrange, Ramos. Pas très intelligent, parle sans réfléchir. Pas Fundoor, bien sûr, l'autre. Je crois qu'il le dominait par la pensée. Le dragon, que je ne connaissais pas, m'a évité une nouvelle crise, comme celle que j'avais et que tu avais soignée - mais en plus violent, une orte de sang noir coulait, c'était horrible - Heureusement il m'a aidée, et puisqu'il partait à Vroengard il m'a demandé si je voulais venir avec lui à une quête. Je me sentais proche de lui, j'étais seule, j'ignorais où tu étais, j'ai accepté.

Myad fit une pause pour respirer. Elle découvrait une étrange sensation de vulnérabilité. Même avec son épée à son côté elle était faible. Toute petite, toute fragile. Autant dire qu'elle avait horreur de ça.

- Lors de ces quelques jours de voyage, j'ai rencontré Dark, avec qui je me suis tout de suite entendue - mais qui ne s'entend pas avec elle, à par Ramos ? Un dragon noir aux yeux mauves nommé Seardwyn qui partageait avec moi un sens critique développé, et je me suis rapprochée de Fundoor. Nous avancions dans la quête, il fallait déchiffrer un texte, et comme tu le sais, je ne sais pas lire. Le dragon rouge a appelé son esclave, Milri. Ce magicien... Il était... Enfin... Je crois que...

La jeune femme n'osa pa dire que Milri, cela s'était vu tout de suite, avait eu un coup de foudre pour elle, c'en avait été presque gênant. Elle préféra s'abstenir.

- Il a lu les runes. J'ai entendu quelqu'un qui m'appelai, comme dans la clairière, tu te souviens ?... C'était l'elfe aux yeux gris. Il m'a révélé des choses sur mon passé. Comme quoi je serais une sorte de barrage qui contiendrait un pouvoi inactif tant que je prends garde à mes émotions... Mais il est resté assez évasif à ce sujet. Il m'a appris aussi que les elfes comme les drows voulaient cette chose, et, plus important, que c'était mon demi-frère. Je suis donc une bâtarde née d'une prophétie, parait-il.

Elle sourit tristement.

- Je suis revenue auprès des autres, qui n'ont pas eu le temps de faire grand-chose puisque nous avons eu un visiteur noir comme la nuit. Qui pourrit maintenant entre deux statues. Ensuite, il y a eu un grand cri, je suis allée voir, j'ai cru trouver un ennemi, et j'ai tué mon frère.

Sa voix se brisa une seconde. Elle reprit son récit.

- La suite, tu la connais. La seule chose que tu dois encore savoir, c'est que, pendant que vous discutiez à propos des parjures, le père d'Eho est venu, là-bas. Je lui ai dit ce qui était arrivé à son fils, et...

Myad ouvrit les yeux. Une larme de sang s'échappa du coin de chacune de ses paupières et coula lentement le long de ses joues pâles.

[Rooooh c'est trop mignoooooon !!!!!!!!]

Myad sentit qu'on essuyait ses larmes, d'une caresse légère, comme si on avait peur de la briser. Des mains de chaque côté de son visage. La jeune femme se laissa faire. Elle n'avait plus mal - seulement le noir éternel. Et ce picotement dès qu'elle tournait les yeux. Cela devait être horrible. L'elfe eut peur que son dragonnier ne veuille plus d'elle. Un crissement de branchettes écrasées lui fit comprendre qu'il avait reculé de stupeur. C'était compréhensible.
La jeune femme prit le foulard qu'elle nouait d'ordinaire autour du bas de son visage et le plia pour en faire une bande ; elle la rabattit devant ses yeux et l'attacha derrière. La soie noire caressa ses yeux endoloris. Ainsi elle ferait déjà moins peur. Elle se demanda avec ironie si cela ne serait pas un avantage pour l'intimidation de ses ennemis.
Les paroles de son aimé vinrent balayer sa peur ; il regrettait de n'avoir pas été là pour elle, il l'aimait encore, elle était si soulagée. Elle qui avait cru... Levant ses mains, elle chercha le visage de Mumak et descendit ses doigts jusqu'à les avoir autour de son cou. Ainsi elle pouvait visualiser sa position et faire comme si elle le regardait dans les yeux.

- Ne t'excuse pas. Il y a eu la guerre, et puis, des morts, ceux qui partent... Je suis déjà si heureuse d'être près de toi.

Myad sourit. Ses lèvres roses paraissaient pétales de fleur que le printemps aurait détaché de la corolle ; belles, pâles, et tellement fragile.

- Le père de Eho n'est pas le mien. Eho était mon demi-frère. Ma mère était donc une elfe, et celui qui m'a maudite était mon beau-père. Je crois que, en tant qu'enfant illégitime né d'une infidélité, il cherchait depuis longtemps un moyen de se venger. C'est fait, à présent.

Elle réfléchit un moment.

- Tu sais, je viens de me rappeler quelque chose que m'avait dit le drow lorsqu'il me tortu... Me tenait prisonnière. Il a dit...

Myad se concentra, rassemblant les souvenirs, ignorant les images sanglantes et cherchant un détail.

- Tu ne peux pas savoir à quel point tu es dangereuse, Myad. L'arme la plus recherchée. Quel dommage que ton père ne se soit pas rendu compte de ta valeur lorsqu'il aurait pu t'ammener à nous sur un plateau de diamant, répéta-t-elle.

Ces paroles tintèrent d'un air sinistre. Malgré la douleur elle ouvrit tous grands les yeux.

- Attends... Mumak... Je crois que j'ai compris.

Une impression de clarté s'empara d'elle. Elle sourit de plus belle, enfin elle avançait !

- Mon amour... Mon père, c'est un elfe noir. Un Parjure nommé Athor.

La jeune femme plaqua une main contre sa bouche, sidérée. Elle avait dit cela sans réfléchir, c'était sorti tout seul. Elle haussa un sourcil, un peu perdue.

- Je ne sais pas comment je sais ça ; un sursaut de mémoire peut-être.

Elle s'approcha si près de Mumak qu'elle pouvait sentir son souffle sur son visage.

- J'irais où tu iras. Si tu connais quelqu'un qui pourrait me guérir, pourquoi pas, mais rappelle-toi ceci mon aimé, c'est une malédiction. Il a dit qu'elle partirait lorsque je tuerais de nouveau... Mais je ne sais pas si c'est vrai.