Hi-Haaaan !

L'âne de Kazimir commença à braire bruyamment et à faire ce que tendaient à faire tous les ânes. Il refusa tout net d'avancer, même avec la promesse d'une carotte s'il avançait. Peut-être n'avait-il pas tout à fait compris comment marchaient les choses - près tout, il était tout à fait normal qu'il n'ait pas pris toute la mesure de la subtilité du langage humain - supposa Kazimir tout en réessayant vainement de le faire avancer. Rien à faire cependant, l'âne était pour le moins têtu, au point que le voyageur en vint à envisager sérieusement d'utiliser une petite boule de feu pour le persuader d'avancer. La peur des poils grillés serait sans doute plus forte que celle de l'éventuel prédateur qu'il avait sans doute senti.

Fort heureusement pour les poils de l'arrière train du quadrupède, le ciel s'obscurcit soudainement. Non pas sous l'action d'un quelconque nuage orageux fort malvenu mais sous celle d'une épaisse fumée noire et épaisse. L'âne se mit à braire avec plus d'ardeur encore et commença à taper nerveusement du sabot contre le sol. Kazimir pesta intérieurement contre le sort qui semblait s'acharner sur lui et songea sérieusement à faire demi tour aussi vite que possible, à pied si son âne refusait de suivre cette décision. La fumée ne cessait en effet de s'épaissir et réduirait sans doute la douce clarté matinale en une nuit obscure et étouffante, juste avant que les flammes ne le rattrapent et le grillent sans autre forme de procès. Car cette fumée ne pouvait provenir que d'un feu de forêt n'est-ce pas ? Quoi d'autre pourrait faire une telle fumée ?

Attendez ! Une petite minute ! Les cheveux de Kazimir se hérissèrent littéralement sur sa tête tandis qu'il se rendait peu à peu compte qu'il manquait un détail infime mais crucial. Non seulement la fumée n'avait pas l'odeur de fumée mais en plus, tout était empreint d'un calme qui ne cadrait en rien avec l'hypothèse d'un incendie. On aurait plutôt dit que tous les passereaux et autres habitants de la forêt avaient subitement décidé que ces parages étaient loin d'être sûrs. Son âne avait sans doute également senti la même chose et avait refusé tout de go d'avancer.
Tandis que cette idée se frayait un chemin dans l'esprit de Kazimir et que les ténèbres refermaient leur étreinte sur lui, il osa d'une voix qu'il efforçait de rendre calme et posée.

" Il y a quelqu'un ? Allons donc, montrez vous, ce n'est pas drôle et... et je suis armé. Oui, c'est ça et je n'hésiterait pas à m'en servir !"

"J...j...j'aurais au...au...moins...es....essay....sayé !" lança pitoyablement Kazimir au visage qui venait soudainement de lui apparaître, auréolé d'une lugubre lumière violette.

Quand il avait entendu le rire, son coeur avait du rater plusieurs battement. Jamais Kazimir n'avait entendu un rire aussi dénué de la moindre parcelle d'humanité et aussi effrayant que ça - pas plus qu'il avait déjà entendu un quelconque rire machiavélique d'ailleurs. Alors quand le patchwork de chairs décomposées était apparu à moins d'un mètre de lui, il avait senti toute sa résolution s'envoler au loin, le privant totalement de ses moyens, la bouche grande ouverte sur un O de stupeur. Seule une pensée cohérente parvint à se frayer un chemin jusqu'à sa conscience terrorisée. Une pensée pour le moins réconfortante qui lui prédisait la fin de son voyage.

Tétanisé par la peur, il ne pu que laisser sa mâchoire pendre en encore plus et ses yeux s'écarquiller davantage tandis que la chose se dévoilait un peu plus. La nausée le pris lorsque il se rendit compte de ce que l'on voyait là où la chair avait disparu et Kazimir ne dut qu'aux noeuds de son estomac pour ne pas rendre son petit déjeuner. Comme dans un film au ralenti, il devina les ombres autour de lui danser une sarabande endiablée autour de lui, guettant sans doute le moment propice pour s'abattre sur lui. Peut-être allaient-elle faire de lui la même chose que la créature qui se tenait devant lui, songea-t-il en tremblant de plus belle.

Quelque chose le heurta alors violemment, accompagné d'un Hi Haaan sonore. Avant même qu'il puisse comprendre ce qui lui arrivait, Kazimir toucha le sol avec un bruit mat. Des lucioles dansèrent devant ses yeux, ses membres en profitèrent pour lui rappeler qu'ils existaient mais au moins était-il sain et sauf. Enfin presque. Ses oreilles étaient loin d'être sauves, attaquées férocement par l'âne qui ne cessait de pousser ses braiments stridents tout en commençant à faire marche arrière.Kazimir avait bien envie de l'imiter mais le soupçon d'intelligence qui résistait à la peur lui suggéra d'estimer d'abord ses chances de survie s'il parvenait à quitter cette chape de ténèbres.

" Qu'est...ce que vous...vous me voulez ? J'ai p-p-pas d'or sur moi !", demanda-t-il en essayant en vain de controler les tremblements qui agitaient sa voix. Comment diable une telle créature pouvait-elle seulement exister. Et pourquoi était-il tombé sur elle ? Il était trop jeune pour mourir ! " Et je...je m'excuse pou...pour vous a...avoir me...menacé. Vrai...vraiment je ... je.... je suis désolé ! P-p-pitié ! "

Couardise quand tu nous tiens ! Ou plutôt un semblant de logique. Les options de Kazimir étaient plus que limitées et ses talents pour dompter le feu ne lui seraient pas d'une très grande utilité contre une chose qui aurait déjà du être morte et qui défiait elle même la logique - un peu moins que les squelettes mais quand même. S'il essayait de le réduire en cendre - à supposer qu'une telle chose soit seulement possible - il ne ferait que la mettre plus en colère et vu le fossé qui devait exister entre leurs puissances respectives, "couic !" plus de Kazimir...

[Tu veux pas te défendre un peu? Je m'ennuie là Chasser comme ça c'est limite aussi facile que d'aller au supermarché... J'ai le droit de tuer l'âne? =D]

Jehan se mit à rire devant la pauvre petite chose qui lui suppliait de l'épargnait. Quant à l'âne, l'entendre braire devenait vraiment énervant...
Le Mort Vivant frappa le sol de son bâton et l'âne tomba inconscient sur le sol. Vivant, mais inconscient... Du moins pour le moment.

Il se tourna vers l'humain pleurnichant.

De l'or? Je n'ai que faire de ton or... J'en ai déjà beaucoup plus que tu n'en aura jamais... Non moi j'ai juste faim...

Il se pencha vers sa victime, lui faisant profiter de toute son odeur et de toute sa... "splendeur".

Trèèèèès faim...

Et Cela éclata à nouveau de rire. Un rire encore plus lugubre que le précédent, empli de moquerie, dégoulinant de malveillance et plus glaçant qu'une rencontre inopinée avec un Ombre. Il aurait été parfait dans un cimetière, résonnant sans fin entre des pierres tombales fissurées, accompagnant les chuchotis et gémissement d'âmes en peine condamnée à errer pour l'éternité dans la brume. Cette même brume qui se serait déchirée pour laisser s'échapper dans le monde des vivants l'abomination qui se dressait devant Kazimir et le lorgnait maintenant avec une avidité non dissimulée...

Trèèèèès faim...

Et cerise sur le gâteau, Cela semblait vouloir lui épargner les tourments de la vieillesse de la manière la plus sûre et la plus radicale qui soit.

*Enfin radicale...*, songea Kazimir tandis que son esprit se dirigeait lentement vers la défense la plus sûre qui soit contre ce qui avait de fortes chances de se produire. * Il va me couper comment ? Avec ses dents ?*

" Bwahahahahaaaa !!! Dent tes rèves coco !", réussit-il à caser entre deux quintes de rires hystériques. Des larmes perlèrent même à ses yeux tandis que Kazimir se relevait, mort de rire. " Tu as entendu ça, Pedro ?..... Pedro ? Bah, où il est passé ?"

Les yeux de Kazimir balayèrent brièvement les environs à la recherche de Pedro puis s'arrêtèrent sur la masse de poils gris-violet allongée sur le sol qui ressemblait furieusement à celle d'une âne.

" Pedroooo !! "

Seul le silence et l'immobilité de Pedro répondirent à ce cri, brisant à eux deux le coeur de Kazimir et les derniers fragments de raison qui le rattachaient encore à la réalité - sinon, comment expliquer ce qui allait suivre ?

" Tu vas payer pour ça espèce de... de... truc !", brailla-t-il à l'intention du mort vivant, une lueur dangereuse dans les yeux.

Sa peur avait complètement cédé le terrain face à une sorte de folie furieuse. Qu'importe si cela le menait à la mort qui lui semblait promise. Au moins vengerait-il son âne, son compagnon de tant d'aventures, son ami le plus cher en cette vie - en dépit de la perpétuelle incompréhension qui régnait entre eux !
D'un mot d'un seul, Kazimir fit apparaitre des boules de feu argentées qui fusèrent vers le mort vivant dans un sifflement de bouilloire. Puis il se jeta carrément sur Jehan, les doigts terminés par des griffes de feu, hurlant qu'il allait plus ou moins réduire Cela en cendres...

Jehan se délectait de la peur de sa proie. Allait-elle se rebeller comme la plupart des êtres de ce monde le font? Oh si seulement... Il avait envie de s'amuser aujourd'hui.

Apparemment, voir son âne inconscient avait causé un grand choc au jeune humain. Plus le temps passait, plus Jehan sentait -ou plutôt ressentait- la magie qui coulait dans les veines de son dîner. La magie, qui donne un goût si particulier à la nourriture...

" Tu vas payer pour ça espèce de... de... truc !"

Des boules de feu d'une étrange couleur argentée fusèrent sur le mort vivant. Il évita la première, les suivantes passèrent à côté -on vise mal quand on s'énerve- mais il en reçu une en pleine tête. Cette dernière se détacha de son cou et roula sur le sol un peu plus loin. Un coup de bâton renvoya l'homme au sol. Jehan fit rouler sa tête jusqu'à son corps. Il se pencha, ramassa le crâne et le remit sur son cou. La "chair" se reforma d'elle même et la tête se ressouda sur le corps.

Il s'adressa alors à sa proie, à nouveau sur le sol:

"Alors on joue les fortes-têtes? Voyons ce que tu peux faire contre ça..."

Le mort vivant s'illumina de violet. La lumière se concentra dans l'améthyste de son bâton, avant de fuser vers le sol.

Un cercle étrange se forma alors. En son centre apparut une étrange créature féminine ailée et armée d'un fouet.

[Un truc comme ça: http://www.wowpets.org/wp-content/uploads/2010/01/wow-warlock-pets.jpg]

"Que fera-tu contre ma terrifiante succube?...

Il se mit à rire, alors que la créature diaboliquement sexy, au sourire aguicheur, fouetta le sol près de l'humain....

Le doux tintement d'une multitude de clochettes résonna subitement aux oreilles de Kazimir, porté par un vent frisquet qu'il fut le seul à ressentir. Etait-ce donc là le bruit que faisaient les morts vivants lorsque ils se prenaient des boules de feu en pleine figure ?, se demanda l'inconscient tout en stoppant son assaut. Quelle utilité de s'approcher davantage du truc visqueux alors que celui-ci venait à son tour de perdre la tête - au sens premier du terme cette fois-ci ? Son nez, en tout cas, n'en voyait aucune mais élan semblait d'un tout autre avis, sanctionné par un rencontre des plus brutales avec le bâton de l'abomination. Comment pouvait-on taper aussi fort avec des muscles en décomposition ? Voilà là une excellent question à laquelle Kazimir n'accorda même pas l'ombre d'une pensée.

Ses yeux étaient en effet désormais rivés sur la tête qui semblait devoir interminablement rouler au sol. A sa grande surprise, un jeu de quilles en forme de bonhomme de neige venait subitement d'apparaître sur la trajectoire, presque aussitôt renversé par ladite tête.
t à son pror
" Strike !", s'exclama-t-il à ce spectacle visible de lui seul, tout en suivant du regard la trajectoire du projectile en décomposition. A sa grande surprise, un pied chaussé de babouches en satin multicolores vint donner un coup de pied dans la tête, la renvoyant illico à son propriétaire. Sans se soucier de ce que cela pouvait signifier pour le mort vivant, Kazimir fixa l'être auquel appartenait le pied. Cela ressemblait à un bouffon que l'on aurait revêtu d'une étoffe brillante et bouffante décorée de motifs qui ne cessaient de danser devant ses yeux. Un bouffon au visage dont la blancheur immaculée n'était troublée que par les deux sillons noirs qui semblaient couler de deux yeux où brillaient une lueur complice. L'être lui adressa un signe de la tête, faisant follement tinter les clochettes de sa coiffe, puis disparu sur un clin d'oeil complice.

Subjugé par l'apparition qu'il était le seul à voir, Kazimir ne prêta pas attention au manège du mort vivant jusqu'à ce que le claquement sec d'un fouet se fasse entendre à quelques centimètres de lui. Quelque peu perdu par tout cela, Kazimir se releva pour se trouver nez à nez avec une charmante représentante de la gente féminine - avec des cornes en plus mais c'était un détail. D'où pouvait-elle bien sortir et que...

" Arrête donc de réfléchir coco !", fit une petite voix dans sa tête d'un ton amusé, à la fois étrangère et plutôt familière. La voix de sa conscience peut-être. Quoique, vu ce que sa conscience était en train de lui suggérer de faire, c'était plutôt limite pour une conscience. A croire que toutes les valeurs étaient en train de se perdre sur ce charmant bout de chemin.

En réponse à la petite voix, Kazimir fixa la charmante invitée, la gorge nouée, puis déglutit difficilement...

" Oh ouiiii vas-y fouette moi !"s'exclama-t-il avec un regard chargé de sous entendus en direction de la créature - preuve s'il en était que la raison de Kazimir semblait avoir réussi là où ses jambes avaient échoué : à prendre la fuite. Kazimir aurait pu s'arrêter là, sur cette proposition pour le moins douteuse et attendre impatiemment que la succube accède à sa demande mais la petite voix de sa conscience ne l'entendait pas ainsi.

" Mais auparavant, épousez moi !"fit-il avec ardeur avant de couler un regard vers le mort vivant qu'il avait plus ou moins superbement ignoré jusque là." Etes vous d'accord beau père ? Ou préférez vous que nous continuions à entretenir des rapports aussi chaleureux ?"