Toi d’un coté et la horde sauvage de l’autre[PV]

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La petite caravane avançait péniblement sous le soleil écrasant du Hadarac. C'était une troupe hétéroclite, hommes, elfes et nains, réunis par l'attrait de l'aventure, de l'argent, ou par l'envie d'aider son prochain. Surtout, tous liés par l'ambiance morose et le sentiment de danger qui flottaient en permanence sur le petit groupe.
Il faut dire que l'épopée qui avait quitté Urû'baen plus d'un mois plus tôt avait la périlleuse mission de rallier les plus importants des villages du désert dont on était sans nouvelles depuis que les dragons sauvages gardaient jalousement ces terres brûlées.
Mais le Nomins ne l'entendait peut-être pas de cette oreille, et plutôt que d'abandonner les peuplades du désert à leur sort, il avait lancé cette expédition.
Un groupe restreint, car on avait plus de chance de passer par la discrétion que par la force, des vivres, des médicaments, et un peu de place pour ceux qui avaient une particulièrement bonne raison de rejoindre la caravane. Malgré les longues semaines de voyage, ils n'avaient que peu avancé. La caravane ne s'enfonçait pas directement dans le désert mais avançait en zigzagant, selon l'itinéraire que des mages et des dragonniers du Nomins avaient déclaré comme le plus sûr. Elle suivait les reliefs rocheux malgré les difficultés à y faire évoluer les chariots pour laisser aussi peu de traces que possible, et devait attendre l'arrière-garde qui masquait celles qu'il restait malgré tout.
C'est pourquoi, après un mois de tension permanente, à surveiller le ciel d'un œil inquiet, enterrer ses défections tous les matins et ne dormir que d'un œil, les aventuriers n'avaient traversé que deux villages ; le premier très proche de la bordure du Hadarac se portait plutôt bien et n'avait besoin de rien, mais le second avait été complètement dévasté, maisons calcinées, cadavres déchiquetés, démembrés, un véritable charnier qui n'augurait rien de bon pour la suite des visites.
Au jour d'aujourd'hui, l'expédition évoluait à l'ombre d'une impressionnante muraille rocheuse, sous une chaleur écrasante, engluée dans un silence tenace. Elle avançait au pas, comme souvent : la route qu'ils suivaient était encombrée d'éboulis. D'une manière générale, cette journée ressemblait à toutes celles qui l'avaient précédée.

-Je crois que je sens quelque chose...
-Un aigle, comme toutes les autres fois.
-Allons, tu n'y crois pas vraiment, non ?
-Non...

Les trois hommes qui parlaient étaient assis en rond (enfin, dans la mesure où on pouvait faire un rond à trois sommets) dans le chariot le plus au centre de la petite troupe, et ils étaient ses yeux et ses oreilles magiques. Et là, ils se regardèrent tous dans les yeux, hésitèrent une petite seconde, puis furent tout à fait d'accord sur ce que leurs observations magiques avaient relevé.
Ils ouvrirent le rabat de la toile de leur chariot, sautèrent au sol et remontèrent en courant la file. Ils ne dirent rien à personne, ne crièrent pas au malheur, mais tous ceux qui les virent passer sentirent les ennuis qui approchaient.
Le chef de caravane tourna la tête en voyant les trois silhouettes en manteau blanc qui accouraient en silence. Son visage s'assombrit.

-Des ennuis ? demanda-t-il.

Le premier des mages sentinelles ouvrit la bouche pour répondre, mais ses mots furent couverts par un gigantesque rugissement du dragon qui venait de surgir du sommet de la crête rocheuse. L'immense créature fondait sur eux, les mercenaires ne perdirent pas une seconde et levèrent leurs arcs, mais déjà un torrent de flammes engloutissait chariots, hommes et bêtes et les hurlements remplaçaient le silence...

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Locke avançait, les mains lâches sur les reines de sa monture donc les pas étaient traînants dans le sable sous la chaleur harassante. Il avait fait la folie de pénétrer dans le désert du Hadarac et le regrettait amèrement.

Anhrefn, le loup noir aux yeux rouges dont il avait hérité de son père, avançait à ses côtés, la langue pendante et la tête baissée. C'était lui qui lui indiquait le chemin au travers du désert afin de rejoindre les contrées des Elfes. L'animal lui indiquait les points d'eau et les moments opportuns pour se reposer et sans lui, Locke était conscient qu'il serait mort depuis des jours.

Son père lui avait fait promettre de rejoindre Ellesmera à sa mort et le jeune homme commençait à désespérer d'avoir accepter. Qu'attendait-il réellement de son arrivé chez les Elfes ? Croyait-il qu'il serait accueilli les bras ouvert, trouvant une nouvelle famille ? Le métis l'ignorait encore mais il ne voulait pas revenir sur sa parole, pas depuis le sacrifice que son père avant consentit pour lui. L'Elfe, dont il ignorait l'existence quelques mois auparavant, avait donné sa vie pour lui alors qu'ils étaient attaqués par des Urgals pendant leur voyage. La peine que Locke avait ressentie lui avait permis de faire jaillir la magie qui dormait en lui mais cela ne le consolait guère.

Désormais, le demi Elfe se faisait un point d’honneur de respecter sa promesse et d’arriver au plus vite à Ellesmera. Son père lui avait assuré qu’il y recevrait un entraînement digne de ses compétences, bien que Locke n’estimait pas ses compétences comme particulières.

C’était tout cela, qui amenait le jeune garçon ici sous les feus perpétuels de l’enfer du Hadarac.

Il avait déjà croisé deux villages sur le bord du désert et, dans les deux, n’avait trouvé que mort et destruction. Les traces qu’il avait remarqué semblait correspondre à des empruntes de Dragons mais Locke ne connaissait pas suffisamment ses êtres pour les analysés. Il s’était donc contenté de remplir ses gourdes au puits et de trouver des vivres pour lui, ainsi que pour son cheval. Anhrefn se débrouillait généralement seul pour trouver sa nourriture, soit en chassant, soit en fouillant dans les maisons dévastées.

Ca faisait environ trois jours qu’il n’avait plus croisé de signe de civilisation et il espérait que cela ne durerait pas. Il jugeait avoir suffisamment de vivre pour trois, voir quatre, jours supplémentaire mais guère plus. Ce fut alors qu’il pensait à tout cela, que le loup noir s’arrêta. Juste après, Locke entendit de grands rugissement ainsi que des voix humaines hurlantes. Anhrefn s’élança en direction des cris et Locke talonna sa monture pour le suivre. Le spectacle qui s’offrit à lui dès qu’il franchit la petite colline lui fit stopper son avancer. Un immense Dragon volait au dessus du sable, crachant des flammes gigantesques sur ce qui semblait être une caravane de voyageur. Le semi Elfe mit un temps qui lui sembla interminable avant de décider de la marge à suivre mais, il finit par se remettre en route et se diriger vers les êtres qui composaient la troupe afin de leur prêter main forte. Que pourrait-il faire contre une telle créature ? Il l’ignorait mais il ne pouvait rester à les regarder se faire massacrer.

Des jours et des jours que ça durait, et aucun succès à l'horizon. La drow ne comptait plus les jours, mais ça ne devait pas faire bien loin d'un mois, qu'elle avait rejoint cette caravane, ayant pour but de traverser le désert du Hadarac, à la recherche de tribus enfoncées dans les terres. Cette expédition ne lui apporterait rien, elle avait rejoint cet étrange groupe, prétendant vouloir aider, pour savoir si ces tribus se réuniraient ou non, et se joindrait aux troupes du Nomins. Encore une fois, espionne sous couverture. Elle n'avait révélé son identité à personne, son appartenance à l'Alliance et son statut de dragonnière était donc inconnu de tous. De toute façon, elle n'avait pas vraiment adressé la parole à ses compagnons de voyage depuis leur départ. Pour tout dire, elle s'ennuyait à voyager aux côtés d'humains et de mage. Et puis, sa dragonne lui manquait. Étant trop éloignées, elles ne pouvaient même plus se parler, juste sentir la faible présence de l'autre dans son esprit.Joyeux comme voyage...
Djenka avançait à pied, tenant son cheval couleur neige par les reines. Il était bien assez encombrés de vivres comme ça. Et puis, l'endurance de l'elfe noire en avait connu d'autre. Cependant, la monture à poil elle semblait lasse de ce voyage. Toujours le même paysage, la même chaleur, le même rythme lent... Bien que partageant son opinion, elle n'y pouvait rien. Il devait faire comme elle, prendre son mal en patience, et puis c'est tout.
Après quelques heure de marche, la procession s'arreta. Comme à son habitude, elle s'installa à l'écart avec son cheval. Après s'être occupé de ce dernier, elle s'assit sur le sable, se détendit, et ferma les yeux. Avec ces fichus mages, la méditation et le projet d'étendre son esprit aux alentours était à bannir, ils la repèreraient et elle n'en avait aucune envie. Même si sa dragonne devait bientôt la rejoindre, elle préférait ne pas avoir de compte à rendre pour le moment. A cette pensée, elle sourit. Dark, elle serait bientôt là. Peut-être même aujourd'hui si tout se passait bien. Enfin !
Ces douces pensées furent interrompus par le bruyant passage des mages près d'elle. Ils semblaient préssés, et perturbés. Ce n'était pas la première fois, mais là, ça semblait plus grave. A peine eut-elle ouvert son esprit, qu'un frisson la parcourue. Une immense créature approchait. Et ce n'était pas Dark...
Un rugissement. Un effrayant rugissement. Un dragon, bien evidemment. L'elfe noire se redressa immédiatement, saisi son épée de dragonnière, et en quelques pas, se trouva près du groupe de soldats qui ne savaient pas exactement comment se défendre d'une si grande et hostile créature, qui avait d'un jet de flamme, avait déjà fait de nombreuses victimes. D'un murmure, elle se projeta du feu et regarda autour d'elle. Peu de magiciens, vraiment peu...

*Dark, je n'ai jamais autant souhaité ta présence que maintenant...*

Alors qu'elle s'élançait à la suite du dragon qui continuait de détruire le camp, avec d'autres personnes, cette si douce et agréable voix retentit dans son esprit

* Je suis bientôt là, une dizaine de minutes, tout au plus. Je ne pouvais rie te dire, tu m'avais fermé ton esprit. Que se passe-t-il, tu semble perturbée ?*
*Un dragon s'en prend à nous. Impossible à gérer, et de plus, je doute qu'il soit seul. Il est plus petit que toi, alors si jamais tu pouvais te dépêcher, je pense que ton aide ne serait pas de refus*
* J'arrive !* - lanca la dragonne d'une voix enthousiaste, ravie d'avoir un peu d'action

Seulement, elle n'était pas là. Et le dragon ennemi lui était bien présent. Tuer un dragon lui fendait le coeur, mais lui ne semblait pas si perturbé que ça à l'idée d'arracher des vies. Et bien tant pis, il fallait bien se défendre. Elle se tourna vers les archers, dont les flèches ricochaient sur les écailles de la créature.

- Les yeux ! Tentez de viser les yeux du dragon !

Facile à dire... Il fallait au moins immobiliser la créature. D'un cri en ancien langage, elle dévia un jet de flamme qui allait probablement la tuer, elle et un étrange homme avec son loup. Un elfe-humain. Tiens donc, les deux races qu'elle méprisait. Mais ici, ils étaient tous camarades. Et les salua tout deux, mais n'eut guerre le temps d'en faire plus, car la créature, vexée par la magie de la dragonnière, ripostait, et cette fois-ci à coup de dangereuses serres. D'un bref coup d'épée, elle tenta de le repousser. Un main sur son collier en pierre précieuse contenant l'énergie, l'épée tendue vers le reptile, elle dévia la lumière pour l'aveugler.
Ah tiens, mauvaise idée d'exciter un dragon...

Dernière édition par Abysse Yclette le Lun 21 Nov 2011 - 21:42, édité 1 fois

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Aucune trace d’humidité dans l’air et du sable à perte de vue. Des dunes interminables se dessinaient à l’horizon. Abysse remonta sur son nez l’étoffe qui lui dissimulait le bas du visage. Il lui fallait économiser au maximum l’eau de son corps. Denrée rare au sein du désert, son absence avait eu raison de plus d’une créature. La troupe que la jeune femme avait rejointe depuis quelques jours avançait péniblement. Depuis leur départ, ils n’avaient traversés que deux villages, s’autorisant une courte halte. Sans cesse sur le qui-vive, la caravane ne passait en rien pour un groupe de marchands et de voyageurs ordinaires. Ils semblaient bien trop armés et trop peu préparés aux conditions difficiles du désert. Un œil averti pouvait rapidement déceler les défauts de leur organisation.

Marchant d’un pas souple et leste, la jeune femme se sentait entièrement dans son élément. Originaire d’un village du désert profond, oublié de l’Alagaësia, elle avait su trouver l’hospitalité et le confort que ces terres offraient. Elle n’avait cependant fait aucune remarque quant à la démarche que suivait la caravane. Elle avait estimé l’intervention inutile. Pour le moment, le groupe parvenait à tenir le rythme, c’était l’essentiel. La troupe bien qu'hétéroclite semblait mue par une certaine cohésion. Elle se composait d’un meneur visiblement habitué aux traversés du désert, de trois mages souffrant terriblement de la chaleur et de quelques voyageurs aux races et aux compétences diverses.

Les sens en alerte, Abysse jetait régulièrement un œil au dessus d’elle. La plupart du temps, le bleu limpide du ciel ne laissait entrevoir aucune trace d’être ailés. Parfois, on pouvait percevoir le vol d’un rapace. Mais ce n’était pas des aigles et des vautours dont les hommes du désert avaient peur, c’était les dragons sauvages. Ils avaient fait du désert leur territoire et chassaient inlassablement tout intrus. Les rares villages qui clairsemaient les abords du désert ne faisaient pas non plus exception. C’était en cela que se révélait particulièrement dangereuse la mission qu’Abysse avait acceptée. Les dragons étaient des créatures millénaires jouissant d’une terrible puissance. Nul autre créature pouvait se targuer de lui faire face.

Abysse fut interrompue dans le cours de ses pensées par l’intervention inattendue des mages. Ils venaient de sortir d’un des chariots et semblaient agités. Ils eurent tout juste le temps d’échanger quelques mots avec le chef de la troupe avant qu’un terrible rugissement crève les rangs ordonnés de la caravane. Les montures s’affolèrent, les chariots se renversèrent et les hommes se dispersèrent. En l’espace de quelques secondes, le chaos s’était installé parmi la troupe. Les sens aiguisés de la jeune femme lui permirent d’anticiper quelque peu sur la situation. Sentant le danger se profiler sans pour autant l’identifier clairement, elle s’était écartée du groupe, prête à agir. Un dragon les attaquait.

Nullement désemparée, la jeune femme avait rapidement rassemblé ses esprits afin de mettre au point une contre-attaque efficace. Un rapide coup d’œil lui permit d’analyser les pertes. Quelques voyageurs plus réactifs avaient pu se protéger et dégainaient déjà leurs armes. Calculant toutes les alternatives qui s’offraient à elle, Abysse avait déjà ôté l’étoffe qui dissimulait son visage et s’était saisie sa dague. Le dragon sauvage planait à quelques mètres du sol, déversant un torrent de flamme sur ce qui restait de la caravane. Une chaleur étouffante envahissait les lieux. Ce fut d’une démarche étonnamment décontractée et rapide qu’elle s’approcha du dragon. Son regard s’attardait sur les parties les plus molles et fragiles de sa chair. De toute évidence, les ailes, l’abdomen et les yeux constituaient les véritables faiblesses de l’animal.

Abysse ne possédait que son agilité et sa stratégie pour oser en venir à bout. Cependant, elle ne doutait aucunement de ses facultés. Ce combat lui offrait simplement de nouvelles difficultés à surmonter. La jeune femme perçut un cri sur sa gauche. Une femme intimait aux hommes de se concentrer sur les yeux de la bête. Un jeune homme inconnu venait également de rejoindre les rangs éclaircis de la troupe. Il était accompagné d’un loup. Bien qu’Abysse ne l’ait jamais vu, elle le rangea rapidement dans le camp allié. La situation s’annonçait difficile, il était temps d’agir.

La jeune femme se glissa jusqu’à la Drow. Cette dernière semblait particulièrement déterminée. La peur était absente sur son visage décidé. Abysse se tourna vers elle et parla de façon suffisamment forte pour que les hommes les plus proches puissent l’entendre.

- Il s’agit de créer une diversion. Avec l'aide de quelques hommes, je pense être en mesure d’atteindre la tête et les yeux du dragon si vous pouvez l’occuper quelques secondes.

La jeune femme s’était exprimée d’un ton sûr et autoritaire. Elle devait offrir suffisamment d’assurance aux combattants pour qu’ils puissent la suivre. Sans attendre, elle s’était approchée d’une démarche souple et rapide de la bête enragée. Tous les muscles de son corps étaient étrangement décontractés, prêt à l’action. A mesure qu’elle sentait l’haleine brûlante du dragon sur son visage, elle sentait le battement de ses tempes s'amplifier. A présent, elle devait saisir l’occasion d’atteindre la tête de l’animal. Esquivant ses attaques répétées, elle analysait ses mouvements afin de les anticiper. Il fallait que les combattants de concentrent sur un côté de la bête afin qu’elle puisse espérait l’attaquer.

- Sur le flanc gauche ! hurla-t-elle.

Effectivement, le dragon laissait transparaître quelques faiblesses dans la protection de son côté gauche. Il était temps de saisir l’occasion. Une attaque parfaitement coordonnée pouvait réellement affaiblir le dragon. Deux personnes vinrent la rejoindre à ses côtés, attendant la diversion pour attaquer la tête du dragon.

Dernière édition par Locke D'Arkan le Mar 22 Nov 2011 - 8:58, édité 1 fois

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Le bruit qui régnait dans la troupe était assourdissant, sauvage mélange d’hurlements humains et de cris bestiales. Locke faisait en sorte de se concentrer suffisamment sur sa survie pour tenter d’éclipser les bruits parasites. Il essayait de diriger Alkoomie du mieux qu’il pouvait mais le pauvre animal avait bien trop peur pour obéir facilement. Tout autour d’eux n’était que chaos absolu. Les non combattants couraient au hasard, cherchant désespérément et inutilement un lieu où ce cacher du torrent de flammes ardentes que déversait la gueule du Dragon. Les quelques soldats qui composaient la défense du convoi s’organisèrent maladroitement pour faire face à la menace. En un rien de temps, l’animal mystique avait mis à sac la quasi-totalité des charrettes et massacrer une bonne partie des voyageurs. Devant les difficultés de la jument à avancer, le jeune garçon décida qu’il avancerait plus vite à pied et sauta du dos de sa monture. Il lui claqua la croupe afin de la faire partir au loin, sachant pertinemment qu’il pourrait la retrouver plus tard. Anhrefn, son loup noir aux yeux rouges, galopait au milieu de la cohue, aboyant et grognant à l’attention du Dragon. Locke était impressionné du courage dément dont l’animal faisait preuve.

Le semi Elfe courait désormais par ses propres moyens. Il vit les archers décocher leurs flèches, qui ne faisaient que ricocher sur les écailles, et aperçut non loin de lui une Elfe noire qui d’un simple murmure repoussa un jet de feu. Locke en fut émerveillé et ne réagit guère lorsqu’elle le salua en courant vers le Dragon sauvage. Encore émerveillé par le pouvoir que semblait détenir l’Elfe, il ne la vit pas partir combattre le Dragon avec sa simple épée. Non, son attention se tourna vers une autre jeune femme qui s’approchait du cœur des combats. Doté d’une chevelure couleur or, bien plus claire que celle que possédait le jeune homme quelques mois auparavant encore, la jeune femme semblait être une combattante aguerrie. Elle se rapprocha de l’Elfe noire et parla fort du plan qu’elle avait en tête.

– « Il s’agit de créer une diversion. Avec l'aide de quelques hommes, je pense être en mesure d’atteindre la tête et les yeux du dragon si vous pouvez l’occuper quelques secondes. »

Locke se rapprocha d’elles et acquiesça d’un signe de tête. Le plan était de plus logique, une telle créature n’avait que peu de points faibles mais les yeux en étaient forcément un. Locke se saisit de l’arc elfique qu’il avait hérité de son père et y encocha une première flèche. Il ne sera pas facile de toucher une telle cible mais le jeune homme avait confiance en ses capacités. D’autres archers prirent places tandis que la jeune femme qui avait promulgué le plan s’avançait vers la bête. Rapidement, les cordes claquèrent et les flèches volèrent. Alors que la plupart se heurtèrent à l’armure d’écaille qui recouvrait le corps du Dragon, Locke dirigea son tir directement vers l’un des yeux. La flèche ne parvint pas à s’y planter mais réussit néanmoins à égratigner la paupière. Du sang coula le long de la gueule de l’animal dont les cris de rages s’amplifièrent. Locke ne perdit pas de temps et encocha une seconde flèche. Il entendit une voix s’élevée par-dessus le tumulte.

– « Sur le flanc gauche ! »

Sans réellement prendre la peine de viser, il décocha sa flèche. Il suivit sa course du regard et la vit avec satisfaction pénétrer la membrane qui reliait l’aile gauche à l’abdomen de la créature et y rester ficher. Le Dragon cria de plus belle et commença à perdre un peu d’altitude. Il atterrit lourdement sur le sol, faisant vibrer les alentours sous son poids. Le moment était le bon ! Maintenant qu’il était au sol, il serait plus facile de le harceler. Locke raccrocha son arc et dégaina son épée. Il se refusait d’utiliser l’épée que son père lui avait léguer et continuait d’utiliser son épée de mercenaire. L’arme elfique était bien trop importante pour être utilisé à tout moment. Cette fois-ci, ce fut de lui que les ordres vinrent.

– « Persévérez ! Utilisez vos lances pour le harceler ! »

Il ne prit pas la peine de voir s’il était écouté et s’élança en direction du Dragon. Sa cible était l’abdomen de la bête, là où la peau semblait plus tendre. D’autres personnes autour de lui semblèrent avoir eu la même idée mais il ne peut les identifier. Il y avait probablement la jeune fille blonde et l’Elfe noire parmi elles mais il ne pouvait le certifier, il restait concentré sur sa propre attaque. Son épée fusa en direction du cou de la bête et Locke se concentre pour se préparer au choc. Malheureusement pour lui, le Dragon intercepta la trajectoire de l’attaque en levant une lourde patte griffue. La lame de l’épée heurta de plein fouet le membre et fut brisé sous le choc. Le demi elfe en fut abasourdi et n’eut pas les réflexes suffisants pour s’enfuir. Le Dragon pivota fouetta l’air de sa queue afin de balayer le mercenaire. Ce dernier n’eut juste que la présence d’esprit de se souvenir des leçons de son père et murmure en ancien langage.

– « Garjzla skölir iet ! »

Une fine protection de lumière s’interposa en la queue de l’animal et le corps de Locke mais la très faible maîtrise en magie du demi elfe ne lui évita pas d’être projeté à distance de l’animal. Son corps vola jusqu’à atterrir dans les ruines fumantes d’un chariot à demi calciné. Le choc le laissa inconscient, enseveli sous les débris…

Alors qu'elle tentait toujours désespérément de blesser la créature, une jeune guerrière vint se placer à ses côtés, et exposa au reste du groupe sa tactique. La diversion. Le problème avec les dragons, c'est qu'il fallait sortir la grosse diversion, parce que d'un jet de flamme, plus de diversion ! Cependant, elle semblait sure d'elle, et la drow lui fit confiance. Elle approuva son idée en hochant la tête, et lui fit comprendre qu'elle tenterait de faire cette diversion avec les hommes qui resterait. Un bon nombre la suivirent, parmi eux, l'homme au loup. Mais ce dernier n'attendit pas guère, et s'attaqua au dragon sauvage en lui décochant un flèche bien placée. Ce joli coup lui valu néanmoins l'attention du dragon, qui se rua sur le groupe censé attendre la diversion. Djenka soupira, déplorant les changements de décision dans les combats si dangereux pour les humains. Le dragon n'allait plus lâcher l'homme, et ce n'était pas forcément une bonne chose. Au moins, on l'avait trouvé la diversion... Quand la bète piqua vers lui, il lui décocha une nouvelle fléché, sans perdre son courage. Il eut plus de succès, et le dragon, surpris, perdit de l'altitude, jusqu'à finir au sol. Bonne chose, mais guère suffisante. Même au sol, la créature pouvait tous les anéantir. Le temps d'arriver jusqu'à lui, il s'était chargé d'envoyer son ennemi valser quelques mètres plus loin, alors que ce dernier avait tenté de se protéger avec une formule.
Et le voila évanouit. Ah ces hybrides ! Un coup d'oeil à la guerrière lui apprit qu'elle s'en sortait avec le dragon, ou du moins, qu'ils n'allaient pas tous mourir de suite.
En quelques secondes, elle avait rejoint le corps inerte de soldat. Le coup plus la demande d'énergie que le sort avait réclamé n'avait vraiment pas aidé. Elle s'agenouilla près de lui, balaya les cheveux de son visage, et posa une main sur son front. Rien de grave, juste de l'épuisement. Tenant pour la deuxième fois en l'espace de cinq minute sa pierre d'énergie entre ses mains, elle en vida une petite quantité dans le corps du demi-elfe.

- Allez réveille-toi ! Tu es assez fou pour être utile, on a encore besoin de toi ! Sauf si évidemment, tu t'obstines à te tuer en utilisant la magie sans prudence. Autant te jeter directement dans la gueule du dragon

Toujours près de l'homme à terre, elle se retourna, et observa l'étendu des dégâts. En un rien de temps, plus de la moitié de la caravane avait périt par le feu, et la plupart des vivres n'étaient plus. Les survivants n'arrivaient cependant pas à prendre l'avantage, et il s'était de nouveau envolé, évitant de cette manière plus facilement les tirs venant du sol.
Alors qu'elle commençait à perdre espoir, un masse sombre sortit des nuages, et s'agrippa au reptile, faisant chuter se dernier de plusieurs mètres, offrant son ventre et ses ailes dépliées aux archers. Dark ! Enfin ! Ils étaient sauvés ! Paradoxalement à la joie qu'elle éprouvé, de nouveau cris d'horreur s'échappèrent des soldats. Quoi encore ? Une nouvelle menace ! Ce n'est qu'en les voyant redoubler d'effort et en sentant l'agacement de sa dragonne qu'elle comprit. Ils la prenaient pour une ennemie. Et ils risquaient de la blesser !

* Qu'ils cessent, où je les avale tous. Je n'ai pas la patience de ce petit dragon, je ne jouerai pas avec eux jusqu'à m'en lasser *
* Ne les blâme pas, ils ont peur de toi, c'est tout *
* Je n'en attends pas moins d'eux *

L'elfe noire tendit sa main à l'homme au sol, le releva, et sans attendre, s'élança vers ses camarades et hurlant

- Ne vous en prenez pas à la dragonne noire ! Elle est avec nous !

La moitié des guerriers surprit ne réagirent pas, et l'autre moitié, sans perdre de temps, s'occupa du cadeau de Dark, et le ventre de la créature sauvage se retrouva criblée de flèches en quelques secondes.
Quant à elle, la dragonne prit joyeusement ce nouvel adversaire. Après avoir tué le Lethrblaka de Seardwin, elle ne s'était mesurée à aucune autre créature puissante, et bien que plus jeune, le sauvage serait un adversaire de taille. Plus petit et plus agile, il pouvait se glisser sur l'imposante dragonne et prendre l'avantage. Elle enfonça ses serres dans le flanc droit de la créature, qui rugit de douleur et de colère. Cette dernière riposta d'un coup de mâchoire. Grognant, Dark retira sa patte blessée, s'enroula autour du petit, et frappa sa puissante queue contre sa gueule. Ne lui laissant pas le temps de se rendre, elle déchira son aile gauche d'un puissant coup de pattes, et en prenant appui sur lui, s'envola plus haut, le laissant s'écraser sur le sol. Il était bien évidemment encore en état de se battre, mais il ne pourrait la suivre. Les deux-pattes l'achèveraient en faisant preuve d'un peu d'intelligence.
Au sol, la dragonnière observa le combat aérien avec un sourire sur le visage. Elle ne se lasserait jamais de tels spectacles. Elle se dit alors qu'au lieu d'aider à achever leur adversaire, elle serait bien plus utile à soigner les blessés. Après plusieurs macabres découvertes, elle trouva un groupe de cinq hommes qui s'étaient rassemblés, tous blessés, pour se dissimuler du dragon. Elle les rassura d'un sourire et de quelques paroles, leur promettant que c'était bientôt fini, et qu'ils pourraient rentrer chez eux. Pas si confiants, elle du insister pour qu'ils se laissent soigner. Pas étonnant, les soldats n'aimaient pas, et ne comprenaient pas la magie. Après avoir survécu à plusieurs guerre et massacre, ils étaient convaincus que la guérison naturelle était très bien comme ça.Elle allait s'occuper d'un dernier homme, lorsque qu'un énorme bruit sourd retentit, les faisant tous sursauter.
Sur le qui-vive, elle se retourna immédiatement, et vit que le dragon sauvage était effondré sur le sol, et s'en prenait déjà aux humains qui étaient à porté de sa gueule. Et bien, il ne perdait pas de temps celui-ci. Levant les yeux aux ciel, elle vit Dark s'éloigner à furieux coup d'aile, lançant des rugissements de défi.

* Que fais-tu ? Pourquoi ne pas l'avoir achever ?*
* Je sens un autre dragon arrive. Un bien plus puissant. Les hommes pourront s'occuper du petit, je préfère pendant ce temps retarder l'autre *
* Retarder ?*
* Il me semble bien plus âgé que moi. Il va falloir agir ensemble...*

Dissimulant son anxiété à sa moitié, elle s'excusa auprès des cinq hommes, et de sa démarche souple et féline, vint agrandir le cercle des hommes qui s'étaient donné pour mission d'abattre définitivement le dragon. Au moins au sol, ses yeux seraient plus accessible. Cependant, toujours aucun moyen pour l'éliminer définitivement...

L'air siffla. Un trait rapide et précis vint se ficher au-dessus de l'oeil du dragon, égratignant sa paupière. La douleur lui arracha un grognement sourd accompagné d'une nouvelle gerbe de flammes. D'un bond souple, Abysse l'évita. Le jeune homme qui venait de décocher cette flèche avait été trop prompt et précipité. Ils venaient de manquer l'occasion de prendre par surprise la bête enragée. La jeune femme suivit du regard le demi-elfe à l'arc, ce dernier venait de dégainer une longue épée et chargeait d'ores et déjà l'animal. Abysse aurait voulu lui crier de reculer, de se protéger. Il était cependant trop tard. Le dragon, lancé dans une fureur sans pareille, balayait le sol avec sa queue et ne manqua pas de faucher l'hybride.

Il n'y avait plus rien à faire pour lui, pensait la jeune femme. Elle faillit détourner le regard pour se concentrer sur les hommes valides qui restaient lorsqu'elle sentit une légère pression dans l'atmosphère. Ces mouvements infimes, presque imperceptibles, elle avait appris à les lire. Le demi-elfe allait user de magie. Une barrière l'entoura et vint le protéger d'un coup qui aurait pu lui être fatal. Ainsi, lui aussi usait de magie. Abysse ne s'attendait pas à rencontrer au cours de cette mission autant d'êtres voués aux sciences occultes. Le demi-elfe à l'arc semblait pourtant avoir usé une grande partie de ses ressources en cherchant à se protéger. Elle le vit perdre connaissance à quelques pas du dragon sauvage.

La jeune femme n'eut pas le temps d'intervenir, l'elfe noir s'était déjà chargée de le mettre hors de portée. Dans le même instant un immense dragon surgit du ciel et s'attaqua à la bête enragée. Un cri de l'efle noire confirmèrent ses doutes, il s'agissait bien d'une dragonnière et son compagnon venait de la rejoindre. À présent, Abysse comprenait l'aura puissante et écrasante que dégageait le jeune elfe. En d'autres circonstances, elle aurait aimé pouvoir converser avec elle, en apprendre plus sur le lien qui l'unissait avec son dragon. En attendant, un combat archarné s'était engagé entre les deux créatures ancestrales. Le claquement sourd de leurs mâchoires résonnait.

Consciente que ce combat ne lui appartenait plus, Abysse décida de reporter son attention sur les hommes blessés. Il s'agissait de les dénombrer, juger ceux qui étaient encore aptes à combattre et ceux qui devraient abandonner la périlleuse mission. Tandis qu'elle s'occupait de rassembler les hommes encore valides, la jeune femme perçut un terrible hurlement. Se retournant vivement, elle eut tout juste le temps de voir le dragon sauvage s'écraser au sol, soulevant un épais nuage de sable. Il venait d'être terrassé. La jeune femme plissa les yeux et s'approcha légèrement du dragon sauvage. Ce dernier n'était pas encore mort.

Légèrement étourdi et cruellement blessé, ce dernier ne pouvait plus prendre son envol. Les membranes de ses ailes n'étaient plus que de vulgaires lambeaux balayés par le vent du désert. Loin d'être hors d'état de nuir, l'animal s'élança vers les rescapés. Abysse se plaça sur la course effreinée du dragon et fléchit légèrement les jambes. Alors que ce dernier ouvrit sa gueule pour la saisir, elle pivota sur un talon et esquiva sans difficulté l'attaque. Dans le même élan, elle lança sa main droite en direction des pics qui ornaient la crête du dragon. D'un bond agile, Abysse se hissa sur la base de son encolure. Serrant fermement la lame de son poignard entre ses dents, elle entreprit de gravir le cou de l'animal afin d'atteindre la tête.

La peau était rugueuse, parsemée d'épines et d'arrête particulièrement coupantes. Le dragon s'agitait en tout sens, cherchant à se débarrasser du parasite accroché à son cou. Tenant fermement la crête de la bête, Abysse avançait lentement sur son encolure. Les écailles tranchantes s'enfonçaient dans la chair de ses mains et lui tiraient d'atroces douleurs, infimes et pourtant si présentes. Un violent balancement manqua de lui faire perdre prise, elle resserra son étreinte et s'immobilisa un instant. La peur commençait à envahir chaque particule de son corps. Son attaque, désespérée, n'avait sûrement aucune chance d'achever l'animal. Il était insensé de croire qu'elle pouvait venir à bout d'un dragon sauvage.

Abysse inspira profondément, se souvenant des enseignements de ses maîtres. Il lui revint alors un ancien mantra, inculquée dès son plus jeune âge. Mentalement, elle récita la Litanie contre la Peur.

« Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi. »

Aussitôt, le calme reprit le dessus. La peur s'était évanouie, remplacée par une détermination sans borne. Fronçant les sourcils, Abysse reprit son ascension. Plus rapide et sûre de ses gestes, elle parvint jusqu'au sommet de la tête du dragon. Se dernier se débattait avec les dernières forces que lui octrayait le désespoir. Les hommes encore valides continuaient à l'assaillir de toute part, le menant en déroute. D'un geste précis et d'une célérité impressionnante, Abysse se saisit de son poignard, coincé entre ses dents, et porta un coup fatal au dragon. La lame se figea dans l'oeil gauche. La jeune femme eu tout juste le temps de la retirer avant que l'animal pousse un hurlement terrifiant. Un gigantesque frisson parcouru son corps, la déséquilibrant.

Ultime réflexe, elle poussa sur ses talons et bondi, atterrissant quelques mètres plus loin. Immobile, elle regarda le dragon s'effondrer, victime du poison. Tueuse née, elle imbibait souvent ses lames de substances aux divers effets. Cependant, le poison qu'elle avait utilisé n'aurait jamais pu foudroyer le gigantesque animal. Ses nombreuses blessures avaient eu raison de lui. Abysse resta quelques secondes, immobile, contemplant le corps sanglant du dragon. Contre toute espérance, ils avaient réussi à le tuer. Lentement, la jeune femme se redressa, rangea son poignard et jeta un regard alentour. Quelques-uns la regardaient, incrédules.

Abysse prit soudainement conscience de la douleur qui parcourait son corps. Les écailles du dragon avaient sévèrement écorché ses mains. La jeune femme grimaça devant le spectacle de la chair à vif. Malgré son excellente récupération, ses blessures mettraient du temps à cicatriser. Elle arracha un morceau d'étoffe qui lui servait d'écharpe et banda ses mains ensanglantées. Cela aurait pu être bien pire. Alors que la jeune femme commençait enfin à réaliser ce qu'elle venait d'accomplir, elle perçut un rugissement profond recouvrant les éclats de voix. La réalité la rappelait à l'ordre, rien n'était terminé.

Le désert leur réservait encore bien des présents. Abysse leva les yeux au ciel et devina la silhouette d'un autre dragon. Il semblait bien plus imposant que celui qu'ils venaient de terrasser. La caravane avait perdu plus de la moitié de ses hommes, de bons combattants, et les survivants n'avaient pas été épargnés par le rude combat. Abysse ne put s'empêcher de pousser un juron, aussitôt étouffé par des éclats de voix. Les assauts étaient loin d'ête terminés et leur nouvel adversaire semblait bien plus redoutable. La jeune femme se rapprocha du groupe de rescapé et avisa l'elfe noire. Elle se trouvait auprès de l'hybride, encore abasourdi. Un sourire qui se voulait réconfortant étira ses lèvres tandis que sa voix s'élevait, assez forte pour couvrir le vacarme naissant.

- Comment vous vous sentez ?

Abysse se tourna ensuite vers l'elfe noire. Le dragon qui l'accompagnait s'était déjà envolé en direction de la nouvelle menace. Leurs prouesses avaient su gagner son estime. Cependant, l'heure n'était pas aux louanges et présentations. Elle s'adressa à elle d'une voix grave presque amère.

- Il est plus gros, n'est-ce pas ?

Son regard se perdit ensuite à l'horizon. Le dragon approchait. Pour la première fois depuis bien des années, la jeune femme se surprit à douter de l'issue du combat.

Anhrefn faisait de son mieux pour éviter les décombres alors qu’il courait au milieu du tumulte. Dès qu’il avait vu le dragon, sa nature l’avait fait se précipiter à son encontre, aboyant et grognant aussi fort qu’il le pouvait. Il savait pertinemment qu’il ne pouvait rien contre une telle créature, il en avait fréquenté suffisamment par le passé mais il était un loup des montagnes et jamais il ne se défilait. Le loup avait vu le fils de son maître lutter contre la bête avec le courage des idiots et il ne l’en apprécia que plus. Combattre un adversaire plus fort que soi, sans montrer de peur était une preuve de bravoure et le loup noir honorait cela. Le père du garçon aurait été fier de lui.

Il vit Locke se faire repousser par la créature, lorsque son épée s’était brisée sur ses écailles, et voler à plusieurs mètres de là avant de tomber dans l’inconscience. La drow qui était présente était déjà à ses côtés et usait de magie pour le revigorer, Anhrefn sut qu’il ne pourrait pas aider là-bas. Non, au lieu de se rendre auprès du fils de son maître, il préféra partir à la recherche du cheval. L’animal transportait les affaires du garçon, dont l’épée de son père. Désormais, elle était sa seule arme utile contre le dragon. Le loup couru pour retrouver la jument et la découvrit à quelques distances de la zone d’affrontement, affolée. Il se précipita vers elle et sauta en direction de la sacoche ou était attachée l’épée. Ses crocs déchiquetèrent les sangles et l’arme tomba sur le sol. La jument henni fortement mais avait eu le temps de s’habituer au loup et n’avait plus peur de lui. Elle ne s’écarta que de quelques pas tandis que le loup attrapait dans sa gueule l’épée toujours dans son fourreau. Anhrefn ne perdit pas de temps et repartit en direction du fils de son maître pour lui ramener l’arme.

Locke revint à lui en sentant un afflux d’énergie soudain. Il eut devant les yeux le beau visage de l’Elfe noire. Elle tenait une pierre dans la main et l’énergie semblait en provenir. Le demi elfe avait encore les pensées brumeuses mais se souvenait quand même du coup que le Dragon lui avait porté et du bouclier de lumière qu’il avait réussit à dresser. L’utilisation de la magie avait été bien plus foudroyante pour lui que l’attaque du dragon mais elle lui avait permis de survivre au coup. Locke se redressa un peu et regarda autour de lui : le dragon avait reprit son envol et avait continué son massacre. Mais rapidement, le jeune métis vit une nouvelle ombre approché. Un autre dragon venait d’arriver mais, au lieu de prendre part au massacre qu’engendrait son congénère, ce fut contre lui qu’il dirigea son attaque. Les deux créatures s’affrontèrent sauvagement sous la pluie de flèche que les quelques soldats restant leur envoyaient.

L’Elfe lui tendit la main afin de l’aider à se relever et il l’a vit partir en courant vers les archers avant qu’il n’ai même le temps de la remercier. Apparemment le nouveau venu était son compagnon. Une Dragonnière ! Voilà qui expliquait largement ses aptitudes. Le combat entre les deux créatures volantes redoubla d’intensité et Locke fut médusé par ce qu’il voyait. Jamais auparavant, il n’avait vu un tel spectacle : chacun des deux dragons mordait et griffait l’autre, ils se servaient aussi bien de leurs pattes puissantes que de leur queue préhensible pour affaiblir l’adversaire. C’était une vision qui pourrait facilement tourner au cauchemar si l’un des deux s’écroulait sur les survivants. L’Elfe noire était d’ailleurs en train d’apporter son aide aux quelques combattants blessés qui s’étaient regroupés par petit groupe. Un peu plus loin, Locke vit la jeune femme aux cheveux clairs faire de même. Le demi elfe allait lui aussi tenter d’apporter son aide, lorsqu’il vit surgir le loup noir de son père devant lui.

– « Anhrefn ? Ne reste pas ici, ce n’est pas… »

Il ne termina pas sa phrase. Le loup déposa à ses pieds ce qu’il tenait dans la gueule et Locke eut la surprise de voir l’épée de son défunt père. Le pommeau de l’arme était la seule chose visible en dehors du fourreau et il brillait de milles feus. Locke se baissa et Anhrefn poussa l’arme du museau afin qu’elle vienne dans la main du demi elfe. Le message était évident : Locke devait se servir de l’épée. De sa main libre, le jeune hybride détacha la ceinture qui retenait son propre fourreau et le remplaça par celui-ci. Il dégaina alors l’épée qu’il renfermait et admira de nouveau la lame couleur de glace qui reflétait les puissants rayons du soleil du désert. Un fort rugissement ramena Locke dans le monde réel. Il regarda autour de lui et vit que le dragon sauvage avait été vaincu. Son corps reposait sur le sol, sans vie. Le cri retentit de nouveau, il semblait provenir du ciel. Locke repéra l’Elfe à la peau sombre et se rapprocha d’elle en rengainant l’épée. Il avisa la jeune femme aux cheveux blonds qui se rapprochait elle aussi.

– « Comment vous vous sentez ? » Lui demanda t-elle.

Locke opina de la tête en souriant.

– « Ca va mieux, je vous remercie. » L’hybride se retourna vers l’Elfe noire. « Je n’ai pas eu le temps de vous remerciez de m’avoir soigné. »

Il reporta son attention sur l’horizon où la forme du dragon avait très nettement grossit. Locke pouvait l’étendu du danger : la créature était très nettement plus imposant que le précédent et même plus gros que le dragon de l’Elfe, de couleur rouge sombre, son corps était recouvert de piques hérissées aussi grosses qu’un homme moyen, ses griffes semblaient aussi acérées que la lame d’une épée et ses crocs capables de déchiqueter un cheval en un coup. Le mercenaire entendit la jeune femme blonde confirmer ses craintes auprès de l’Elfe noire, il était plus gros que l’autre. Locke se retourna de nouveau vers elle.

– « Croyez-vous que votre Dragon soit en mesure de lutter contre celui-là ? »

L’horreur qui s’était atténuée grâce à l’intervention du grand dragon noir, atteignait son paroxysme avec ce nouveau danger. Comment vaincre une telle créature avec si peu de troupe alors que l’on avait eu plus que du mal avec l’autre ? Locke posa la main sur le pommeau de l’épée de son père, espérant y trouver un quelconque réconfort. Anhrefn se tenait toujours à côté de lui et cette fois-ci il ne faisait plus le fier. Les oreilles basses, il ne cessait de regarder le demi elfe mais il semblait se refuser à fuir. Locke fit un pas en avant, scrutant toujours l’horizon pour détailler la menace. Le dragon volait en leur direction, faisant voler le sable autour de lui…

Après avoir été jeté au sol par son ainée, presque laissé pour mort, le dragon sauvage n'eut guère le temps de faire de nouvelles victimes. L'étonnante femme blonde en un instant, se retrouva sur le dragon. Bien que ne semblant guère à son aise, elle ne perdit pas son sang froid, et parcours le corps écailleux de la bète. Interessant... Elle pensait les humains bien trop peureux et respectueux de ces créatures légendaires pour oser une chose pareille. En la regardant effectuer cette prouesse, atteignant agilement, peu être même un peau trop pour une simple humaine, la tête du dragon - chose, il faut le préciser, très difficile quand il est en mouvement, aucune prise sure, la peur de s'embrocher sur un des pics en tombant ou même de s'arracher la peau contre les écailles - Djenka se demandait ce qu'elle comptait faire par la suite. Un poignard c'était bien joli, mais ça n'allait pas achever si puissante créature. Là, elle ne voyait que les crocs de Dark qui pouvaient le faire. Cependant, quelques secondes après, toute vie sembla s'échapper du dragon. Impossible de le tuer d'un coup de poignard dans l'oeil, des dragons vivaient aveugles durant de nombreuses années après tout.
Se fut plus son passé d'espionne et de tueuse qui répondit à ses interrogations. Une lame empoisonnée, mais bien sur ! Vraiment étrange cette femme, on apprenait pas ça en s'engageant à l'armée, ou tout autre genre de chose. Les drows inculquaient ça à tout leurs apprentis, ce qui prouve que c'est quelque chose de très mauvais. Vraiment ingénieux. Si jamais elle avait d'autres armes du même genre, le poison pourrait servir de nouveau.

Alors que son regard était fixé sur les immenses ombres non loin, se rapprochant dangereusement l'une de l'autre, la tueuse de dragon vint se placer à côté d'eux. Elle s'inquiéta de leur état, et la demi-elfe la remercia. Un demi sourire naquit sur ses lèvres. Elle était peut-être une drow, mais au contact des autres races, elle s'intégrait, et ne comptait pas les laisser mourir. Ils étaient tous compagnons d'armes après tout.

- Vous n'avez surtout pas besoin de me remercier, mourir en découvrant la magie est une chose bien trop dommage pour arriver. Surtout en se défendant d'un dragon

La guerrière, qui n'avait rien manqué de ce qu'il se passait un peu plus loin, la questionna sur le nouvel arrivant. Avant de répondre, elle sentit cette familière odeur de sans non loin, bien trop proche. Tel un prédateur, son regard alla droit vers les blessures au mains qu'avaient causé le dragon. D'un geste vif et rapide, elle saisit ses mains, et sans lui laisser le temps de protester -parce qu'elle était bien le genre de personne à vouloir guerir seule, et même fiere de ses blessures - elle les soigna, sans prendre la peine d'effacer les cicatrices. Inutile de perdre son énergie dans des choses superficielles. Elle n'avait pas le choix, sans ses mains, elle ne serait pas aussi utile qu'elle pourrait l'être. Surtout que Djenka avait un plan en tête. Avant de la laisser parler, elle s'expliqua.

- Inutile de protester, vos blessures aux mains vous ralentiraient, et avec ce que vous venez d'accomplir, vous nous prouvez qu'on a énormément besoin de vous - en réponse aux deux, elle continua - Oui, le dragon qui arrive est plus gros que celui-ci. Même plus gros que Dark pour tout vous dire. En temps normal, avec les techniques acquises ces dernière années, peut-être oui qu'elle aurait pu avoir raison de lui. Mais elle vient de voyager durant 5 jours, elle est épuisée. Elle ne mourra pas, mais ne pourra pas le tuer. On va devoir tous s'entraider

Elle se retourna vers le reste du groupe, qui les avaient rejoint, et d'un air sérieux, leur demanda d'aider sa dragonne, qui en fait, risquait peut-être de mourir. Après tant d'épreuves, être tuée par un dragon sauvages, comme elle il y a plusieurs années, seraient une chose terrible pour toutes les deux.

- Je ne sais pas si vous avez déjà eu à vivre ce genre de situation, mais là, il faudra coopérer avec un dragon. Dark à l'habitude de ce battre en compagnie d'humains ou elfe, elle saura donc quoi faire pour nous faciliter la tache. Je ne garantis pas qu'elle puise retenir le dragon dans les airs, il faut donc se préparer à toute éventualité, surtout celle de se retrouver face à cet immense créature à terre. Si jamais vous devez communiquer avec Dark, pour lui dire ou demander quelques chose, parler à haute voix, si j'entends, elle vous entendra. Je pense qu'il serait plus utile de se séparer en deux groupes, pour attaquer le dragon de plusieurs côté, qu'il se sente submergé. Pour le reste, si vous êtes vivants, c'est que vous avez fait vos preuves, je vous fait donc confiance.

Alors que tous s'éloignaient, elle retint la guerrière par le bras, et de but en blanc, lui annonça ;

- Si jamais Dark arrive à tenir notre adversaire dans les airs assez longtemps pour l'affaiblir suffisamment, vous allez devoir tenter de le tuer, de la même manière. Et pour cela... Tu vas devoir être sur le dos de ma dragonne, là-haut, si elle accepte et réussir le même exploit. Éviter toutes fatigue serait donc préférable, si tu accepte de tuer le nouveau dragon. Et le loup nous sera également d'une grande utilité s'il accepte de nous faire l'honneur de se battre à nos côtés - rajouta la dragonnière à l'adresse de l'hybride et de son compagnon - Maintenant, attendons

Alors que les soldats établissaient leur stratégie au sol, Dark arreta de progresser, et attendit son nouvel adversaire. Plus il approchait, plus il était effrayant. Bien plus agé. Un grognement quasi silencieux mais pleins de haine s'échappa de sa gueule. Il voulait tuer sa drow, jamais elle ne le laisserait faire, quitte à en mourir. Elle avait affronté des créatures plus puissante qu'elle, la peur ne faisaient pas partie de sa nature. Elle combattrait jusqu'au dernier souffle. Quelques secondes de plus et il était là. Immense, couleur sang, ses traits sauvages semblables à ceux de Dark. Il savait que les humains avaient tués son "frère", il comptait le venger et retourner auprès des siens. Rien de bien inhabituel pour lui. Sauf peut-être ce dragon noir qui lui faisait face. Après une bonne minute de regards de défiance, ils plongèrent l'un sur l'autre, simultanément. La dragonne l'esquiva, et tenta de fermer sa puissante mâchoire sur la nuque du dragon rouge, tentant d'éviter ses menaçants pics, mais ce dernier tourna sur lui même et la repoussa d'un puissant coup de patte. Elle riposta en lui arrachant quelques écailles au passage, et lui lança un jet de flamme au visage. Il se détourna, mais pas assez vite pour l'éviter. Alors qu'il clignait plusieurs fois des yeux pour se débarrasser de la douleur, Dark fit mine de fuir, et vola en direction des humains, qui étaient, elle l'esperait, prêts au piège qui attendaient le dragon sauvage.

* Nous arrivons. Soyez prets. Et pas d'imprudence...*
- Ils arrivent.

Ces simples mots déclenchèrent un frisson de terreur aux survivants, qui s'appretaient de nouveaux à jouer leur vie.

Avant qu'elle ne puisse réagir, l'elfe noire s'était saisie des mains d'Abysse et par quelques mystères occultes avait effacé les plaies sanglantes. La jeune femme voulut protester mais la Dragonnière ne lui en laissa pas le temps. Fronçant les sourcils, elle contempla ses mains d'un air sombre. Les blessures s'étaient estompées, laissant quelques fines striures sur ses mains.

- Ces blessures n'étaient pas importantes. Vous devriez conserver votre énergie pour vos propres besoins.

Rude et légèrement amère, elle ne parvenait pas à remercier l'elfe noire. Son geste reposait sur des intentions profondément louables mais Abysse concédait rarement à accepter une aide extérieure. Elle avait été éduquée dans une optique d'indépendance totale, sans compter l'exclusion que lui imposait sa nature. Par ailleurs, la jeune femme regrettait la douleur que lui imposaient ses blessures. Elles lui rappelaient de la manière la plus vivante, son combat et ses erreurs tactiques. Elle avait été bien imprudente dans son attaque et les plaies béantes en témoignaient.

Abysse chassa ses pensées d'un revers de la main et reporta son attention sur l'elfe noire et l'hybride. Ils étaient tout deux aptes au combat et représentaient une force non négligeable. La Dragonnière exposa rapidement ses intentions au groupe de survivant. Ainsi, elle souhaitait que la jeune femme réitère la même attaque pour achever le dragon. Évidemment, il s'agissait d'un plan logique et efficace. Cependant, Abysse ne pouvait parvenir, à nouveau, d'un tel coup d'éclat. Plissant les yeux, elle se plongea dans de profondes analyses de la situation, cherchant à extirper les meilleures alternatives que lui offrait la situation.

- Le poison que j'ai utilisé contre le précédent dragon ne pouvait réellement en venir à bout. Ses blessures l'ont achevé. Je ne pourrais tuer celui-ci de la même manière, d'autant plus qu'il est plus grand et donc possède une meilleure résistance au poison. Tout ce que je pourrais faire, c'est lui injecter un paralysant suffisamment puissant pour qu'il l'immobilise quelques secondes, tout au plus.

Peu habituée aux longues explications, elle avait gardé son regard fixé sur ses mains. Ôtant sa chemise en lambeaux, elle en déchira de longues bandes. Elle découvrit ainsi un plastron renforcé d'épaisses bandes de cuir. Elle portait en dessous un collant ajusté, seconde peau dont elle se défaisait rarement. Abysse enroula avec soin les bandes de sa chemise autour de ses mains. Ainsi, elles seraient légèrement protégées des écailles coupantes. Sans attendre d'éventuelles objections, elle fouilla ensuite dans ses affaires pour en extirper un minuscule flacon. Elle versa quelques gouttes du liquide incolore sur la lame de son krys. Issue d'une dent d'un animal du désert profond, le fil était acéré et particulièrement résistant. Pendant ce temps, l'elfe noire avait donné ses instructions au reste du groupe. Ainsi, il suffisait de lui parler pour que la dragonne puisse l'entendre à son tour, Quel était la puissance véritable du lien qui les unissait ?

Chassant ces dernières questions, Abysse se focalisa sur les évènements à venir. Elle allait devoir monter sur la dragonne, sauter dans le vide pour se rattraper au cou du dragon sauvage et parvenir à sa tête. Les probabilités de réussite étaient infimes. De plus, une grande partie de cette offensive reposait sur la jeune femme. L'erreur n'était donc pas permise. Résolue, Abysse traça mentalement le plan de l'attaque. Il fallait envisager toutes les alternatives possibles, ne pas ommettre le moindre détail. Du coin de l'oeil, Abysse aperçut l'elfe noire qui lui faisait signe. Elle la rejoignit auprès de la dragonne. A en juger par le vrombissement croissant, le dragon n'était plus très loin. Ecoutant les dernières instructions, la jeune femme reporta son attention sur l'horizon.

Combat de victoires gagnées ? Remportées sur le fil ? Il était impossible qu'elle s'en souvienne, Abysse avait vécu bien trop longtemps et participé à tant de carnages. L'histoire de l'humanité n'était qu'une guerre incessante, emplie de cris et de douleurs. Le sifflement de l'air s'accentua, le dragon approchait dangereusement. La menace imminente extirpa la jeune femme de ses pensées déprimantes. Une fois de plus, elle allait devoir combattre et surtout, mémoriser chaque instant. Ainsi, si elle venait à mourir, ses pairs pourraient extirper ses souvenirs. La mémoire seconde, fantastique talent que son peuple maîtrisait. L'histoire et les vies passées ne seraient jamais oubliées. Cette pensée la réconforta. La mort, loin d'annoncer la fin, n'était plus qu'une étape.

- Une fois le dragon immobilisé, concentrez vos actions sur lui , fit-elle, d'une voix blanche puis elle ajouta rapidement, On s'occupera de mon atterrissage ensuite.

Un sourire cynique étira ses lèvres. Il était certain qu'une fois le dragon paralysé, elle chuterait avec lui. Cependant, l'attaque devait d'abord se focaliser sur l'animal ainsi immobilisé. La dragonne n'aurait sans doute pas le temps de récupérer Abysse dans sa chute. Ne préférant envisager cette dernière alternative, la jeune femme focalisa son attention sur les derniers préparatifs.

Locke ne suivit guère l’échange qui eut lieu entre l’elfe noir et la jeune femme. Il sentit l’appel de magie que la Dragonnière effectua mais resta concentré sur l’approche du grand dragon rouge. Dark, comme s’appelait le dragon noir familier, restait dans les airs à attendre le début de l’affrontement. Un vent chaud arrivait des profondeurs du désert et il remuait des odeurs de feu et de sang chaud, assez écoeurantes. Locke sentit ses mains trembler et il accentua la pression qu’il exerçait sur le pommeau de l’épée. Il avait failli mourir en tentant d’affronter le précédent dragon sauvage et il était beaucoup plus petit. Il ignorait en quoi il pourrait être utile contre la créature qui approchait et cela serait vrai jusqu’à ce qu’il apprenne davantage de magie. Pour l’heure, il ne pouvait compter que sur ses compétences martiales et il doutait de leur efficacité.

Son attention se reporta sur ses compagnons, lorsqu’il entendit la Dragonnière expliquer son plan. Elle semblait inquiète, plus pour sa dragonne que pour elle-même, et le demi elfe en fut touché. Il respira un grand coup et fit quelques pas vers le petit attroupement. Anhrefn le suivait de près et ne semblait pas plus à l’aise. Le plan concocté par la dragonnière était assez simple et le plus logique possible. Dark allait combattre mais elle avait besoin d’aide. Elle proposa une attaque de plusieurs côtés, ce qui offrait le plus de probabilité de réussite. Lorsque le plan fut exposé, les combattants encore valides se dispersèrent pour se mettre en position. Locke constata qu’il commençait à entendre le bruit des battements des ailes de la bête qui approchait. Il commença à s’éloigner aussi lorsque l’elfe reprit la parole. Elle s’adressait à la guerrière humaine. Elle comptait sur elle pour terrasser le dragon rouge comme elle l’avait fait pour le précédent et, elle rajouta à l’attention du jeune garçon et de son loup que leur aide serait la bienvenue.

La jeune fille blonde calma les ardeurs de l’elfe en lui avouant qu’elle ne pourrait pas tuer le grand dragon. Elle avait utilisé un poison violent contre sa précédente victime mais, seul il ne suffisait pas. C’était avant tout les blessures que Dark lui avait infligé qui l’avait terrassé. Locke sentit le peu de confiance qu’il avait regagné fondre comme neige au soleil mais elle le rassurant quelque peu, lorsqu’elle déclara qu’elle pourrait au moins le paralysé. Sans attendre d’autres réactions, Locke la vit commencer à préparer ses armes.

– « Je tâcherais de faire de mon mieux mais je doute de pouvoir vous être plus utile que contre le précédent… quand à Anhrefn, il est mon guide pour Ellesmera mais je n’ai aucun contrôle suis. Je ne peux certifier qu’il m’obéira. »

Le grand dragon continuait son approche et Locke pouvait désormais le voir sans effort et il s’en trouvait terrifier. La créature était véritablement immense et une puissance folle se reflétait dans son être. Sans que rien ne donne le départ, le nouveau venu et Dark se foncèrent dessus. Les deux dragons roulèrent dans les airs, enchaînant coup de pattes et jets de feux. Il était impressionnant de les voir faire. La dragonne noire feinta une attaque pour pouvoir s’éloigner en direction des humains. Locke entendit l’elfe noire les prévenir de son arrivée et elle se dépêcha de rejoindre sa monture en compagnie de la guerrière.

– « Une fois le dragon immobilisé, concentrez vos actions sur lui »

Locke dégaina son épée blanche et vit son loup se positionner devant lui. L’animal combattrait donc. Dark reprit son envol à l’aide de ses puissantes pattes, emportant la guerrière blonde dont le demi elfe ignorait le nom avec elle. Il courut en dessous du dragon, attendant qu’il soit à sa portée pour le frapper…

[hrp = peu d’inspi sur ce post là. Je m’arrête à ce niveau afin de ne pas risquer de bouger vos perso ou pnj. Mes maigres compétences magiques ou martiales ne sont pas très utiles pour le moment ^^]

Par chance, son plan semblait plaire aux autres soldats. Plaire n'était peut-être pas le mot approprié, mais personne n'objecta. Elle avait pourtant l'habitude de faire affaire avec des humains qui avaient l'esprit de contradictions encré en eux. Les hommes de guerre semblaient différents, prêts à mourir si c'était le plan. Admirable, il fallait le reconnaître. Ils se dispersèrent donc tous en groupes, organisés, n'attendant que l'arrivée de leur ennemie pour tenter une attaque fatale.
A peine eut-elle fini de parler, que la femme blonde l’arrêta de suite. Elle ne pouvait en aucun cas le tuer de la même manière que pour le plus petit, mais seulement la paralyser. Seulement ? C'était bien mieux que ce que ne pourrait faire n'importe qui ici. S'étonnant une nouvelle fois des ressources de la guerrière, elle acquiesça. En bas, ils seraient prêts à tuer le dragon une fois qu'il serait immobilisé. Pour ça, le vol ne serait pas à très haute altitude, pour ne pas perdre une seconde de trop de ce puissant poison, même si dans tout les cas, la chute ne serait pas bien longue. Le dragon se blesserait une bonne fois en s'écrasant au sol, et le reste et bien...
Pour soulager quelques inquiétudes, elle s'adressa d'un air doux à la guerrière, même si elle savait ses recommandations inutiles

- Je ne sais pas si vous connaissez beaucoup les dragons mais je voudrais juste vous demander d'être prudente. Un vol est quelque chose de difficile et dangereux. Pour vous et vos capacités surhumaines, vous n'aurez aucun mal à rester sur le dos de Dark, vos réflexes seront vos plus grands alliés. Cependant, elle ne peut prévoir vos mouvements, et vous les siens, comme nous le faisons entre nous. Ne relâchez donc jamais votre attention, un virage serré, et ça peut en être fini de vous. Quand vous vous apprêterez à sauter sur le dragon rouge, elle se stabilisera autant que possible pour vous facilitez la tâche. Mais s'il vous plait, annoncez lui chacun de vos mouvements quand vous ferez cela, qu'elle puisse vous aider au maximum, et que toutes deux restez en vie. Bonne chance -finit-elle avec un franc sourire
* Ne sois pas stupide. Contrairement aux elfes et humains, je suis capable de m'occuper de plusieurs choses à la fois.*
* Elle est impulsive et imprévisible. Et tu n'as porté que des expérimentés, tu n'avais pas à t'occuper d'eux*
* D'après son tempérament, je n'aurais pas à m'occuper d'elle. Je veillerai à ne pas la tuer, et à la protéger du dragon. Mais elle n'a rien d'une brebis effrayée d'un loup qui la pourchasse*

Quelques sauts gracieux plus tard, la drow se retrouva aux côtés du semi-elfe et de Anhrefn. En ancien langage, elle salua le loup, et le remercia de se joindre à eux. En quelques mots, elle leur expliqua ce qu'elle comptait faire. Dès que le dragon serait à terre, il fallait que la moitié des soldats tentent de l'immobiliser au cas ou le poison ne feraient pas effet longtemps, et l'autre moitié, le blesser le plus gravement possible. Elle se dit que si Dark serait encore en état de combattre, elle pourrait aider à blesser le dragon, voir le tuer. Son épée pendait contre sa jambe, ses yeux dorés fixaient le ciel, admirant la dragonne sombre se poser non loin.
Après avoir atterrit - gracieusement malgré les circonstances - sur le sol, Dark planta ses yeux d'argent dans ceux de la guerrière, et la salua d'un clignement de paupière et d'un bref hochement de gueule. Elle se pencha légèrement, et tendit sa patte pour qu'elle puisse monter dessus pour s'aider à grimper jusqu'à son dos. Malheureusement, elle ne portait pas de scelle, elle allait devoir se cramponner comme elle le pourrait.
Même si le fléau rouge approchait, elle attendit qu'elle soit bien installée pour décoller. Inutile qu'elle ne tombe dès les premières secondes.
Il était étrange pour elle de sentir sur son dos un corps inconnu et tendu, et un esprit fermé. Elle savait que si jamais elles avaient besoin de communiquer, la dragonne n'aurait aucun mal à briser sans douleur les défenses mentales de la blonde. Rien ne pouvait rivaliser à la puissance d'un dragon après tout. D'ailleurs, ces barrières trop puissantes pour une simple guerrière l'étonnèrent mais elle ne s'en préoccupa pas. Le dragon n'était qu'à une dizaine de mètres désormais, dans la même position que Dark, planant et les regardant d'un air de défi. Elle courba son cou pour tourner sa tête vers sa cavalière, lui annonçant ainsi qu'elle allait attaquer. Une fois le message remit, un rugissement sauvage sortit de sa puissante gueule, et des quelques furieux coups d'ailes, elles foncèrent vers l'ennemi, avec cette commune envie de tuer.
L’autre en fit autant, et tels des serpents, ils s’enroulèrent autour de l’autre au lieu de se percuter violemment. Le sauvage planta ses serres dans le ventre de Dark, faisant jaillir un flot de sang sombre de cette tendre partie de la dragonne. Avec un hurlement de douleur, elle s’empara de son cou avec ses pattes, tentant de percer les dures écailles, et sa gueule se referma sur le début de la longue queue rouge. L’avantage de Dark, était sa proximité avec les deux pattes. En fuyant son clan sauvage pour les rejoindre, elle avait grandi parmi eux, s’entrainant auprès de dragons centenaires, apprenant diverses techniques que n’importe quel dragon devait savoir en cas de bataille. Les sauvages du Hadarac ne s’étaient pas réellement battus depuis de nombreuses décennies, ils étaient certes impressionnant, mais ne possédaient plus aucun talent pour les combats. Avec son agilité, son expérience, et sa dragonnière, elle pouvait rester en vie.
Elle sentait l’humaine s’agiter sur son dos. Elle grogna pour lui faire comprendre que ce n’était pas le moment. La technique avec l’autre avait marché. Il fallait affaiblir le plus possible le dragon pour que le poison paralysant agisse plus longtemps. Pour le moment, il fallait qu’elle se cramponne le plus possible. Après de nouveaux coups de gueule et de pattes, elle fit s’abattre sa lourde queue sur la tête du dragon, et s’extirpa de ses griffes tant bien que mal, pour se rapprocher du groupe de soldats à terre. Ses blessures au ventre commençaient à lui faire mal, et l’handicaperaient bientôt. Elle n’avait pas le temps d’atterrir pour que Djenka la soigne, la drow devait agir de loin, dangereuse expérience pour les magiciens, c’est pour cela qu’elle devait se rapprocher le plus possible.
Seulement, elle sentit les mâchoires du dragon se refermer sur sa queue, et l’attirer à lui. Grognant furieusement, elle fit volte face, et saisi le cou du dragon de ses serres, ses dents, de tout ce qu’elle pouvait pour le blesser. Elle sentit le sang couler dans sa gorge. Elle l’avait blessé. Dans quelques secondes, il perdrait beaucoup de sang. Mais elle aussi. Et à ce rythme, elle ne serait pas capable de le retenir bien longtemps. Sans se demander si elle allait choquer ou pertuber l’humaine, elle s’adressa à elle comme elle le ferait à sa dragonnière :

*Vas-y. Une fois le poison injecté, je me placerai sur lui pour que sa chute soit plus douloureuse, et m’envolerais à temps. Remonte sur mon dos quand je le ferais, pour ne pas t’écraser avec lui !*

Les instructions furent données. Concises, elles peignaient avec exactitudes les objectifs, passant les détails inutiles. Habituée à ce genre de directives propres et efficaces, Abysse se contenta d’hocher la tête. Elle n’avait strictement rien à ajouter. Tout avait été dit. Et, désormais, le temps ne leur permettait plus de se perdre en bavardage. La belle dragonne aux reflets sombres salua à sa manière la jeune femme. Elle ne sut comment lui rendre son salut et imita piètrement le geste que faisaient les elfes à leurs semblables. Elle l’avait vu par le passé sans bien en comprendre la profonde signification. Les mots demeuraient inefficaces.

Une fois que l’elfe noire eut donné ses dernières instructions et qu’Abysse eut vérifié le peu d’équipement qu’elle allait devoir emporter, la dragonne offrit sa patte pour que la jeune femme puisse monter plus facilement sur son dos. Elle s’y hissa sans trop de difficulté et se cala de façon à ne gêner ni la dragonnière, ni sa puissante alliée. Bien que la dragonne ne portait pas de selle, Abysse s’assura des prises sûres. Un grognement et la dragonne s’éleva dans les airs, soulevant un tourbillon de sable. Quelques battements d’ailes plus loin, elle était sur leur ennemi sauvage. Le choc fut presque inexistant. Les dragons s’enroulèrent l’un autour de l’autre, cherchant les failles dans leur défense respective.

Aucunement habituée aux chevauchées célestes, Abysse devait user de toutes ses facultés pour garder son équilibre sur le dos de la dragonne. La gravité avait oublié toutes ses lois. Le vent sifflait et chaque mouvement risquait de rompre son équilibre précaire. La jeune femme tentait tant bien que mal d’analyser et d’anticiper les mouvements de la dragonne pour les accompagner au mieux. Ses mouvements étaient pourtant si brusques et soudains. Abysse dut reconnaître qu’elle ne connaissait pratiquement rien sur la physionomie des dragons et peinait donc à comprendre leurs différents mouvements.

Pour le moment, la dragonne cherchait à affaiblir son adversaire tout en minimisant ses propres blessures. Les hommes au sol, quant à eux, tiraient flèches sur flèches. La plupart d’entre elles rebondissait inévitablement sur l’épaisse cuirasse de l’animal. Seules quelques unes venaient se figer dans les parties les plus vulnérables, les chairs les plus molles. Abysse en profitait pour tenter de deviner quelques faiblesses dans le corps de leur adversaire. Un brusque soubresaut faillit l’éjecter du dos de la dragonne. Le dragon sauvage venait de l’atteindre à la queue. D’un grognement accompagné d’une prodigieuse volteface, elle vint contre-attaquer.

Le mouvement vif et inattendu venait de laisser une brèche dans les défenses ennemies. Jusque là, Abysse attendait l’occasion propice pour sauter sur son adversaire. Désormais la situation lui apparaissait limpide. Une fois de plus, la jeune femme dut se réciter la litanie contre la Peur. Ses muscles se délièrent et se décontractèrent complètement, prêts à l’action. Elle ressembla ses pieds sous ses cuisses, repliant les jambes pour lui procurer la détente nécessaire à son saut. Ses doigts se crispèrent légèrement sur les écailles de la dragonne. Elle sentit la présence de la dragonne s’insinuer dans son esprit avec une facilité déconcertante. Elle avait deviné ses propres intentions. Encore quelques secondes, seulement. Bientôt. Une fraction et agir.

- Maintenant ! hurla-t-elle.

L’elfe l’avait entendue, c’était évident. Et, grâce au puissant lien qui les unissait, la dragonne également. Sans plus attendre, Abysse bondit. Elle sollicita à leur maximum les muscles nécessaires pour lui procurer une formidable détente. Accompagnée par le mouvement de la dragonne, la jeune femme décolla de plusieurs mètres. Mains et pieds légèrement en avant, Abysse volait littéralement. Sensation enivrante et pourtant si brève. A ce moment précis, elle ne pensait vraisemblablement à rien. Juste le moment présent.

Et vint enfin l’atterrissage. Choc violent, presque étourdissant. Abysse parvint à trouver une prise avec la seule force de ses mains, les pieds dans le vide. Ses doigts avaient glissé une fraction de seconde sur les écailles lisses du dragon. Suffisamment pour lui procurer une décharge d’adrénaline. Se servant d’un mouvement de contre-balancier avec ses jambes, Abysse glissa sur l’encolure du dragon et vint se glisser à la base des du cou. Le geste était rapide et d’une précision étonnante. Il requérait toutes les facultés physiques de la jeune femme.

Un instant plus tard, la mâchoire du dragon vint se refermer sur l’endroit exact où elle se trouvait un peu plus tôt. Abysse s’était dissimulée dans un angle mort, inaccessible. Seule une décharge enflammée aurait pu l'y déloger. Et, devinant ses pensées, elle sentit naître le flot ardent dans la gueule du dragon. Glissant, furtive, le long de l’encolure, elle évita de justesse le brasier infernal. Désormais, ce n’était plus qu’une question de secondes. Le dragon se tortillait tant bien que mal pour la déséquilibrer tout en esquivant ses assaillants. A présent, la suite des évènements reposait sur ses épaules. Focalisée sur la tête du dragon, Abysse faisait appel à toute l'étendue de ses capacités. Pression écrasante. Ils comptaient sur elle. Terrible peur de l’échec.

Elle s’en savait capable. Intense concentration. Chaque mouvement qu’elle devait faire pour atteindre son objectif était minutieusement calculé. Elle ne devait rien omettre, tout anticiper. Elle sentait les écailles acérées s’enfoncer dans la chair meurtrie de ses mains. Toutes ses sensations étaient décuplées. Le danger était intensément présent. Et c’était dans ces instants rares et enivrants qu’Abysse se sentait infiniment vivante. Hurlements, claquements de mâchoires, flèches qui fendent l’air et os qui se brisent. Tout n’était plus qu’un vacarme assourdissant à ses oreilles.

Abysse ne comprit jamais comment elle atteignit la tête du dragon. Vibrant de détermination, elle n’avait su voir que les mouvements qu’elle enchaînait pour atteindre son but. Se cramponnant fermement avec ses cuisses, elle saisit le poignard coincé entre ses dents. Vélocité extrême, elle arma son geste, les deux mains au dessus de sa tête et abattît sa lame sur l’œil droit du dragon. Malgré ses puissantes capacités, il n’avait pu ne serait-ce qu’anticiper son mouvement. Un terrible soubresaut parcouru le corps de la bête accompagné de violent coup de tête. Abysse ne vit par le liquide brûlant, ambré, couler de l’œil blessé. Elle perdait l’équilibre. Dans un geste désespéré, elle se rattrapa d’une main tandis que l’autre, tenant le poignard, visait l’œil encore valide. Elle ne pu que l’érafler mais elle su à ce moment que le poison faisait déjà effet. Elle sentait sous sa peau le corps de la bête se raidir. La jeune femme rassembla ses jambes sous elle et d’une prodigieuse poussée, elle s’écarta du corps chutant déjà.

Arquant le dos, la tête tournée vers les cieux, elle tournait le dos au combat qui se déroulait au sol et s’éloignait du dragon grièvement blessé. L’adrénaline s'estompait peu à peu. C’en était fini. Elle avait réussi. Un terrible coup, inattendu, vint alors lui couper le souffle. Entraînée dans sa chute, l'une des pattes arrières du dragon avait frappé la jeune femme de plein fouet. Elle ne s’était pas assez écartée de lui. Les griffes tracèrent de larges sillons au niveau de son cou. Une douleur lancinante la traversa, lui arrachant un râle étouffé. Dans un spasme instinctif, ses muscles se contractèrent. Abysse ferma les yeux, cherchant à fuir la souffrance qui naissait dans ses chairs.

Elle se sentit lentement sombrer dans l’inconscience tandis qu’elle chutait, à quelques mètres de leur ennemi paralysé. Peu importe. La dragonne la rattraperait, elle lui avait dit. Un sourire confiant sur les lèvres, une dernière pensée rassurante traversa l'esprit d'Abysse tandis qu'elle perdait connaissance.

Ils l’auront…

[ Hop-là, Abysse n'est pas grièvement blessée hein, disons qu'elle est juste très fatiguée x) Me suis permise de faire avancer pas mal la situation, maintenant, achevez le dragon, mouahahahahahaha 8D ]

Les deux dragons s’affrontèrent en plein ciel. La masse des deux adversaires était impressionnante et recouvrait de son ombre les combattants restés au sol. Locke se trouvait parmi eux, à distance respectable des archers, courant afin de rester au plus possible sous les dragons pour frapper dès que possible. Anhrefn restait à ses côtés, grognant ou gémissant en fonction de ce qu’il ressentait. Le loup avait peu, il n’y avait pas de doute, mais il tentait néanmoins de faire bonne figure. Locke était impressionné par l’intelligence de l’animal et par son courage. Son père avait du avoir de la chance de l’avoir à ses côtés.

La jeune combattante blonde demeurait sur le dos de la dragonne sombre, attendant de pouvoir passer à l’attaque. Le semi elfe l’enviait tout en la plaignant. Elle avait la chance de se trouver dans les airs à dos de dragon et le jeune garçon aurait souhaité connaître la même sensation mais, elle était aussi en plein milieu de la lutte que se livrait les deux créatures légendaires et la survie du groupe reposait sur ses propres aptitudes à empoisonner leur ennemi. Un hurlement fit lever la tête à Locke. Dark avait été blessé, de longs sillons sanguinolents marquaient son ventre. Le garçon la vit se débattre comme une diablesse pour tenter de prendre l’avantage contre l’énorme dragon rouge. D’un violent coup de queue, elle parvint à se libérer de l’étreinte mais garda de lourdes blessures.

Locke continua d’observer le combat qui se déroulait bien trop loin du sol pour qu’il puisse être utile. Enfin, après des minutes qui parurent interminables, une brèche dans la défense du dragon sauvage s’ouvrit. Dark était parvenue à prendre l’avantage et Locke vit la guerrière prendre son élan. Dans un mouvement aussi gracieux qu’efficace, elle sauta sur le dragon rouge. La synchronisation entre elle et Dark était parfaite bien qu’ils ne possédaient pas de lien psychique et elle atterrit violemment sur le dos orné de pointes. Le demi elfe cru un instant qu’elle allait retomber, ne pouvant trouver de prise viable parmi les écailles tranchantes mais contre toute attente, la jeune guerrière parvint à stabiliser son corps. Elle se faufila avec une grâce féline surprenante à couvert des coups de crocs que tentait de lui asséner le grand dragon pour se débarrasser d’elle. Locke était émerveillé par la fluidité des mouvements qu’elle faisait, il n’avait aucuns doutes sur la réussite de sa mission.

Elle parvenait presque à courir sur le dos de la créature pour parvenir à atteindre la tête, le seul point où son poison serait réellement efficace. Une fois en position, elle frappa en direction des yeux et la lame s’enfonça des la pupille grâce à la puissance du coup. Locke cessa alors d’observer les actions de la jeune femme : quelques secondes après le coup, le dragon commença à chuter. Le poison avait un effet rapide, la créature perdrait sa mobilité en quelques instants. Il n’y aurait pas de seconde chance pour les défenseurs. Anhrefn courrait lui aussi en direction du point de chute de leur adversaire. Locke ignorait si ces crocs d’aciers seraient efficaces pour transpercer les écailles mais savoir le loup à ses côtés le rassurait.

Le jeune guerrier tint l’épée à la lame blanche de son père à l’horizontale alors qu’il se positionnait. Le dragon n’était pas inconscient, il se débattrait même une fois au sol. Il lui faudrait être prudent s’il voulait le terrasser de sa lame. Locke avait conscience des présences des autres combattants à proximité. Peu osaient approcher d’aussi près que lui : désormais, le combat serait au corps à corps. L’elfe noire était elle aussi toute proche, Locke pouvait sentir son inquiétude pour sa Dragonne et le jeune fille blonde mais aussi sa détermination. Toutes ses sensations provoquaient des émotions mitigées chez lui mais augmentaient son courage.

Enfin, le grand Dragon rouge toucha le sol. Locke eut l’impression d’être au milieu d’un véritable tremblement de terre. La masse de l’animal était telle, que sa chute recouvrit de sable tout ce qui se trouvait proche. Locke ferma les yeux un instant et se protégea le visage à l’aide de sa manche. Dès que les rafales se calmèrent, il fonça vers le corps étendu sur le sol. Le dragon parvenait encore à bouger, il frappait l’air de sa lourde queue et donnait de violent coup de mâchoire autour de lui. Un flot de sang important coulait de son œil crevé sur le côté droit, offrant une ouverture à ne pas laisser passer. Le semi elfe se dirigea vers ce côté, s’apprêtant à frapper à son épée. Il esquiva le faible battement d’aile de la bête qui tentait sans succès de reprendre son envol en roulant sur le sol et frappa à l’aveugle tout en se relevant. Il sentit la lame pénétrer dans les chairs sans rencontrer d’encombres. Là ou sa propre épée avait été brisé net, celle de son père parvenait à transpercer les dures écailles. Locke poussa de toutes ses forces sur l’épée, utilisant son poids pour que la lame pénètre profondément. Du sang épais coulait avec abondance, poissant ses mains et rendant sa prise sur le pommeau de l’arme glissante. La créature hurlait de douleur, tout en cherchant à se débarrasser de l’insecte qui la blessait. Anhrefn poussa un fort aboiement et Locke eut le réflexe de se retourner. Ce fut juste à temps pour voir la gueule du dragon s’ouvrir et la boule de feu monter du profond de la gorge. Le garçon arracha son arme de la plaie béante et se précipita sur le sol. Le jet de flamme passa au dessus de lui et il sentit son souffle brûlant sur sa peau. Il enfonça un peu plus son visage dans le sol pour se protéger attendant que le déluge s’arrête…

Presque aussi agile que les elfes, la guerrière blonde se hissa sur son dos, et en une dizaines de secondes se retrouva sur celui du dragon rouge. Profitant désormais de la totale liberté de ses mouvements, Dark empoigna de ses pattes avant le corps du dragon, cherchant à l'immobiliser le plus possible pour que son alliée ne risque rien. Elle saisi le long cou de son adversaire, qui chercha sans tarder à refermer ses puissantes mâchoires sur ses flancs. Elle se maudit de ne pas avoir accepté de s'encombrer de son armure, et donna un coup de pattes arrières dans la gueule du dragon pour le repousser, et planta ses crocs dans ses dures écailles rouges, fouettant l'air de sa queue pour ne pas que le sauvage tente de s'approcher de trop près. Ne sachant plus trop quoi faire, il se contenta de gigoter dans tout les sens pour se libérer de l'emprise de Dark, et pour expulser le petit être qu'il sentait sur son dos. La dragonne sombre n'arrivait pas à la distinguer, mais sentait qu'elle était encore là. Une seconde inattention suffit à l’ennemi pour décocher un bon coup de griffe au ventre déjà meurtri de Dark. Alors qu'elle allait riposter en tentant de viser les yeux, elle aperçu l'humaine sur sa tête. Après de nouveaux exploits acrobatiques, elle réussit à planter sa lame dans l'oeil droit du dragon. Dark s'écarta légèrement, et revint à pleine vitesse, percutant violemment son ennemis, les faisant plonger tout les deux dangereusement vers le sol. Elle attendait maintenant qu'Abysse revienne sur son dos pour s'envoler et la mettre en sécurité. Mais rien. Inquiète, elle enfonça ses serres dans les écailles du dragon pour se stabiliser, et posa son regard aux alentours. Inconsciente, elle plongeait vers le sol, presque aussi rapidement que les deux reptiles. Grognant, elle prit son élan, et propulsant le dragon encore plus violemment vers le sol, elle s'envola, et tenta de la rattraper avant qu'elle ne s'écrase sur le sol

Au sol, les humains ne pouvaient rien faire d'autres qu'admirer les deux créatures légendaires s'affronter, d'un ballet de puissants coups de pattes et claquements de mâchoires. D'ici, Abysse était invisible aux yeux d'humains, et perceptibles aux yeux elfiques; C'est de cette façon que Djenka pu voir la lame empoisonnée s'enfoncer dans les yeux du dragon. Elle prévint les autres que le dragon sauvage allait s'écraser, et une seconde à peine après, on ne voyait que deux masses rouges et noires dégringoler. Comme quelques soldats, la drow se précipita vers la zone d'impact, prête à recevoir l'ennemi. Cependant, elle ne voyait toujours pas de chevelure blonde sur le dos sombre de sa dragonne. Simultanément, les deux femelles liées tournèrent la tête et l'aperçurent. Dark fonça à sa rencontre, et d'une complicité hors du commun, elles agirent ensemble, sans se concerter. Devinant les intentions de la dragonne, Djenka tendit son bras droit vers la guerrière, et hurla :
- SKOLIR !!!

La seconde d'après, Dark ouvrit la gueule et se saisie de la jeune femme, qui était désormais protégée de sa langue piquante. Mais trop près du sol, elle ne pouvait amorcer un atterrissage en douceur, et s'effondra sur le sol, pivotant du côté gauche pour protéger ses ailes de l'impact. Elle glissa sur une dizaine de mètre, les membres douloureux, et ses écailles scintillantes de sang. A peine quelques mètres plus loin, sa dragonnière, épuisée d'avoir du faire de la magie à distance, était à demi allongé sur le sable, reprenant son souffle. En voyant sa dragonne près d'elle, un immense sentiment d'amour et de soulagement s'empara d'elle. Elle rampa jusqu'à elle, et saisit sa grande gueule de ses petits bras, la serrant fort contre elle. Dark ronronna, soudainement plus paisible et se frotta à sa drow. L'échange ne dura que quelques secondes, mais leur suffit pour aller beaucoup mieux.

*Tu veux que je m'occupe de tes blessures ?*
*Ne t'inquiètes pas pour moi, il faut simplement que je me repose un peu. Occupe toi de la guerrière* -dit-elle en ouvrant sa gueule, découvrant une si petite humaine sur cette immense langue, et la posa sur le sable chaud du désert
*Je crois qu'elle n'a rien, il a également besoin de beaucoup de repos *
*Je m'en occupe garde tes forces pour tuer le dragon*

La drow acquiesça, déposa un baiser sur le museau de sa dragonne, et s'élança vers le dragon sauvage, ou déjà de nombreux soldats l'encerclaient. Elle entendit les aboiements du loup, et juste après, le dragon déversa ses flammes sur le demi-elfe qui était dangereusement près de lui. Il ne pouvait bouger tant que le dragon crachait du feu, et une bête de son âge pouvait continuer très longtemps. Elle se placa non loin de tout le monde, et d'un simple "Letta", arrêta le jet de flamme. Elle posa sa main sur l'épaule du soldat, l'aida à se relever, vérifiant d'un coup d’œil qu'il n'avait aucune brulures, et tout deux dégainèrent leur épée. Elle grimpa sur le cou du dragon, encore légèrement affecté par le poison, et planta son épée à la base de son cou, entre deux écailles, l'enfonçant profondément.

Pendant ce temps, Dark avait prit la petite humaine entre ses pattes, et comme si c'était une des choses les plus naturelles du monde, lui insuffla une infime partie d'énergie, qui n'était rien pour une si grosse créature, mais qui mettrait un éléphant sur pied. Cependant, la guerrière en avait bien trop fait pour de si fragiles créatures, et la dragonne inquiète que ça ne suffirait pas. Ne pouvant participer au combat, et soupira, ne ratant cependant pas une miette de l'affrontement, et attendit qu'Abysse se réveille, espérant qu'elle se réveillerait avant plusieurs heures. Étranges les deux pattes quand même, sans cesse à risquer leur vie pour des causes si loin de leur intérêt personnel

Chute libre. Plus aucun sens de fonctionnant correctement, Abysse n’avait aucunement conscience de sa situation. Son esprit dérivait lentement. Elle sentait le passé l’aspirer. Cependant, une brume épaisse rendait abstraits les contours de ses souvenirs. La jeune femme revit le désert de son enfance, les dunes gigantesques et le village d’où elle était issue. Dans un profond élan de nostalgie, son esprit se mit à vagabonder au sein de son peuple. Reconnaissant quelques visages familiers, elle tenta de les saluer. Hélas, simple image de son passé, ils l’ignorèrent et passèrent leur chemin.

Tiraillée, Abysse se sentait arrachée à son corps. Son esprit commençait à se perdre dans les limbes. Cherchant à se raccrocher à un détail familier, elle s’agenouilla et planta ses mains dans le sol meuble. Le sable ruisselait entre ses doigts. A l’horizon s’étiraient de vastes étendues de ces infimes grains. Curieuse sensation de déjà vu. Abysse chercha dans son esprit les derniers lieux où elle s’était rendue, les souvenirs les plus récents qui lui venaient à l’esprit. Elle se souvint alors d’un désert semblable au sien, de cris et d’une douleur intense.

A mesure qu’elle se remémorait le combat contre les dragons, elle sentit chaleur inconnue frôler son esprit. Elle l’envahit tout entier, l’arrachant à la contemplation de ses souvenirs d’enfance. Les dernières images s’estompèrent au profit d’une obscurité totale. Une peur indicible naissait en elle, elle serra les poings pour retrouver son calme. Abysse sentit sous ses doigts le sol. Reconnaissant le sable sur lequel elle était posée, elle sentit les souvenirs lui revenir un à un. Violents coups assenés à la porte de son esprit, Abysse inspira profondément. Dans un réflexe, elle se redressa d’un bloc et ouvrit les yeux.

La lumière l’aveugla et elle dut se couvrir les yeux. A présent, Abysse avait retrouvé ses esprits. Lentement, ses doigts parcourent son cou, à la recherche de la blessure que lui avait infligé le dragon. Il n’en restait que d’infimes traces. Une fois ses yeux habitués à la clarté, la jeune femme reconnut l’immense dragonne qui se tenait à ses côtés. Elle devina alors que l’étrange chaleur qui l’avait ramenée à la conscience ne pouvait que venir de la puissante créature.

Abysse se releva en peinant légèrement. Ses muscles étaient encore légèrement endoloris par l’effort qu’elle avait du fournir. Elle fit face à la dragonne et chercha un instant ses mots, se sachant comment la remercier. Elle se souvint alors que les elfes comme les dragons se contentaient souvent de formules simples et solennelles. La jeune femme fixa le regard intense de la dragonne tandis qu’elle s’adressait d’un ton infiniment reconnaissant.

- Abysse, fille du désert et de Rlyeh, te remercie et reconnaît sa dette, puissante dragonne.

A l’évocation de l’Ordre auquel elle appartenait, la jeune fille frissonna. Elle cligna des yeux puis tourna la tête en direction des éclats de voix qui lui parvenaient. Le dragon sauvage s’était effondré et les hommes l’avaient achevé. Ainsi, leur ennemi était mort. Suivant la dragonne, Abysse se rapprocha de l’immense dépouille. Le corps dégageait encore une intense chaleur. Si l’on omettait le regard vitreux de l’animal et le sang qui se répandait sur le sable, il semblait encore vivant, brûlant d’une rage sans borne.

Il était véritablement impressionnant de contempler une de ces créatures millénaires. Il s’agissait des êtres les plus anciens que l’Alagaësia connaissait, amplis d’une sagesse infinie. A mesure que son regard parcourait le corps de l’animal, Abysse prenait conscience d’avoir tué une créature proche de la perfection, elle, misérable humaine. Un remord inexplicable l’envahissait. Elle avait tué tant d’êtres par le passé, mais, aujourd’hui, elle réalisait l’horreur de son acte. Abysse se laissa tomber à genoux, non loin de l’animal. Baissant la tête honteusement, elle pria pour les vies qu’elle venait d’ôter. Le premier dragon gisait non loin.

Elle resta immobile et silencieuse quelques secondes. Consciente de la faiblesse dont elle faisait l’objet, la jeune femme se redressa ensuite prestement et dévisagea les hommes qui entourait le corps du dragon. Beaucoup étaient gravement blessés et les autres simplement exténués. Ils ne pouvaient reprendre la route dans cet état. De toute façon, personne ne voulait y songer. Cependant, il fallait soigner les blessés au plus vite et quitter l’endroit. Les dépouilles ne tarderaient pas à attirer les charognards et signaler leur présence. Il fallait éviter à tout prix une nouvelle confrontation avec un dragon sauvage.

Abysse chercha du regard l’elfe noire. Elle se tenait à quelques mètres de là, aux côtés de l’homme qui était arrivé accompagné d’un loup. N’appartenant pas initialement à la caravane, il avait débarqué lorsque le premier dragon les avait surpris. La jeune femme ne savait strictement rien de lui mais elle lui accordait sa confiance. Elle l’avait vu user de magie et combattre vaillamment à leurs côtés. Les actes avaient parlé d’eux même, ils pouvaient lui faire confiance. Cherchant un instant ses mots, la jeune femme s’adressa à eux d’un ton grave.

- Il y a de nombreux blessés, nous ne pouvons reprendre la route… Comment vous sentez-vous ?

Abysse s’était encore rapprochée d’eux et pouvait désormais lire la fatigue sur leur visage. Ils étaient las. La dragonnière n’était absolument pas en état d’apporter ne serait ce que les premiers soins aux blessés. Et puis, il fallait d’abord qu’elle s’occupe de sa dragonne. Cette dernière avait livré un combat violent et en gardait encore de nombreuses séquelles. Connaissant quelques rudiments en médecine, la jeune femme en conclut qu’elle devrait faire un tour rapide des hommes pour prodiguer les premiers soins.

Avant de s’en retourner à sa tâche, Abysse s’adressa une dernière fois à l’elfe noire et le jeune homme au loup.

- Au fait, je m’appelle Abysse.

Ne trouvant rien à ajouter, elle fit volte-face, un sourire aux lèvres, et se dirigea vers les premiers blessés. Actuellement et grâce à l’énergie de la dragonne, Abysse était sans doute la personne la plus en forme de la troupe. Elle força donc un air avenant et rassurant sur son visage et commença à prodiguer les premiers soins. Possédant quelques plantes aux vertus médicinales sur elle, elle put confectionner quelques cataplasmes pour calmer les douleurs. Pour le reste, elle se contenta simplement de nettoyer et panser les plaies, poser des garrots et cautériser lorsqu’il était nécessaire. La jeune femme usait davantage de paroles réconfortantes en guise de soins, faute de moyen.

Pendant ce temps, les hommes valides commencèrent à ériger un campement de fortune. Une fois sa tâche finie, Abysse se redressa et d’un regard circulaire fit le tour de la situation. Chacun s’activait et aidait comme il le pouvait. L’homme et le loup n’étaient pas en reste. S’aident de sa monture, il n’hésitait pas à porter les objets les plus encombrants. Les caravanes étaient littéralement éventrées, laissant à ciel ouvert tout leur précieux contenu. Les chevaux, quant à eux, étaient soit morts, soit enfuis. Abysse avisa l’elfe noire, près de sa dragonne et se dirigea vers elles. Consciente de les déranger, la jeune femme commença par s’excuser.

- Je m’excuse pour mes incivilités mais j’aurais besoin de vos aides pour brûler les corps. Nous ne devons pas attirer les charognards.

[ Je ne savais pas trop comment faire avancer la situation, alors j'ai pris le parti que le groupe s'installait pour se reposer. Si ca ne va pas, je modifierais Wink

]

Sentant sa mort approcher, le dragon déversa sa conscience au monde qui l’entourait, brisant les faibles barrières mentales des quelques magiciens, et écrasant tout les autres. Il était furieux, et sa haine enveloppait les humains responsables de sa mort prochaine. Les battements de son cœur ralentirent, et d’un dernier mouvement, ses yeux se plantèrent dans les iris argentés de Dark d’un regard meurtrier. Les dragons sauvages communiquent rarement par la parole, les sentiments suffisent pour qu’ils se comprennent. C’est donc sans lui parler, que la dragonne reçut tous ses reproches. Il lui en voulait, il la savait sauvage et pourtant elle avait contribué à le tuer. Alliée à ces humains qui se prenaient supérieurs à eux, les rabaissant au rang d’animal de compagnie et protecteur.
Le cœur de la dragonne se serra. Elle resta sans bouger, acceptant douloureusement le jugement du sauvage. Elle se sentait traitre, et voir qu’il pensait la même chose ne l’aidait pas. Mais elle n’y pouvait rien. Le lien entre un dragon et son dragonnier était si fort, qui rien ne pourrait jamais l’entraver. C’était inexplicable, et elle s’était faite à cette idée. Aucun dragon sauvage ne la comprendrait, pas même son clan, sa famille. Mais même au-delà de tout ça, ce qu’elle voyait la dégoutait. Une créature aussi puissante, tuée par des simples humains, à cause d’un poison. Sans ça, il les aurait tous tué en quelques secondes. Si ça pouvait arriver au dragon rouge, elle pourrait également subir un sort similaire. Elle se savait la créature la plus majestueuse et terrifiante de l’Alagaesia, respectée de tout bipèdes. Et pourtant…

D’un geste lent, l’elfe noire sortit son épée du corps inerte du reptile, et d’un mouvement, essuya le sang qui s’y trouvait sur sa cape. De même que sa compagne, elle n’était pas fière de ce qu’elle venait de faire. Contribuer à tuer un dragon. Elle préférait encore tuer mille humains. Cependant, elle n’allait pas s’attarder sur le sujet. C’était fait, et ils n’en avaient pas eu le choix. C’était ça, ou la mort assurée. L’épée retourna dans son fourreau, tandis que les hommes se relevaient lentement de l’attaque mentale du dragon, sous l’œil menaçant de Dark.
La femme blonde était toujours endormie entre ses puissantes pattes. La dragonne l’effleura de son museau une nouvelle fois, pour la secouer un peu. Mais non, rien n’y faisait. Alors qu’elle se disait qu’elle pouvait rester dans cet état des jours durant, la guerrière se redressa d’un coup, menaçant de percuter la gueule de Dark et de s’assommer de nouveau. Elle se releva péniblement, ce qui était déjà un exploit après ce qu’elle venait d’accomplir. Après tout, c’était grâce à elle qu’ils étaient encore en vie. Elle regarda le désastre qui l’entourait, et se retourna ensuite vers Dark. Elle la fixa quelques instant, pour enfin s’adresser à elle

- Abysse, fille du désert et de Rlyeh, te remercie et reconnaît sa dette, puissante dragonne.
- Dark, fille des cieux, t’affirme que tu n’as aucune dette, et te remercie au nom de tous les soldats vivant grâce à toi.

Oui, parce que les humains eux, ne la remercieraient probablement pas. Ils ne se rendaient même pas compte de ce qu’elle avait fait pour tous. Bien que très fiers, les dragons savaient reconnaitre un véritable allié quand ils en voyaient. Ils ne s’intéressaient pas aux bipèdes, car aucun ne le méritaient, leurs valeurs et modes de vies bien trop éloignés de ces merveilleuses créatures. Mais celle-ci, était ce que Dark pouvait appeler… Une dragonnière potentielle. Etrange, certes, mais elle savait qu’un jour un dragon reconnaitrait la puissance et la valeur de cette femme. Si ses petits pouvaient éclore pour quelqu’un comme elle, elle en serait fière.
Elle la regarda s’éloigner vers Djenka, et soupira. Elle était épuisée de cette journée. Elle était bien entraînée, et les combats aériens faisaient partie des choses qu’elle aimait le plus. Même contre deux dragons, ce n’était pas le pire. Mais après une longue semaine de voyages en ne s’arrêtant que très rarement, elle n’avait pas les forces nécessaires pour terrasser deux sauvages. Elle était blessée, fatiguée, et en avait assez de tous ces humains. Elle posa sa tête sur ses pattes, et recourba sa queue autour de son corps avant d’abaisser ses lourdes paupières.

La drow se retourna lorsque la jeune femme les rejoignit. Elle vint se placer à leurs côtés, près du cadavre draconique. Triste paysage. Et comment se débarrasser d’un corps de dragons ? Ils vivent rarement seuls, les deux absences se feront vite remarquer. Mais elle ne pensait pas à ça pour le moment. Tout comme sa dragonne, elle était fatiguée, et avait simplement envie de rentrer. Mais n’en avait pas la force, encore moins sans monture.

- Il y a de nombreux blessés, nous ne pouvons reprendre la route… Comment vous sentez-vous ?
- Complètement épuisée, mais soulagée d’en avoir terminé. Contente de voir que vous êtes sur pied.

Ce qui n’était pas le cas de tous. Ceux qui n’étaient pas mort, étaient la plupart du temps gravement blessés. En tout cas, personne – à part peut-être Abysse- n’était en état de voyager pour le moment. Ils devraient dresser le camp, et récupérer le peu de nourriture et eau qu’ils trouveraient auprès des chevaux morts.

- Au fait, je m’appelle Abysse.
- Djenka. Excusez-moi, mais je dois m’occuper de Dark, elle est gravement blessée et…

Elle ne termina pas sa phrase. « Ca pourrait s’empirer » ? Non, elle ne voulait pas dire ça, et ça n’arriverait pas. Elle s’approcha de sa dragonne, déposa de nouveau un baiser entre ses naseaux, et vint s’accroupir près de son flanc. Elle défit sa cape, et fouilla toutes les poches secrètes qu’un espion se devait d’avoir, à la recherche d’onguent guérisseur. Elle eut bien de la chance, car c’était la seule chose qui lui restait. Plus de poison, plus d’armes, seulement cet onguent pour dragon. Elle posa sa main sur les écailles sombre de son amie, qui grogna avant de pencher pour que sa dragonnière puisse ausculter son ventre. Il était en très mauvais état, le dragon sauvage n’y avait été de patte morte ! Les minutes suivantes, elle appliqua cette pâte verdâtre sur les blessures de la dragonne. Au moins, elles ne s’infecteraient pas, et la douleur cessait. Après quelques murmures en anciens langages, il n’y avait plus aucun danger.
Après s’être occupée des autres blessures - qui était mineures – elle revint face à la gueule reptilienne de son amie, grimpa sur sa queue en évitant les dangereux pics, et vint se blottir entre sa tête et son épaule.

*Repose toi, je veille sur nous*
*Je ne pense pas réussir à dormir malgré la fatigue*
*Je comprends. Je me sens traître à ma race d’avoir du tué ces dragons*
*Chasse ces sombres pensées de ton esprit Ecailles Brillantes. Les hommes s’entretuent en permanence, et ils sont pourtant de la même race. Nous n’avions pas le choix aujourd’hui. Tu t’inquièteras le jour où une nouvelle guerre humains dragons éclatera et qu’un choix devra se faire*

Elles passèrent les prochaines minutes à se reposer, entremêlant leurs esprits qui ne faisaient qu’un, rêvant de douces escapades nocturnes, à voler au clair de lune, sous les étoiles qui scintilleraient sur les écailles de la dragonne.

- Je m’excuse pour mes incivilités mais j’aurais besoin de vos aides pour brûler les corps. Nous ne devons pas attirer les charognards.

Elles se redressèrent simultanément. Elles n’avaient pas entendu Abysse s’approcher, leurs sens d’habitude en alerte semblaient prendre un peu de repos, contrairement à elles.
D’un saut, l’elfe noire sauta de l’épaule écailleuse pour se retrouver sur le sol, tandis que Dark se levait. Les humains n’étaient pas encore habituée à son imposante taille, et certains reculèrent d’un bond, probablement encore traumatisés des récents évènements.
Bruler des corps serait l’action la plus reposante de la journée !

-Je vais vous aider à les rassembler, et Dark s’occupera du reste en quelques secondes. Par contre, elle ne pourra rien faire pour les dragons, son feu n’atteindra pas suffisamment leurs écailles

Une dette. Certainement. Abysse manqua de répondre à la dragonne mais se ravisa, craignant d'abuser de son amabilité. Les dragons étaient une toute autre espèce que les humains. Et certains se montraient d'une patience infinie tandis que d'autre faisaient preuve d'une irascibilité qui rivalisait avec celle des nains des Béors.

Ainsi, la jeune femme s'affaira à apporter tant bien que mal son aide. Usant de paroles rassurantes, d'ordres tranchants et de soins rapides, il lui fallait réorganiser les restes de la caravane. La mission était un échec total. Jetant un regard critique au groupe épars, elle ne voyait que des hommes éreintés, ayant perdu toute l'once d'espoir qui avait pu les animer précédemment. Ils avaient gagné contre les deux dragons, certes, mais survivraient-ils pour autant ?

Abysse finit par se résoudre à rejoindre la dragonne et sa compagne afin de leur demander un coup de main pour ensevelir les corps. Elle les aperçut non loin de là abîmée à des pensées secrètes. Recroquevillée sur le corps gigantesque de la dragonne, l'elfe noire semblait paisible. La jeune femme s'en voulut de troubler ainsi le repos des deux combattantes.

Se redressant lestement, l'elfe noir sauta à bas de la dragonne et lui rendit un sourire sincère. Abysse pouvait cependant voir la fatigue percer dans ses traits. Dark accepta de brûler les corps des défunts mercenaires tandis que la drow s'attelait déjà à les rassembler. Quant à la question des cadavres de dragon, Abysse ne préféra pas envisager pour l'instant une solution.

Aidées d'hommes valides, les deux jeunes femmes alignèrent les corps, côtes à côtes. Sous leur yeux s'étalaient désormais une vingtaine d'hommes allongés. Immobiles et paisibles, ils semblaient assoupis. Sans un mot, Abysse, aidée de l'elfe noire, entreprirent de verser les derniers restes d'huile sur les cadavres.

La jeune femme se tourna ensuite vers la dragonnière. Il convenait de prononcer quelques mots à ces hommes qu'on abandonnait au désert. Hélas, elle ne savait que prononcer. Les prières de R'lyeh ne pouvaient convenir. Abysse préféra donc s'en remettre à l'elfe noire qui devait sans nul doute connaître quelques formules elfiques adaptées.

Dark appuya les courtes prières de sa compagne d'un long rugissement avant de déverser un torrent de flamme sur les corps amoncelés. Des volutes de fumées s'élevaient du gigantesque brasier. Exerçant de somptueux ballets, elle se perdait dans l'azur des cieux. Abysse s'abîma un instant à la contemplation des volutes dansantes. Hélas, le brasier devait se consumer au plus tôt afin de n'attirer l'attention de nouveaux prédateurs.

L'immense dragonne continua donc d'alimenter les flammes afin que les corps se consumment rapidement. Se détournant de la chaleur du brasier qui devenait insoutenable, Abysse posa alors son regard sur les deux dragons. Leur formidable cuirasse d'écailles les immunisait des flammes. Il fallait cependant effacer toute trace des combats.

Il ne restait donc plus qu'à les ensevelir. La jeune femme s'accroupit dans le sable, contemplant les cadavres des dragons. Leurs écailles dorsales brillaient de mille feux sous la lumière du brasier. Lorsque Dark eu finit de brûler les corps humains, Abysse s'approcha d'elle. Son visage n'exprimait que lassitude et fatigue.

* Merci, belle Dragonne. Nous devons encore ensevelir le corps de tes frères du désert. Nous n'avons d'autres choix. *

Abysse marqua une pause. Son esprit frôlait celui de la dragonne. Elle hésitait. Pouvait-elle seulement avoir l'audace de lui demander d'enterrer le corps des siens ? Honteuse, elle osa cependant lui demander à nouveau son aide.

* A l'aide de tes puissantes ailes, Dark, pourrais-tu recouvrir leurs corps de sable ? Bien que le geste soit dérisoire, nous pourrons dissimuler quelque peu leur présence. *

Détournant le regard, Abysse n'osait soutenir celui de la dragonne. Elle se sentait totalement impuissante. La jeune femme se tourna lentement vers la dragonnière. Elle esquissa un sourire pauvre.

- Cette mission est un véritable échec. Nous avons perdu plus de la moitié de nos hommes, presque tout notre équipement et l'intégralité des chevaux. Et pour finir, la moitié d'entre nous n'est pas en état de se déplacer.

Abysse embrassa du regard le camp épars que formaient les restes de la caravane originale. Ils avaient essuyés de lourdes pertes. Elle reprit sur le même ton.

-Inutile de continuer plus loin. Nous devons retourner au dernier village que nous avons quitté, à une demi-journée de marche.

L'odeur de chair brûlée qui embaumait l'air était tout bonnement intenable. Abysse plissa le nez. Elle fixa l'elfe à la peau sombre. Les épaules légèrement affaissées, cette dernière paraissait exténuée. Elle avait passé un long moment à panser les plaies de sa compagne. La jeune femme sortit alors un sachet de toile de sa sacoche. Elle en extirpa le contenu dans la paume de sa main. Il s'agissait d'herbes séchées. Elle les montra à la dragonnière.

- Cela te permettra de tenir. Elles estompent momentanément les effets de la fatigue. Je n'en ai que peu, il faudra les utiliser avec parcimonie et les distribuer aux hommes capables de transporter le plus gros du matériel.

Abysse lui tendit les herbes et le sachet qui les contenait. Elle en possédait encore trois comme ceux-ci. Un seul sachet permettrait sans doute d'aider trois ou quatre hommes.

- Nous serons en mesure de reprendre la route dans quelques heures. Autant quitter cet endroit le plus tôt possible.

L'air encore saturé de fumée lui mordait les yeux. Abysse les essuya d'un revers de main. Elle espérait qu'on ne prendrait son geste pour une quelconque faiblesse. Se détournant, elle ajouta à l'adresse de la dragonnière.

- Je vais essayer d'élaborer avec quelques hommes valides des civières pour les blessés. Il faut les rassembler.

A sa gauche, Abysse pouvait voir Dark ouvrir ses immenses ailes et les laisser se gonfler par le vent. Elle s'apprêtait à ensevelir les corps.

Ailes noires, sombres nouvelles.

Après avoir du mettre fin aux jours de deux dragons, rassembler quelques cadavres humains devaient paraître comme une tâche banale. Et pourtant, alors qu'elle transportait les corps sans vie de ses anciens compagnons de bataille, la drow ne put s’empêcher de penser que les pertes avaient été lourdes, pour un si bref combat. Les adversaires avaient été puissants et dévastateurs. Des dragons... Et dire que le but de la mission était simplement de découvrir et rassembler des tribus du désert, ou au moins les recenser. Comment dire aux femmes qui attendent impatiemment le retour de le mission de reconnaissance de leur mari, qu'ils se sont fait massacrés par des dragons sauvages?
La mort des combattants n'avaient jamais affectée l'elfe noire. Après tout, ils savaient dans quoi ils s'engageaient. Mais c'était là la différence, aucun d'eux n'étaient véritables hommes d'armes.

Elle déposa le dernier corps près des autres. A elles deux, elles avaient rassemblé assez d'hommes pour croire à un rixe entre tribus sauvages. Et voilà, tout était fini.
Pour faciliter la combustion des corps, elles se chargèrent de déverser de l'huile sur l'ensemble. De cette manière, le feu prendrait immédiatement, et personne n'aurait à voir le macabre spectacle des visages humains noircis et décomposés par les flammes.

Alors qu'Abysse se tournait vers elle en quête de dernières paroles, l'elfe s'approcha d'un pas, ne sachant que dire à ces hommes morts pour une cause inconnue de tous. Les seules prières qu'elles connaissait, étaient celles de son peuple, meurtrier et fourbe, mais qui néanmoins reconnaissaient la valeur des hommes morts au combat.
Elle se mit donc à chanter, comme le font les siens pour faire leurs adieux aux morts. Sa voix perdit toute autorité, et se fit douce et peut-être même empreinte d'une tristesse. Ce chante les remerciait du sacrifice de leur vie pour ceux qui sont aujourd'hui debout devant leurs corps, et affirmait que leurs noms ne serait jamais oubliés pendant leur repos éternel du guerrier.
Alors que le chant funeste prenait fin, Dark tandis son immense cou vers le ciel, et rugit à l'adresse de l'esprit des disparus, un rugissement fier

Ils s'écartèrent ensuite tous, alors que les pattes sombres et écailleuses s'approchaient des cadavres. Elle s’arrêta à quelques mètres, baissa ses antérieures pour se trouver au niveau des corps, ouvrit lentement la gueule, et dans un soupir, déversa son puissant feu sur les défunts, qui se répandit immédiatement sur tous. La couleur rose pale-orangée du feu, couleur de la magie de sa dragonnière, donnait au brasier une allure de crépuscule géant, aussi magnifique que mortel et dévastateur.
Une fois le feu prit, elle resta cependant pour l'alimenter. Plus vite les corps disparaitraient à la morsure des flammes, plus vite ils pourraient rentrer. Avec l'âge, elle était capable de cracher du feu des heures durant, autant en profiter.

Une dizaine de minutes plus tard, la dragonne s'éloigna, le travail effectué, il ne restait rien d'humains sur le sable, et les hommes avaient eut droit à de royales funérailles.
Alors qu'elle se rapprochait des deux pattes, Abysse se retourna, pour aborder la question des corps reptiliens

* Merci, belle Dragonne. Nous devons encore ensevelir le corps de tes frères du désert. Nous n'avons d'autres choix. A l'aide de tes puissantes ailes, Dark, pourrais-tu recouvrir leurs corps de sable ? Bien que le geste soit dérisoire, nous pourrons dissimuler quelque peu leur présence. *

Sans un mot, elle acquiesça d'un bref hochement de tête, et partit trouver le dragon rouge, le plus imposant des deux. N'ayant rien échappé aux propos de la femme blonde, les survivants se hâtèrent de s'éloigner, ne pensant pas beaucoup qu'un grain de sables face aux ailes de la dragonne. Elle se posta sur ses pattes arrières pour plus de puissance, gonfla ses ailes sombres, et grâce à de puissants mouvements souple, rabattit le sable du désert sur le magnifique corps d'écailles.

Djenka admira sa compagne à l'oeuvre et le spectacle qu'elle offrait. Que pouvait-il y avoir de plus beau qu'un dragon dans ce monde ?
La voix d'Abysse la sortit de sa contemplation, pour la faire revenir à cette cruelle réalité

- Cette mission est un véritable échec. Nous avons perdu plus de la moitié de nos hommes, presque tout notre équipement et l'intégralité des chevaux. Et pour finir, la moitié d'entre nous n'est pas en état de se déplacer.

Elle suivit son regard qui appuyait ses dires. En effet, il fallait considérer la mission comme terminée. Et en cas de nouveaux problèmes, ils mourraient tous.

-Inutile de continuer plus loin. Nous devons retourner au dernier village que nous avons quitté, à une demi-journée de marche.
- Je pense également que c'est la meilleure chose à faire. Et puis je ne pense pas qu'il y ait une seule personne ici qui aurait continué de son plein gré. Je pense même que la plupart ont oublié la raison de notre présence ici avec ce qu'il vient d'arriver

Les pensées n'étaient dirigées que vers les morts, les dragons, ou les blessures. Le retour était l'unique chose pensable dorénavant. Sans un mot, son interlocutrice fouilla dans ses affaires, et ressortit des herbes séchées. Plus par habitude que par méfiance, elle les étudia d'un coup d'oeil, et n'y reconnut pas de plantes mortelles -en sa connaissance du moins- et la laissa s'expliquer

- Cela te permettra de tenir. Elles estompent momentanément les effets de la fatigue. Je n'en ai que peu, il faudra les utiliser avec parcimonie et les distribuer aux hommes capables de transporter le plus gros du matériel.

Ah, elle ne connaissait pas les effets de cette plantes ! Elle les observa attentivement, pour tenter d'en retrouver, et accepta ce que lui tendit la guerrière, avec un sourire franc

-Merci pour tout ce que tu fais. Cette dette ne restera pas in-rendue -dit-elle en plongea ses doigts fins dans le sachet

Elle n'en prit qu'un tout petit peu, ne connaissant vraiment la puissance du remontant. Et ça suffisait amplement ! Elle se retourna vers quatre hommes en forme qui étaient près d'elle, et leur en donna également. Il fallait en effet remonter au maximum la santé des valides pour aller plus vite, et rentrer avant la fin de cette tragique journée

- Je vais essayer d'élaborer avec quelques hommes valides des civières pour les blessés. Il faut les rassembler.
- Essayons plutôt de faire quelque chose de plus grand, qui tiendrait sur le dos de Dark. Elle est fatiguée, mais peut cependant porter plusieurs hommes en restant à terre, je ne pense pas que ça lui changera beaucoup
* Je ne suis pas une bête de trait. Pourquoi ne pas construire un traineau pour que je vous amène tous en galopant * -répondit la concernée, toujours à sa tâche, d'une vois fière et furieuse

La drow l'ignora, sachant pertinemment qu'elle l'aurait proposé d'elle même de toute façon. La dragonne était grande, et son dos -malgré ses dangereux piques - pouvait accueillir plusieurs hommes qui n'étaient en état de se déplacer. De cette manière, chacun n'aurait qu'à porter une part du peu de qu'ils avaient amenés au départ, en soutenant les blessés légers.

*Il aurait peut-être été prudent de nous prévenir que les dragons sauvages s'aventuraient aussi près des terres, je les pensais plus en profondeur dans le désert*
*C'est normalement le cas, pour ne pas se faire déranger par les humains ou autres races. Cet attitude n'est pas normale. On aurait dit qu'ils cherchaient le conflit. Inutile de se demander ce qui traverse l'esprit d'un dragon* - lui répondit son amie, qui se rapprochait après avoir enseveli les dragons, qui ressemblaient désormais plus à des dunes qu'à créatures légendaires

Djenka haussa les épaules, et posa sa main sur le museau reptilien qui vint se fourrer dans sa chevelure sombre, et par habitude, lui gratta les naseaux encore chauds
* Pour les blessés, vous n'aurez qu'à déchirer les tente, et placer du tissus autour de leurs jambes pour ne pas qu'ils s'écorchent avec mes écailles. Si vous les placez assis contre les piques de mon dos, ils ne bougeront pas vu le rythme auquel nous avancerons*

La pensée avait également pénétré l'esprit d'Abysse, que la dragonne considérait désormais comme presque-semblable, statut des dragonniers amis.
Djenka la remercia d'un baiser, et partit informer les blessés sans perdre de temps, tout en commençant à déchirer les tentes, qui de toute manières, étaient en trop piteux état pour servir de nouveaux

-Merci pour tout ce que tu fais. Cette dette ne restera pas in-rendue

- Il n’y a pas de dette. Vous m’avez déjà bien aidée, Dark et toi.

Un léger sourire anima ses traits tirés tandis qu’elle se retournait pour donner quelques instructions aux hommes valides. La dragonne avait recouvert les corps de ses pairs d’une fine épaisseur de sable. Elle serait juste assez suffisante pour les dissimuler le temps que la troupe décimée s’en éloigne. La jeune femme ignorait tout de la décomposition des corps draconniques mais elle ne doutait pas qu’ils finiraient tôt ou tard à attirer les charognards.

Son regard fit un tour rapide de la situation tandis que Dark lui proposait une autre solution pour transporter les blesser. Abysse n’avait osé y penser, par peur d’offenser la dragonne aux écailles sombres. Elle accepta sa proposition avec gratitude. Ne s’attardant guère, elle se chargea ensuite de distribuer ses herbes dopantes aux hommes valides. Hélas, ses réserves étaient bien trop maigres. Elle les constituait pour sa propre consommation et n’avait nullement envisagé de les utiliser toute en moins d’une journée.

Penser à me ravitailler à mon retour...

L’humeur de plus en plus sombre, Abysse peinait désormais à distribuer quelques sourires réconfortants. L’odeur de mort, le spectacle des charniers, tout tendait à réduire la moindre once de bonne humeur. Les carnages, les champs de batailles dévastés, elle avait vu tant au cours de sa vie. Les cadavres amoncelés ne lui évoquaient plus rien. Il était difficile de concevoir la peur même de la mort lorsqu’on est immunisé des affres du temps. Mais cette odeur de brûlé qui vous attaquait les narines était intenable.

Si l’enfer a une odeur alors je l’ai trouvé.

Chassant ses sombres pensées, Abysse s’attelait désormais à créer un moyen de transporter les blessés sur le dos de la dragonne. A l’aide de quelques hommes, ils déchirèrent les tentes en longs lambeaux afin d’enrouler leurs jambes, comme l’avait prescrit la dragonne. Craignant de ne pouvoir tous les transporter, la jeune fit également construire une civière de fortune pour tirer les plus gravement blessés. Tous ne pourraient certainement pas supporter le voyage sur le dos de la dragonne.

Au bout de quelques heures, la troupe était fin prête à quitter le funeste spectacle qu’offraient les restes éventrés de la caravane. Des éclats de bois, plantés dans le sol, évoquaient vaguement l’ébauche d’un cimetière. Les dunes elles-mêmes semblaient cruellement lacérées. Tout dans le paysage signait une atmosphère de mort. Et ce fut sans un regard en arrière qu’Abysse, à la tête de la piteuse caravane, quitta le lieu dévasté par les combats. Chacun rêvait désormais de son retour, les retrouvailles avec leurs proches. D’autres encore imaginaient déjà la mort qui les arrachait à ces mêmes espoirs.

C’est fini, on rentre à la maison.

RP CLOS