Des missions, elle en avait effectuées, et des plutôt étranges. Autant pour l’Alliance que pour son peuple. Mais alors une comme celle-ci, jamais ! Aucune indication. Rien. Elle était tout simplement envoyée à Dras-Leona, suite à un courrier qu’avait reçu Samoth, pour découvrir l’identité du nouveau dirigeant du Saint-Empire depuis la disparition de Brexinga, et c’était tout. Dark était quelque peu attristée par cette nouvelle, elle avait connu l’Ombre dans son passé, et malgré sa nature assez machiavélique, elle l’avait beaucoup apprécié, et avait même suivit un enseignement de sa part. Et maintenant, disparu. Etrange, mais rien d’étonnant pour ces créatures. Après les nombreux conflits que les Léoniens avaient connus, il était impossible qu’ils restent sans souverain, surtout ces ombres assoiffés de pouvoir, il fallait quelqu’un pour les diriger un minimum. De nombreuses rumeurs circulaient, mais la drow ne s’y intéressait pas. Elle serait prête à tuer ce nouveau dirigeant s’il le fallait, et son identité importait peu. Mais pourquoi devait-elle secrètement se rendre dans cette sombre ville pour identifier cette personne ?

*Il me cache quelque chose. J’en suis persuadée. Il avait l’air si troublé quand il m’a demandé de me rendre à Dras Leona. Et puis, il lui suffirait d’un émissaire, et il saurait immédiatement qui est ce nouveau chef*

La dragonne ne prit pas la peine de répondre. Djenka répétait inlassablement les mêmes choses depuis deux bonnes heures. Heureusement qu’elle n’était pas sur son dos, elle n’aurait cessé de s’agiter et de la déranger. Elle était bien mieux à courir de villes en villes, ça ne faisait de mal à personne. Et c’était bien plus discret que de se faire déposer par un grand dragon sombre.
Elle tournoyait au dessus des nuages, des centaines de mètres plus haut, invisible du sol, mais pourtant rien ne lui échappait. Elle apercevait l’elfe noire, accroupie près d’un buisson depuis une bonne demi-heure, étudiant les rondes des soldats, et l’apparence des gardes près de la porte de la cité. Malgré l’heure qui présagerait plutôt un beau soleil, cette ville semblait baigner dans une obscurité permanente, ce qui était un point positif pour la dragonnière. D’un simple habit de soldat, dissimulée sous une cape sombre, elle passerait pour une simple voyageuse aux yeux de tout le monde. Traverser les murs de la cité semblerait plutôt hostile si jamais elle se ferait repérer. Et la cité des Ombres devait sans doute dissimuler bon nombres de protections, ce qui ne ferait qu’augmenter le risque de se faire prendre.

*Du mouvement dans la ville ? *
*Rien qui semble inhabituel. L’intérieur de la ville est calme, presque trop. Et je ne vois aucun dragons, ils doivent être quelque part dans l’Alagaesia. Et donc personne pour me voir, ni s’en prendre à toi*
*Parfait. J’y vais. *
*Sois prudente*

Recommandation inutile, mais toujours aussi réconfortante. Elle se releva doucement, abaissa sa capuche sur ses cheveux sombre, épousseta ses vêtements, et fit un détour pour se rendre sur la route principale menant aux portes de Dras. Elle prit l’allure d’un voyageur fatigué du voyage, pas trop rapide, mais ni trop lente pour ne pas éveiller de soupçons. Une dizaine de minute plus tard, elle passa devant les deux gardes, qui la regardèrent à peine, une main tenant son poignard dissimulée sous sa cape en cas d’ennuis. En quelques secondes, ça serait réglé. Mais non, elle passa tranquillement. Avant d’avoir pu s’en réjouir, elle entendit un des deux hommes se retourner, et l’interpeller.

- Madame ! S’il vous plait.

Soupirant discrètement, elle se retourna lentement vers l’homme. C’était un jeune soldat, probablement à ce poste depuis quelques semaines à peine, et qui s’ennuyait déjà. Son collègue, un homme proche de la retraite, les ignorait totalement, probablement las de tout ça. Mais le jeune fougueux avait bien envie de s’amuser, et la drow n’était vraiment pas d’humeur à ça. Son regard toujours dissimulé, elle se planta devant le garde, nullement perturbé, qui lui demanda d’enlever sa capuche. D’un doucement gracieux, elle dévoila son visage mauve à l’homme, et lui fit son sourire le plus charmeur.

-Que puis-je pour vous ?

L’homme semblait troublé. Il ne devait pas avoir affaire tout les jours à une femme de cette couleur aux yeux dorés et aux oreilles pointues. Comme toute elfe, elle envoutait, et il ne devait pas en avoir croisé bien souvent. Le rouge montant discrètement à ses joues, il bafouilla quelques secondes, inspira, et la questionna

-Navré de vous importuner, mais depuis quelques semaines, ce sont les règles. Il me faudrait votre identité
-Mon identité ? Je ne peux plus venir ici sans interrogatoire ? Il n’est pas étonnant de ne voir personne dans les rues si vous faites subir ceci à tout arrivants – lui répondit-elle sèchement
-Je ne… Oui mais..Je…
-Luna, juste Luna. J’enseigne la sorcellerie aux jeunes humains
-Ah... Très bien merci et…

Ne le laissant pas finir, elle lui tourna le dos, et repris sa route. Dans les nuages, un sourire se dessina sur la gueule de Dark, amusée du nom que s’était donné Djenka, un nom qui lui rappelait bien trop une amie qu’elles avaient.
Le garde ne lui laissa pas une seconde de répit, et revint à la charge

-Il me faut la raison de votre venue ici !
-Vous ne voulez pas non plus que je vous donne mon emploi du temps détaillé ! Suivez-moi tant qu’on y est
-Je suis vraiment désolé mais…
-Je viens voir ma sœur. Myad. Peut-être en avait vous entendu parler
-Myad. Vous…Vous venez voir la … ?
-Oui. Vous ne devez pas ignorer sa race si vous la connaissez, comme moi. Maintenant laissez moi passer, elle ne tolère pas les retards. Et ne parlez de ma venue à personne
-Je ne pense pas qu’elle soit ici, je n’ai pas vu le dragon depuis deux jours et…
-Et moi je ne pense pas vous avoir demandé quelque chose. Encore une minute de plus à me retarder, et ne vous en faite pas que cette là vous le verrez le dragon

Cette fois-ci, et avec un air horrifié, il la laissa partir. Dès qu’elle avait prononcé le nom de son amie, le garde s’était pétrifié, et n’avait plus dit grand-chose. Myad avait-elle déjà fait des siennes ici ? Sa réputation l’avait probablement suivie, mais tout de même, à ce point. Elle semblait imposer un respect étrange, même pour cette cité. Elle était une future Reine pour les drows, mais vis-à-vis des humains, ça ne devait rien signifier. Ah, elle était proche de Brexinga, et ils le craignaient malgré son absence, c’était probablement ça.
De sa démarche souple et féline, Djenka se dirigeait vers le centre de Dras Leona, là ou elle avait le plus de chance de trouver une taverne, où les commérages iraient à bon train. Elle observa la ville, et un frisson parcouru son échine. Seardwin. S’il était dans la ville, il la repèrerait sans même la regarder, leur esprit s’étant douloureusement confronté, ils pourraient se sentir à des kilomètres. Le souvenir de sa dernière et quasi-fatale rencontre avec l’Ombre ne la rassura nullement, et des picotements se firent sentir dans son bras gauche, membres qu’elle avait quasiment perdu à cause de ce dernier. Il y avait le nouveau petit apprenti de Myad aussi, mais lui ne la reconnaitrait probablement pas. Il n’y avait vraiment rien de très engageant dans cette ville, elle regrettait presque d’y avoir été envoyé, même si ça animait quelque peu son quotidien.
Elle s’approcha d’une taverne, mais à son plus grand étonnement, elle presque vide. Un tavernier, deux clients. Vraiment étrange cette ville. La dragonnière rebroussa chemin, se rendant compte que pour la première fois de sa vie, elle venait de trouver une taverne inutile aux commérages. La deuxième possibilité serait certes bien plus fructueuse, mais également plus risqué. Myad n’était pas dans la ville d’après le garde, elle ne la sentirait donc pas pénétrer dans l’endroit qu’elle considérait comme le QG du Saint Empire. Inspirant un bon coup pour se donner du courage, elle prit la direction de l’immense et sombre bâtiment. Son apparence et ses traits aussi sauvages et magnifique que ceux de sa dragonne, Djenka n’aurait aucun mal à se faire passer pour une nouvelle recrue. Ce qui ne l’empêchait cependant pas d’être quelque peu nerveuse. Fermant son esprit à Dark pour ne pas se faire repérer avec cet esprit si puissant en elle, elle gravit quelques marches, et pénétra dans ce qui semblait être un endroit où les réunions concernant l’Empire se tenaient. Peut-être aurait-elle la chance, en écoutant un peu aux portes, d’en entendre un peu plus qu’elle ne devrait, sur les projets de leur ennemi. Quelques secondes plus tard, elle traversait les longs couloirs, similaires à un labyrinthe. Mais rien, pas un bruit. Mauvais moment on dirait. Alors qu’elle comptait changer de piste, elle tomba sur un immense panneau d’affichage, sur lequel était affiché des sortes de comptes rendus des principales réunions et des décisions prises dans ces dernières. Elles étaient toutes signées des anciens Empereurs. Elle parcouru toutes les signatures, espérant que le nouvel Empereur était au moins là-dessus. En voilà une qui datait de cette semaine

Impossible… !

Dark continuait de planer au dessus de cette grande cité sombre, attendant sa drow, quand une étrange sensation retint son attention. Son cœur se réchauffa alors que son regard se tourna vers l’éclat d’or qui venait d’apparaitre dans les nuages, à une centaine de mètre d’elle. Il était là, proche. Ca faisait si longtemps… Mais il n’était peut-être plus le même. Chercherait-il à protéger son nouveau clan, et s’opposer à elle ? La dragonne ne voulait pas de confrontation. Elle avait peur de ce qu’il se passerait. Peut-être la chasserait-il. Ses sentiments s’emmêlaient, la peur, le bonheur, tout. Après tout, il n’était pas au courant de la raison de sa présence ici, pourquoi serait-il hostile ? Alors que toutes ces questions la perturbaient, elle n’avait pas fait attention de rester dissimulée, et était désormais à la vue de celui qu’elle craignait tant

Le dragon releva brutalement la tête, interpellé par quelque pressentiment qu’il n’aurait su expliquer.

*Ce doit être Myad qui s’arrache les cheveux* songea-t-il.

Il avait détaché son esprit du sien dans le souci de garder la tête froide et de ne pas aggraver son état de ses propres pensées. L’Impératrice était d’une humeur massacrante, ce qui se traduisait par des punitions beaucoup plus sévères, des silences beaucoup plus menaçants et le règlement des problèmes de façon expéditive (et définitive). Cela faisait quatre jours que la Dragonnière faisait comprendre à la capitale, et au reste du pays, qu’elle ne tolèrerait pas qu’on la prenne pour une poire, que ce soit en tant que femme ou en tant que chef d’Etat. Myad n’était pas une gentille veuve éplorée, ce qui était plutôt bien prouvé par ses récentes actions. Après avoir massacré personnellement tous les membres d’une secte dont lui avait avoué l’existence, elle avait mis le feu au bâtiment en interdisant aux propriétaires de le reconstruire.

« Vous ne le savez pas encore officiellement, mais toute organisation religieuse sera détruite et ses membres bannis, voire mis à mort. »

Son annonce avait asséné une gifle monumentale à l’ensemble des Léoniens, eux accoutumés à leurs magouilles de petite envergure. L’interdiction concernerait les sectes occultes, mais également les cultes locaux. On avait le droit de prier qui on voulait chez soi, de dédier sa vie à qui on voulait, mais toute construction plus large serait anéantie. Cela avait fait l’effet d’une douche glacée à ceux qui étaient directement visés, et qui avaient aussitôt fermé boutique avant de se faire prendre. Trop tard pour certains : onze personnes issues de la même branche nobiliaire seraient traduites en justice le lendemain.

Il y en avait qui accusaient Myad d’être frustrée, frigide, ou très susceptible.
Ceux qui la connaissaient ne pouvaient s’assurer du premier terme, mais pouvaient assurer que la sensualité étrange qui se dégageait d’elle laissait penser le contraire du deuxième. Quand à sa facilité à se vexer, elle était inconnue. Myad ne se montrait jamais blessée par une remarque, une rumeur. Les manquements à l’éthique, au respect de sa condition étaient punis, mais elle semblait remplir une formalité plus que de réparer un affront.
Pour Yenlui, cette accélération des lois punitives étaient un exutoire qui permettait à sa Dragonnière de s’occuper l’esprit, de faire couler le sang et de rappeler à tout le monde qu’elle ne plaisantait pas.

Le dragon soupira avec une profonde lassitude. Ce rôle lui allait comme un gant. Et pourtant, lui ne s’en satisfait pas du tout. Quel dragon voudrait que son compagnon lui soit réquisitionné une grande partie de la journée, voire de la nuit ? Comment accepter tranquillement qu’on les empêche de faire ce qu’ils voulaient au nom de la sécurité nationale ? Pourquoi ne serait-il pas contrarié de devoir suivre des directives, de respecter des procédures ? Retroussant sa lèvre supérieure, il émit un bref grondement. Il ignorait toujours les gens qui essayaient de se servir de lui comme d’un pion, d’un cheval, d’une arme. Il ferait tout pour l’Impératrice, mais pas pour l’Empire et les Léoniens. C’étaient des engagements qui liaient sa compagne, et certes une partie de lui, mais rien ne stipulait que le dragon du chef d’un clan doive se plier à ces fameuses obligations. Heureusement d’ailleurs, sans quoi, il serait devenu fou.

Il songea à sa mère, qui subissait depuis sa naissance le poids de ce joug ; chez les elfes noirs d’Outreterre, l’obéissance immédiate et complète à la Reine était un des constituants essentiels de leur régime. Arget lui avait même révélé que la parente d’Athor, née puis morte il y avait des siècles de cela, avait mis en place une sorte de malédiction qui forçait les hommes de son sang à lui obéir. Ce sort, extrêmement complexe et bien sûr gardé secret par sa lanceuse dans la mort, avait bien sûr atteint Athor. Celui-ci avait dû œuvrer dans l’ombre, durant longtemps, et risquant beaucoup, pour réussir à assassiner sa génitrice. Il s’était cru – et Arget avec lui – libéré, cependant leur joie avait été de très courte durée. A peine Kaltendâ, sa sœur, prenait-elle le commandement que le pire eut lieu ; la malédiction ne s’était pas arrêtée. Elle s’était juste transmise à la femelle dominante suivante.
Il en avait été ainsi durant des années. De par leur puissance et leur habileté, le duo avait appris les règles de ce petit jeu auquel on les forçait. Par les jeux de mots, les malentendus, mais aussi le travail mental, ils arrivaient à passer au travers des ordres. Ce combat de chaque instant n’inspirait nulle envie à Yenlui. Il avait pitié de sa mère, qui aurait dû élever ses petits en leur transmettant son savoir et son amour, en voyageant librement dans l’Alagaësia. Elle lui manquait terriblement.
Penser à sa famille – car avec les souvenirs de sa parente vinrent ceux de ses sœurs – lui fit mal. Une douleur vive, brève, comme le choc d’un pied contre un caillou caché dans la neige. Il se prenait souvent les pattes dans ses souffrances affectives, sans les voir arriver, et cela le blessait chaque fois avec une égale force. De plus, avec le départ de Yawë, il ne pouvait que repenser à ceux qui lui manquaient. Hathir, son premier maître de vol, qui était mort dans la solitude et sans connaître ses dragonneaux. Dark, qui…

Yenlui lâcha un grognement de surprise, clignant à plusieurs reprises ses paupières d’écaille. Les magnifiques prunelles rubis, héritées de sa mère, fouillaient le ciel avec une intensité qui cherchait à rompre l’illusion – si illusion il y avait. Avait-il bel et bien vu une ombre noire aux ailes déployées, ou l’espérait-il naïvement ?
Abandonnant là le cerf déchiqueté qui fut son repas, le dragon traversa les bois dans un galop puissant, le sol tremblant sous son poids ; il déboucha de la forêt dans un éclair, prit son élan, étendit gracieusement ses ailes d’or et fendit l’air comme une énorme flèche.

*Dark* criait-il presque, plein d’espoir et de surprise.

Car à présent il savait que c’était elle. Son odeur, sa présence, son esprit. Cette personne était belle, et bien réelle. Yenlui fonça vers elle sans prendre le temps de faire des manières. Il ralentit juste à temps pour ne pas la percuter de plein fouet, battant des ailes de façon inversée. Ainsi le dragon mâle s’arrêta tout doucement près de la dragonne noire, ses naseaux aspirant avidement son odeur, son museau cherchant le sien alors qu’il gémissait de joie de la revoir.

*Dark, Dark, Dark* ronronnait-il comme lorsqu’il était petit.

Il la touchait, cherchait de ses appuis délicats si elle était blessée, si elle allait bien. Il la renifla à l’épaule, sur les griffes, consciencieux.

*Je suis si heureux de te voir en pleine forme !*

Puis, réalisant soudain un détail crucial :

*Mais que viens-tu faire ici ? Où est Djenka ?*

C’était dangereux pour elles. Toute furtive qu’elle fut, l’espionne ignorait que le régime était secoué par une campagne sauvage. Et que tous les elfes étaient amenés à l’Impératrice pour un entretien individuel.
Yenlui espéra qu’elle trouverait Djenka personnellement avant que cela ne tourne au vinaigre.

¤

Myad portant une tenue de cuir brun, lisse et verni, décorée de fourrure noire sur le col et le long du décolleté. Un lacet maintenait le corset en place dans son dos, laissant apercevoir la cicatrice encore rose en forme de « x » qui le recouvrait entièrement. Elle s’en moquait, et personne n’avait osé lui faire de remarque à ce sujet. D’ailleurs on ne lui faisait pas de remarque tout court. On avait compris qu’en ce moment, elle n’écouterait rien qu’elle n’ait envie d’entendre, alors on se contentait de livrer les informations, de prendre ses directives et d’exécuter sa tâche. Et efficacement, si possible. La mauvaise humeur la rendait encore plus exigeante.
Ses bottes remontaient au-dessus des genoux, et un épais gant rembourré ornait sa main gauche. Un gros rapace brun sombre, aux gros yeux jaunes, y étaient posé. Il s’agitait nerveusement, claquant du bec et cherchant partout une occasion de pincer, mais il était fermement tenu par les serres. Serres et bec encore maculés de sang. En effet, le responsable de la volière n’avait pas encore eu l’occasion de nettoyer son protégé.
Grâce à lui, l’Impératrice avait eu le plaisir d’expérimenter une nouvelle torture, plutôt efficace.
Elle rejoignit le veilleur de l’oiseau, un petit homme chenu et vif, dont les mains semblaient endormir les rapaces les plus sauvages, dans un couloir.

« Magesté.
- Telborfell, le salua-t-elle à son tour. Ekis a bien travaillé.
- C’est trop d’honneur que vous me faites, répondit-il à voix basse en s’inclinant.
- Je te ferai savoir si j’ai encore besoin de ton petit protégé. Va donc le faire chasser, qu’il ait le droit, cette fois, de finir son repas. »

Une lueur curieuse et amusée naquit dans l’œil de Telborfell, qui ne posa pas de question.

« Je n’y manquerai pas, Votre Seigneurie. N’hésitez pas à me mander si vous avez encore besoin de ses services.
- Va, j’ai à faire. »

Le responsable de la volière se retira poliment, disparaissant dans le couloir une fois récupéré l’oiseau sur son propre gant. Myad caressa distraitement ses bras vêtus de ce nouveau cuir, dont l’odeur ne lui était pas coutumière. Il lui était encore inhabituel de porter tous les jours des tenues différentes, même si elle avait réussi à changer le style pour qu’il lui convienne. Les robes étaient plus sobres, plus confortables, la qualité des matériaux annulant le besoin de surcharge ; les bijoux étaient choisis selon la même idée directive, pour qu’ils soient magnifiques, mais qu’ils se suffisent à eux-mêmes.
Ses cheveux étaient ramenés en arrière en une tresse qui s’enroulait en un chignon complexe. Incapable de tels actes, l’Impératrice se laissait coiffer par les mains expertes qui appréciaient tant le contact de sa chevelure. Trois chaînettes d’or et de cuir entremêlés entouraient sa tête en se fermant au niveau de sa nuque.
Après un bref instant de réflexion, la femelle hybride reprit sa marche dans le couloir pour se diriger vers le rez-de-chaussée. Il y avait un grand nombre de personnes à accueillir, des aspirants militaires, et si elle avait chargé le serpent Danegg de s’en charger, elle tenait à y assister discrètement. Une fois descendue la volée d’escaliers, la jeune femme ralentit sensiblement sa foulée jusqu’à s’arrêter quelques pas plus loin.

La personne arrêtée devant le parchemin lui paraissait scandaleusement familière. Elle connaissait cette personne, c’était évident, indiscutable. Très attentive, Myad l’observa, méfiante devant cette immobilité, réaction raidie devant sa découverte, peut-être. Elle inspira doucement afin d’identifier cet individu connu. Son étonnement fut tel qu’elle ne put retenir d’exprimer sa pensée à voix haute :

« Djenka ? Que viens-tu faire ici ? »

A peu près la même réaction que Yenlui, hormis l’interrogation concernant la compagne de son interlocutrice. Elle ne pensa même pas que Dark pouvait être dans le coin, la simple présence de sa congénère drow suffisant à lui paraître extrêmement périlleux.
Djenka tourna vivement la tête vers elle, confirmant son impression. Myad entendit son souffle discret, le battement lent et mesuré de son cœur. Elle savoura l’éclat extraordinaire de ses prunelles d’or une seconde, puis quitta ses yeux pour constater l’arrivée inopportune de trois magiciennes en pleine discussion.

« Suis-moi, susurra-t-elle en reculant furtivement vers l’escalier qu’elle venait de descendre. »

Elles filèrent telles des ombres à travers l’immense bâtisse, gravissant des marches et traversant des salles vides dans la plus grande discrétion. Quand Myad trouva une salle suffisamment tranquille, elle y entra et laissa l’elfe noir en faire de même. C’était une chambre très haut perchée, sous les combles ; c’était une grande pièce pour une chambre, mais modeste pour celle d’un Empereur. Lorsque Myad avait désiré l’investir, ses servantes s’en étaient beaucoup étonnées.
Le lit était rond et vaste, recouvert de fourrures, de couvertures de soie et d’oreillers de plumes. Au milieu de la pièce, il paraissait inviter n’importe qui à s’y installer, pas seulement pour les joies du sommeil ou du sexe, mais pour se détendre, se poser, discuter, réfléchir… Ou, pour une fois, ne rien faire. Deux fontaines ornaient des coins de la chambre, auréolées de lierre et de quelques fleurs soigneusement entretenues. Les étagères de pierre s’accumulaient, certaines avec vitrines de verre, d’autres semblables à des présentoirs circulaires, toutes remplies d’un mélange hétéroclite mais organisé de livres, parchemins noircis de notes, ampoules mystérieuses, bouquets séchés, bouteilles de cristal ténébreux… Le sol de marbre noir veiné de mauve valait un prix astronomique. Mais n’étant pas dépensière, et guère capricieuse, Myad n’avait trouvé personne pour se plaindre du coût d’aménagement de sa pièce personnelle. Un épais rideau de velours noir servait de mur de droite, couvrant une seconde pièce beaucoup plus grande qui servait d’extension pour Yenlui. Il y entrait en ouvrant une sorte de porte, qui composait tout le mur extérieur.
Une fois dans son petit univers, Myad se détendit. Elle adressa un sourire radieux à Djenka, qu’elle n’avait pas vu depuis trop longtemps. S’approchant d’elle d’un mouvement sinueux, la demi-elfe passa une main dans ses cheveux sombres, touchant sa joue de son nez. Ce comportement félin était rare, même chez les elfes noirs, hormis avec des personnes dignes de confiance – d’où la rareté de cette proximité. Myad n’hésitait pas à se montrer très tactile avec la drow qu’elle savait méritante, tout comme elle l’était avec Yenlui et le fut avec ses autres amis de l’Alliance.

« - Ce sont les rumeurs qui t’envoient ? supposa-t-elle. Et bien me voici. La Dame noire de l’Empire… Ou la Veuve noire, ce surnom commence à plaire à beaucoup de monde, ajouta-t-elle d’un ton ironique. »

Elle avait vu Marek il y avait de cela quelques jours, un peu plus d’une semaine. Bien entendu, il était officieusement au courant de sa fonction depuis ce jour, mais de par la nécessité du secret, il avait dû envoyer quelqu’un découvrir officiellement la nouvelle.
La jeune femme invita d’un geste Djenka à la rejoindre sur le lit, où elle-même s’assit en tailleur.

Alors qu’elle le voyait s’approcher de plus en plus, la dragonne oublia toutes ses craintes, il n’y avait aucune raison pour qu’il ait un comportement hostile envers elle, ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre était bien au-delà de ces stupides clans. Après tout, ou était le bien, le mal dans tout ça ? Les dragonniers rejoignaient différentes factions, ça ne faisait pas pour autant de leur dragons des membres. Le dragon doré était bien plus important pour elle que n’importe quelle décision politique. Et jamais ça ne changerait.

*Dark*
*Yenlui !*

Aussi vite que s’il était pourchassé par une dizaine de dragons millénaires, il vola vers elle, s’arrêtant juste à temps pour ne pas qu’ils s’embrochent l’un l’autre de leurs puissants pics. Plus heureuse qu’elle ne l’avait été ces derniers mois, la dragonne sombre le lui montra plus que nécessaire. Son museau frotta affectueusement le sien, le regard pétillant de bonheur. Après un petit coup de langue, elle le laissa s’éloigner un peu, et l’examiner, comme si elle revenait d’une guerre. Un rire reptilien s’échappa de sa gorge alors qu’elle l’observait, lui qui était presque anxieux.

*Je suis si heureux de te voir en pleine forme !*
*Que croyais-tu ? Il en faut beaucoup plus pour égratigner mes écailles ! C’est plutôt moi qui devrait être heureuse de te voir en forme, avec tout les mètres que tu as pris, ton ancienne fougue t’aurait incité à provoquer n’importe quel adversaire *

Alors qu’il demandait ou était la drow, Dark ne sut vraiment que répondre. Lui mentir ? Elle ne voulait pas, et il le sentirait bien vite. De toute manière, Djenka était plus en sécurité si Yenlui savait ce qu’elle faisait, il ne risquait pas de s’en prendre à elle inconsciemment si les choses tournaient mal.
*Elle est … Elle est en bas, dans la ville. Elle est venue éclaircir quelques rumeurs concernant le nouveau chef de l’Empire. Apparemment c’est important pour les deux pattes. Si tu veux mon avis, que ce soit un Ombre ou un sorcier, ça ne fera pas de différence dans mon estomac. Comment va Myad ? Elle est ici ? *


Alors qu’elle ne se remettait pas de sa découverte, parcourant un à un tout les comptes rendu, elle entendit son nom, prononcé avec une intonation surprise. Avec un feulement agacé, elle se retourna vivement, plongeant sa main sous sa cape à la recherche de son couteau, la panique la gagnant. Alors que ses yeux se plantèrent dans ceux de son interlocuteur glacialement, elle le reconnut enfin. Myad ! Elle allait se précipiter à sa rencontre, quand elle se souvint de l’endroit où elles étaient. Et aussi, qui elle était… Une espionne de l’Alliance face à… Et bien, le chef des Léonien. Repérée, elle se ferait tuer. Ou du moins, ils essaieraient. Gardant sa méfiance à l’arrivée de trois inconnues, elle regarda ailleurs, comme si elle attendait quelqu’un. Au signal de son amie, elle la suivit furtivement, sans trop chercher à comprendre où elle l’amenait, mais mémorisant bien le trajet, juste au cas où. Beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête, elle avait hâte de rejoindre Dark pour qu’elles puissent en discuter. Que faire ? Si tout ceci était vrai, elles ne pouvaient décidemment pas rester dans l’Alliance, alors que Myad et Yenlui étaient à la tête du Saint Empire. Quelle loyauté devaient-elles suivre ? Son amour inconditionnel pour eux, et également la protection de son futur monarque dans ce monde dangereux, ou l’Alliance, ses amis, son amant. Quoi qu’elles fassent, elles sacrifieraient beaucoup. Sa famille au pouvoir des Ombres, son amour chef de l’Alliance. Il ne manquerait plus qu’une nouvelle guerre pour couronner le tout !
Alors qu’elle tergiversait encore et encore, elles étaient arrivées là ou Myad voulait l’emmener. Ca semblait être sa chambre. Elle la reconnut dans sa sobriété et paradoxalement son élégance. L’impératrice changea complètement d’attitude une fois qu’elles furent seules, et la salua chaleureusement. Avant qu’elle ne s’éloigne, elle la prit dans ses bras, et la serra aussi fort qu’elle le pouvait. Cette nouvelle lui avait fait prendre conscience de la fragilité de la vie désormais, et se promit que quoiqu’il arrive, elle ne les abandonnerait jamais.
La raison de sa venue était si évident, que l’hybride ne fit pas mine de l’ignorer.

- Oui, je suis venue pour découvrir qui est à la tête de votre clan. Bien que je m’attendais à tout, ça je ne pouvais l’imaginer, bien que ton potentiel à gouverner ne soit pas récent.

Elle soupira, pour montrer à Myad le dilemme dans lequel elle était désormais, et vint la rejoindre sur le lit, et s’agenouilla en face d’elle.

J’espère au moins que désormais, tu ne cours aucun danger, ça serait au moins une bonne nouvelle. Je ne sais vraiment pas si je dois ou non me réjouir de la situation. Je ne m’en fais pas pour les Léoniens, mais plutôt pour les Allianceux. En cas de guerre, je sais de quoi tu es capable, et ton savoir dans ce domaine, par ton sang, dépasse celui de n’importe quel elfe ou humains.

Un sourire franc décora son visage mauve. Au final, elle était amusée de la situation, son monologue lui avait permis de voir qu’en fait, c’était vraiment désespéré.

- Joyeux tout ça au final !

Dark avait été la première dragonne, après sa mère qui avait assisté à son éclosion, à toucher Yenlui. A cette époque pas si lointaine de sa vie, le dragon était minuscule, maladroit, ses grosses pattes postérieures trop puissantes pour ses antérieurs plus minces, l’empêchant de maîtriser sa démarche. Si on ajoutait ses ailes déjà très développées à sa naissance, on comprenait la mauvaise humeur qui avait teint l’enfance du dragon d’or. Seule sa tête, sa très jolie tête triangulaire qui évoquait prestance et grâce, avait semblé réellement harmonieuse. Pourtant, même si elle avait rencontré des dragonneaux plus beaux à son âge, jamais la dragonne ne lui en avait fait la remarque. L’immense silhouette de ténèbres chaudes l’avait prise entre ses pattes, tout contre son poitrail rassurant, pour le bercer sans retenue. Elle l’avait connu si jeune, et aujourd’hui qu’il avait grandi, l’ancien bébé grognon était presque aussi grand qu’elle. Yenlui était petit pour un dragon mâle de son âge, et il le savait. Sa croissance avait d’ailleurs été très longue à démarrer, tout comme celle de Yawë.
Désormais, sa carrure n’avait rien à envier aux plus grands. Il avait toujours des postérieurs particulièrement puissants, mais ses antérieurs s’étaient développés jusqu’à s’harmoniser dans un ensemble équilibré. Ses ailes n’avaient pas continué à grandir démesurément, et aujourd’hui il avait une envergure convenable, légèrement plus grande que la moyenne. Les longs pics osseux qui ornaient son cou de cygne, hérité de sa mère mais bien plus épais que celui de ses gracieuses sœurs, et qui couraient jusqu’à sa queue, rendaient les chevauchées délicates. Cependant, il ne s’en fâchait pas, car ces pics, ainsi que la courbure de ses griffes et la couleur de ses écailles lui venaient de son père. Le père dont Arget ne lui avait jamais avoué le nom, ce qui le fâchait. Il en avait conclu qu’il était mort, ou bien qu’il l’avait faite souffrir ; dans tous les cas, le jeune mâle aimait savoir que son deuxième parent existait encore un peu à travers lui.

Dark pour sa part avait poussé comme une belle fleur, sans surprise, en poursuivant une croissance équilibrée et fascinante. Le dragon d’or aimait tout d’elle, tout simplement. Parfois, il ressentait une certaine culpabilité à l’idée qu’il s’y était plus attaché qu’à ses sœurs, mais Myad le rassurait en avançant que c’était compréhensible ; il les avait beaucoup moins connues que Dark, de par la nature de sa Dragonnière et par la suite l’engagement moindre qu’elles avaient gardé dans l’Alliance. Yenlui ne savait qu’en conclure. Si cela suffisait pour le faire moins aimer quelqu’un, quel monstre était-il ?

Quand Yenlui, réalisant brutalement un petit problème, pressa Dark de lui dire où était Djenka, celle-ci hésita à lui répondre. Le dragon la supplia du regard de ne pas lui mentir. C’était inutile, il les connaissait assez bien toutes les deux, notamment le rôle de la drow dans leur faction. Elle le pourrait néanmoins. Cela leur ferait juste perdre un temps précieux.

*Elle est … Elle est en bas, dans la ville. Elle est venue éclaircir quelques rumeurs concernant le nouveau chef de l’Empire. Apparemment c’est important pour les deux pattes. Si tu veux mon avis, que ce soit un Ombre ou un sorcier, ça ne fera pas de différence dans mon estomac. Comment va Myad ? Elle est ici ?*

Ses peurs confirmées, le dragon doré laissa échapper un long grondement d’inquiétude. Il se mit à battre nerveusement des pattes dans le vide, cherchant d’un regard désespéré vers le sol une solution miracle à cette situation périlleuse. Il ne la trouva pas et conclut sa courte réflexion par un gémissement.

*Où est-elle ?* insista-t-il. *Trouve-là, Dark, il faut que nous le sachions !*

Si Djenka ne reconnaissait pas Myad, par quelque malice du Destin, que pourrait-elle tenter de faire ?

Un peu de fumée noire fusa des naseaux palpitants du reptile légendaire alors qu’il commençait à s’énerver.

*Il ne faut pas qu’elle la trouve ! Pas comme ça, ça ne devait pas se passer comme ça !*

Soudainement envahi par les émotions de Dark, il se souvint qu’il ne lui avait rien expliqué. Il l’examina un moment, partagé entre l’envie de tout lui dire et de ne rien lui dire, craignant sa réaction, puis il céda.

*Myad ne va pas aller très bien si une Dragonnière essaie d’assassiner le nouvel Empereur. Parce que c’est elle, maintenant. C’est elle l’Empire, à présent.*

¤

Djenka rendit ses démonstrations à son amie avec un égal soulagement. Elle embaumait, son parfum typiquement drow piquant ses narines en une explosion malicieuse de senteurs empoisonnées et divines. C’était sa nature. Elle l’aimait ainsi. Malgré son éducation et certaines de ses valeurs, l’elfe noire était loin d’adhérer aux critères de l’Outreterre. Si les prêtresses de Lolth, la déesse-araignée, ne l’avaient pas tuée pour hérésie, elle aurait pu s’enfuir à la surface et embrasser un culte plus correspondant à sa nature. Le chemin que la jeune femme avait pris était légèrement différent, puisqu’elle évoluait dans un univers exclusivement humain ou Haut-elfe, et surtout parce qu’elle était Dragonnière. L’échappée de Gotêrada était le début d’une toute nouvelle vie, dont Ayahantê ne doutait pas qu’elle l’adorait.

- Oui, je suis venue pour découvrir qui est à la tête de votre clan. Bien que je m’attendais à tout, ça je ne pouvais l’imaginer, bien que ton potentiel à gouverner ne soit pas récent.

L’Impératrice sourit mais ne répondit pas. Toutes deux, ainsi que leurs dragons, avaient souvent débattu sur cette affaire. Les deux femelles étaient convaincues que Myad devait éjecter l’actuelle Reine drow pour assoir ses fesses à sa place. Les deux autres n’en étaient pas du tout persuadés. La prise de pouvoir ne l’avait jamais réellement attirée ; mais ce qui l’avait véritablement empêchée de le faire, c’était la souffrance qu’elle et le peuple à la peau sombre avaient connu l’un à cause de l’autre. Elle était dégoûtée par ce qu’ils lui avaient fait subir, et vice-versa. L’espionne s’assit confortablement sur le lit, étalant sa belle silhouette sur les fourrures sombres. Myad songea, rêveuse, que beaucoup d’hommes auraient fantasmé devant un faith de cette image.

- J’espère au moins que désormais, tu ne cours aucun danger, ça serait au moins une bonne nouvelle. Je ne sais vraiment pas si je dois ou non me réjouir de la situation. Je ne m’en fais pas pour les Léoniens, mais plutôt pour les Allianceux. En cas de guerre, je sais de quoi tu es capable, et ton savoir dans ce domaine, par ton sang, dépasse celui de n’importe quel elfe ou humains.

Elles échangèrent une grimace, ce qui résumait assez bien le sentiment général.

- Joyeux tout ça au final !
- En effet. De nouveaux dilemmes en perspective, dit-elle doucement.

La demi-drow contempla distraitement son interlocutrice, plongée dans ses pensées, avant de reprendre la parole :

- Je comptais envoyer un émissaire au siège de l’Alliance porter l’annonce de mon couronnement, et de mon désir de rencontrer officiellement le chef de votre clan en tant que nouvel Empereur, annonça-t-elle. Il semblerait que ce ne soit plus une peine à prendre.

Elle sourit de nouveau.

- Cela me donne l’occasion de te voir. C’est toujours un plaisir, malheureusement un peu trop rare…

Djenka, jeune, belle, malicieuse et terrible, était une femme tout à fait charmante qui n’avait aucun mal à se faire apprécier partout où elle allait. La preuve étant qu’un Haut-elfe, pourtant son ennemi ancestral, avait succombé complètement à son charme. Peut-être y aurait-il un jour de petits hybrides à la peau grise, ou lilas, aux yeux brillants comme des pierres précieuses et aux pupilles de chat. Myad alors ne serait plus unique, et peut-être commencerait-on à s’interroger sur la véritable couleur de sa peau. Cela ne la dérangeait pas. Au moins pouvait-elle se satisfaire qu’un drow et un elfe dans le monde, autre que ses parents, puissent tenter d’être heureux ensemble.

- Tu peux rassurer tout le monde au sujet de mes intentions guerrières. Je n’ai nullement l’intention d’attaquer qui que ce soit. Il y a beaucoup trop de choses à faire pour rendre l’Empire prospère pour que je m’ennuie à jouer à des enfantillages.

Elle avait décidé de lui dire la vérité à propos de la drow, et en voyant l’agitation de Yenlui, elle se dit qu’elle aurait peut-être du. Mais pourquoi donc réagissait-il ainsi ? Elle ne le connaissait pas si anxieux. Depuis tout petit, il était un dragon calme, serein et solitaire. Toujours très réfléchis, il ne semblait jamais concerné par les problèmes des elfes humains, sauf quand il s’agissait de Myad. Et le voila perturbé à l’idée que la drow soit ici. Djenka ne risquait rien, elle était assez habile et intelligente pour se débrouiller, surtout en terres étrangère ou elle savait qu’elle était menacée chaque seconde. Elle le regard d’un air interrogateur, le suppliant de se calmer ou de lui expliquer la raison de ses angoisses. Peut-être sa dragonnière courrait-elle réellement un danger !

*Il ne faut pas qu’elle la trouve ! Pas comme ça, ça ne devait pas se passer comme ça !*
* Yenlui calme-toi ! Qu’est-ce-qu’il se passe !*
*Myad ne va pas aller très bien si une Dragonnière essaie d’assassiner le nouvel Empereur. Parce que c’est elle, maintenant. C’est elle l’Empire, à présent.*

Choquée par les propos de son ami, elle se tut, et fixa la ville au dessous d’eux. Comment cela était-il possible ? Elle ne pouvait être à la tête de l’Empire, pas maintenant, pas comme ça. Comme tout drow, elle était sombre, très sombre, mais Dark ne la connaissait pas de cette manière. Elle la voyait tel un chaton, douce et sensible, mais puissante et furieuse si elle se sentait menacée. Voilà ce qu’était Myad. Pas l’Impératrice des Ombres. Comment allaient-ils faire pour se voir tous ? Djenka, Yenlui, Myad et elle ? Il en fallait beaucoup pour perturber un dragon, bien plus pour émouvoir Dark. Mais ce fut les larmes aux yeux qu’elle fixa Yenlui, et lui demanda :

Qu’allons-nous faire maintenant ?

Myad ne savait vraiment pas de quoi il s’agissait quand elle parlait de dilemme… C’était bien plus que ça. Une nouvelle vie, de nouveaux choix.
Rencontrer le chef de l’Alliance ? Samoth ? Oui, c’était la procédure, bien évidemment. Il était, comme nombre d’elfes, pacifique et posé, il ne serait probablement nullement surpris par la nouvelle, et s’arrangerait donc pour être en paix avec eux. Le mieux, serait une alliance plus puissante. Un mariage ou quelque chose dans le genre. Mais l’amitié était bien suffisamment garant de paix. Myad confirma ses pensées en lui assurant qu’elle ne souhaitait aucune guerre. Djenka la regarda tristement, et lui sourit :

J’ai confiance en ton jugement. Mais tu sais mieux que moi que certaines races sont plus enclines à la guerre que d’autre. Tu en fait partie, mais ce n’est pas la plus dangereuse pour ceci. Les Ombres, ont la guerre en eux, leurs intentions belliqueuses ne sont pas nouvelles. Tu es leur chef, mais s’ils se rebellent tous, par soif de sang, le conflit devra éclater. Et je ne veux plus me retrouver face à toi. Ou à Yenlui. J’espère que tu sauras garder tes hommes en paix suffisamment longtemps pour que nous ne soyons plus de ce monde, Dark et moi. Ca risque de durer des siècles tu sais !

Elle prit une nouvelle fois l’Impératrice dans ses bras, si heureuse de la revoir, même si maintenant, elle possédait un nouveau statut. Depuis qu’elle avait rejoins le Saint Empire, elles se voyaient bien trop rarement à son gout. Après tout, ça pouvait avoir du bon. Elles pouvaient peut-être se voir plus souvent. Elle peut très bien s’improviser ambassadrice de l’Alliance, et rendre de fréquente visite à Myad. Elle s’amusa de tout ça, sachant très bien que ça serait impossible.

J’en ai assez de tout ce cirque. Nous n’avons pas à nous cacher pour nous voir, ou même à vivre séparément. Chez les drows, il n’y a pas de clans. Si je décide de vous voir, je vous verrais.

Elle soupira, et continua, avec tout les sérieux dont elle pouvait faire preuve

S’il faut pour ça rejoindre ton clan, je le ferais.

Yenlui sentait la détresse de Dark l'étrangler, s'ajoutant à la sienne en un méli-mélo suffoquant. Le jeune dragon s'efforça de se calmer, détachant ses sentiments de sa réflexion en un difficile écartèlement. Il ne fit pas de différence entre ses émotions et celles de son amie, celles-ci étant si embringuées les unes dans les autres en un mélange confus qu'il était impossible de les prendre séparément ; le jeune mâle s'entreprit à découdre ses capacités de raisonnement du reste, tel un tissu complexe, avec des manœuvres patientes et prudentes. Une fois le dernier fil extrait, il se sentit immensément paisible. La boule de nerfs qu'il avait enterrée quelque part en lui ne l'ennuierait pas tout de suite ; pour le moment, il était calme. Capable. Le dragon redressa la tête, ses yeux droits et le regard clair, ses ailes battant d'un mouvement régulier.

*Qu’allons-nous faire maintenant ?*

Il l'observa intensément, plongeant dans ces prunelles d'argent l'éclat sanglant de ses propres iris. Dark était passionnée, têtue et téméraire. Elle n'aimait pas les règles et gâtait ses amis. Lui qui était devenu un dragon bien plus modéré, il se demandait parfois pourquoi il recherchait autant la compagnie d'une personne aussi différente de lui. Et puis il avait regardé sa Dragonnière, et sa réflexion avait trouvé une fin ; Yenlui était conçu pour modérer les esprits tourmentés, tout comme le jeune mâle se réchauffait à leurs auras flamboyantes. Drame que son caprice : sa vie aurait été si paisible auprès de compagnons plus sages ! Mais n'aurait-elle pas été infiniment plus ennuyeuse ? Son museau frôla le sien, le caressant d'un souffle chaud.

*Agir me semble être une bonne idée.*

Et il se mit à effectuer de longs cercles dans le ciel, s'éloignant de Dark pour l'inviter à le suivre dans sa ronde.

*Même si ces derniers temps, nous mêlons assez peu étroitement nos esprits en vue du climat au donjon, nous surveillons la position l'un de l'autre... Je sais où elle se trouve. Allons-y.*

Yenlui sentit une réaction légère et vivace à la fois de la part de Dark.

*Et si quiconque nous refuse une entrevue avec sa Magesté va pouvoir saluer ses ancêtres sur l'instant...* ricana-t-il avec une assurance implacable.

Serein ou pas, il restait une créature de légende, un fils du vent et de la magie, et les humains n'étaient rien d'autre que du bétail avec des notions d'intelligence marchant sur deux pattes. Comment pourraient-ils tenter quoi que ce soit face à lui, voire à deux d'entre eux ?
Myad était dans sa chambre... Caressant avec plus d'insistance son esprit si particulier, Yenlui ressentit une vive surprise en y découvrant des émotions inattendues. Son vol s'en ressentit, se troublant alors qu'il ralentissait et que ses ailes effectuaient des mouvements irréguliers. Presque aussitôt, il se reprit, avant de piquer vers le sol en laissant échapper un rugissement qui ressemblait à un rire - empli de soulagement.

*Que le Hasard fait bien les choses, parfois !"

Il fila jusqu'à sa petite demeure, annulant momentanément les sorts de protection et de camouflage pour le laisser passer, avec Dark à sa suite. Le dragon avait remarqué le tintamarre de trompettes effrayées, plus les flèches timides qui avaient accueilli son amie, cependant une immobilité silencieuse s'était installée avant qu'il n'ait eu à intervenir. Yenlui n'avait de comptes à personne de par son rang social - ajoutez à cela que, comme remarqué tout à l'heure, aucun homme dans Dras Leona n'avait envie de lui chercher des noises. Si, en plus, on imaginait la réaction de l'Impératrice le jour où un freluquet porterait atteinte à son compagnon adoré, cela expliquait la confiance outrageante de Yenlui dans son pouvoir de décision.

*Enfant, je suis là - nous sommes là.*

Il écarta l'épais rideau qui séparait sa "grotte" - pièce aménagée pour l'accueillir très confortablement, décorée de miroirs et de pierres précieuses en un arc-en-ciel éternel - et approcha sa tête de ces deux êtres tendres et frétillants d'émotions qui semblaient les attendre.

¤

Pendant ce temps, leurs deux Dragonnières respectives - toutes deux officiellement ennemies, officieusement amies - avaient une discussion des plus sérieuses. Elle était néanmoins dénuée de la moindre once d'agressivité, ni l'espionne aguerrie ni l'Impératrice ne ressentant de malaise. Leur devoir n'était ici que vague, optionnel, lointain et désespérément creux.

- J’ai confiance en ton jugement.
- Ce n'est pas le cas de tout le monde, dit-elle doucement, sans reproche ni flatterie - en une simple constatation.
- Mais tu sais mieux que moi que certaines races sont plus enclines à la guerre que d’autre. Tu en fait partie, mais ce n’est pas la plus dangereuse pour ceci. Les Ombres, ont la guerre en eux, leurs intentions belliqueuses ne sont pas nouvelles. Tu es leur chef, mais s’ils se rebellent tous, par soif de sang, le conflit devra éclater. Et je ne veux plus me retrouver face à toi. Ou à Yenlui.

Le visage de l'Impératrice s'assombrit alors qu'elle tournait la tête de côté. Le rideau de ses cheveux noirs coula le long de son épaule en un mouvement lent ; la lumière, amputée par des rideaux qui étaient restés à demi posés, mordait sa peau de son éclat blanchâtre. Elle ne fit pas de commentaire mais ce simple geste de refus, de repli sur elle-même était éloquent.

- J’espère que tu sauras garder tes hommes en paix suffisamment longtemps pour que nous ne soyons plus de ce monde, Dark et moi. Ca risque de durer des siècles tu sais !
- Qui sera détruit en premier, Djenka S'Amicia ? soupira-t-elle en se laissant prendre entre ses bras frais. Nous sommes nés pour toujours, dit-on. Toi et moi qui sommes elfes, Dragonniers de surcroît, notre existence n'exige pas d'être achevée. Nous sommes comme le ciel et la terre, avec l'éternité pour nous affronter...

Elle passait le nez derrière ses oreilles froides, appréciant la douceur parfumée de sa peau, la caresse de sa chevelure. Son corps musculeux vibrait à l'instar d'une panthère somnolente, puissance apaisée.

- ... Et pourtant la vie est précaire pour nous, acteurs du présent, victimes du futur.

Les deux femmes s'étreignirent un moment, en silence, savourant le simple et rare plaisir d'être ensemble. Myad se souvenait qu'en tant qu'héritière de sang du royaume d'origine de Djenka, elle pouvait la forcer à la rejoindre en l’assujettissant à cette autorité diabolique dont les Reines drow avaient le secret. Ce n'avait jamais été sa volonté. Si des hommes, des femmes de valeur rejoignaient sa cause en lui jurant loyauté, elle voulait que ce soit de leur propre initiative, car aucune magie ne peut donner plus grande valeur à un engagement que le libre-arbitre.

- J’en ai assez de tout ce cirque. Nous n’avons pas à nous cacher pour nous voir, ou même à vivre séparément. Chez les drows, il n’y a pas de clans. Si je décide de vous voir, je vous verrais.

Myad émit un ricanement bref.

- En effet, il n'y a que de vieilles familles constamment occupées à se quereller pour un peu de pouvoir supplémentaire, ironisa-t-elle en souriant.

- S’il faut pour ça rejoindre ton clan, je le ferais.

Cette déclaration totalement inattendue fit disparaître le sourire de son interlocutrice, qui se figea en l'observant avec une intensité brûlante.

- Djenka... commença-t-elle d'un ton lent, neutre.

Elle ne savait que dire, peut-être parce que c'était une confession que jamais elle n'aurait attendue de sa part.

- Que me proposes-tu de si terrible que ce sacrifice te priverait de presque tout ce que tu aimes ? (son regard ne cillait pas.) Une femme amoureuse et comblée d'amis fuirait-elle son bonheur pour le caprice d'une autorité dépassée ?

La présence de Yenlui l'envahit brutalement, comme une évidence, à présent qu'il était trop proche pour que leur distance polie ne les cache l'un de l'autre. Elle tourna vivement la tête vers lui, la demi-drow tendant les mains pour accueillir son énorme tête. Il la toucha presque avec pudeur, frottant un peu son museau contre son corps avant de saluer Djenka en la touchant à son tour de ses écailles brûlantes.

*Enfant des ténèbres, votre visite impromptue nous aura causé des sueurs froides ! Mais je suis heureux de vous retrouver. L'or de tes yeux est plus beau que celui que je porte. Dark peut être fière.*

Myad, elle, cherchait des yeux Dark qu'elle avait déjà touchée de son âme, celle-ci dans une étreinte beaucoup plus fougueuse. Sa joie de la revoir n'avait pas besoin de mot ; elle ouvrit les bras pour essayer de la caresser.

Agir. Oui, Yenlui avait raison, mais comment ? L'action pouvait résoudre les problèmes aussi bien que les engendrer. Et désormais, la situation était bien trop délicate pour agir de manière impulsive. Les dragons étaient réputés pour être de puissantes créatures dotées d'une intelligences et d'un calme inégalé. Oui, mais c'était sans compter ces fichus deux pattes qui chamboulaient tout dans leur vie. Elle venait d'apprendre que les deux bipèdes qu'elle aimait le plus étaient en grand danger, et ennemis. Comment agir posément ? Mais Yenlui semblait prendre la situation bien plus posément, et entraina Dark vers la cité. Aveugle de confiance, elle le suivit vers cet endroit qui pouvait lui être fatal si son identité était révélée. Mais elle ne s'en préoccupa nullement, après tout, son ami était la seule personne présente à Dras Leona capable de lui tenir tête. Il lui précisa que malgré le manque de fusion d'esprit, il savait où elle se trouvait. La dragonne sombre brulait d'envie de se mêler à celui de Djenka, mais avait bien trop peur de la faire repérer en ces lieux. Si elle était en danger, elle le sentirait, c'était tout ce qui importait. Alors qu'ils approchaient des frontières de la ville, elle grogna discrètement, sentant l'aura maléfique qui semblait s'étendre de la ville.

*Et si quiconque nous refuse une entrevue avec sa Magesté va pouvoir saluer ses ancêtres sur l'instant...*
* Après tout, qui oserait dire non à deux dragons tels que nous * - répondit Dark, rassurée par le pouvoir de Yenlui sur les hommes de la ville

Et il est vrai, qu'ils étaient sacrément impressionnant tout deux, volant vers le plus important bâtiment de la ville. Ils n'étaient pas bien âgés, mais restait d'immenses créatures, et malgré les temps nouveaux, ils n'existait pas beaucoup de dragons en Alagaesia, une dizaines liés à des dragonniers, peut-être plus. En rencontrer un restait un phénomène extraordinaire.
Cependant, leur magnifique aspect légendaire ne sembla guère faire d'effet aux garde de la ville, qui annoncèrent l'entrée d'un nouveau dragon d'une timide salve de flèches qui ricocha contre ses écailles sombres. Elle se posa à côté de Yenlui dans ce qui semblait être sa demeure, et amusée par la situation poussa un rugissement fier à leur adresse. Le scintillant dragon Impérial ne pouvait pas recevoir de belles dragonne à sa tanière peut-être ?
Alors qu'elle suivit Yenlui dans l'immense salle, l'esprit de Djenka la submergea soudainement avec un immense sentiment de bonheur. Elle était ici ! Elle trottina à la suite du dragon d'or, et pénétra également dans la seconde pière, ou elle découvrit agréable la présence de Myad. Elle ronronna à la vue des deux drows, et Djenka se redressa pour saisir son museau et lui déposer un doux baiser entre les naseaux. Dark se retourna alors vers sa vieille amie, et comme à son habitude, fourra son museau dans son cou, soufflant son air chaud de ses naseaux, qui soulevèrent légèrement les cheveux sombre de l'Impératrice

* L'Impératrice des Léoniens restera pour moi le petit être à protéger avant tout. Je suis heureuse de te revoir, tu m'as manqué*

¤¤¤

Toujours aussi calme et réfléchie, Myad prit la révélation de la drow au sérieux, se doutant que ce n'était guère une bonne plaisanterie. Djenka n'avait aucune envie de se séparer de tout le monde, mais il serait plus douloureux pour elle de rester au sein de l'Alliance, que de rejoindre Myad. Elle savait qu'elle pourrait continuer à voir les personnes qu'elle désirait, alors que l'Impératrice ne pouvait se permettre de rencontre amicale avec les Allianceux, elle y compris. Et malgré sa personnalité étrange pour les sombres elfes, elle gardait tout de même leur éducation et valeur, et avait autant sa place dans un clan, que dans l'autre. Sombre personne, possédant beaucoup d'amour. Voila ce qu'elle était. L'Alliance et le Saint-Empire lui convenaient. Mais depuis qu'elle avait rejoins l'Alliance, elle ne connaissait que son côté inactif. Alors que les Léoniens semblaient plus avides de pouvoir. Même si pour cela, il faudrait cohabiter avec d'anciens ennemis mortels.

- Que me proposes-tu de si terrible que ce sacrifice te priverait de presque tout ce que tu aimes ? (son regard ne cillait pas.) Une femme amoureuse et comblée d'amis fuirait-elle son bonheur pour le caprice d'une autorité dépassée ?

Elle soupira, sachant que Myad ne se laisserait pas faire facilement, bien trop altruiste pour refuser ce qu'elle considérait comme un sacrifice. Elle s'appreta à lui répondre, lorsqu'un rugissement se fit entendre dans la pièce à côtée, cachée par un rideau. Dark. Elle l'aurait reconnu parmis des milliers. Comment avait-elle pu oublier de la prévenir qu'elle était en sécurité ?! Se plongeant dans son esprit sauvage, elle l'etreingnit mentalement. Elle vit ensuite Yenlui soulever le rideau et pénétrer dans la pièce, saluant sa dragonnière, et venant ensuite à sa rencontre. Elle l'avait connu en petit reptile doré, muet et fuyant toute compagnie, et le voila puissant dragon, chaleureux et doux. Elle le prit également dans ses bras, même s'il était plus discret concernant ses émotions, la drow ne s'en préoccupa guère, simplement heureuse de le voir

*Enfant des ténèbres, votre visite impromptue nous aura causé des sueurs froides ! Mais je suis heureux de vous retrouver. L'or de tes yeux est plus beau que celui que je porte. Dark peut être fière.*
- Navrée pour la surprise, mais sache que ca en fut une pour nous également. Et je te remercie, mais sache que tout l'or du monde n'égalera jamais la beauté de tes écailles, prince des cieux

Elle se retourna ensuite vers Dark, et en quelques secondes, elle sut qu'elle était tout aussi perturbée qu'elle par le nouveau statut de leur ami, et qu'elle pensait comme sa dragonnière. Elle regarda alors le couple Impérial avec grand sérieux, et répondit à ce qu'avait dit Myad avant l'arrivée des dragons.

- Pour répondre à tes inquiétudes, saches que mes relations avec les Allianceux ne changeraient guère si je suis à tes côtés. Samoth ne participe pas aux guerres, je ne le trouverai jamais sur le champs de bataille, et l'Alagaesia est bien assez vaste pour trouver un coin tranquille où se voir, avec n'importe qui. Sauf avec toi, une Impératrice et son compagnon ne peuvent disparaitre facilement.Vous rejoindre n'est pas un sacrifice, mais une solution
* De plus, ce clan est fait pour nous. Une elfe noire, et un dragon anciennement sauvage. Vous savoir tout les jours en sécurité est la chose que nous désirons plus que tout*

Durant quelques délicieuses secondes, ils ne furent qu'étreintes, compliments, affection et apaisement. Myad prit entre ses mains la gueule énorme, hérissée de piquants et bosselée par d'épaisses écailles de Dark ; ses doigt apprécièrent l'épaisseur de sa mâchoire, la tension de ses muscles puissants, la vibration de sa respiration, la dilatation de ses naseaux quand elle expirait. Elle était vivante - cette simple constatation la plongeait dans une étonnante félicité, comme si ce fait seul suffisait à résoudre tous ses problèmes. Les deux femelles avaient conservé des liens très forts, à rendre jaloux leurs compagnons - qui ne l'avaient cependant jamais été, accoutumés qu'ils étaient à cette amitié exceptionnelle.

* L'Impératrice des Léoniens restera pour moi le petit être à protéger avant tout. Je suis heureuse de te revoir, tu m'as manqué*
*Il n'y a que Yenlui et toi pour m'appeler ainsi* s'amusa tendrement Myad. *C'est exactement ce que je ressens quand vous veillez sur moi. A présent que vous êtes tous les deux là, je suis en paix.*

Djenka s'était redressée pour accueillir les deux immenses reptiles, eux qui semblaient faire étouffer la chambre pourtant de grande taille, rien qu'en y avançant leur avant-main. Ses pupilles de chat se dilataient en des mouvements furtifs dès que la lumière les effleurait - quelle beauté assassine que celle des elfes noirs, douce et brûlante comme un poison mortel.

- Navrée pour la surprise, mais sache que ca en fut une pour nous également. Et je te remercie, mais sache que tout l'or du monde n'égalera jamais la beauté de tes écailles, prince des cieux.

Yenlui inclina la tête en un remerciement respectueux. Il avait beaucoup changé depuis son enfance, passant d'un démon insupportable à un grand sage. Etait-ce uniquement du à la propre Ere de Myad, son caractère influencé par la tendance bénéfique ou maléfique de sa Dragonnière ? Celle-ci en doutait. Un dragonneau d'Arget, dragonne obscure, et de quelque prestigieux dragon d'or (s'il n'avait pas été un ennemi, pourquoi Arget aurait-elle caché son identité jusqu'à son fils même ?) ne pouvait qu'être ambivalent. Le jeune mâle était un mystère original, avec son port de tête gracieux et ses pattes musclées et puissantes. Malgré cela, il restait plutôt modeste. Il n'hésitait pas, par exemple, à montrer son respect à ses pairs.

*Ainsi, leur intrusion assassine deviendrait recrutement ?* interrogea-t-il sa Dragonnière, troublé et prudent.
*Il semblerait. Dark ne semble pas surprise ; je suppose que c'est une idée qu'elles ont eu ensemble.*
*Cela semble... Irréel. J'ai du mal à l'accepter* admit le dragon véritablement sidéré.
*Et pourtant, nous allons le faire. Cette réalité-ci a l'air très déterminée.*

En effet, lorsque l'espionne de l'Alliance et sa compagne à écailles se tournèrent vers elles, elles ne laissaient aucun doute sur leurs intentions.

- Pour répondre à tes inquiétudes, saches que mes relations avec les Allianceux ne changeraient guère si je suis à tes côtés. Samoth ne participe pas aux guerres, je ne le trouverai jamais sur le champs de bataille, et l'Alagaesia est bien assez vaste pour trouver un coin tranquille où se voir, avec n'importe qui. Sauf avec toi, une Impératrice et son compagnon ne peuvent disparaitre facilement.Vous rejoindre n'est pas un sacrifice, mais une solution
* De plus, ce clan est fait pour nous. Une elfe noire, et un dragon anciennement sauvage. Vous savoir tout les jours en sécurité est la chose que nous désirons plus que tout*

*Vous avez conscience* commença Yenlui, *que si vous nous rejoignez, vous devrez oublier tous les secrets et emplacements concernant l'Alliance, et plus encore, jurer fidélité et honneur à l'Empire ? C'est là un engagement difficile à assumer. Il vous faudra laisser de coté d'éventuels préjugés, accepter des moeurs nouvelles, le travail avec d'anciens ennemis...*

Il eut un grognement qui ressemblait à un rire.

*Enfin, pour ce qui est des moeurs, je ne pense pas qu'une elfe noire et une dragonne sauvage auront beaucoup de difficultés à s'y faire.*

Ayahantê sourit à son tour, non sans conserver son sérieux :

- C'est à moi, et à moi exclusivement, que vous auriez à rendre des comptes, mais je suppose que cela ne vous dérange pas. Cela ne veut pas dire que vous n'auriez pas à faire semblant d'écouter les militaires, aristocrates et autres organisations humaines. C'est d'ailleurs de personnes comme vous dont un Empereur a besoin. Ce n'est pas l'Alliance ma plus venimeuse ennemie. Les araignées les plus dangereuses, celles qui s'affament en attendant ma chute sur leur toile, sont ici.

Elle se faufila jusqu'à Djenka, s'agenouillant devant elle pour l'examiner un long moment. Les prunelles d'or pur ne cillèrent pas, dépourvues de peur ou d'agressivité alors qu'elles se laissaient toiser par le flamboiement des iris adverses. Après un examen de quelques secondes, Myad cligna des yeux pour signifier que son observation était terminée.

*Nous serions heureux de vous accueillir à nos côtés dans l'Empire* conclut Yenlui.

- Quand comptez-nous nous rejoindre ? demanda l'Impératrice. Il me semble préférable que vous rentriez terminer votre mission et régler vos dernières affaires. Cela me laissera également le temps de préparer votre arrivée. Qu'en dites-vous ?

Cette décision semblait si soudaine qu'elle pouvait paraitre irréfléchie. En réalité, autant l'une que l'autre, elles étaient faites pour l'action, principalement la guerre Leur nature sauvage et amoureuse du combat ne supportait pas l'actuelle passivité de l'Alliance, qui durait depuis bien trop longtemps. Elle semblait ne plus rien représenter, ne défendre aucuns principes. Malgré l'âme sombre des Léoniens, ils agissaient. Leur méthode n'était peut-être pas toujours la meilleure, mais avec une nouvelle Impératrice, les choses changeraient probablement. Ce n'était pas la soif du pouvoir qui les attiraient, mais celle de l'ordre. Ici, elles seraient dans leur élément. Ils comprendraient, Djenka en était certaine.

*Bien sur qu'ils comprendront. L'amour va au-delà des opinions politiques*
* Comment peux tu en être certaine ? Tu es dans l'Alliance depuis ton arrivée en Alagaesia *
* J'ai quitté mon clan pour me lier à une elfe noire, chose qu'ils tentaient d'éviter depuis ma naissance. Et pourtant, je suis toujours une des leurs. Ne t'en fais pas, tout ira bien*

La drow ne répondit pas, acquiesçant simplement d'un hochement de tête. Elle oubliait parfois qu'elle n'était pas Dark depuis sa naissance, qu'elle avait du quitter les siens et traverser le Royaume seule, toute jeune, pour la retrouver, sans le savoir.La dragonne était courageuse, et suivait son instinct. Djenka était fière d'être liée à une créature si merveilleuse. Et puis, elles seraient plus puissante à leurs côtés. Dark s'approcha délicatement de la petite tête colorée de sa dragonnière, frottant doucement ses naseaux contre son visage. Elles pensaient à la même chose. Une nouvelle aventure, une nouvelle vie, de nouveaux défis. Ensemble. Elles étaient capables de tout, conquérir l'Alagaesia entière s'il le fallait. Mais leurs ambitions étaient plus modestes. La dragonne retourna son tête vers Yenlui lorsqu'il s'adressa à elles.

*Vous avez conscience que si vous nous rejoignez,
vous devrez oublier tous les secrets et emplacements concernant
l'Alliance, et plus encore, jurer fidélité et honneur à l'Empire ? C'est
là un engagement difficile à assumer. Il vous faudra laisser de coté
d'éventuels préjugés, accepter des moeurs nouvelles, le travail avec
d'anciens ennemis...Enfin, pour ce qui est des moeurs, je ne pense pas qu'une elfe noire et
une dragonne sauvage auront beaucoup de difficultés à s'y faire.*
* Nous sommes libres de tout. En quittant notre clan, nous acceptons que ca fait partie du passé, le futur sera donc tout autre. Et au niveau des préjugés, nous en avons suffisamment souffert pour ne pas être assez stupide de faire de même*
- Nous savons ce que ce changement implique, et nous le feront.
* Il faudra juste empêcher Djenka de finir le travail concernant son Ombre préféré*
- Après, il est vrai que nous ne serons peut-être pas très bien reçue par les tiens...

Un étrange sourire se dessina sur la gueule écailleuse du reptile sombre, imaginant Seardwin et Djenka coopérant, alors qu'ils avaient par deux fois tentés de s'entretuer. Oui, sur ça aussi ils allait falloir travailler. L'impératric leur expliqua ensuite qu'elles ne devaient avoir allégeance qu'à elle seule, et comment elles devraient se comporter. Le changement avec leur rôle actuel d'espionne. S'adapter, être discrète mais efficace. La protéger était ce qu'elles pouvaient faire de mieux, et surtout mieux que tout le monde. Pour une tueuse, il n'y avait rien de mieux. Myad se rapproche d'elle, et planta ses beaux iris dans ceux de la drow. Elle se laissa faire, se demandant si c'était réellement utile, son amie pouvait sonder ses pensées s'il le fallait, elle se laisserait faire. Même si c'était évident qu'elle lui serait loyale, à tout prix. Quand ce fut fini, Yenlui leur annonça qu'ils étaient heureux de les accueillir

- Quand comptez-nous nous rejoindre ? demanda l'Impératrice. Il me
semble préférable que vous rentriez terminer votre mission et régler vos
dernières affaires. Cela me laissera également le temps de préparer
votre arrivée. Qu'en dites-vous ?
- En effet, il nous faut rentrer une dernière fois pour finir ça. Ça sera rapide, mais néanmoins nécessaire.
* Je volerais plus vite que le vent quand ça sera terminé *
- Et à notre retour, bien que ça ne soit pas nécessaire, nous te jurerons fidélité.

Pour Dark, toutes ces promesses ne valaient rien. Après tout, un dragon ne doit fidélité à personne, et est libre de tout. Mais là, c'était différent. Avec un doux grognement, elle vint effleurer la gueule de Yenlui. Ils seraient plus proche que jamais, et alliés. Elle espérait que cette nouvelle situation ne changerait rien entre eux. après tout, quiconque se dresse entre Dark et ses désirs finirait dans son estomac.

- Et je vais peut-être devoir également aller chez les drows entre temps, ou peu après. Je pense qu'en m'engageant auprès de toi, ma chère Reine sera ravie.

* Nous sommes libres de tout. En quittant notre clan, nous acceptons que ca fait partie du passé, le futur sera donc tout autre. Et au niveau des préjugés, nous en avons suffisamment souffert pour ne pas être assez stupide de faire de même*
- Nous savons ce que ce changement implique, et nous le feront.

Yenlui comme Myad étaient satisfaits de ce qu'ils entendaient ; notamment parce qu'ils appréciaient le pragmatisme de leurs amies, dans un moment où une témérité naïve serait mal venue. Il fallait que la Dragonnière et sa dragonne mesurent à leur valeur exacte le prix de ce qu'elles allaient perdre - puis gagner. Certains, même de bonne foi, étaient prêts à n'importe quoi pour amasser des troupes nombreuses. L'Impératrice préférait ne pas se situer dans une position de demande, plutôt d'offre, où l'on se décarcasserait pour l'honneur d'être engagé dans une faction et non en s'amoncelant dans un tas d'anonymes présents par défaut. L'armée léonienne avait eu tendance à suivre la mauvaise politique. Myad déplorait qu'il faille refaire toute l'éducation d'une tristement nombreuse partie de ses soldats... Mais elle ne douta pas qu'une fois instruits et convaincus d'être plus puissants, personne n'oserait se moquer de cette armée.

* Il faudra juste empêcher Djenka de finir le travail concernant son Ombre préféré*
- Après, il est vrai que nous ne serons peut-être pas très bien reçue par les tiens...

Un sourire équivoque fut échangé par les deux femmes, à la fois menace pour l'Ombre, à la fois signe de détente. Elles savaient toutes deux qu'au cours d'une existence, surtout aussi longue que les leurs, elles seraient amenées à s'allier avec des ennemis autrefois jurés... Myad en était un exemple éloquent. Qui aurait dit que l'ambassadrice de l'Alliance se retrouverait maîtresse de ceux qu'elle combattait autrefois avec autant de fougue ? Djenka possédait un sang-froid exceptionnel, et toute la rancune du monde pouvait l'habiter qu'elle saurait le cacher derrière un gentil sourire. La princesse drow ne craignait pas sa perte de contrôle. Si quelqu'un dérangeait réellement la femelle, cela ne durerait qu'un temps : car ce gêneur disparaîtrait d'une façon ou d'une autre, par accident ou fatalité ou par un pauvre bougre manipulé, sans qu'on pusse ni ne pense jamais à l'accuser. Dark en tant que dragonne n'aurait pas autant de problème d'adaptation, étant donné que les créatures les plus fantastiques de l'Alagaesia étaient traitées avec une déférence semblable dans les clans différents.
Lorsque l'Impératrice leur suggéra un prompt retour pour annoncer et préparer leur départ, ses amies n'allèrent pas à l'encontre de son idée.

- En effet, il nous faut rentrer une dernière fois pour finir ça. Ça sera rapide, mais néanmoins nécessaire.
* Je volerais plus vite que le vent quand ça sera terminé *
- Et à notre retour, bien que ça ne soit pas nécessaire, nous te jurerons fidélité.

Yenlui se redressa légèrement pour approcher sa gueule énorme de celle, non moins impressionnante, de sa comparse reptilienne. Il tâchait de contrôler son enthousiasme, le bonheur qu'il ressentait après cette nouvelle inattendue pour ne pas inonder l'esprit de sa Dragonnière de papillons de joie. Celle-ci ressentait néanmoins ses émotions qui, s'ajoutant aux siennes, lui donnaient envie de chanter, de danser et de rire aux éclats en bondissant à travers la pièce. Imaginer cette scène l'amusa beaucoup, surtout quant elle imagina la réaction de ses consoeurs, mais elle se contenta de sourire avec malice.

- Et je vais peut-être devoir également aller chez les drows entre temps, ou peu après. Je pense qu'en m'engageant auprès de toi, ma chère Reine sera ravie.

Myad se leva d'une poussée, quittant le lit confortable pour gagner une commode dont les placards étaient de verre fumé. Une fois ouverts, les panneaux dévoilèrent trois verres à pied de cristal, dont le pied ressemblait à la tige d'une rose dont les feuilles étaient des plumes d'aigle, et les épines figurées par des griffes, des cornes et des os brisés. Cinq bouteilles de matériaux, formes et tailles différentes y étaient proprement rangées elles aussi.

- Nyara est jeune et elle est orgueilleuse. Son inexpérience et sa confiance démesurée en elle viendront à bout d'elle avant la prochaine décade (elle déboucha la plus petite bouteille, en grès, incrustée en son contour de neuf petits rubis). Le règne le plus court, le plus inutile de toute l'histoire des elfes noirs, conclut-elle en riant, glaciale.

Elle versa le liquide dans deux verres, qui s'assombrirent d'un vert ténébreux, épais. Le soleil jouait avec la boisson, lui donnant des airs vivants, comme un coeur liquéfié qui se serait mis à palpiter nerveusement dans sa prison transparente.

- Néanmoins, ce ne sera ni toi ni Dark qui la ferez tomber. Tout d'abord parce que ce serait la pire façon de vous réintroduire dans le monde politique drow ; la maison de Djenka a été détruite, elle n'est donc plus qu'une aristocrate déchue. On va chercher à vous adopter. Il est vrai qu'un nom de famille, une Mère matrone pour la guider et la protéger lui permettrait d'évoluer en sécurité et en profondeur dans ce monde hostile. Mais cela vous obligerait à obéir à tout, cela rendrait la Reine folle de rage, enfin vous devriez tuer toutes les autres filles de la Maison pour prendre leur place. Restez assujetties à la Reine, et à mon père en tant qu'ancienne élève, c'est le minimum obligatoire, et le maximum conseillé.

L'Impératrice revint vers Djenka à qui elle offrit un verre. Cette boisson, qu'elle avait eu beaucoup de mal à trouver, venait d'Outreterre ; un alcool très fort en goût qui donnait une sensation d'invincibilité - une impression seulement - à qui en buvait un peu trop.

- Vous avez raison de retourner à Goterada. Si j'en avais le temps... J'irais avec vous.

Plusieurs raisons l'y poussaient : outre sa haine pour Nyara, la volonté d'asseoir son père - de manière détournée - sur le trône, c'était une nostalgie de sang. Myad parlait le drow avant de savoir ce que c'était. Elle aimait l'Outreterre qu'il lui tardait d'explorer un jour. Mais...

- Ce sera pour une autre fois, ajouta-t-elle avec une moue déçue. Il me faut un événement suffisamment important pour justifier l'intrusion de l'Arme qui a rasé les deux autres cités. Parallèlement, l'Empire a besoin de moi en ce moment.

Elle but, ferma les yeux pour savourer le goût explosif, sauvage, pernicieux et fascinant de son breuvage.