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Cold fire [PV Kellran]

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Myad


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Cold fire [PV Kellran] Vide

Myad
Message Sujet: Cold fire [PV Kellran] | Mar 13 Déc 2011 - 20:30


Quand M’Syth Yanth Arec S’Dämoo alias Myad, Impératrice du Saint-Empire Léonien et fille du prince Athor de l’Outreterre, disait quelque chose, on avait tendance à l’écouter avec beaucoup d’attention. Outre l’abondance de ses titres, qui n’étaient pas tous cités ici, cette personne savait captiver son auditoire, en partie par le contenu de ses discours, mais aussi et surtout de par son aura particulière. Il était en effet difficile de l’ignorer pour se mettre à discuter avec son voisin des vendanges prochaines alors que Sa Magesté était dans la même pièce. Personne n’avait encore essayé. Il faut dire qu’il y avait quelque chose d’un peu masochiste à tenter le Diable aussi délibérément, sachant le sort de tous ceux qui n’avaient pas su, pu ou voulu l’écouter avec assez d’attention.
Myad n’élevait jamais la voix. Cette femme parlait de façon égale, modulant sa portée selon la taille de la pièce ou le nombre de personnes présentes. Elle avait des tonalités douces, mélodieuses, fermes et froides, malgré l’exotique chaleur qui enroulait ses phrases en une pointe d’un mystérieux accent. Ses « conseillers » – disons les nobles qu’elle acceptait de rassembler autour d’elle de temps en temps – aimaient son appréhension réaliste et logique de la réalité, son indestructible détermination, son calme inébranlable. Ils appréciaient bien moins le mépris subtil qu’elle semblait leur vouer, eux pourtant au-dessus de la masse, cette masse avec laquelle l’Impératrice semblait les confondre sans nul scrupule. On osait parfois pinailler avec elle, comme on s’agite nerveusement devant un ours en espérant qu’il soit assez dégoûté par une viande douteuse pour ne pas y goûter ; on se taisait souvent. De toute façon, les moins bêtes de ces conseilles savaient très bien que Myad ne les convoquait que par une ironique politesse. Si cela avait dépendu d’elle, l’elfe aurait sans doute choisi son entourage à la manière de sa Garde personnelle, c'est-à-dire au mérite, à l’intelligence et à la loyauté. Et cela ne l’aurait pas empêché de prendre toutes les mesures qu’elle désirait, car personne n’ignorait qu’Elle était l’Empire, et si Elle décidait quelque chose, ils n’avaient d’autre choix que de lui obéir. Car telle serait la volonté du pays, sans concession ni exception.
Jusqu’ici, l’Impératrice avait laissé les Ombres dans leur coin, se contentant d’envoyer des messagers leur annoncer les nouvelles qui les concernait directement – mais en omettant de les convoquer pour leur demander leur avis sur son programme politique. Comme la septuagénaire devait parfois le rappeler, « les Ombres dépendent de l’Empire, et cette dépendance est unilatérale. » En d’autres termes, ces messieurs dames n’avaient pas leur mot à dire dans la politique impériale, et s’ils avaient quelque protestation à lui communiquer, elle leur rappellerait leur qualité d’option. Myad ne s’appuyait pas sur les Ombres pour défendre son pays, même si elle se disait ouverte à recevoir les preuves de leur engagement, de leur combat pour leur patrie. Jusqu’ici, les sorciers n’avaient pas osé venir lui dire à quel point ils s’étaient démenés pour l’Empire, peut-être parce qu’à la bataille de Dras Leona, aucun d’entre eux n’avait été présent. La défaite, cuisante, était encore fraîche, ainsi que l’énorme cicatrice qui arborait Sa Magesté depuis ce fameux jour.

Lorsqu’on avait piteusement annoncé à Myad qu’un de ces déserteurs avait refait surface, sous couvert d’une nouvelle apparence et sans démentir l’annonce de sa mort, celle-ci n’avait pas semblé prête à changer d’avis. Au contraire.
Le gradé – pourtant aguerri aux situations délicates – qui s’était chargé de renseigner l’Impératrice sur le retour d’Arkillon avait mis un certain temps à se remettre de leur entrevue. Il faut dire que la Dame noire avait été très en colère – d’une colère froide, tranchante, vibrante comme une lame affûtée par un couperet de glace.

L’entretien en lui-même avait été bref. Après lui avoir donné rendez-vous dans le bureau le plus proche, dont ils avaient vérifié les protections de confidentialité (matérielles pour lui, magiques pour elle), Myad s’y était installée, le fessier appuyé sur le bord du beau bureau de bois de rose. Son interlocuteur hésita, semblant attendre qu’elle s’assoie et l’invite à faire de même, mais elle n’en fit rien. Cela ne lui dit rien qui vaille et il s’éclaircit la gorge pour commencer quand même.

« Comme je viens de vous l’annoncer, Votre Seigneurie, Arkillon Keritel a redonné signe de vie. »

Elle cligna des yeux, sans doute pour lui faire signe qu’elle avait entendu, en l’invitant à continuer. Déconcerté par un comportement si peu humain, l’homme se demanda s’il ne connaîtrait pas le sort funeste des corbeaux porteurs de trop mauvaises nouvelles.

« Il a été vu il y a deux jours, à Teirm. Il faisait nuit, mais ce n’est pas cela qui a rendu l’identification difficile. Il a complètement changé d’apparence, ma Dame. »

De nouveau, ce clignement d’œil, accompagné d’un imperceptible durcissement de son expression.

« Il porte les cheveux châtains et des yeux bleus. Nous ignorons la raison de cette modification de son apparence. La plus probable serait le camouflage, cependant, quel aurait été dans ce cas l’intérêt de se dévoiler au soldat qui l’a invectivé ?
- Se dévoiler, hum ? l’interrompit-elle. Auriez-vous l’obligeance d’être plus précis, Morienk ? »

Morienk se raidit sous le regard glacial qui le transperça. Il n’avait pas le droit à l’erreur.

« Le Seigneur Arkillon a reconnu le soldat comme quelqu’un qu’il connaissait déjà, et auquel il aurait offert un présent. »

Un sourire dénué d’humanité naquit sur le visage de l’Impératrice, luisant de cynisme.

« Toujours aussi généreux avec les plus démunis. »

La tension, palpable, faisait balbutier le rythme cardiaque de l’être humain. Il continua néanmoins.

« Le soldat n’a pas cru qu’il était ce qu’il avançait, à cause de son apparence, bien entendu. Le Seigneur Arkillon s’est alors révélé en prouvant indiscutablement son identité, de par l’usage de son langage fétiche notamment.
- Etait-il seul ? demanda l’elfe hybride en fronçant les sourcils.
- Il semblerait que non, ma Dame. »

Morienk n’osa continuer, franchement partagé quant au comportement à adopter. Son silence accentua la courbe des sourcils de l’Impératrice, rendant son visage réellement terrifiant alors que les iris de serpent se mirent à flamboyer d’un éclat meurtrier.

« Vous feriez mieux d’être sûr de vous, car les faux-semblants ont tendance à me déranger. Allez droit au but ou c’est droit dans le mur que vous vous dirigerez.
- Bien, bien, ma Dame, s’étrangla-t-il. »

Quand il prit une inspiration pour reprendre son calme, Morienk était persuadé que ce serait bientôt la dernière.

« Il était avec une femme, révéla-t-il, sa voix réduite à un murmure.
- Quel genre de femme ? demanda-t-elle, toujours de sa voix froide et calme.
- Nous pensons qu’il s’agit… (il croisa son regard) C’était une courtisane. »

Les rares personnes qui avaient été mises au courant du retour d’Arkillon avaient soigneusement conservé leur secret, en tâchant de rendre cette découverte la plus confidentielle possible. En effet, il était publiquement reconnu que l’Impératrice et l’Ombre avaient eu une relation très proche. A l’annonce de sa disparition, et de sa mort supposée, on avait déduit que l’Impératrice serait, à l’instar de ses prédécesseurs, seule sur le trône. Le retour d’Arkillon posait de nombreux problèmes – ou pas du tout. En vérité, tout dépendait de la réaction de Myad.
Mais quelque chose soufflait à Morienk qu’elle n’allait pas être très bonne.

Après un bref moment de silence, durant lequel Myad continua de darder de son regard implacable l’homme face à elle, l’Impératrice hocha la tête, se détacha du bureau et le contourna pour s’asseoir de l’autre côté. Ses mouvements, gracieux, ne se déparaient pas d’une certaine menace, aussi le militaire resta-t-il sur ses gardes.

« Je suppose que vous avez perdu sa trace. »

Il hocha la tête. Elle ne parut pas surprise.

« Avait-il l’air en bonne santé ? »

Question inattendue.

« Ne vous inquiétez pas, dit-il sans réfléchir, il avait l’air tout à fait en forme. »

Morienk regretta aussitôt ses paroles, mais il était trop tard pour les ravaler. L’éclair qui jaillit dans sa direction l’aveugla une fraction de seconde avant qu’il ne le transperce de part en part. La douleur le fit tressaillir, bondissements saccadés alors qu’il essayait vainement de se dégager – des milliers d’aiguilles furieuses s’enfonçaient dans son corps tout entier dans un vacarme assourdissant, au milieu duquel il distinguait ses propres cris.
Quand il retomba sur ses pieds, l’homme s’affaissa lourdement sur le sol.
Le monde tournait autour de lui alors qu’il essayait de reprendre le contrôle de sa chair, qui ne lui répondait plus. Il crut voir deux pieds, chaussés de chaussures de très belle facture, en partie recouverts d’un tissu d’un vert profond.

« Je ne suis pas votre belle-sœur. Vous avez tort si vous tendez à l’imaginer. »

Sa voix, serpente, cruelle annonçait sa condamnation. Il l’entendait clairement, aussi clairement qu’il sentait le poids de son propre corps paralysé sur le sol de pierre.

« Si Arkillon Keritel a feint la mort en mer afin d’échapper à ses devoirs, puis revendiqué sa nouvelle existence après des mois de silence, nous devons considérer qu’il a rejeté l’Empire en tant que gouvernance, ri de sa protection, ignoré l’assistance qu’il lui devait. Aujourd’hui, le Sieur Keritel n’est plus seigneur que par le souvenir. Il ne sera plus reconnu en tant que membre de l’Empire tant que je ne l’aurai pas personnellement réhabilité, si jamais j’y suis amenée. Je veux que l’on annonce publiquement le déni de toute action commanditée par un Ombre répondant à sa description et à ce nom, en invitant les Léoniens à faire de même. Son comportement est déloyal, et comment punit-on la trahison dans l’Empire ? »

Morienk dut se contenter de regarder l’Impératrice, ultime autorité du pays qu’il chérissait, s’accroupir pour plonger dans les siens ses yeux monstrueux.

« En théorie, par la mort, dit-elle presque gaiement. Et en pratique, par la mort. On peut épargner la mort physique à ceux qui sont trop puissants pour être exécutés sommairement, mais il y a d’autres amputations qui, heureusement, peuvent aussi être distribuées. »

Elle se leva, disparaissant de son champ de vision.

« Que je ne vous revoie pas de sitôt aussi incompétent. »

Le soir même, on réquisitionnait tous les crieurs de Dras Leona pour leur faire passer un message impérial. Des missives furent envoyées dans les autres capitales, ainsi que dans les villes de moindre ampleur, pour relayer la nouvelle.
Certains rirent de cette femme bafouée, dont l’amant s’était fait passer pour mort avant de revenir guilleret au bras d’une donzelle de bas lignage. D’autres frémirent pour le premier, voire pour la deuxième. Certaines compatissaient. L’ensemble, attentif, attendait la suite des événements.
Arkillon était invité à se présenter – sous le nom qu’il voulait, si tant est qu’il en eut un nouveau – à Dras Leona, au bastion impérial. Le grand débat du moment se résumait en deux questions : irait-il ? et surtout, ensuite, que se passerait-il ?...

Myad était elle-même en train de se poser la question. Et ses réponses avaient une température négative.

Alors qu'elle déambulait dans l'un de ses bureaux, le plus grand et le plus beau – qui ressemblait plus à une salle d'armes croisée avec une bibliothèque – d'un pas vif et silencieux, une présence toute proche fit ralentir le flux de ses pensées. Cette présence était tierce ; deux hommes et un elfe. Un elfe ? Voilà qui était pour la surprendre ! Il ne pouvait pas tomber plus mal, au vu de son humeur – quoique, songea-t-elle avec ironie, ne dit-on pas que le mauvais est toujours chassé par le pire ? Néanmoins, il lui fallait l'accueillir. Ayant ordonné qu'on détecte et lui amenât dans le calme tous les elfes passant par Dras Leona – et si possible dans l'Empire, même si elle savait cela irréalisable – l'Impératrice allait pouvoir obtenir son premier entretien avec l'un des sujets d'Ellenwen. C'était son but ; trouver un ambassadeur quelconque pour transmettre la nouvelle de sa nomination, ses salutations, et sa volonté de venir la voir en tant que chef de gouvernement. Jusqu'ici, les elfes s'étaient fait trop discrets.
On frappa à la porte, son auquel Myad répondit par un murmure. Celle-ci s'ouvrit, invitation on ne peut plus claire à entrer.

Humant discrètement et curieusement l'inconnu, Myad confirma son pressentiment : elle ne le connaissait pas. C'était un homme, de bien belle facture, même pour un elfe, dont le regard direct et intelligent n'avait pas l'air très à l'aise. Etonannt !

« Merci, dit-elle d'un ton distrait aux hommes qui l'accompagnaient. Vous pouvez retourner à vos postes. »

Ils la saluèrent et partirent sans demander leur reste. L'Impératrice vit qu'ils ne l'avaient pas menotté.

« Détends-toi, pour l'instant, tu es mon invité. Quel est ton nom ? Et que viens-tu faire dans l'Empire par ces temps douteux ? »

Le ton n'était pas spécialement aimable, mais Myad n'était plus énervée. Cette distraction allait lui permettre de s'aérer un peu l'esprit avec des problèmes moins épineux que les fantasques incohérences d'Arkillon.
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Kellran


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Cold fire [PV Kellran] Vide

Kellran
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Mar 13 Déc 2011 - 22:04


Les rues de Dras-Leona étaient telles que se rappelait Kellran. En apparence du moins. Ou plutôt, en ambiance. Les bâtiments avaient changé, les visages aussi, mais l'ambiance était restée la même. Une chape de plomb semblait peser sur la ville, faite de tristesse, de peur, de crime, de sang. Il y avait aussi de la joie, une petite part de bonheur qui survivait comme la plante au cœur du désert, subsistant tant bien que mal, rabougrie et desséchée. La cathédrale noire se dressait toujours, menaçante, élevant haut ses tours en célébration de la montagne diabolique, Hellgrind, le lieu qui avait servi de refuge aux Ra'zacs par le passé. L'Elfe médita quelques instants sur ce rappel de l'histoire, qui avait eu lieu bien avant, à l'époque du héros Eragon et de sa puissante dragonne Saphira. Son regard brun ambré scintilla brièvement puis s'éteignit, de nouveau caché sous le capuchon d'un manteau couleur terre. Le Fils du Soleil avait l'habitude d'employer la magie pour donner à ses oreilles une apparence humaine, mais il ne pouvait rien faire pour le reste de son corps, chargé de la grâce et de la force elfiques, que venait rehausser son expérience d'escrimeur. Un sourire étira les traits du Dragonnier : décidément, il détestait les villes où le nouvel Empire avait installé sa domination. Etait-ce un hasard ? Une prémonition ? Malheureusement pour lui, s'il voulait en savoir plus sur cet Empire et ceux qui le composaient, il n'avait d'autre choix que de visiter ces cités peu recommandables en quête d'informations. Il haussa des épaules et s'enfonça dans une rue parallèle, bousculant au passage un homme qui ne le remarqua même pas, tout occupé qu'il était à fuir désespérément quelque chose que Kellran ne vit que l'instant d'après. Un groupe de malfaiteurs crasseux bloquait le chemin, arborant sans complexe un arsenal disparate de masses, de dagues et d'épées si mal entretenues que les poils de l'Elfe se hérissèrent ; lui, forgeron de métier depuis son plus jeune âge, ne pouvait pas supporter qu'on traite si mal une création d'un collègue.
- Hey, le mystérieux. C'serait pas toi Arkillon, par hasard ?
Etonné, Kellran mit un certain temps à réagir à cette question dont il ne comprenait rien. Arkillon ? Étonnamment, ce nom lui disait quelque chose, bien qu'il ne se rappelle plus du tout où il avait pu l'entendre. Et il n'eut pas le temps d'y réfléchir qu'une haleine de vin lui irrita les narines, soufflée par la bouche édentée de celui qui devait être le chef de cette belle bande de cogneurs.
- T'as perdu ta langue capuchon ? P'tet que j'ai pas bien demandé ? Seigneuuuuur Arkillon ?
Le groupe éclata de rire, doublant l'étonnement de l'Elfe qui ne comprenait vraiment rien à cette discussion. Il décida donc d'en savoir plus, et pour cela, il connaissait une méthode rapide et efficace...
D'un coup de genou bien placé, il obligea « haleine de vin » à se plier en deux, avant de l'assommer du plat de la main sur la nuque. Tout se joua en une seconde à peine. Un instant, ils riaient tous de ce qui semblait être une bonne plaisanterie, et l'instant d'après, leurs armes commençaient à se dresser, menaçantes.
- Pas de réactions irréfléchies. J'aimerais juste comprendre les âneries que vous me déblatérez depuis que je suis arrivé. Alors, un volontaire ?
Les malfrats se regardèrent comme si Kellran leur avait parlé une autre langue. Ce dernier, qui avait vécu des situations semblables un nombre incalculable de fois, réagit avant même que les criminels, humains et donc légèrement trop lents, aient eu le temps de se dire qu'ils devaient continuer à attaquer. Ses poings cueillirent deux hommes sous le menton, les envoyant rejoindre leur chef dans le monde des assommés, puis d'une rotation, il faucha les jambes d'un troisième qui s'effondra à ses pieds. Les autres détalèrent sans demander leur reste, le courage né de la boisson n'ayant pas résisté à la vue de la moitié de leur groupe vaincu sans même se servir d'une arme quelconque. Kellran soupira et s'accroupit à côté de l'homme qu'il avait fait chuter, en lui parlant d'une voix qui se voulait douce mais ferme :
- Qui est Arkillon ? Que lui voulez-vous ?
Tremblant de la tête au pied, l'homme tendit une main en direction du mur derrière Kellran. Celui-ci avisa alors pour la première fois une affiche, collée au mur à l'aide d'une mixture brunâtre qui laissait des coulures jaunes sur la paroi extérieure. Sur l'affiche, le dénommé Arkillon Keritel était invité à se faire connaître au bastion impérial de Dras-Leona, qu'il porte ce nom ou un autre. Un nouveau soupir s'échappa de la bouche de l'Elfe. Peut-être avait-il inconsciemment lu une de ces affiches lors de ses déambulations, et cela lui faisait maintenant penser qu'il avait déjà entendu ce nom quelque part ? Mais Kellran en doutait. Il retourna près de sa victime et lui colla l'affiche sous le nez.
- Que peux-tu me dire sur lui ?
Mais seul le silence lui répondit, car le malfrat s'était évanoui. Pourtant, Kellran n'avait rien fait d'extraordinaire. Avec un juron peu digne du « calme » elfique, le Fils du Soleil retourna dans la rue principale et intercepta plusieurs passants, leur posant des questions sur Arkillon et les raisons de sa recherche. Certains riaient en lui répondant, d'autres semblaient inquiets, ce qui aurait pu inquiéter sérieusement Kellran s'il avait eu quelques années de moins. Mais au final, il rassembla assez d'informations pour se faire une idée globale de la situation. Arkillon était l'amant de l'impératrice, et avait feint la mort pour échapper à son statut, mais aujourd'hui, il avait reparu et, d'après les rumeurs, en charmante compagnie. L'impératrice, furieuse, avait donc décidé de le convoquer. Et pas pour le féliciter, si Kellran voyait juste. L'histoire était tellement burlesque que l'Elfe se surprit à se retenir d'éclater de rire. Que l'impératrice, celle qui dirigeait le Saint-Empire Léonien, puisse se faire si aisément avoir par celui qui avait partagé sa couche, cela avait de quoi faire chuter la cote de terreur du régime, non ?

Le Fils du Soleil s'attabla au comptoir d'une taverne, après avoir commandé une bière, et fouilla du regard la salle sombre qui s'ouvrait derrière lui. Il y avait peu de clients à cette heure de la journée, et les rares conversations se faisaient à voix basse. Mais Kellran n'était pas venu là pour entendre une quelconque rumeur. Il but une gorgée de sa bière, préférant ne pas penser au goût amer qu'elle lui laissait dans la gorge, et se laissa dériver dans ses souvenirs. Le plus récent concernait Equina, qui avait retrouvé le chemin de leur ancienne maison commune, et qui était apparue en piteux état, juchée sur le dos de Faral, son fidèle étalon. Heureusement que le Dragonnier n'était pas parti en voyage ce jour là, sans quoi il ne savait pas ce qui aurait pu arriver à son ex-femme. Il se surprit à sourire en repensant à l'inquiétude de Faral, mais surtout à la joie qui brillait dans les yeux d'Equina lorsqu'elle avait vu son premier mari. Ce fut comme un baume pour le cœur meurtri du Dragonnier.
Le grincement de la porte tira Kellran de ses souvenirs. Deux soldats portant la tenue officielle de la cité entrèrent, leur attirail faisant un vacarme invraisemblable tandis qu'ils s'installaient à la gauche de l'Elfe, dont le capuchon était maintenant rabaissé, dévoilant une crinière de cheveux dorés qui lui tombaient jusqu'aux épaules. Il détailla les deux gardes et acquiesça discrètement, convenant qu'ils étaient exactement les personnes qu'il lui fallait pour avancer dans son enquête. D'un mot d'ancien langage à peine prononcé, il dissipa l'enchantement qui dissimulait ses oreilles d'Elfe, puis attendit. Il savait que l'impératrice avait ordonné la capture de tout Elfe rencontré sur ses terres, pour un « interrogatoire », et comptait bien en profiter pour avoir un petit entretien avec celle qui dirigeait désormais une bonne partie de l'Alagaësia occidentale.
Il ne fallut pas longtemps pour qu'un des gardes pose son regard sur son voisin de comptoir et ne remarque les oreilles pointues. Il se leva alors de son tabouret et dégaina son épée, imité peu après par son compagnon.
- Au nom de l'impératrice, Elfe, vous êtes en état d'arrestation !
Feignant l'étonnement, Kellran termina son verre et haussa un sourcil interrogateur.
- Pardon ?
Le garde lui posa la lame de l'épée sur la gorge et grogna, une lueur d'appréhension faisant briller ses yeux lorsqu'il répéta :
- Vous allez être conduit devant l'impératrice, immédiatement ! Veuillez nous suivre.
On lui enleva ses poignards, sans qu'il affiche une quelconque résistance, puis il sortit dans la rue, encadré par ses deux « guides » qui le menèrent tout droit au bastion impérial de la cité, où l'attendait celle qu'il voulait rencontrer.

Le bureau, vaste et rempli d'objets divers, semblait pouvoir contenir assez de matériel pour s'occuper durant dix vies. Il y avait assez d'ouvrages pour attiser la curiosité de Kellran, féru de lecture, et des armes en quantité, certaines purement décoratives, d'autres indéniablement prêtes à être maniées au combat. Au centre, la table de travail de l'impératrice occupait un espace insignifiant en comparaison. Mais Kellran se désintéressa bien vite des objets pour se focaliser sur leur propriétaire. Indéniablement, elle était d'une grande beauté et possédait un charisme flamboyant qui, ajouté à son charme, lui permettait sans doute d'obtenir la soumission de n'importe quel mâle. Le visage de l'Elfe, en tout cas, n'exprimait pas ses pensées pour le moment, mais plutôt une inquiétude extrêmement bien imitée. L'impératrice renvoya les deux gardes puis demanda à son « invité » de se détendre, avant de lui poser une question qui fit disparaître toute trace d'inquiétude feinte chez Kellran.
- Pardonnez-moi. Je voulais que vos hommes croient qu'ils m'avaient effrayé, sans quoi ils n'auraient certainement pas osé m'amener ici « de force ».
Il cligna des yeux et sourit, provoquant délibérément son interlocutrice qui ne devait pas s'attendre à un tel comportement. Son regard parcourut une nouvelle fois le bureau, avant de tomber sur la fenêtre, d'où on pouvait observer le panorama de la cité.
- J'espère seulement que je pourrai récupérer mes armes en temps voulu. Je serais très mécontent de devoir les reprendre moi-même, voyez-vous ?
Il soupira mélodramatiquement avant de se rendre compte que l'impératrice lui avait posé des questions. Il haussa alors des épaules :
- Je m'appelle Kellran Anàrion. Un simple touriste.
Il chassa ces paroles d'une main en souriant de plus belle, comme si elles n'avaient aucune importance et rétorqua :
- Que me vaut l'intérêt de la légendaire impératrice ? Sans vouloir être indiscret, bien sûr.
Son ton effronté et son regard malicieux faisaient rapidement comprendre qu'être indiscret était le cadet de ses soucis.
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Myad


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Cold fire [PV Kellran] Vide

Myad
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Jeu 15 Déc 2011 - 21:56


L'elfe avait l'air relativement jeune, car plutôt insolent. Les elfes avaient en effet une tendance élevée à l'orgueil et au mépris, quelle que soit leur couleur de peau d'ailleurs, mais les anciens étaient, eux, très forts pour le cacher. Cela donnait aux plus jeunes un air arrogant facilement désagréable pour qui se retrouvait analysé, toisé, catalogué. Dans le cas de l'Impératrice, elle n'avait rien à redire à l'oeillade critique dont elle fit l'objet, puisqu'elle-même venait d'observer d'une façon également chirurgicale son interlocuteur. C'était ainsi, ils étaient tous deux méprisants, moqueurs et pas du tout impressionnés, à un détail près, malgré ses petits 70 ans, Myad était pour une fois plus discrète que lui.
Voilà une pensée qui aurait bien fait rire Yenlui.

- Pardonnez-moi. Je voulais que vos hommes croient qu'ils m'avaient effrayé, sans quoi ils n'auraient certainement pas osé m'amener ici « de force ».
- Comme c'est gentil de ta part, roucoula Myad avec un enthousiasme moqueur.

Ils échangèrent un sourire courtois, tout ce qu'il y avait de plus suave et de charmant. Cependant on pouvait clairement y lire un autre message. Les prunelles rouge sang étincelèrent, son regard à présent aiguisé d'intérêt et d'attention.

- J'espère seulement que je pourrai récupérer mes armes en temps voulu. Je serais très mécontent de devoir les reprendre moi-même, voyez-vous ?

Elle hocha lentement la tête, l'air très sérieux, dans une mimique un tout petit peu exagérée de la compassion et de la compréhension. Etant donné le jeu auquel avait commencé à se livrer son nouvel ami, il ne manquerait pas de le remarquer, et c'était bien ça son but.

- Je m'appelle Kellran Anàrion. Un simple touriste.
- On me nomme Myad. Banale Impératrice.

L'elfe eut un geste nonchalant, comme pour annoncer qu'il passait aux choses sérieuses. Ce faisant, il tourna légèrement la tête, et la lumière s'accrocha presque violemment à ses longs cheveux blonds. Myad connaissait la beauté inhumaine de ses congénères, néanmoins la douceur et l'épaisseur de sa chevelure, devait-elle reconnaître, aurait fait des jalouses même auprès des leurs. De façon globale, le même constat s'imposait. Il était gracieux, plein d'assurance et de charme, et son odeur piquante retenait l'attention. Au moins ce ne serait pas lui qui contredirait le nom de Beau Peuple.

- Que me vaut l'intérêt de la légendaire impératrice ? Sans vouloir être indiscret, bien sûr.

Elle rit doucement, sans moquerie cette fois, juste amusée.

- En vérité, guère plus d'intérêt qu'un humain pour le moment, avoua-t-elle d'un ton paisible. J'ai demandé à recevoir tous les elfes qui pourraient être identifiés comme tels dans Dras Leona, au cas où je pourrais établir un contact à travers eux jusqu'à votre Reine. Il est en effet difficile de vous envoyer des émissaires sans être certain qu'ils arriveront (et repartiront) de destination. N'est-ce pas ?

Cette question n'appelant pas de réponse, elle continua :

- Je souhaiterais qu'Ellenwen apprenne qui a reprit les rênes de l'Empire de la voix des siens, qui l'aurait ouï de la mienne, et non un quelconque réseau mal intentionné. De plus, j'aimerais lui demander une entrevue, pour un jour prochain. Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas vues - du moins, en terrain neutre...

Le souvenir de l'elfe, qui n'avait pas deux bras et deux jambes la dernière fois qu'elle l'avait aperçue, la rendit rêveuse.

- ... Et elle m'a promis une invitation, ajouta-t-elle doucement, avant d'embrayer en reprenant un ton plus ferme et sérieux : saurais -tu faire cela ?
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Kellran


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Cold fire [PV Kellran] Vide

Kellran
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Ven 16 Déc 2011 - 18:42


Kellran ressentit un brusque élan d'excitation mêlée de nostalgie. Il était habituel que ses interlocuteurs, en entendant ses discours, ne se sentent choqués, énervés, ennuyés parfois ou carrément étonnés, comme s'il parlait une langue étrangère. Et de fait, c'était le but des agissements de l'Elfe : perturber l'autre pour l'affaiblir, le faire sortir de ses gonds, le piéger, gratter la surface pour mieux voir ce qui se cachait en dessous. Subtil. Sauf qu'il n'en était pas ainsi avec l'impératrice. Celle-ci, à la grande consternation – dissimulée, bien évidemment – de Kellran, répondait à ses taquineries par des taquineries de même niveau, à tel point qu'ils ressemblaient aux reflets d'un même personnage mental, entraîné à trouver la faille chez un individu en le poussant dans ses retranchements. Le Fils du Soleil aurait du s'en douter, vu que la dénommée Myad était réputée pour ses talents politiques, de diplomate et de négociatrice. L'Elfe se sentait donc nostalgique, car de toutes ses connaissances en Alagaësia, seules trois personnes avaient le don de répondre du tac au tac face à lui : Equina, sa première femme ; Ellenwen, sa première et meilleure amie, qu'il lui tardait de revoir après toutes ces années loin du pays ; et Lilie, sa deuxième femme, la seule à avoir su faire chavirer son cœur avec tant de force qu'il était revenu du « royaume » des esprits tourmentés en combattant sa personnalité destructrice. Myad lui faisait penser à un mélange de ces trois femmes, ce qui n'allait pas l'aider à se concentrer. Pourtant, lorsque l'impératrice prit la parole, il n'eut aucun mal à tourner son attention vers elle et à l'écouter avec sérieux, bien que son visage affichât toujours une façade innocente, un poil moqueuse, avec un brin de dédain amusé. Son esprit tournait à plein régime, il ne ratait pas une miette de la conversation, et réagit lorsque le nom d'Ellenwen tombât sur le tapis. Il baissa la tête, cachant les traits de son visage derrière les mèches de sa chevelure mi-longue, qui s'était imperceptiblement assombrie comme si elle désirait se fondre dans des ténèbres pour l'instant absentes.
- Je n'ai pas bien compris...
Il rassembla les paroles de la souveraine et les classa par ordre d'importance, le nom d'Ellenwen clairement en tête de liste. Pourquoi désirait-elle annoncer son accession au trône de l'Empire à Ellenwen en particulier ? Quelle était cette histoire d'entrevue à programmer ? Et puis, transmettre des messages par émissaires interposés, il s'agissait d'une technique qui s'appliquait de souverain à souverain, et pas...
Soudain, Kellran entrevit une hypothèse qui le fit chanceler. Depuis son retour, il avait entrepris de retrouver d'abord son ex-femme la plus récente – Lilie – bien que le destin en décidât autrement en amenant Equina jusqu'au seuil de sa maison, en piteux état, mais vivante et heureuse de le voir de retour. Ellenwen était la personne suivante sur sa liste des amis à retrouver, aussi n'avait-il pas encore mené son enquête. Il savait qu'elle était vivante, car imaginer une Ellenwen morte lui était tout bonnement impensable. Il ne connaissait, et ne connaîtrait sans doute jamais, d'Elfe plus puissante et solide qu'elle. Mais si ses dernières suppositions s'avéraient exactes, Ellenwen ne s'était pas contentée de rester en vie pendant qu'il « vagabondait » hors d'Alagaësia.

Décidé à vérifier son hypothèse, il releva la tête et fixa son interlocutrice dans les yeux – son regard couleur ambré n'ayant aucun mal à soutenir les prunelles couleur vermeille de sa royale compatriote.
- Lorsque j'ai quitté l'Alagaësia, mes semblables ne décapitaient pas encore la tête d'émissaires animés de bonnes intentions, lança-t-il, se souciant peu d'annoncer qu'il avait passé un bon moment hors des frontières du pays qui l'avait vu naître et devenir ce qu'il était.
- Dois-je comprendre que la reine Islanzadi a changé de position diplomatique ?
Il ne pouvait pas croire la possibilité qui germait dans son esprit. Bien sûr, il n'avait jamais tissé de lien avec la reine des Elfes, ayant préféré vivre en bordure de la forêt, loin d'Ellesméra et des autres Elfes, lui qui avait été éduqué en grande partie par des Urgals et dont les manières s'approchaient plus des Nains ou des Humains que de ses compatriotes. Malgré tout, croire qu'Islanzadi ait pu, d'une manière ou d'une autre, transmettre le trône de Du Weldenvarden était difficile à concevoir. D'autant plus au profit d'Ellenwen, qui – au souvenir de Kellran – n'était pas en très bons termes avec sa reine. L'esprit du Fils du Soleil dériva : il ne voyait que trois solutions possibles au remplacement d'Islanzadi en temps que reine ; la prise de pouvoir par la force, la mort naturelle ou la transmission du trône par décision. Kellran imaginait mal Islanzadi transmettre ses fonctions si elle était apte à les assumer, à moins qu'elle ne se soit plus sentie à la hauteur de sa tâche. Une prise de pouvoir par la force était à exclure si Ellenwen en était la bénéficiaire. Il était possible qu'Islanzadi soit morte des mains d'un assassin, mais Kellran en doutait. Seule la mort naturelle pouvait expliquer cela de manière rationnelle.

Un faible soupir sortit de la bouche de l'Elfe ; il était inutile de se perdre en conjectures, alors que Myad ne tarderait sûrement pas à confirmer ses soupçons. Il ramena son attention sur la souveraine et constata que sa question provoquait une réaction chez elle. Il attendit donc qu'elle lui réponde et laissa de nouveau son esprit dériver, s'attardant cette fois en détail sur l'apparence physique de l'impératrice. Bien qu'elle soit en bien des points semblable aux femmes Elfes qu'il connaissait, elle en était intrinsèquement éloignée de bien d'autres façons. D'une part, en regardant plus attentivement sa peau, il constata que les nuances dorées ne ressemblaient à aucune autre. Il ne s'en étonna pas longtemps, étant lui-même un Elfe à part, né dans les montagnes de la Crête au sein d'une peuplade solitaire nommée les Elfes Gris, des êtres dont l'esprit fusionnait avec un animal-totem. Kellran se rappela sa jeunesse ; il était alors une particularité même chez son peuple, car il avait hérité à la naissance de deux animaux-totem au lieu d'un : le loup et le faucon. Lorsqu'il s'était mué en esprit destructeur, après avoir appris qu'Equina le quittait pour un autre, il avait gagné le pseudonyme de Whedon, le Sanglant, car il affectionnait alors de provoquer des conflits destructeurs entre les différentes factions d'Alagaësia. Un instant, Kellran se demanda si Myad ne venait pas du même peuple que lui, mais délaissa bien vite cette possibilité. Il était le dernier représentant de son peuple, lui qui les avait vu mourir lors d'une attaque orchestrée par un Dragonnier jaloux et un Magicien assoiffé de pouvoir. Son regard parcourut la chevelure de l'impératrice, d'un noir profond qui donnait presque envie de s'y plonger comme on se sent mystérieusement attiré par l'idée de sauter dans le vide lorsqu'on se trouve au bord d'un précipice. Ce désir insidieux et dangereux l'engourdit l'espace d'une demi-seconde puis disparut tout aussi vite, laissant place à une clarté d'esprit nouvelle qui le ramena à nouveau à la réalité. Il n'était pas là pour faire le portrait de la femme la plus puissante du nouvel Empire, mais pour obtenir des réponses à ses questions. Réponse qui, il n'en doutait pas, allait arriver et bouleverser ses opinions à tout jamais.


Dernière édition par Kellran le Dim 22 Jan 2012 - 9:56, édité 2 fois
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Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Jeu 22 Déc 2011 - 12:21


A la mention d'Ellenwen, l'elfe se troubla imperceptiblement, comme le mineur émergeant du boyau de la terre ébloui par le soleil. La reine des elfes lui était-elle étrangère, ou pire que cela, une ennemie ?

*Ce serait bien ma veine.*

Les rayons timides de ce doux après-midi caressaient sa chevelure en s'y mêlant dans une étreinte chatoyante. Les étincelles or, cuivre et blanc dansaient autour de sa tête en un chatoiement naïf. Le Beau Peuple aimait la nature et celle-ci le lui rendait bien. Il n'y avait que deux créatures qu'elle mettait si artistiquement en valeur, c'étaient eux et les dragons. Les autres étaient comme délaissés, auréolés avec maladresse, condamnés à l'ignorance, à la laideur. C'était une injustice que parfois la terre-mère tâchait de racheter ; en faisant surgir du néant un humain plus doué que ses pais, en donnant à un animal une intelligence exceptionnelle, en confiant à un nain le droit de devenir Dragonnier... Pour se faire pardonner de ses rares cruautés, la nature faisait parfois preuve d'une inébranlable détermination.
Pour l'instant, ils étaient entre exceptions, c'est à dire des êtres divinement beaux, merveilleusement capables et condamnés au malheur. Du côté de Myad, du moins ; celle-ci ayant remarqué le coût amer qu'on lui faisait payer pour avoir le droit d'exister.

- Je n'ai pas bien compris...

L'Impératrice resta silencieuse. C'était sa réaction la plus commune, et celle qui dérangeait le plus les humains.
Les êtres avaient coutume de s'exprimer dans le but d'obtenir une réponse de leur interlocuteur, que ce soit une réaction non-verbale ou une émission de termes porteurs d'un message articulé. Les elfes étaient très peu expressifs, d'où l'aura mystérieuse qui semblait envelopper leurs moindres faits et gestes, et beaucoup moins loquaces que les nains. Économes de leurs mots, ils avaient cependant la politesse de s'adapter à leur interlocuteur. Les elfes noirs avaient tendance à être plus volubiles que leurs autres congénères, babillant volontiers dans le plaisir sadique de saouler leur victime de suaves paroles, ou jouant un rôle qui les amusait. Ayahantê, croisement imprévu de deux races à la fois opposées et jumelles, adoptait quant à elle un comportement assez atypique pour déranger jusqu'aux siens.
Elle ne répondait pas toujours aux questions que l'on lui posait, même si elle en avait la réponse, et même si la donner ne la dérangeait pas. Ses silences avaient des saveurs multiples ; froids, piquants, menaçants ou curieux, compatissants et attentifs ou encore mélancoliques, tels des sables mouvants d'un gris triste, qui inviteraient à s'y laisser mourir. Les humains étaient très gênés par ce blocage de la communication, alors qu'il s'agissait la plupart du temps d'une invitation à poursuivre, approfondir, ou au contraire s'arrêter. Myad était économe de ses paroles, ce qui ne voulait pas dire qu'elle était avare d'écoute. Tout ce qui se disait, se faisait était perçu, puis analysé, et enfin mémorisé.
Dans le cas présent, la femelle hybride invita Kellran, par son mutisme, à continuer dans l'interrogation ou à lui offrir des renseignements. A la fois question et réponse. Elle attendait.

- Lorsque j'ai quitté l'Alagaësia, mes semblables ne décapitaient pas encore la tête d'émissaires animés de bonnes intentions.

Ce renseignement alerta l'attention de l'Impératrice, qui resta cependant immuable. Ce n'était pas commun comme voyage : rares étaient ceux qui se risquaient au-delà de l'Alagaësia, cet univers à la fois immense et restreint qui tenait lieu de monde clos. La grande majorité s'en contentait. Les héros qui s'y aventuraient étaient des personnes très puissantes qui avaient reçu de profondes blessures. Le portrait qu'elle avait fait de l'elfe se modula doucement, prenant l'éclat ténébreux de ces êtres d'exception qui construisaient, plus ou moins volontairement, et comme ils le désiraient, sur les bases d'hier le monde de demain.

- Dois-je comprendre que la reine Islanzadi a changé de position diplomatique ?

Cette fois, Myad daigna répondre à sa question.

- Tu n'es revenu des Terres Lointaines qu'il y a peu de temps, n'est-ce pas ?

Ce n'était pas une question. Les iris flamboyants examinèrent Kellran pendant quelques autres instants, la tête penchée en une expression de curiosité presque enfantine.

- Islanzadi n'est plus. Une nouvelle Reine a été couronnée, et comme tu dois t'en douter d'après mes précédents propos, il s'agit d'Ellenwen.

Se détachant de son bureau tel un rapace qui prend son envol, d'un mouvement délicat et assuré, la septuagénaire s'avança de quatre pas vers le mâle inconnu avant de s'arrêter.

- Le temps n'attend personne, Kellran Anàrion. Pas même ses acteurs les plus impressionnants, ceux qui par leur seul présence font frémir ses fondations propres.

Cet homme, fraîchement revenu d'un ailleurs qu'elle ne connaissait pas, n'était pas n'importe qui. Non seulement de par sa nature, mais aussi de par son histoire. Si Myad n'en savait qu'un grain de poussière, minuscule prise dans le désert de sa mémoire, c'était un échantillon qui ne la trompait pas.
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Kellran


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Kellran
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Jeu 22 Déc 2011 - 14:33


La suite de la conversation allait confirmer que les dons de déduction de l’Elfe n’avaient pas faibli au cours de toutes ces années loin des réflexions politiques, des négociations et des enquêtes vécues lorsqu’il faisait partie des Vardens, puis lorsqu’il eut rejoint l’Alliance. Ainsi, Ellenwen, sa plus vieille amie, celle qui l’avait formé à ses débuts et qui l’avait présenté à Equina, était désormais la reine des Elfes. La reine d’Ellesméra, maîtresse incontestée de Du Weldenvarden. Sa reine…
C’en fut trop pour le Fils du Soleil, qui afficha un sourire irrépressible avant d’éclater d’un rire cristallin propre à sa race. Il imaginait Ellenwen sur le trône d’Ellesméra, poussant les intrigues politiques à son paroxysme, parlant habilement ou sermonnant vertement. Le plus amusant était qu’elle avait le profil parfait pour ce rôle. Quant à savoir si elle avait apprécié cette passation de pouvoir, rien n’était moins sûr. Il fallut une longue minute à Kellran pour retrouver sa contenance et stopper le rire qui lui contractait les côtes. Cela permit à Myad d’admirer l’un des talents les plus étranges et effrayants de l’Elfe : celui de passer en un instant d’une émotion à une autre, parfois l’exacte opposée de la première. Les Elfes étaient réputés pour contrôler à la perfection les émotions visibles sur leur visage. Peu de gens savaient qu’en réalité, les Elfes, comme toute autre race, se laissaient facilement dominer par ces émotions, même s’ils n’en montraient rien. Kellran par contre n’exerçait pas un simple contrôle sur les émotions qu’il laissait transparaître. Il dominait totalement, ou presque, ses sentiments et exerçait sur eux un contrôle absolu. Lui qui, autrefois, se laissait facilement gagner par la colère et la rage, et qui avait sombré deux fois dans une folie vengeresse dont l’une, heureusement écourtée, l’avait mené à quitter l’Alagaësia, était devenu le maître de ces armes incroyablement puissantes dont il se servait à loisir. Quoi de mieux, lors d’un combat, que de brider la rage que l’on ressent jusqu’au moment où on peut la relâcher avec une force inouïe ? Quelle meilleure arme, lors d’une négociation, que de dissimuler la peur de se tromper, ou le dégoût inspiré par des personnes avides d’argent ou de pouvoir ? Et ici, quoi de plus impressionnant que de passer en un instant d’un rire pourtant sincère, venant du fond du cœur, à un visage grave, tel des traits sculptés dans le marbre qu’affectionnent tant les Nains pour ériger leurs statues ?
- Pardonnez-moi. Tout cela est tellement… inattendu que je ne pouvais pas réagir autrement.
Il regarda Myad quitter la proximité de son bureau pour se rapprocher de lui, discutant du temps qui, effectivement, ne cessait jamais de couler même lorsque le monde individuel d’une personne semblait s’arrêter. Il acquiesça gravement, soupira :
- C’est une des leçons que je viens de réapprendre à l’instant, grâce à vous.

Il s’éloigna, se dirigeant vers la fenêtre au travers de laquelle Dras-Leona était presque entièrement visible. Au passage, il enleva son manteau poussiéreux, libérant son torse légèrement hâlé, couvert de fines cicatrices blanchâtres, uniquement couvert par le tatouage brun-rouge symbolisant un dragon, le « Fils du Soleil » que Kellran avait tué pour libérer un village entier de sa tyrannie. Cette habitude de se balader torse nu, acquise dans le pays sec et aride où il avait hérité de ce tatouage et de l’œuf de Delva, lui avait déjà valu de nombreux regards interloqués ou parfois intéressés. Il s’en moquait. S’accoudant à la fenêtre, il contempla longuement les bâtiments lugubres de la cité, les rues et ruelles plongées dans l’obscurité marquant les quartiers pauvres, défavorisés, criminels. Cela, en tout cas, n’avait pas changé depuis son départ, et il s’en désolait. Finalement, il reprit la parole, appréciant chez Myad le trait de caractère qui la poussait à rester silencieuse, patiente, attendant des réponses à ses questions.
- En effet, je suis revenu récemment de mon… voyage hors des frontières d’Alagaësia. Il n’est pas étonnant que le temps ne m’ait pas attendu, je suis loin d’être l’un des personnages aptes à faire frémir ses fondations. Je ne pense d’ailleurs pas pouvoir faire frémir quelconque fondation hormis celles de ma maison, si je décidais un jour de l’abattre.
Il éclata d’un nouveau rire, se rappelant des discussions qu’il avait entretenues avec d’anciens amis, lorsqu’il était plus jeune, plus fier, plus naïf. Ils parlaient alors de changer le monde, d’abolir les haines entre les races, de partager les cultures, d’étendre les frontières d’Alagaësia, de restaurer l’unité des Dragonniers. Ce temps lui semblait bien loin à présent, disparu dans le sablier éternel de la vie. Et pourtant. N’avait-il pas vécu chez les Urgals, puis chez les Nains, avant de terminer sa formation à Ellesméra ? N’avait-il pas épousé d’abord une Elfe, puis une humaine, en les aimant toutes deux d’un amour sincère et dénué de profit ? N’était-il pas revenu des Terres Lointaines, vivant et plein d’une expérience nouvelle ? Il savait que les anciens buts dont lui et ses amis avaient rêvé étaient encore possibles. Seuls les moyens pour mettre en œuvre ces buts étaient hors de portée.
- Il fut un temps où je voulais changer l’Alagaësia. Glisser un peu de mes rêves, de mes espoirs dans cette terre qui m’a vu naître. Ce temps reviendra peut-être encore, mais pas aujourd’hui.

Il eut un sourire en se retournant pour faire face à l’Impératrice. Les bras croisés sur son torse, il repensa à ses paroles et ses yeux pétillèrent. Ce n’était pas le pétillement habituel qui survenait lorsque Kellran devenait malicieux, lorsqu’il cherchait à taquiner gentiment une personne qu’il appréciait, ou lorsqu’un souvenir heureux se rappelait à sa mémoire centenaire. Ce pétillement là était froid, mais pas menaçant, ressemblant plus à la froideur douce d’un fleuve qui s’écoule tranquillement, sans jamais quitter son lit. Et lorsque Kellran conclut, ce fut d’un ton chargé de tout son passé, direct, sincère et néanmoins mystérieux :
- Je ne suis pas de ceux qui font frémir les fondations, Impératrice. Je fais partie des guerriers qui font trembler les sommets, car j’aspire à l’équilibre. Un sommet stable assure aux fondations une répartition des charges égale à chacun. Un sommet bancal est le premier pas menant à l’effondrement. Vous êtes la dirigeante incontestée d’un Empire qui symbolise le mal en cette terre.
Il se redressa de toute sa hauteur, fier et droit, sa chevelure captant la lumière du soleil et la muant en une coulée d’or pur sur ses épaules. Sur son torse, le dragon semblait prendre vie dans le jeu d’ombre et d’éclat.
- Pourquoi ? dit-il. Pourquoi devrais-je vous aider ?
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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Dim 15 Jan 2012 - 17:02


[aargh c'est pas vrai ! j'avais posté un post presque entier avant une coupure Internet et il l'a pas envoyééééé T_T je ne sais plus si je t'ai mis au courant mais a cause de mon emménagement je n'ai pas Internet la semaine pendant un moment ! sinon je t'aurai rep avant bien sur.]

- C’est une des leçons que je viens de réapprendre à l’instant, grâce à vous.

Myad n'ajouta rien parce que ce n'était pas la peine. Ses yeux glissèrent sur la cape qu'il enleva tel du sang s'écoulant paresseusement le long d'un pan de pierre, s'accrochant à chaque détail sans en manquer aucun dans sa progression silencieuse. Ses vêtements portaient encore les relents poussiéreux de son long voyage, arômes nouveaux, fragrances rares, assurances discrètes d'une évidente maturité. Les gens voyageaient peu - même entre elfes, on pouvait observer une grande hétérogénéité dans leur mobilité. La plupart des drows ne sortaient jamais dans les Royaumes sous le Soleil, et les elfes d'Ellesméra revenaient toujours à elle, le plus vite possible, en souffrant d'une nostalgie si profonde qu'il leur était impossible de s'en éloigner longtemps. D'où venait cet être ? La marque - cicatrice, tatouage, malédiction, qu'en savait-elle ? - saillante qui ornait son dos interpellait sa mémoire sans qu'il lui fut possible de dire pourquoi. Cela n'était guère surprenant de la part d'une mémoire qui avait souffert de deux amnésies à quelques années près et de nombreux traumatismes : non, ce n'était pas par la pérennité de ses souvenirs que Myad conquérait le monde. Si un charme puissant avait effacé presque toutes ses cicatrices il y a quelques années - avant qu'on ne lui en ajoute d'autres - il n'avait pas réparé les séquelles psychologiques. Qui le pourrait ?
D'autres eussent pu trouver indécent le regard perçant que la demi-drow promenait sur les muscles puissants de son "invité" mais personne n'en était témoin, et personne n'eut osé le lui dire. Indécence, ah, qu'était-ce pour une bête sauvage aux gestes plus doux qu'un nuage ? Elle était - émotion, vie, sensation. Et ce qu'en pensaient les autres, ses subalternes qui plus est, n'avait guère d'importance. L'elfe lui-même aurait pu s'en offusquer ; cependant, eut-il senti le poids de son examen sur sa peau qu'il ne feint pas d'en ressentir de la gêne ou de la colère.

- En effet, je suis revenu récemment de mon… voyage hors des frontières d’Alagaësia. Il n’est pas étonnant que le temps ne m’ait pas attendu, je suis loin d’être l’un des personnages aptes à faire frémir ses fondations. Je ne pense d’ailleurs pas pouvoir faire frémir quelconque fondation hormis celles de ma maison, si je décidais un jour de l’abattre.

Le très bref silence entre le déterminant et le mot voyage interpella l'attention de l'Impératrice. N'était-ce pas qu'un simple voyage ? Il avait une forme de réticence à donner une forme volontaire, désirée et agréable à son errance. Du moins c'était ce qu'elle supposait. A force de l'observer, la jeune femme prit conscience d'un détail qui l'avait chiffonnée au début de leur entretien, sans pouvoir mettre le doigt dessus : son parfum était différent. Il avait l'odeur d'un elfe, mais... Mais. C'était un elfe d'une autre trempe que les Hauts-elfes des lointaines forêts, non plus un drow. Cela assombrissait un peu plus le mystère l'entourant, loin de soulever le voile sur son histoire...

- Il fut un temps où je voulais changer l’Alagaësia. Glisser un peu de mes rêves, de mes espoirs dans cette terre qui m’a vu naître. Ce temps reviendra peut-être encore, mais pas aujourd’hui.

L'homme à l'âge indéterminé se retourna dans un mouvement gracieux, un sourire rêveur aux lèvres, avec dans son regard des étincelles gaies mais piquantes qui ne manquèrent pas d'interrompre les réflexions de l'Impératrice pour une attention plus actuelle, plus opérationnelle. Peut-être qu'à présent il allait enchaîner sur un petit interrogatoire, voulant faire lien entre ce passé qu'il avait voulu ferrer en y ajoutant le métal qui faisait ses rêves, et ce présent qu'il ne connaissait pas. Toujours est-il qu'alors qu'il croisait les bras, dans une attitude assurée, la souveraine posa les mains sur les hanches dans une attitude d'attente polie. Leurs yeux ne se quittaient pas, jaugeant l'autre en une attention jamais discourtoise, néanmoins prête à saisir le moindre petit détail, indice, imprévu.

- Je ne suis pas de ceux qui font frémir les fondations, Impératrice. Je fais partie des guerriers qui font trembler les sommets, car j’aspire à l’équilibre. Un sommet stable assure aux fondations une répartition des charges égale à chacun. Un sommet bancal est le premier pas menant à l’effondrement. Vous êtes la dirigeante incontestée d’un Empire qui symbolise le mal en cette terre.
- C'est une question ou une affirmation ? demanda doucement l'Impératrice qui ne doutait pas que dans les deux cas, c'était une accusation.

En effet, dans ses paroles, Kellran sous-entendait clairement plusieurs choses. La première était que, si elle n'était pas à la hauteur, le gouvernement s'effondrerait, et c'était bien une chose qu'il espérait. La seconde, s'il le fallait, rappelait qu'il n'hésiterait pas à la faire trembler pour rétablir un équilibre perdu. Un sourire mystérieux - ce sourire qui orne d'un éclat étrange le visage de ceux qui en savent plus que vous, ou comprennent des choses inconnues - ourla ses lèvres. C'était le moment du test.

- Pourquoi ? dit-il. Pourquoi devrais-je vous aider ?
- Qui te dit que c'est moi que tu aides ? Peut-être qu'en refusant l'humble mission que je te propose, tu agiras exactement comme je l'avais prévu, permettant à mon plan machiavélique de faire sombrer le monde dans le chaos... En ayant quelqu'un à accuser ; quelqu'un qui aurait failli, péché par orgueil.

Bien entendu, ses propos étaient teintés d'ironie car elle-même ne prenait pas ses propos au sérieux.

- Laisse-moi dissiper d'éventuels malentendus, étranger. Il serait ennuyeux qu'ils voilent ton jugement sur ma personne, et au-delà, mes intentions.

La demi-drow se mit à marcher à travers la pièce, sinuant le long des bibliothèques aux froides étagères qu'elle caressait du bout du doigt, alors qu'elle parlait :

- Maintenant que l'Empire lui-même est entièrement au fait de mon couronnement et a pu apprécier la teneur de mon autorité, je considère mon pouvoir comme presque établi. Néanmoins un pays qui est gouverné par un fantôme n'a pas d'allié, pas de commerce, et bien des ennemis. C'est donc mon devoir de m'annoncer aux autres factions. Un devoir de seigneur, certes, mais aussi d'amie.

Elle s'arrêta de marcher pour ajouter d'un ton paisible mais froid :

- J'ai été ambassadrice de l'Alliance, nommée par mon cher ami Marek. J'ai combattu et dansé aux côtés d'Ellenwen. Charlie, l'elfe noir, est presque mon frère. Liens interdits, corrompus ? Pensez-vous que si j'étais véritablement une mauvaise personne ces personnes défieraient-ils les lois pour me rendre visite et m'inviter en leurs terres ?...
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Kellran


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Kellran
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Dim 15 Jan 2012 - 18:36


(HRP : Ne t'inquiète pas, j'ai bien reçu ton message concernant l'emménagement, et je ne me suis pas inquiété de ne pas avoir de réponse. Le principal, c'est que tu ne m'aies pas oublié ^^)

La réponse de Myad fut, pour le moins, étonnante. En effet, Kellran ne s'était pas attendu à une remarque de ce type. Elle tentait de le mettre dans une position de doute : quel était le bon choix ? Transmettre ou ne pas transmettre le message ? Cette technique était inattendue car totalement invraisemblable, et Kellran le savait tout aussi bien que son interlocutrice. Malgré tout, il prit la peine de répondre, et son ton cachait à peine la déception ressentie devant un piège si faible.
- Vous ne pouviez pas savoir que je ne faisais pas partie du royaume des Elfes. Vous ne pouviez pas savoir que je nageais dans l'inconnu. Votre raisonnement ne tient pas la route.
Il haussa un sourcil et resta silencieux. Il avait raison, et ne se gênait pas de le prouver. L'Elfe ne savait pas que sa vieille amie du passé était devenue reine avant que l'Impératrice le lui annonce sans détours, et cela remettait toute allégeance en doute. Kellran n'avait jamais juré fidélité ni obéissance à Islanzadi, même s'il respectait la reine aujourd'hui défunte. Il avait gagné l'autorisation de bâtir sa maison dans une région éloignée d'Ellesméra, loin de toute cité elfique, plus une sorte d'ermitage qu'autre chose, et il ne s'en était jamais plaint, que du contraire.
Myad lui avait posé sa requête en croyant qu'il était un sujet d'Ellenwen, mais désormais le fil de la conversation lui échappait. Voyant que sa technique avait échouée, elle revint à de simples explications, bien plus sincères que les hypothèses fumeuses qu'elle avait lancées comme des menaces.

Elle parla de l'Empire qu'elle avait soumis à son autorité, du besoin d'alliances et de traités commerciaux, des exigences dues à son rang, l'obligeant à se dévoiler au reste du monde telle qu'elle était désormais, une Impératrice à la poigne ferme.
Kellran comprenait parfaitement où elle voulait en venir. Il s'était informé, il connaissait une partie de l'histoire, et bien que les détails lui échappent encore, il en savait assez pour lire entre les lignes. Le règne de Myad était bien différent de la politique cruelle héritée du Concile des Ombres par le passé. Elle s'était affirmée comme dirigeante, avait écrasé la soif de pouvoir et de conquête du Concile pour asseoir son autorité et sa vision de l'avenir. Le Fils du Soleil connaissait certaines facettes de la politique, aussi imaginait-il bien les difficultés rencontrées par l'Impératrice. Il acquiesça calmement, ne montrant rien de ses pensées. Aux yeux d'un spectateur quelconque, il restait de marbre, indifférent aux explications de la dame. En réalité, sa perception de l'Empire tel qu'il l'avait d'abord jugé changeait. Malgré cela, il n'avalait pas les dires de son interlocutrice sans d'abord les passer au crible de sa raison et de son instinct.
Myad cita ensuite certains liens de son passé, son appartenance à l'Alliance sous les ordres de Marek, son amitié avec Ellenwen et Charlie, ce dernier considéré comme un presque-frère. Kellran trouvait tout cela intéressant, très intéressant même. Ces événements s'était certainement passés après la disparition de Kellran, car il ne se souvenait pas avoir entendu Ellenwen ou Charlie en parler. Marek, bien qu'il l'ait déjà croisé et côtoyé, n'était rien de plus qu'une vague connaissance, aussi ne lui avait-il jamais parlé de sujets personnels ou tenant au passé.
Un détail se marqua dans son esprit : la précision attestant la race de Charlie, l'Elfe Noir, avant qu'elle ne précise leur relation presque fraternelle. Cela signifiait-il qu'elle-même était une Elfe Noire, ou bien les deux informations étaient-elles sans rapport ? Kellran classa cela dans un coin de sa mémoire et soupira lorsque Myad termina ses explications.
- Je vois... fut ce qu'il répondit tout d'abord.
Il avait suivi les déambulations de l'Impératrice à travers la pièce, s'était amusé de la voir caresser le matériau formant les bibliothèques du bureau, frôlant les ouvrages qui chargeaient de leur poids les étagères. Cette manière qu'elle avait d'occuper l'espace pour appuyer ses propos était par bien des aspects une véritable technique d'orateur, forçant ceux qui l'écoutaient à suivre autant par la vue que par l'ouïe. Kellran employait autrefois cette méthode pour charger de poids ses paroles, et cela lui rappelait des souvenirs anciens. Aujourd'hui, il n'était plus le même ; il bougeait uniquement quand il ne disait rien, ou lorsque ses discours se révélaient sans importance. Les paroles à retenir, il les citait en restant immobile, le regard fixé sur la personne qu'il désirait convaincre, tel un serpent, ferrant sa proie. Il était un serpent sans subtilité, un orateur convaincu assénant son savoir comme le forgeron matérialise l'épée de l'acier à coups de marteau, les pieds campés dans le sol.
- Je connais chacune des personnes citées. Les liens que vous dites avoir avec Ellenwen et Charlie m'intriguent particulièrement, et je ne me priverai pas de leur poser la question dès que j'aurai renoué contact avec eux.
Il acquiesça, plus pour lui même qu'autre chose, réfléchissant au moment où l'occasion se présenterait pour lui d'aller discuter avec la nouvelle Reine des Elfes. Des objectifs supplémentaires venaient se rajouter à sa longue liste de « courses » à effectuer ; il devrait revoir le programme de ses priorités avant tout, pour ne rater aucun détail.
L'Elfe Gris quitta sa posture rigide et se détendit, montrant par ce simple geste qu'il se permettait un semblant de confiance envers Myad. Le pied droit en avant, il leva sa main gauche et, paume retournée, la plaça sur son cœur avant de la relever vers son menton, en synchronisation avec sa tête qui effectua un salut respectueux.
- Je vous ai peut-être mal jugée. Je n'ai pas encore appris totalement la patience dont j'aurais besoin pour me faire une opinion. Très bien, je transmettrai votre message à Ellenwen lorsque j'aurai obtenu une entrevue avec elle.
Le simple fait d'exprimer son erreur était déjà un exploit prouvant les changements opérés chez Kellran depuis sa jeunesse, lui qui il y a quelques années encore n'aurait jamais admis de faiblesse ni dans son caractère ni lors d'un combat. Il ressentait une certaine fierté de cette découverte, car cela le rendait vivant, faillible, enclin à s'améliorer encore et toujours grâce au contact de certaines personnes. Son entretien avec Myad lui avait donc apporté de nouvelles connaissances de lui-même autant que du pays qu'il désirait redécouvrir.

L'erreur qu'il avait commise le poussait également à vouloir en savoir plus sur cette femme qu'il avait mal jugé. Il était capable de définir certains traits de caractère grâce à sa manière de s'exprimer, de bouger, de réfléchir, sur les traits de son visage, les émotions transparaissant au travers des mouvements de son corps. Il voyait clairement qu'elle possédait un sang-froid exceptionnel, et une intelligence hors du commun, ainsi qu'un sens politique bien supérieur à celui de Kellran. Elle pouvait inspirer la confiance chez nombre de gens, les unir sous une seule bannière par la seule force de sa voix et de sa volonté. Mais désormais, Kellran voulait en savoir plus, hors ses manières de pousser les gens à se dévoiler passaient soit par un duel, soit par un test.
Provoquer l'Impératrice en duel dans son propre palais, sans raison valable, était exclu, aussi décida-t-il de lui lancer un petit test facile :
- Maintenant que vous avez ma promesse concernant votre demande, j'aimerais que vous répondiez à une question qui me taraude depuis quelques heures...
Il retira de la poche de son pantalon l'affiche qu'il avait arrachée du mur lorsque le groupe de crapules l'avait attaqué au détour d'une rue. Déroulant l'affiche, il la désigna du doigt, montrant clairement le nom qui y était écrit : Arkillon Keritel. Il connaissait les grandes lignes qui poussaient l'Impératrice à pourchasser Arkillon et à le capturer, grâce à sa petite enquête, mais Myad ne pouvait pas deviner que lui-même savait quoi que ce soit.
- Quel tort vous a fait cette personne, pour que vous mettiez tout en oeuvre pour le capturer ?
Le test était donc le suivant : Mentirait-elle ? Cacherait-elle certaines parties de la vérité ? Ou oserait-elle tout lui dire de ce qu'elle reprochait à Arkillon ?
Mais surtout, ce qui intéressait le Fils du Soleil, c'est les sentiments qui transparaîtraient lorsqu'elle s'expliquerait, car eux seuls suffiraient à définir la femme mieux qu'un long discours.
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Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Sam 21 Jan 2012 - 23:03


Kellran était ici pour apprendre. Apprendre de l'Empire, apprendre de celle qui le représentait. Le savoir est le pouvoir, dit-on. Toute information qui pourrait accompagner ses futures prises de décision lui serait utile. C'était évident et important. Myad n'aurait pas beaucoup estimé cet homme s'il s'était contenté d'accepter sa requête puis de la saluer pour disparaître.
Il devenait à chaque regard échangé, à chaque parole prononcé un peu plus méritant de son respect. Rare. Non que les elfes comptaient peu de braves - ils étaient logiquement plus nombreux que cette race si imparfaite qu'étaient les hommes - cependant ils avaient généralement une vision quelque peu étriquée du monde. Une tendance manichéenne, discrète, mais agaçante, qui n'avait pas permis à Myad de se faire très bien accepter par ses congénères. Le triste destin d'un hybride est de ne jamais être reconnu comme partie d'une ethnie, d'aucun de ses deux géniteurs. Certes, on reconnaissait dans l'Outreterre sa capacité légitime à régner comme une drow, tout comme on acceptait le fait qu'elle n'avait officiellement commis aucun crime qui l'empêche d'entrer à Ellesméra... Mais... Mais. Par conséquent la femelle conservait une certaine amertume envers le Beau Peuple dans son ensemble. Il fallait lui prouver qu'on était différent pour l'intéresser. Quelque soit sa race, d'ailleurs.
Ironiquement, l'Impératrice oeuvrait là de façon totalement opposée au raisonnement habituellement tenu par le commun des (im)mortels.
Les gens normaux l'indifféraient, voire la dérangeaient.
Rancune personnelle ? Elle ne le démentait pas, en tout cas.

- Je vois... commença-t-il simplement.

Je vous ai entendu, j'ai compris des choses sur vous, j'ai réfléchi à votre cas. On peut déduire beaucoup de choses de deux simples mots, prononcés d'un ton si nonchalant, "comme si de rien n'était." Mais il y avait toujours quelque chose. Les êtres les plus calmes d'apparence sont les plus dangereux. L'homme parlait sans jamais s'énerver, usant de son humour comme la plus subtile des armes. Il était donc très, très dangereux.

- Je connais chacune des personnes citées. Les liens que vous dites avoir avec Ellenwen et Charlie m'intriguent particulièrement, et je ne me priverai pas de leur poser la question dès que j'aurai renoué contact avec eux.
- N'y manque pas, l'invita l'Impératrice en élargissant son mystérieux sourire. Il serait dommage d'oblitérer des récits pareils.

Il hocha la tête d'un air machinal, sans doute moins pour confirmer ses propos que pour répondre à une de ses propres interrogations silencieuses. La demi-drow l'observait sans perdre une miette de son spectacle privée, espérant un peu qu'un indice supplémentaire ferait ressurgir de sa mémoire la caste dont laquelle cet elfe était originaire. C'était un détail pour certains, primordial pour elle. Comment ne pas se sentir concerné dans son cas ?...
L'homme sembla se décrisper légèrement, ses muscles perdant de leur raideur attentive pour prendre une tension plus naturelle. Son interlocutrice le nota sans commenter, attendant la suite, qui ne manqua pas de l'intéresser : l'elfe lui fit montre d'un respect qu'elle n'aurait pas deviné, agissant au-delà de son attitude première et au-delà des conventions généralement établies. Impressionnée, Myad pencha brièvement le menton en signe de remerciement à son hommage ce qui, de par sa position et son tempérament, était une marque de courtoisie remarquable.

- Je vous ai peut-être mal jugée. Je n'ai pas encore appris totalement la patience dont j'aurais besoin pour me faire une opinion. Très bien, je transmettrai votre message à Ellenwen lorsque j'aurai obtenu une entrevue avec elle.
- Ce serait aimable à toi, Kellran. Nous pourrons ainsi cesser cette petite campagne d'arrestation systématique des elfes pour les laisser légalement libres de se promener dans l'Empire.

Bien sûr, elle ne garantissait absolument pas la sécurité des elfes, même une fois cette convocation forcée annulée : en effet, elle avait beau en être une, ses sujets ne considéraient pas les Oreilles Pointues comme des amis par évidence. C'était même plutôt le contraire. Les Léoniens connaissaient leur vision de leur monde, leurs projets concernant leur terre ; tous les non-humains devaient redoubler de prudence sur le territoire des pourpres. Elfe ou pas elfe sur le trône de commandement.

- Maintenant que vous avez ma promesse concernant votre demande, j'aimerais que vous répondiez à une question qui me taraude depuis quelques heures...

Cette phrase ne disait rien qui vaille à la Dame noire, qui fronça les sourcils alors qu'elle se tenait prête à se défendre. Cela aurait été grossier de la part de son "invité" de lui lancer une incantation à la figure, cependant, elle savait que même des amis de longue date pouvait aller contre la logique et agir stupidement. Aussi se prépara-t-elle au pire.
Quand les longues mains agiles de l'elfe dévoilèrent une affiche qui sentait la colle artisanale et l'humidité d'un mur battu par la pluie, les sourcils peints au pinceau descendirent plus bas encore sur ses yeux perçants. Elle ne dit rien, car il n'avait pour l'instant que montré une affiche décollée. Exceptée la méfiance, aucun autre message n'était apparu sur son visage qui eut pu la trahir. Néanmoins, le sujet était extrêmement sensible depuis quelques jours et le feu douloureux de ses émotions contrariées lui lécha voracement la gorge.

- Quel tort vous a fait cette personne, pour que vous mettiez tout en oeuvre pour le capturer ?

Cela ne dura qu'un instant - un très bref, presque imperceptible instant, mais durant cette toute petite parcelle de temps, le regard de l'Impératrice aurait embrasé la pierre.
Les pupilles de serpent, auparavant d'une forme d'ellipse mince - de par son état d'esprit attentif mais paisible, s'étrécirent en une lame de ténèbres. La ligne semblait trancher la mare de sang palpitant de ses iris ; le vermillon obscurci de sombres volutes flamboya de colère et de ressentiment. Un observateur particulièrement attentif pouvait également repérer, flottant à la surface de ce magma gluant, les cendres de ses espoirs déçus. Comme le cadavre obstiné d'un amour qui n'arriverait pas à disparaître sainement. Sa lèvre supérieure frémit une fraction de seconde dans une envie primitive de se retrousser sur ses canines pointues avant de s'immobiliser pour ne plus rien laisser paraître.
Myad savait pertinemment que Kellran n'avait pas quitté son regard une seule seconde et que par conséquent, il avait pu y lire tout ce qui ne sortirai pas de sa bouche.
Néanmoins, et elle le regrettait souvent, il n'existe nul être sensible qui ne puisse voiler parfaitement son coeur et ses pensées. Ou alors, c'est qu'il est déjà mort, et cela, en vu du nombre de plaies purulentes qu'il portait encore, le sien était toujours en vie.
Cependant, ce foudroiement fut aussi violent que bref.
Ayahantê ayant développé de formidables capacités de régulation émotionnelles, sa maîtrise de soi exigée par son fardeau, elle retrouva instantanément son expression froide mais calme. Ses pupilles retrouvèrent une forme plus commune - pour des yeux de serpent, soit. Un sourire poli revint flotter sur sa bouche d'un rose délicat. Il n'en était pas moins départi d'une certaine agressivité.

- On dit qu'il n'y a rien de plus dangereux au monde qu'une femme trahie.

Son sourire s'agrandit alors que, rêveuse, elle se caressait la joue à des souvenirs visiblement satisfaisants... Et sanglants.

- Je ne suis pas d'accord. Une dragonne, sans nul doute, serait bien plus redoutable.

Elle perdit soudainement son sourire effrayant, qui avait finalement perdu toute politesse, feinte, pour retrouver une moue sérieuse qui rappelait de façon étrange sa parenté avec les Hauts-Elfes - contraste évident avec ses grimaces carnassières héritées d'autres gènes...

- Si vous ne connaissez pas Arkillon, cela ne durera pas longtemps, car il est actuellement l'un des Ombres les moins faciles à se débarrasser de l'Alagaesia. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, que ce soit l'Alliance, les Vardens ou les elfes. Arkillon s'est fait passer pour mort après avoir essuyé un échec conduisant à de graves pertes pour l'Empire. On m'a prouvé son existence il y a quelques mois.

Elle se glissa auprès de Kellran, si près qu'elle sentait son souffle caresser son visage. Il était beau, indéniablement. D'une beauté brûlante d'un feu froid. Un métal glacé par une existence difficile, mais exultant de vigueur et de puissance. Elle sentait son aura palpiter dans l'air comme les étincelles d'un brasier. Les Diamants s'illuminaient faiblement, comme toujours en présence de personnes aux grands pouvoirs.

- Nous avons subi, à Dras Leona, deux attaques qui nous ont fait perdre de nombreux hommes, détruit des bâtiments historiques et montré notre faiblesse au monde entier. Aucun des Ombres n'est venu. Aucun ! J'ai failli perdre mon apprenti, pire, mon dragon !

Et dans ces derniers mots on sentait à quel point la rancoeur lui aurait fait tuer mille fois cet homme. La douleur qu'elle avait ressentie en sentant la mort s'approcher de Yenlui la faisait encore vibrer de douleur furieuse.

- Il a trahi l'Empire ! Et maintenant il se pavane avec des courtisanes ! Oui, cet homme m'a causé du tort, par son dédain et par son inaction. Si je pouvais, je le condamnerai à mort.

Et bien plus.
Elle s'éloigna aussi brutalement qu'elle s'était approchée de lui, irradiante de sentiments contrôlés. Sa voix restait égale. Son corps crachait sa contrariété d'être ainsi muselé.

- Cela m'est malheureusement impossible, reprit-elle d'une voix doucereuse en se retournant pour lui faire face. Alors je le convoque officiellement pour répondre des accusations qui sont portées contre lui. Bien sûr, puisqu'il n'est actuellement plus reconnu en tant que Léonien, s'il lui arrivait un incident, je ne prévois pas de campagne de répression.

Elle examina Kellran, un sourcil levé, avant de reprendre :

- A vous de répondre à une question qui m'intrigue depuis le début. Quel genre d'elfe êtes-vous ?
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Kellran
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Dim 22 Jan 2012 - 11:06


Il avait perçu la suspicion de l'Impératrice lorsqu'il avait annoncé avoir une question. C'était un signe vif, très bref, à peine plus d'un éclat qui avait transparu dans sa posture avant de disparaître, mais Kellran était également assez vif pour capturer cette impression et la classer comme telle. Il n'eut cependant pas besoin de sa perspicacité pour remarquer le déluge d'émotions qui envahit l'Impératrice lorsqu'elle « répondit » à sa question. Ses yeux, à eux seuls, dévoilaient un message bien plus explicite et compréhensible que ses paroles. La colère, la déception, la soif de vengeance y étaient si parfaitement inscrites et si intenses qu'elles semblaient se transformer en un cœur magmatique menaçant de dissoudre toute personne assez insensée pour s'y jeter. Kellran s'y était jeté, ne quittant pas du regard celui de l'Impératrice, ne manquant nulle miette du spectacle effrayant et pourtant étrangement réconfortant d'une fureur subtilement canalisée soudain relâchée, par un bref instant de déconcentration émotionnelle. Il croyait deviner que peu de gens pouvaient jouer ainsi avec les émotions de Myad et s'en tirer à bon compte, mais cela ne l'inquiétait pas plus que ça. Il pensait comprendre qu'un être normal mis face à ce puits de fureur s'enfuirait en courant, la bave aux lèvres et la vessie pleine à craquer, suppliant qu'on lui laisse la vie. Et lui s'amusait intérieurement, non pas d'avoir réussi à fissurer la façade insensible de l'Impératrice, mais d'avoir percé à jour la présence indubitablement féminine et sensible d'un personnage par ailleurs obligé de rester froid et impitoyable pour survivre. Il n'y avait là nulle malveillance, nulle recherche d'une arme qu'il pourrait retourner contre Myad. Par cette simple découverte, Kellran appréciait d'autant plus son hôtesse, rassuré de voir qu'elle avait encore en elle une sensibilité. Les pires tyrans, comme l'Elfe le savait, étaient ceux qui ne ressentaient plus ni amour, ni colère, ni tristesse, car ceux-là ordonnaient les pires horreurs sans même se rendre compte qu'ils commettaient justement des horreurs indicibles. Myad, si elle était un jour la source d'une de ces horreurs, le serait en toute connaissance de cause, et cela changeait énormément de choses, du point de vue de Kellran en tout cas.

Il fut donc le spectateur patient et secrètement heureux d'un déferlement d'émotions si puissantes qu'elles n'auraient pas manqué le réduire en charpies si elles avaient eu forme physique. Puis, aussi soudainement qu'elles furent libérées, elles disparurent pour laisser place au masque habituellement impassible de l'Impératrice. Ainsi, l'Elfe sut que Myad possédait un contrôle incroyablement fort sur ce qu'elle ressentait, un contrôle qu'elle reprenait à une vitesse surprenante si elle le perdait. Le contrôle indispensable à tout souverain qui se respecte, cela allait de soi.
Maintenant que ses yeux ne disaient plus rien, ce furent les paroles qui apportèrent les réponses désirées. Oui, elle lui faisait bien comprendre qu'Arkillon l'avait déçue, l'avait trahie, avait bafoué ses espoirs et ses rêves. Elle ne parlait pas d'amour, cela n'était pas nécessaire ; même le moins perspicace des interlocuteurs aurait compris la situation. Elle parla de trahison militaire, d'abandon de poste, d'insulte faite à son honneur, sous des termes précis et menaçants. Elle lui expliqua le danger dans lequel Arkillon les avait mis, elle, son apprenti et son dragon. Tout cela en s'approchant de lui jusqu'à ce que leurs visages se touchent presque, au travers d'un espace envahi d'étincelles invisibles formées par leurs deux présences imposantes de force. Il n'avait jamais connu de personne avec un tel charisme, à part Ellenwen peut-être. Il n'avait jamais vu de femme avec un regard pareil, presque vipérin. Lui se targuait d'agir mentalement comme le serpent, avec patience, sans aucun mouvement gaspillé, rapide, sournois, mais jamais lâche. Elle en possédait la grâce et le charme indiscutables, une attirance physique qui poussait même ses proies à s'approcher, oublieux du danger. Une femme dangereuse qui accéléra le pouls de l'Elfe par sa seule proximité, miracle qui ne s'était plus produit depuis bien des années.
L'idée que Myad ait partagé sa couche avait un Ombre titilla le Fils du Soleil, qui repensa aux Ombres rencontrés dans les Terres Lointaines, des monstres sans plus rien pour rattraper leur infamie que le prix de leur mort. Des bêtes assoiffées de sang, intelligentes et cruelles au point d'avoir failli le tuer des centaines de fois. Un physique repoussant, proche du cadavre décharné. Mais le monde avait changé, et les Ombres qu'il connaissait n'étaient pas vraiment un exemple à prendre pour argent comptant. Sans doute celui-là était-il séduisant, ou particulièrement charmeur. Kellran haussa mentalement des épaules et n'eut aucune réaction lorsque Myad s'éloigna de nouveau, lui permettant de calmer les accélérations de son cœur. Le message contenu dans ses paroles suivantes était clair, et fit sourire l'Elfe, de ce sourire impitoyable qu'il arborait lorsqu'on lui désignait une cible satisfaisante à abattre. Et quoi de plus satisfaisant pour lui que de débarrasser l'Alagaësia d'un Ombre ?
- Peut-être croiserai-je cet Arkillon sur la route. J'ai toujours apprécié... discuter... avec les Ombres.
L'ironie de ses paroles était immanquable. S'il croisait l'Ombre, il saurait pouvoir l'attaquer sans craindre de devenir un ennemi désigné de l'Empire. Il aurait de toute manière attaqué l'Ombre sans cette certitude, car un besoin presque viscéral, lié à une promesse, le poussait à cet acte de violence aveugle. Se mettre à dos toute une nation n'était qu'un dérangement mineur, de son point de vue.

La question que Myad posa ensuite le prit au dépourvu. Tout plongé qu'il était dans l'imagination de sa rencontre avec Arkillon, il mit quelques secondes à comprendre le sens de ses paroles. Quand cela fut fait, sans que son trouble soit visible de manière corporelle heureusement, il répondit d'un sourire agréable, bien loin de l'impitoyable qu'il arborait peu de temps avant.
- Le savoir, c'est le pouvoir, rétorqua-t-il, faisant écho sans le savoir aux pensées de l'Impératrice. Il faut le cacher, dit-on. Mais je vous dois bien une réponse.
Il se mit en mouvement, signifiant que ses paroles suivantes n'auraient aucune valeur, pour lui en tout cas. Un léger ennui se peignit sur ses traits fins, lorsqu'il reprit :
- Je suis un Elfe ordinaire, bien que je ne sois pas né dans le Du Weldenvarden.
Il croisa les bras, feignant la contemplation des ouvrages remplissant les bibliothèques du bureau. Les questions sur son passé lointain avaient depuis longtemps cessé de faire ressurgir des souvenirs de sa mémoire. Qu'il était éloigné le temps où il se sentait mal d'être différent, où sa présence était mieux acceptée parmi les hommes que parmi les Elfes. Lointaine était la période où la vengeance faisait battre son cœur et irradiait son esprit. Les décennies avaient changé tout cela, l'avaient remodelé, et transformé en ce qu'il était maintenant, bien différent du jeune écervelé de ses débuts.
- Je suis un Elfe originaire des forêts du nord de la Crête. Les Urgals m'adoptèrent, les Nains me formèrent à l'art de la ferronnerie, les Hommes m'apprirent la convivialité d'une chope de bière, et Ellesméra réveilla en moi mes origines elfiques.
Il eut un gloussement sans joie, déçu de constater que cet état de fait ne lui faisait rien, comme s'il racontait la vie d'un autre. Oui, il était ennuyé de son propre passé, dont il s'était défait en quittant l'Alagaësia pour revenir en un être neuf, débarrassé de toute impureté. Il rit de nouveau, ses yeux étincelants quittant les couvertures sombres des livres pour revenir se poser sur Myad, toujours impressionnante de charisme.
- J'étais un patchwork de cultures et de modes de pensées, avant. Imparfait, indéfini, perdu. Le dernier représentant d'un peuple isolé, héritier du sang de ceux qui firent de la magie ce qu'elle est aujourd'hui.
Il citait là un fait bien peu impressionnant. La disparition du Peuple Gris datait de plusieurs millénaires, leur sang s'était trouvé dilué sans cesse par leurs héritiers obligés de s'accoupler avec des Elfes, jusqu'à ce que tous ne furent plus qu'Elfes. Des Elfes à part, contraints de quitter Du Weldenvarden pour vivre isolés sur la Crête, espérant par leurs accouplements maintenir en vie une étincelle de cet héritage à l'origine pure. Le sang du Peuple Gris.
- Rien de plus qu'une gloire passée. Je suis un Elfe d'aspect et mon esprit n'est pas différent du leur. Seule mon histoire a fait de moi un être à part.
Il ne raconta pas son pouvoir originel, celui de métamorphose animal, car cela n'était pas nécessaire. Il avait sacrifié ce qui le rattachait à son ancien peuple pour récupérer sa magie, cela seul comptait.
- Rien d'aussi exceptionnel que votre histoire et vos origines, j'en suis certain, conclut-il en lui jetant ce regard désarmant de celui qui sait sans connaître, qui perçoit sans avoir rien demandé.
Une invitation à raconter, à son tour, quel genre d'Elfe elle était.
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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Ven 10 Fév 2012 - 21:15


Bien évidemment, Kellran renâclait à dévoiler ses secrets. Ainsi que son interlocutrice avant lui, il ne pouvait savoir ce que l'Impératrice ferait des informations qu'il allait lui livrer. On pouvait faire tellement de choses avec un détail ! Il vous suffisait de connaître le nom de famille de quelqu'un pour retrouver des membres de sa famille puis le faire chanter... On pouvait déduire de ses origines les faiblesses de la chair propres à son espèce et s'en servir. Il pouvait mentir, ce qui lui permettrait de tester la réaction présente et future de l'Impératrice sans se rendre vulnérable.
Cependant, même si les elfes avaient tendance à être hypocrites à leur façon - par contournements ou omissions, Kellran apparaissait comme une personne franche voire excessivement, répugnant aux faux-semblants chez lui comme chez les autres. Myad pouvait se tromper. Pourtant, elle ne doutait pas de la justesse de son intuition sur ce fait.

- Le savoir, c'est le pouvoir, (paroles qui firent hocher la tête de l'Impératrice, amusée d'entendre prononcées ses pensées) Il faut le cacher, dit-on. Mais je vous dois bien une réponse.

Depuis le début de leur entretien, l'elfe avait très peu bougé, sa tenue immobile témoignant de sa personnalité volontaire, attentive, courageuse. Quand il se mouvait c'était avec une gracieuse désinvolture ; elle émanait d'autant plus nettement de lui à présent qu'il quittait sa posture d'écoute pour déambuler dans la pièce. Myad le suivait du regard avec une précision chirurgicale, notant chacun de ses plus petits mouvements, inspectant continuellement son odeur et toujours à l'écoute de son souffle, des battements de son coeur - déformation professionnelle ou réflexe conditionné par ses décades d'errance. La femelle hybride avait relative confiance en Kellran ; ce qui expliquait la forme d'ellipse de ses pupilles, son visage plus lisible que d'ordinaire et sa propension à sourire. Néanmoins il lui était impossible de se défaire totalement d'une certaine surveillance, l'observation et l'analyse constante de son environnement lui ayant sauvé la mise bien des fois dans le passé.
Nul doute que cela lui épargnerait beaucoup de choses dans le futur également.

- Je suis un Elfe ordinaire, bien que je ne sois pas né dans le Du Weldenvarden.

L'Impératrice avait du mal à le croire ; lui qui lui apparaissait différent des autres elfes, son apparence lui indiquant qu'il était, intrinsèquement, un quelque chose de particulier. La déception alourdit doucement sa poitrine en s'y affaissant avec lenteur, lourde poussière au goût de cendre. Son instinct l'avait probablement trompée, après tout, personne n'est infaillible n'est-ce pas ?
Si Yenlui avait été là, il lui aurait sans doute fait remarquer que son dépit était dû non à l'imperfection de son odorat mais à toute autre chose.
Les hybrides sont si rares - rien que les hybrides entre humains et elfes, qui sont les plus courants, sont très peu nombreux. Jamais encore elle ne trouva quelqu'un qui souffrit comme elle de ses origines contraires, un Haut-elfe et un elfe d'une autre faction condamnant le fruit de leurs amours à une vie de paria... Un espoir naïf qui ne lui ressemblait pas. Myad l'écrasa froidement au fin fond de son être - définitivement.

- Je suis un Elfe originaire des forêts du nord de la Crête. Les Urgals m'adoptèrent, les Nains me formèrent à l'art de la ferronnerie, les Hommes m'apprirent la convivialité d'une chope de bière, et Ellesméra réveilla en moi mes origines elfiques.

Kellran eut un bref éclat de rire, dénué de joie, qui interpella Myad. Elle pencha la tête de côté dans une de ses rares attitudes récurrentes ; lorsqu'elle ne comprenait pas un détail, un tic de souffrance ou de haine qu'elle sentirait chez quelqu'un. Généralement elle ne se préoccupait pas des autres, hormis de certains individus "triés sur le volet" - triés car jugés sur des critères d'intelligence, de caractère, d'histoire et de comportement. Le jugement était en deux parties : instinctif, en quelques secondes ou minutes, et perpétuel, modifiable tout au long de la vie, adoucissant ou durcissant le premier trait. Kellran lui plaisait, indéniablement. Lui aurait-on posé la question qu'elle aurait répondu par l'affirmative, car elle n'avait pas honte de respecter les gens de qualité.
D'autant plus quand il s'agissait de personnes au passé multiculturelles, s'étant fondues dans d'autres univers pour les comprendre et se faire adopter d'eux. Myad avait bourlingué avec des nains - dont un qu'elle avait amé, elle était indéfectiblement liée aux drows, elle s'était beaucoup intéressée aux Urgals et à l'existence potentielle d'autres races d'elfes... Son manque de reconnaissance par une nation l'avait rendue plurinationale pendant longtemps, et même encore aujourd'hui, elle en avait le sentiment - même si elle s'identifiait très rarement aux humains, qu'elle avait beaucoup de mal à ne pas mépriser.

Kellran finit par tourner de nouveau ses grands yeux étincelants vers elle, comme s'il sortait d'un rêve éveillé par le dos des livres sagement rangés sur leur étagère. Myad accueillit son sourire comme une façade mais ne s'en offusqua pas. Les plus tristes font souvent les plus beaux sourires ; on ne peut leur en vouloir de se protéger d'eux-mêmes.

- J'étais un patchwork de cultures et de modes de pensées, avant. Imparfait, indéfini, perdu. Le dernier représentant d'un peuple isolé, héritier du sang de ceux qui firent de la magie ce qu'elle est aujourd'hui.
- C'était donc ça...

L'Impératrice ressentit sa déception enterrée disparaître, son poids camouflé s'évaporant instantanément. Elle se sentait bêtement satisfaite.

- Tes ancêtres dorment en toi, dit-elle doucement. Je l'ai senti dès ton entrée.

C'était très subtil mais elle l'avait immédiatement perçu, ce qui signifiait que ces gènes-ci étaient loin d'être pauvres, même s'ils étaient peu nombreux... Il était triste de se considérer comme le dernier d'une lignée, sans aucun congénère pour s'affronter ou s'allier en une forme de société rassurante. Elle comprenait tout à fait le désarroi terrible qui avait dû le hanter pendant des années. Pour l'avoir elle-même vécu.
Un descendant des elfes gris... C'était sûrement la seule et unique fois.

- Rien de plus qu'une gloire passée. Je suis un Elfe d'aspect et mon esprit n'est pas différent du leur. Seule mon histoire a fait de moi un être à part.
- Comme nous tous, approuva-t-elle d'un ton mélancolique.

C'étaient non les ancêtres qui nous construisaient, mais nous-mêmes, avec le matériau qu'ils nous avaient confié - avec un mérite équivalent au résultat que nous obtenions à notre mort. La boue devenait diamant, le rubis s'était fait pourriture...

- Rien d'aussi exceptionnel que votre histoire et vos origines, j'en suis certain, reprit brusquement Kellran en lui lançant un regard perçant.

Une nouvelle fois Myad tergiversa sur la possibilité de refuser sa demande. Elle parlait peu d'elle, tant que c'était évitable ; son apprenti, après des mois d'étroite collaboration, n'avait pu rassembler que peu d'informations sur son maître. Finalement la demi-drow s'était ouverte à lui en lui racontant qui elle était en un récit... Troublant, à n'en pas douter. S'il était écrit sur son front que cette femme était passée par le feu et la glace pour devenir un métal indestructible, il était toujours difficile pour ses pairs d'apprendre les détails de l'histoire.

- Je serais bien mal séante de refuser, n'est-ce pas ? ironisa-t-elle sans enthousiasme. Il te sera possible de t'en enquérir auprès de Charlie, ou même d'Ellenwen... Donc tu l'apprendras de toute manière... Soit.

La demi-elfe grimaça, fronçant le nez dans une mimique enfantine en total désaccord avec son habituelle rigidité d'expression, avant de retourner auprès d'une des étagères de pierre pour en prendre une plaque d'ardoise de taille modeste, coincée anonymement entre deux tomes d'une encyclopédie. Elle revint auprès de Kellran à qui elle tendit le fin et fragile objet, lui révélant la face du fairth à la lumière du soleil.

- Voici ma mère, Minëria, énonça-t-elle d'un ton neutre.

Après de longues et âpres négociations, Myad avait réussi à arracher à son père un souvenir de celle-ci pour la porter sur cette simple plaque d'ardoise. Ce portrait lui était infiniment précieux ; c'était le seul qu'elle eut jamais chéri.
La magnifique elfe qui y était dépeinte riait aux éclats, ses longs cheveux de soie noire visiblement secoués par une brise joueuse. La lumière du crépuscule jouait avec sa peau de porcelaine, dont seules quelques touches de rose venaient colorer ses joues. Ornés de longs cils d'ébène, ses yeux gris pur étaient dénués de méchanceté, de mensonge, de froideur. Les iris semblaient aussi doux qu'une plume et brillaient comme deux pierres précieuses. Cette femme aux traits délicats paraissait incapable de violence ; sa mission ne pouvait être que de rendre le monde heureux. Inaltérable, intouchable. Une précieuse allégorie de diamant. Myad ressemblait tellement à sa mère qu'il semblait stupéfiant qu'on ne le remarque pas tout de suite.
La raison était simple : Myad était parfaite, au sens que son visage avait des proportions modèles, par exemple. Elle n'avait pas de défauts qui pût la rendre attendrissante, elle était glaçante de précision. La nature ainsi l'avait voulue ; si on y ajoutait les yeux, les canines très pointues, la température du corps, le parfum et la voix que les gènes paternels avaient changé, on comprenait pourquoi la fille paraissait si éloignée de sa mère.
Celle-ci resta un moment très raide, indéchiffrable, à regarder le portrait avant de le reprendre à Kellran quand elle estima qu'il avait dû le regarder suffisamment.

- C'était une Haut-elfe d'Ellesméra, une magicienne érudite et très aimée. Une femme mariée à un homme de savoir qu'elle adorait. Ils avaient même un fils d'une dizaine années quand elle a fuit son peuple et l'enfermement qu'on lui faisait subir.

Si Myad concédait à son hôte le récit sur ses origines raciales, elle ne touchait mot des détails (ô combien indispensables) concernant les Gardiens. C'étaient des choses à ne traiter qu'avec un nombre réduit de personnes - le moins possible, en vérité.

- Au cours de son voyage, elle a croisé le prince d'Outreterre, un elfe noir nommé Athor. Dragonnier de son état. Il a plusieurs milliers d'années ainsi que sa dragonne, mais l'Outreterre étant logiquement un royaume souterrain, personne ne se souvient de lui. Je te laisse deviner ce qui se passa.

Le sourire de l'Impératrice était terne, triste comme une fleur privée de lumière.

- Ma mère est morte en me mettant au monde, mon père a dû m'abandonner pour me protéger des siens. Je suis un hybride plutôt original, copte tenu du fait que ces deux peuples se haïssent.

Elle rangea l'ardoise à sa place avant d'étendre les bras devant l'elfe, sa peau perdant sa chaude couleur de pêche pour prendre une teinte gris perle, lisse et étrangement lumineux, comme du métal charnel. Cela ne dura qu'une seconde, après quoi la septuagénaire reprit son apparence habituelle.

- Mon père ensorcela ma peau afin de la rendre plus... Mons effrayante. J'ai appris à le contrôler mais je n'ai pas l'intention de l'annuler un jour. Il y a bien des elfes à fourrure. Mon caprice est d'avoir une apparence vaguement rassurante.

Quoi qu'elle ne le serait jamais vraiment, elle ne se faisait guère d'illusion là-dessus.

Percevant la présence d'une de ses servantes non loin de l'entrée, qui butait sur un charme de protection, elle leva une main en signe d'interruption, annula le charme et dit à voix haute :

- Gletta ? Vous vouliez me voir ?

Se sachant devinée, la vieille dame entra dans la salle de ses petits pas froufroutants.

- Pardonnez-moi de vous déranger, Votre Magesté, mais le seigneur Jilmariddon veut vous voir de toute urgence. C'est au sujet de... (elle lança un bref coup d'oeil à Kellran, tenant compte de sa présence) D'une potentielle organisation interdite à Teirm. Il doit partir demain et tient absolument à vous entretenir ce soir.

Myad la transperça de son regard sans la voir vraiment, pensive. Elle tâta les diverses options qui s'offraient à elle avant de s'avouer vaincue ; Jilmariddon faisait des efforts pour aller au-delà de son dégoût envers elle et pour faire son devoir envers l'Empire. Le froisser serait contre-productif. Finalement, la femelle hybride hocha brièvement la tête en signe d’acquiescement.

- Entendu. Dites-lui de m'attendre dans la salle du trône, ce ne doit pas être trop difficile à trouver.
- Il y sera, ma dame, la salua Gletta en souriant.

Myad revint vers son elfe, ne cachant pas son agacement de devoir le congédier si vite.

- Et bien, Kellran, il semble que nous dussions interrompre notre enquête commune pour aujourd'hui. J'espère que tu ne me tiendras pas rigueur de cette coupure.

Elle le salua à la manière elfique dans un geste gracieux, avant d'appeler les gardes et de lui dire d'un ton fataliste :

- Navrée de cette escorte subie, mais je ne peux me permettre de te raccompagner moi-même, cela serait inconvenant !

Ils se séparèrent dans la pénombre du couloir, plus frais que le bureau d'où ils sortaient ; Myad quittait à regret ces prunelles fauves, ce sourire narquois qui la distrayaient si bien de son quotidien douloureux.

- Au revoir. Puisses-tu profiter allègrement de la compagnie des amis que tu retrouveras en Alagaësia.
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Cold fire [PV Kellran] Vide

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Message Sujet: Re: Cold fire [PV Kellran] | Sam 11 Fév 2012 - 10:08


Durant tout le temps qu’il sacrifia à résumer son passé lointain, l’Impératrice ne l’avait pas quitté du regard une seule fois. Un signe qui ne trompait pas. Myad se méfiait encore de lui, même s’il sentait qu’elle lui offrait un fragment de sa confiance. Il doutait que n’importe qui ait droit à une telle conversation avec la dirigeante du Saint-Empire Léonien. Pas mal pour un retour en fanfare dans son pays natal, se dit le Fils du Soleil en haussant imperceptiblement des épaules. Il appréciait que Myad l’écoute respectueusement, sans jamais l’interrompre, sauf à la fin quand elle souffla quelques remarques en apparence innocentes, et pourtant chargées de compréhension. Kellran eut l’impression que ses aveux avaient satisfait l’Impératrice, sans qu’il sache exactement en quoi il lui avait fait plaisir. Il comprit par la suite.
L’espace d’un instant, il douta que son interlocutrice accepte de narrer – à son tour – son histoire. En quoi Kellran méritait-il de savoir quoi que ce soit sur l’une des femmes les plus puissantes d’Alagaësia ? Finalement elle accepta, prétextant qu’il pourrait de toute manière glaner les informations auprès d’Ellenwen ou de Charlie. Là encore, il douta. Il se voyait mal poser des questions à ses deux vieux amis lors de leurs retrouvailles sur l’Impératrice du Saint-Empire Léonien. Mais surtout, il se voyait mal enquêter sur le passé d’une femme qu’il respectait désormais, sans son accord. Autrefois peut-être, le Fils du Soleil ne se serait pas gêné de chercher par tous les moyens à connaître l’histoire de ceux qui l’intéressaient. Plus maintenant. Ses notions du respect et de l’honneur l’en empêchaient comme une digue empêche les vagues d’inonder la plage. Pas d’excès, pas de problèmes.

Myad lui tendit un fairth, représentant une dame qu’elle présenta comme sa mère, l’Elfe Minëria d’Ellesméra. Une Haute-Elfe, selon les termes de Myad. Kellran ne comprenait pas ce titre, lui qui connaissait des Elfes uniquement le surnom de Beau Peuple. Il baissa les yeux sur le fairth et y contempla une femme sublime, parfaite telle une statue de marbre, sa chevelure noire brillante, sa peau pâle à peine colorée du rose de la vie. Cette image transpirait le calme et la douceur, la joie, la lumière, le plaisir. Impossible d’imaginer une telle personne nourrir des sentiments néfastes. Si la mère de Myad était en accord avec son apparence, elle devait avoir eu d’innombrables amis. Ce que confirma l’Impératrice. Malgré cela, sa mère dut fuir Ellesméra.
Myad récupéra le fairth après quelques instants. Kellran ne put s’empêcher de comparer mère et fille, de leur trouver des points communs indéniables. Leur beauté était le premier qui sautait aux yeux. Comme sa génitrice, Myad était sublime, parfaite, sans le moindre défaut physique apparent. L’Elfe pourrait s’étendre des heures sur ce qui lui plaisait chez l’Impératrice. Les différences aussi lui sautaient aux yeux. Là où Minëria était douce et lumineuse, Myad se montrait dure et ténébreuse. La joie et le plaisir de Minëria trouvaient un écho dans la mélancolie douloureuse qui émanait de l’Impératrice. La suite du récit lui fit comprendre d’où venait cette mélancolie. Mi-Elfe, mi-Elfe Noire, un amalgame de deux cultures, de deux peuples qui, si Kellran se souvenait bien, se portaient autrefois une aversion réciproque. Il acquiesça distraitement, devinant facilement les sentiments qui devaient se disputer dans le cœur de Myad. Les bras croisés devant son torse, il se demandait néanmoins si cette inquiétude était encore fondée, maintenant. Après tout, Charlie l’Elfe Noir était très bien accepté parmi les Elfes d’Ellesméra, du moins au souvenir de Kellran.
Myad fit la démonstration de son apparence véritable, laissant transparaître la teinte naturelle de sa peau avant de restaurer l’illusion qui lui offrait cette couleur de pêche. Sous ce charme, il y avait une peau argentée, semblable à du mercure liquide qui aurait pris la forme d’un bras et se serait figé sous cette apparence à jamais. Une peau lumineuse, bien plus réelle et naturelle que la teinte douce mais artificielle qu’elle arborait constamment. Le Dragonnier imagina son interlocutrice avec sa couleur de peau réelle, passant outre l’illusion, et se crispa. Désormais, la perfection des traits de l’Impératrice se couplait avec une lumière interne, une lumière froide comme la glace, qui l’exaltait, la rendait encore plus belle, presque éthérée. Kellran frissonna, et repoussa bien vite la nouvelle image qu’il avait de Myad. Il lui était impossible de se prendre à ce jeu, il ne pouvait tout simplement pas accepter ce qui était inexorablement en train de se produire. Il devait mettre fin à cette conversation et s’en aller, maintenant.

Le destin sembla du même avis car une servante apparut, porteuse d’un message à l’intention de sa maîtresse. La servante remarqua Kellran et énonça son message en tenant compte du fait qu’un individu étranger à l’Empire puisse l’entendre. Un excellent travail, jugea le Dragonnier lorsqu’il l’entendit. De cette « potentielle organisation interdite », il ne pouvait rien apprendre de plus, car de telles organisations devaient foisonner partout dans le pays. Nul doute que Myad saurait exactement de quoi parlait sa servante. Kellran sourit à la dénommée Gletta, un geste qui démontrait son admiration pour la discrétion et la fidélité de la servante. Bien entendu, l’Impératrice ne put se dérober à son devoir et dut accepter de recevoir son vassal, mettant fin ainsi à leur entretien.
Elle s’en excusa à sa manière, nommant leur conversation une « enquête commune », faisant sourire de plus belle l’Elfe qui répondit à son salut par une légère inclinaison de la tête, avant de frapper de son poing son pectoral gauche, à l’endroit de son cœur, un geste qu’il avait hérité des Terres Lointaines et dont il ne pouvait plus se défaire. Un geste de guerrier.
- Le devoir est le pire des conjoints. Il demande sans cesse fidélité et vous trahit à la première occasion. Je ne vous en tiens pas rigueur.
Il contempla les gardes destinés à l’escorter jusqu’en dehors du palais, et haussa les sourcils avec amusement.
- Il n’y a pas de mal. Ce sont vos soldats qui détiennent mes armes, il est légitime que je les accompagne pour qu’ils me les rendent, n’est-ce-pas ?
Sa voix avait cette petite intonation menaçante, dure comme la pierre, froide comme l’acier, qui promettait souffrances et tristesse à ceux qui le contrariaient. Le message était implicite ; il valait mieux pour ces gardes qu’il reçoive ses armes dans le même état qu’il les avait laissées, sans quoi il risquait de mal réagir. Le petit groupe passa la porte et se retrouva dans le couloir. Myad en profita pour lui dire au revoir et lui souhaiter de bonnes retrouvailles avec ses amis, une phrase qui alla droit au cœur du Dragonnier.
- Je pense que nous nous reverrons bientôt. Je ne resterai pas sur une conversation inachevée. Et puis, il faudra bien que je vous apporte la réponse d’Ellenwen, rajouta-t-il en faisant mention du message qu’il devait apporter à la nouvelle Reine des Elfes.
Ils se séparèrent, Kellran suivant les soldats de l’Empire tandis que Myad partait à l’opposé, vers la salle du trône ou vers ses appartements, pour se préparer. On remit ses biens au Dragonnier à la porte du palais, qui les reçut avec un grand sourire carnassier. Les soldats lui ordonnèrent de partir, et reçurent en réponse un rire cristallin. L’Elfe quitta le palais et s’enfonça dans les rues de la cité. Il pensait sortir de cette rencontre avec la conviction que le Saint-Empire était une nation qu’il fallait détruire, et finalement il en venait à respecter, voire même à aimer celle qui le dirigeait. Il était impressionnant de voir que la vie pouvait parfois vous jouer des tours inattendus.

Sur cette conclusion, l’Elfe passa le restant de sa journée et de sa nuit dans la cité, puis partit le lendemain. Il avait un message à transmettre, des informations à méditer, des amis à retrouver, et des sentiments à mûrir méthodiquement. L’image de Myad, la véritable Myad au corps argenté, s’imposa une dernière fois à son esprit. Il avait beaucoup de travail en perspective.

FIN
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