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À la recherche du temps perdu

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Oryon

Dirigeant de l'Equilibrium

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À la recherche du temps perdu Vide

Oryon
Dirigeant de l'Equilibrium
Message Sujet: À la recherche du temps perdu | Sam 11 Fév 2012 - 11:43




    Cela faisait déjà plusieurs heures qu'Oryon progressait entre les à-pics secs et brûlants des montagnes du Hadarac. À l'ombre des sommets, là où l'humidité et la chaleur stagnaient au dessous d'une couche de brume protectrice, s'étendait une flore dense et humide.

    Le jeune homme avançait avec peine entre les puissants feuillus, ralentit par l'armure de mailles et de cuire qu'il portait encore suite au terrible combat qui avait eu lieu un peu plus tôt. Le bras lourd, la démarche maladroite, il fauchait de son épée encore recouverte du sang d'un dragon les buissons qui lui barraient la route.

    La bataille avait été courte mais rude, et le temps qu'il passait à marcher sous cet air chaud et humide, imprégné d'une extraordinaire et guerrière magie, révélait un à un les douloureux traumatismes qu'avait causé la lutte.

    * Yäwé... Yäwé... * Pensait-il, désespérant de le retrouver ici, le corps et les vêtements trempés d'une sueur qui refusait de s'évaporer tant l'air était humide.

    Oryon avait un peu plus tôt croisé la route d'un étonnant et puissant loup blanc, Finwé. La bête avait, au contact de la reine des elfes, acquis la capacité de parler par la pensée. Une créature admirable, pensait Oryon, dont le souvenir du combat qu'il avait mené contre un loup était encore frais. Mais rapidement ils s'étaient trouvés contrains de se séparer.

    Seul il continuait son chemin malgré la fatigue, à la recherche de son ancien compagnon. La magie qui saturait l'air semblait, à mesure qu'il s'avançait, de plus en plus agressive, si bien qu'il n'osait plus désormais étirer son esprit au delà des arbres. Cet isolement psychique et physique, amplifié par la solitude et l'étau magique qui l'opprimait éveillait en lui un curieux sentiment de paranoïa claustrophobe.

    Il n'y avait personne autour de lui. Pas l'ombre d'un animal ou du moindre danger. Et pourtant, quelque chose l'inquiétait, le mettait sur ses gardes. Son corps semblait conscient de ce que son esprit ignorait. La magie ambiante n'avait pas eu besoin de venir à bout de ses défenses psychique pour transgresser les limites de son esprit. Si bien que déjà, sans qu'il en soit conscient, ses sens s'en étaient trouvés altérés.

    Le soleil s'était éclipsé derrière une crête et ce qui lui avait semblé n'être qu'une heure ou deux de recherches en avaient été une dizaine.

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Myad


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À la recherche du temps perdu Vide

Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Sam 11 Fév 2012 - 15:00


- Oryon !

L'Impératrice avançait à pas rapides entre les soldats, qui s'écartaient d'autant plus vivement qu'il dégageait d'elle une urgence dangereuse. Cette femme n'avait pas pris le temps d'enlever son armure, les pièces de métal salies d'un sang noirâtre qui empestait et fumait légèrement dans la fraîcheur ambiante. A peine faisait-elle un léger bruit de cliquetis alors qu'elle progressait à une vitesse étonnante. Son masque, intact par quelque miracle, avait été lancé à l'un de ses suivants. D'un même geste impatient, elle leur avait fait signe de rejoindre le campement et de plier bagage. Ils ne resteraient pas plus longtemps qu'il n'était nécessaire ; des sourires lui étaient lancés, fatigués mais contents, auxquelles elle ne pouvait pas répondre. Yenlui la suivait de près, se glissant sans peine entre les tentes en ondulant nonchalamment. Lui même n'avait guère pu se débarrasser de quoi que ce soit, le harnachement d'un dragon étant aussi long à enlever qu'à mettre. Il était par conséquent recouvert de métal brillant, la selle de l'Impératrice encore derrière ses épaules. Il ne s'en offusquait pas ; si Myad ne retrouvait pas Oryon dans l'heure, il allait lui falloir partir à sa poursuite, et on ne savait pas dans quel pétrin cela allait les mener. Lui et sa Dragonnièe avaient beaucoup impressionné leurs pairs comme leurs guerriers en se tirant des batailles sans une seule égratignure. Ils remercieraient leurs forgerons plus tard ; actuellement c'était leur apprenti qui les obnubilait.
Surtout étant donné son état.

*J'aurais dû lui mettre un collier, une laisse et l'enfermer dans une cage avec double verrou et menottes en acier !* s'énerva-t-elle mais le coeur n'y était pas.

- Oryon ! appela-t-elle brusquement, faisant sursauter les gens autour d'elle.

Un long feulement de fauve coula de ses dents serrées. On s'éloigna encore plus en murmurant contre cette femme qui méritait bien son surnom ; la Dame noire.

Quelques minutes plus tard, la demi-drow s'arrêtait dans la tente que son apprenti avait occupée avant la bataille. Son beau visage était si inexpressif qu'il en était effrayant.

- Espèce d'imbécile, gronda-t-elle.

*Il va pleuvoir* l'avertit Yenlui.

S'ils voulaient pister sa trace, il leur fallait partir maintenant ; le dragon était confiant dans sa capacité à retrouver le jeune homme mais leurs chances diminueraient avec la pression atmosphérique.

- Je vais lui botter le derrière, murmura l'Impératrice en courant rejoindre son dragon. Ensuite je retournerai le monde entier pour trouver son dragon et lui faire subir le même sort.

Yenlui émit un grognement amusé qui n'eut pas d'écho auprès d'elle. Il essaya de la rassurer mais Myad se contenta de fermer sèchement son esprit. Dans son combat contre le déluge de ses émotions, elle ne forçait pas son compagnon à la subir aussi.

¤

Lorsqu'ils s'approchèrent du Dragonnier, et qu'Ayahantê put enfin sentir son esprit à travers l'épais brouillard, sa joie se flétrit aussitôt ressentie.

*Ce n'est pas normal* songea-t-elle, alarmée mais prudente.
*L'air transpire la magie...*

Le dragon était nerveux. Il se posa en souplesse, trottina sur quelques foulées et poursuivit à terre, ses pattes assez fortes pour les porter tous deux sans peine.
Myad ressentait le poids du brouillard comme une chape de plomb ; en étendant la main, elle admira les troubles que ses doigts faisaient naître dans le magma immatériel qui les enveloppait. Ses poumons s'accoutumèrent à la poisseuse humidité ambiante. On se serait cru au beau milieu d'une île sauvage, après un orage violent... Sauf que la menace était toujours présente...
Ce sentiment d'être observé, transpercé, remué de toutes parts...

*Aie confiance en moi, Myad. Je nous protègerai.*

Yenlui les enveloppa d'une barrière de protection invisible qui allégea considérablement ces sensations dérangeantes. Heureusement son odorat était très puissant ; dans ce chaos humide, celui de Myad peinait à sentir quoi que ce soit.
Enfin, elle le vit.
Ânonnant et titubant en se frayant un chemin là où il le pouvait encore. Myad n'y tint plus ; elle se jeta en avant, mais fut retenue par la patte gauche du dragon qui la plaqua contre son torse sans lui laisser le temps de bouger.

*Calme-toi, enfant du néant ! Cela pourrait être dangereux !*

Il émit un rugissement lent, progressif, dénué d'agressivité, afin qu'Oryon se retourne et les voie. Il en profita pour hausser l'ensemble de son corps sur le monticule qu'il avait escaladé, faisant frémir les arbres.

- Yawë... Yawë...
- Cherchons-le ensemble, Oryon, lui dit-elle très doucement.

Vu son état, elle lui botterait les fesses un peu plus tard.
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Oryon

Dirigeant de l'Equilibrium

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Oryon
Dirigeant de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Sam 11 Fév 2012 - 15:39




    Le jeune homme marchait doucement, le regard vide, le corps et le coeur tendus par la pesante anxiété qui l'habitait. Ses sens le trompaient, inconscient du temps qu'il avait passé à chercher le dragon. Et bien que sa magie ai put, un temps, le protéger, la bataille ne lui avait pas laissé suffisamment d'énergie pour se prémunir de la force hostile qui l'entourait.

    L'esprit vidé de toute pensée, il sursauta lorsqu'enfin un signe de vie sembla se manifester. D'un bond il se retourna pour faire face au danger, en garde, prêt à se défendre. La fatigue n'avait manifestement pas altéré ses réflexes.

    Son visage était humide, tout comme le restant de son corps. Le dragon doré était particulièrement visible et reconnaissable, mais il fallut plusieurs secondes au jeune homme, dont l'expression passa de l'indifférence à la crainte, puis au soulagement, pour identifier ses maîtres.

    - Ha. C'est vous. Dit-il d'un air enjoué en abaissant son arme, sans trop prendre garde aux quelques mots qu'elle prononça. Il semblait particulièrement frais et content de voir Myad mais on devinait la fatigue qui était la sienne aux traits tirés de son visage. La campagne militaire n'avait été facile pour personne après tout.

    - Ce n'était pas vraiment utile de venir. Je cherche juste Yäwé... Continua-t'il d'une voix calme et posée, presque inexpressive. - Je vais continuer à chercher un peu, puis je rentre.

    Mais l'espoir qu'il avait nourrit de retrouver Yäwé, ne serait-que pour lui demander des explications, semblait de plus en plus vain.

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Dim 12 Fév 2012 - 16:11


Un vif soulagement envahit le duo alors que l'expression d'Oryon s'adoucissait à leur vue. Il les avaient reconnus. Yenlui n'avait plus de raison d'entraver sa Dragonnière aussi la lâcha-t-il, celle-ci profitant de sa liberté de mouvement pour courir lestement vers son apprenti. Malgré les apparences la jeune - pour une elfe - femme n'était pas insensible ; elle était attachée à cet adolescent qu'elle considérait un peu comme son fils. A la différence que, étant son maître, elle pourrait se permettre des choses que des parents ne feraient point, des choses qu'il accepterait. A contrario il était impossible à la demi-drow de se comporter en mère avec Oryon, de par les barrières raciales, de caractère et d'histoire qui les rendaient si inaptes à poursuivre une relation longtemps stable. Ils s'en contentaient tous deux, chacun se satisfaisant de ce lien rassurant au coeur d'un monde si dur et décevant.

- Ha. C'est vous.
- Oui, c'est nous. Qui d'autre t'aurait couru après pour fouiller à la Crête à ta recherche, hein ? répondit Myad, mi-figue mi-raisin.

A présent qu'ils l'avaient retrouvé à peu près intact, la tension s'était amoindrie dans les muscles de l'hybride ; néanmoins la sensation de menace qui planait dans l'air la forçait à rester sur le qui-vive. Et n'oublions pas qu'elle trouvait Oryon véritablement stupide de s'être lancé, seul, à l'aveuglette, dans une recherche qui ne le mènerait qu'à la mort. Yenlui et elle avaient planifié de lui proposer cette quête une fois la bataille terminée et quelques jours de repos consommés ; à trois, sans doute y arriveraient ils, mais...
Mais comme trop souvent Oryon agissait à l'envers de la raison.
La femelle elfe lui caressa la joue. Il était en sueur, une sueur glacée sur sa peau brûlante.

S'il n'était pas malade, c'était tout comme.

- Ce n'était pas vraiment utile de venir. Je cherche juste Yäwé...
- Nous nous en doutions, murmura son maître d'une voix caressante en cachant son inquiétude devant tant de mollesse, de calme inexpressif.
- Je vais continuer à chercher un peu, puis je rentre.
- Tu vois bien que tu ne trouves personne... C'est parce que tu es fatigué, Oryon, regarde-toi, il te faut du repos. Je te promets que tu seras redoutablement efficace si tu ne prends ne serait-ce que le temps de dormir un peu.

*Yenlui ?*
*Oui, Myad. S'il refuse ou s'enfuit, je l'endormirai par magie. Cela vaudra mieux pour nous et pour lui. Je ne voudrais pas le contraindre et briser la confiance qu'il garde encore en nous.*
*Elle tangue... Elle tangue comme celle qu'il a confié à tous... Si Yawë l'a trahi, pourquoi pas les autres ?* soupira intérieurement l'Impératrice.

- Oryon, l'appela-t-elle, cherchant à raviver un peu de vie dans ses yeux fous. Oryon, répéta-t-elle alors que Yenlui transmettait de l'énergie à l'apprenti. C'est très dangereux ici. Tu dois venir avec nous. Tu comprends ?

De toute façon, il ne pouvait pas rester ici à errer. Cela ne mènerait nulle part, sauf au pire.
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Oryon

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Oryon
Dirigeant de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Dim 12 Fév 2012 - 17:35




    Le jeune humain sentit s'iniscer en lui l'énergie du dragon d'or et l'accueilli, les yeux clos et le visage soulagé, avec gratitude. Lui comme la plupart des humains avait toujours voué une curieuse admiration envers les dragons et leur si grande puissance. Ni l'arrivée de Yäwé dans sa vie ni son départ n'y avaient rien changé. Mais l'énergie qui l'envahit alors, le modeste présent de son maître dragon, lui fit l'effet d'un de ses milliers de couteaux qui, chaque jour depuis huit longs mois, lui rappelait les temps passés aux côtés de son compagnon.

    L'espoir de le revoir enfin n'avait cessé d'harceler son pauvre coeur des mois durant, allant et venant comme une muse à la volonté propre, jouant avec lui et son esprit comme l'aurait fait une sorcière. Le lien qui longtemps les avait unis et qui finalement semblait s'être évanoui avait éveillé en lui le pire comme le meilleur, le ballottant entre le plus grand courage et le plus douloureux des désespoir. Et alors que Myad l'appelait à la raison, qu'elle voulait de lui qu'il abandonne, il se vit un long moment durant, blême et triste, hésiter entre l'une ou l'autre des possibilités. Le précipice était là, et Myad semblait l'y tirer.

    Il avait combattu et lutté si durement, traversé tant d'épreuves, dans le seul but de se trouver un jour ici. Il avait placé en cet instant tout l'espoir et la force qu'il avait sût puiser. Abandonner ici, si près du but, lui donnait l'impression d'un suicide. Il ne pourrait vivre sans Yäwé. Jamais. L'épreuve lui était insurmontable. Alors pourquoi Myad voulait-elle l'amener en ce sens ?

    Il ne comprenait pas, bien sûr, ce qui la pousser à lui dire cela. Il savait bien que Myad ne lui souhaiterait jamais le moindre mal. Elle lui avait déjà prouvé, à sa manière, l'affection qu'elle lui portait. Mais elle avait tord. Elle ne comprenait pas. Car elle n'avait jamais connu telle situation. Alors, après un long silence emplit de doutes, il releva la tête pour s'adresser à elle.

    " Je n'abandonnerais pas. Pas maintenant. Il était ici, dans ces montagnes. Et il y est peut-être encore. Je ne serais jamais aussi près du but... Et je ne peux pas laisser le hasard nous mener l'un vers l'autre. "

    Il était calme. Et l'énergie que Yenlui lui avait confié semblait lui avoir fait retrouver ses esprits. Mais on devinait à son regard et au ton de sa voix la détresse qui l'habitait.

    " Tu as certainement du travail. Je ne te retiens pas. Mais je continue, je ne peux pas abandonner. Je ne vivrais pas sans lui. "

    Le coeur du jeune homme le serrait comme le jour où Yäwé l'avait quitté et il espérait secrètement qu'aujourd'hui pourrait être le dernier de son long tourment.

    " Tu as la chance d'avoir Yenlui avec toi. Tu n'imagines pas ce que ça fait de se retrouver seul. Et j'espère que ça ne t'arriveras pas. "

    Ajouta-t'il, usant des forces qu'on lui avait confié pour s'ouvrir à nouveau au monde extérieur. Ainsi, peut-être, il toucherait au but.

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Lun 13 Fév 2012 - 22:35


*Myad... Il faut que nous partions. Je n'aime pas ça, pas du tout.*

Elle non plus n'aimait pas ça. L'environnement était par trop saturé de magie pour ne pas avoir une influence dangereuse sur ceux qui y évoluaient, même dans le cas de Yenlui qui la côtoyait naturellement, et avec des Dragonniers habitués à la manipuler. L'air paraissait chargé d'électricité quand il n'en avait ni l'odeur, ni la lourdeur sur les épaules ; c'était piquant, dérangeant, menaçant mais c'était différent. Myad avait l'impression que des milliards de minuscules démons lui tiraient les cheveux pour les examiner, grignotaient sa peau dans l'espoir d'y creuser un nid. Sa nervosité n'était pas minorée par le comportement de son apprenti qui semblait pris d'un violent excès de fièvre. Si un être humain lambda était difficile à contrôler dans cet état de presque folie, qu'en était-il d'un Dragonnier épuisé, encore excité par le sang d'une proche bataille et secoué par une trahison insupportable ?...

*J'ignore totalement comment il va réagir* s'alarma Myad en conservant son expression rassurante. *Si nous l'endormons, Yenlui, il risque de céder à la fureur quand il se réveillera.*
*Son dernier coup de sang lui avait valu un refroidissement par tes soins, je te rappelle. Il l'a accepté.*
*C'est différent.*

La demi-elfe percevait dans les pâles prunelles de son apprenti à quel point sa raison était fragile. Il était prêt de sombrer dans la folie, ce qui était certes compréhensible mais guère désirable. S'il devait faire face à la perte totale et définitive de Yawë, il fallait qu'il le fasse aujourd'hui. Que cette fatalité s'impose à lui en anéantissant la plus petite étincelle de naïveté, le détruisant tout à fait... Mais achevant enfin cette longue période de doute cruel.

" Je n'abandonnerais pas. Pas maintenant. Il était ici, dans ces montagnes. Et il y est peut-être encore. Je ne serais jamais aussi près du but... Et je ne peux pas laisser le hasard nous mener l'un vers l'autre. "

*S'il découvre par lui-même que le dragon ne reviendra jamais, que tout espoir est perdu, il reviendra à nous de lui-même.*
*Ce ne sera plus qu'un fantôme...*
*Un fantôme peut-être, mais un fantôme qui aura confiance en nous... Et s'il sera triste, il ne sera pas furieux.*

Elle posa les mains sur les épaules du jeune homme, percevant sans grande difficulté la profondeur de sa fatigue et la croissance de son désespoir en fonction du temps qui lui échappait.

*Et plus nous l'entravons... Plus nous prenons de risques.*

Yenlui émit un soupir imperceptible.

*Bien, petite chose. Nous terminerons ce qu'il a commencé.*

" Tu as certainement du travail. Je ne te retiens pas. Mais je continue, je ne peux pas abandonner. Je ne vivrais pas sans lui. "
- Oryon... D'autres Dragonniers avant toi ont perdu leur dragon. Certains l'ont vu mourir, l'ont tué par bêtise, l'ont vu se détourner d'eux par dépit. Ils ont appris à vivre depuis...

Elle se doutait qu'elle parlait dans le vide néanmoins l'Impératrice savait qu'il valait mieux qu'elle parle, qu'il se raccroche à sa voix et à sa présence, quitte à ce qu'elle dise n'importe quoi. Lui rappeler qu'il n'était pas seul. Il ne serait jamais seul, malgré son sentiment présent...

" Tu as la chance d'avoir Yenlui avec toi. Tu n'imagines pas ce que ça fait de se retrouver seul. Et j'espère que ça ne t'arriveras pas. "
- Je sais ce que c'est que d'être abandonné sans raison et sans préavis par quelqu'un que l'on aime, murmura la Dame noire avec de la tristesse dans le calme de sa voix, mais en effet, je n'ose pas imaginer ce que me vaudrait la perte de Yenlui.

Lui qui lui avait apporté un équilibre mental et émotionnel inespéré. Lui qui savait modérer ses passions, lui donner toute l'affection dont elle avait perpétuellement soif. Lui qui la protégerait n'importe quand, de n'importe qui. Lui qui l'aimerait toujours...
Avant de sombrer dans un état semblable à celui d'Oryon, Myad verrouilla ce monologue dépressif et se concentra sur la situation actuelle.
Le dragon s'approcha d'eux jusqu'à toucher le jeune homme de son museau brûlant.

*Nous allons t'aider à retrouver Yawë. Je suis de son espèce, avec mon aide, tu le retrouveras aisément s'il est dans les parages.*

Il l'observa intensément, partageant sa souffrance.

*A moi aussi, il me manque...*

Après un soupir qui coucha les broussailles sous lui, le reptile les devança et se mit en marche, humant l'air et examinant les alentours en surveillant les bipèdes qui se trouvaient derrière lui.
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Oryon

Dirigeant de l'Equilibrium

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À la recherche du temps perdu Vide

Oryon
Dirigeant de l'Equilibrium
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Mar 14 Fév 2012 - 0:03




    Myad savait ce que c'était d'être abandonner, disait-elle. Oryon ne pouvait même pas s'en étonner. L'impératrice n'était pas particulièrement âgée pour une elfe, mais de ce qu'il en savait, s'il y avait une douleur, une horreur ou un peine en ce monde, elle l'avait déjà connue et subit. Ainsi, de toute la tristesse qui pouvait l'habiter, il ne pouvait pas même arriver à la cheville de ce que Myad avait put endurer par le passé. C'était frustrant. Et les leçons qu'elle lui donnait parfois, comme l'aurait fait une mère à son fils, le laissait amère. Il s'était fait une raison. C'était l'impératrice, après tout.

    Aussi se contenta-t'il d'acquiescer en silence, le regard porté au loin pour éviter qu'elle ne devine ses pensées profondes. Si Yäwé était là, il le lui aurait dit, pensa-t'il en rêvassant. Il se l'imaginait à ses côté, juste là. Il aurait put toucher son museau, sentir son odeur, percevoir l'esprit du dragon effleurer le siens. Mais il n'y avait personne. Juste un peu d'espoir. C'est le museau du dragon d'or qui, caressant sa joue avec délicatesse, l'extirpa de ses rêveries éveillées. Ce lieu était étrange... Dangereux.

    *Nous allons t'aider à retrouver Yawë. Je suis de son espèce, avec mon aide, tu le retrouveras aisément s'il est dans les parages.* Dit la belle créature en soufflant un peu d'un air brûlant sur le visage du jeune homme. Ce dernier ferma les yeux, extasié, et une foule de souvenirs lui vinrent à nouveau. Ce jour où pour la première fois il avait sentit le souffle du dragoneau sur son front, toutes ces fois où, le matin, il avait eu le bonheur de se réveiller à ses côtés, tout ces moments passés avec lui. *A moi aussi, il me manque...*

    - Merci. Lui répliqua-t'il simplement en levant doucement sa main droite pour la poser contre la joue rugueuse du dragon. Les traits tirés, tristes, il souriait.

    Yenlui se mit alors en route, ouvrant le passage aux deux bipèdes, au travers de la luxuriante et humide forêt. Il leur faudrait bien, en effet, un flaire de dragon pour retrouver la trace de Yäwé en ce lieu qui, à bien des égards, était exceptionnel. Il y faisait chaud, très chaud, et pourtant l'humidité imprégnait les vêtements et le cuir aussi bien que s'ils avaient été plongés dans une bassine d'eau. Le métal des armures, dont le poids commençait à agacer Oryon, affichait des signes de rouilles. Ses bottes étaient pleines d'eau et, pour ne rien arranger, son esprit maintenu ouvert au monde qui l'entourait pour accélérer les recherches subissaient les assauts répétés de la curieuse et puissante magie qui envahissaient le lieux.

    - On va le retrouver. Murmura-t'il après quelques minutes de marche. Il est encore ici, je le sens... Je l'espère. Encore fallait-il pouvoir faire la différence entre perception, illusion et veines espérances. Et puis si on ne le retrouve pas de toute façon...

    * Je ne serais plus rien. * Pensa-t'il secrètement. Myad avait beau prétendre que nombre de dragonniers s'étaient remis de l'absence de leur compagnon, Oryon savait bien que d'autre en étaient morts. Et de ceux qui avaient survécus, nombre n'avaient eu un déstin enviable. Oryon serait mort sans Yäwé de toute façon, alors s'il disparaissait, il savait bien ce qui l'attendrait.

    Les minutes passèrent et le soleil, dont le disque avait depuis longtemps disparu par delà les montagnes, se fit plus avare de ses rayons. La forêt devint comme un spectacle d'ombres et de lumière, les arbres se firent silhouettes et de petits animaux commencèrent à sortir de leur terriers.

    Le jeune homme murmura un sortilège afin d'y voir un peu plus clair puis, devinant que Myad refuserait de continuer beaucoup plus longtemps les recherches, il d'autres choix que de lui mentir.
    - Je crois qu'il n'est pas loin ! Je sens sa présence. Murmura-t'il d'un air enjoué avant de soudain lever les yeux en direction de l'impératrice. Mais... Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt !

    Le jeune homme se tût un instant puis, après une courte réflexions, prononça en ancien langage. - Si Yäwé se trouve dans ces montagnes, indique nous... Il n'eut le temps de terminer ses mots qu'une force sembla soudain le saisir par la taille, le soulever du sol, et l'élancer à une vitesse croissante entre les arbres. Il volait ! Vite ! Trop vite ! Sans même qu'il n'ait à dépenser de son énergie, il effleurait les troncs de quelques centimètres seulement, sans même les voir parfois, et sans avoir la possibilité de contrôler le sortilège. Cent mètres passèrent en un instant...

    - MYAAAD ! S'écria-t'il d'instinct lorsque celle-ci lui sembla hors de vu. Il ne contrôlait plus rien et hésitait entre terreur et émerveillement. Devait-il interrompre le sort ou continuer d'espérer que ce dernier le mène jusqu'à Yäwé ? Il était bien décidé à attendre lorsque son bras ballant percuta violemment au détour d'un virage le tronc d'un arbre centenaire.

    Le jeune homme laissa échapper un cri de douleur, conscient que sans son armure un tel choc aurait réduit l'os de son bras en miettes, puis prononça: - Letta ! . La force qui le tenait disparu aussitôt, le laissant s'écraser sur le sol tendre, rouler et rebondir sur plus de dix mètres, avant de se voir stoppé net par un nouvel arbre.

    - Cauf ! Soufla-t'il sous le choc. Aïïheeuu ! Fit-il rageur, un peu sonné, en s'assaillant contre l'arbre qu'il venait de cogner.

    Voilà sans doute pourquoi il n'y avait pas pensé plus tôt. Mais au moins, ils étaient plus proche de ce qu'ils cherchaient.

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Ven 17 Fév 2012 - 23:52


Oryon leva ses grands yeux bleus vers Yenlui en s'efforçant de lui faire un sourire. Il y avait tant de tristesse dans celui-ci que le dragon émit un soupir, balayant ses cheveux de son souffle brûlant. L'adolescent avait muri de façon brutale, ce choc lui faisant prendre conscience de beaucoup de choses sans qu'il ait le temps de les faire siennes... Naturellement... Il n'était pas normal, il était injuste de voler ainsi ses maigres années d'insouciances à Oryon. Pourquoi ne pas avoir laissé le temps de digérer les atrocités de la guerre avant de le confronter à de telles épreuves ? Le Dragonnier abandonné leva une main pour le caresser, avec dans ce geste la pesanteur de sa tristesse.

- Merci.

Les bipèdes se mirent en route derrière Yenlui.
Si le dragon progressait sans difficulté dans les frondaisons, ses pattes aux griffes crochues n'ayant peur ni des rochers couverts de mousse, ni des fougères, ni des souches amoncelées hérissées de branches nues. Myad avait roulé son épaisse cape pour l'accrocher derrière sa salle, la laissant ainsi libre et légère dans ses déambulations gracieuses. Elle avançait avec plus de mal que son compagnon à écailles puisqu'il lui était impossible d'exploser les obstacles, qu'elle devait contourner ou passer par-dessus. Oryon, lui, allait cahin cahan en se battant plus encore avec son équipement alourdi d'eau, de sueur et de sang qu'avec la jungle exubérante.
L'elfe s'immobilisa en haut d'un arbre défoncé, son regard cherchant de percer l'obscurité nuageuse ; malgré son entêtement elle n'arriva même pas à distinguer le ciel ni la moindre cime. Tout se fondait en une épaisse soupe grisâtre dont le poids paraissait celui d'une chape de plomb.

- On va le retrouver.

*Comme un credo qui le maintient en vie* remarqua Myad avec tristesse.

Leurs recherches se poursuivirent durant des heures, l'Impératrice et son compagnon avançant docilement comme s'ils croyaient de toutes leurs forces en la présence proche de Yawë. Alors que leur attitude était exemplaire d'application, le duo était intérieurement assez peu confiant dans leurs chances de réussite. Le départ du dragonneau avait beaucoup choqué son aîné, qui ne comprenait tout simplement pas comment on pouvait laisser derrière soi la personne pour qui l'on avait choisi d'éclore, l'élisant entre tous pour finalement le laisser disparaître dans un passé sans importance. Il faisait cela pour Oryon, parce que leur apprenti comptait beaucoup pour eux et qu'il comptait également sur eux. S'il avait en projet de se lancer à la recherche du dragon vert, c'était surtout pour lui communiquer l'étendue de sa déception. Il avait placé tant d'espoir en lui... Il l'appréciait tellement.

*Autrefois.* précisa-t-il froidement.

Myad frémit lorsqu'un courant glacé descendit le long de son dos en un ressentiment contrôlé... Mais sauvage. La rancune d'un dragon, qui plus est une personne aussi sage et tolérante que ce mâle-ci, était effrayante, même pour les plus endurcis.

*Nous ne savons rien, Yenlui. Peut-être ignorons-nous des choses qui pourraient invalider notre colère et le faire victime, avec nous comme bourreaux...*

Yenlui émit un reniflement peu convaincu.
Oryon, lui, commençait à s'agiter nerveusement, l'impatience et la fatigue se conjuguant pour le pousser à une nouvelle crise d'impatience angoissée.

- Je crois qu'il n'est pas loin ! Je sens sa présence.

*Vérité ou mensonge rassurant ?* s'interrogea le duo, prudent quant à l'état émotionnel d'Oryon.

- Mais... Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt !
- Pensé à quoi, Or... commença Myad à toute vitesse, mais son apprenti ne l'attendit pas pour commencer à incanter.

Elle l'entendit invoquer la magie pour localiser Yawë, ce qui en soit pouvait paraître d'une simplicité enfantine, ou d'une stupidité risible... L'elfe impuissante dut attendre qu'il ait terminé et s'apprêtait à lui faire une brève leçon sur la nécessité de la consulter avant de construire un sort de ce genre dans ce type d'environnement instable - mais elle n'eut que le temps d'ouvrir la bouche.
Après quoi Oryon fut soulevé de terre et propulsé en avant dans un hurlement de terreur.

- Oryon, souffla-t-elle en réponse, les pupilles dilatées par l'effroi.

Répondant à leur commune frayeur, le duo se précipita à sa suite, Myad bondissant sur le côté pour retomber sur la salle du dragon d'or qui creva la forêt de sa silhouette énorme.
Le reptile, accoutumé à la course terrestre et aux terrains forestiers, n'avait guère de mal à se faufiler un chemin rapide droit devant lui aux trousses de l'humain qui continuait de huler, justement paniqué quant à cette expérience traumatisante.
Myad songea brièvement qu'elle ne cesserait jamais de s'inquiéter pour son apprenti, avec sa propension à se fourrer dans les ennuis qui était presque égale à la sienne...
Puis Yenlui freina de toutes ses forces, s'asseyant sur le sol en arrachant tous les végétaux environnants dans sa tentative de s'arrêter pour ne pas écraser Oryon.

Le jeune homme crachait de l'herbe, des branchettes et les quelques insectes qui s'étaient retrouvés pris dans sa bouche de par la violence de son périple. L'Impératrice descendit de sa monture pour l'aider à se relever avec un sifflement mi soulagé, mi agacé.

- Tu ne cesseras donc jamais, grommela-t-elle en le soulevant comme un fétu de paille.

Puis, la surprise de son dragon la transperçant presque, elle pressa le bras de l'humain alors que son visage se fermait.

*Droit devant nous, apprenti. Regarde donc avec ton esprit.*
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Sam 18 Fév 2012 - 12:30




    Le jeune homme encore sonné par son fol atterrissage tendit le bras à l'impératrice et se laissa relever. Le souffle court, la démarche haletante, il prit quelques secondes pour s'assurer qu'il n'avait rien de casser, reprendre ses esprits et évacuer l'adrénaline qui saturait ses veines.

    - Tu ne cesseras donc jamais, dit l'impératrice d'un ton réprobateur.

    Dans sa chute, l'armure du jeune homme avait creusé dans le sol meuble de terreau et de feuilles comme la ligne qu'aurait faite les griffes d'un dragon à l'atterrissage. Ses mains étaient humides et sales. Le constatant, il voulu les essuyer contre une partie de sa tunique. Mais celle-ci était recouverte de terre également. Comme le reste de son armure, d'ailleurs, dont l'eau qui l'imbibait avait laissé la poussière se coller. Le jeune homme essuya également son visage de ses mains sales, tartinant d'avantage encore les quelques grains de terre qui le chatouillaient. On aurait cru alors qu'il vivait dans cette forêt depuis des lustres.

    Oryon leva ensuite les yeux vers l'impératrice d'un air surpris et désolé. La crasse qui le recouvrait lui rappelait de vieux jours. Un léger sourire apparu au coin de ses lèvres, joueur, complice, et il éclata finalement de rire.

    - C'était génial ! S'exclama-t'il en hurlant.
    - Bon, ça fait mal et ça aurait put me tuer mais... Ça allait tellement vite !

    Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait eu un tel moment de joie. L'adrénaline lui avait fait un instant oublier le malheur qui le possédait comme une maladie incurable depuis des mois déjà. Mais une simple pensée, un souvenir, suffit à le faire redescendre sur terre. Et lorsque le rire devint silence, le bonheur disparu lentement de son visage comme les derniers rayons du crépuscule.

    *Droit devant nous, apprenti. Regarde donc avec ton esprit.*

    Le sens et l'intonation de ces mots envahirent le jeune homme et laissèrent exploser en lui comme un incontrôlable et gigantesque espoir. Instamment, il sentit son coeur s'accélérer et tourna son propre regard dans la direction que lui indiquait Yenlui. Instamment, il fit fuser son esprit droit devant à la manière d'un carreau de baliste à la pointe d'acier qu'on aurait tiré au travers des arbres. Sa détermination était sans limite. Et alors qu'il n'avait encore trouvé ce qu'il cherchait, le jeune homme se mit en marche.

    *C'est gros ! C'est très gros !* Fit-il, excité comme une puce, alors que l'extension de son esprit arrivait aux limites de ses capacités. La créature, un dragon sans doute, était à deux cent mètre à peine, et faisait la taille d'un dragon adulte.

    *Il faut que j'aille voir.*

    Confiant et décidé, le jeune homme se tourna un court instant vers l'impératrice. Son approbation ne l'intéressait pas mais il tenait à voir son visage à elle, ce qu'elle en pensait. Ce dragon n'était peut-être pas Yäwé, mais comment pourraient-ils le retrouver s'ils refusaient la confrontation lorsqu'un dragon se présentait à eux ?

    Alors le jeune homme tira son épée d'un geste discret et se mit en marche. L'arme était encore recouverte du sang du dragon qu'il avait achevé au matin. Il en était de même pour ses vêtements dont l'odeur, il l'espérait, ne serait pas trop pressante. Ils avancèrent d'un pas rapide mais discret, dissimulant leurs esprits comme il était d'usage de faire, quoiqu'ils ne pouvaient pas, par prudence, user de magie pour faire moins de bruits.

    Ils arrivèrent après une minute de marche prudente à la lisière d'une clairière au milieu de laquelle s'écoulait une petite rivière. Le sol y était aussi labouré qu'après le passage d'un troupeau de gnous et on trouvait par endroit les carcasse abandonnées d'animaux dévorés. Un dragon s'y trouvait, mais il n'était clairement pas le seul à avoir vécu ici. D'autres s'y étaient trouvés ces jours derniers.

    Voyant la bête, le sang du jeune homme ne fit qu'un tour. Il était énorme, plus gros que Yenlui. Mais surtout, il était la copie conforme de Yäwé. Vert émeraude, recouvert des mêmes pics, deux cornes d'ivoire trônaient au dessus de son crâne, et le cuire de ses ailes était de l'exacte même couleur. Nuit pouvait-elle avoir accéléré sa croissance ? Ou bien le temps l'avait-il d'avantage transformé que Yenlui ?

    Ce n'était pas la première fois qu'Oryon voyait un dragon identique à Yäwé. Mais celui-ci l'était encore plus que la dragonne qu'il avait combattu aux bords du lac Isenstar. Un peu plus petit aussi. Cela ne pouvait-être que Yäwé. Ou un double. Mais Oryon ne sentait rien du lien qui l'avait des mois durant lié à lui.

    *Il est blessé.* Fit-il remarquer alors que la bête s'était tournée pour boire un peu de l'eau de la rivière.

    La bête marchait avec difficulté, handicapée de sa patte antérieure gauche qu'une lame semblait avoir en partie sectionnée. Son aile droite, aussi, trainait au sol, probablement cassée, et un carreau de baliste gisait dans son postérieur gauche. Il avait perdu beaucoup de sang et on devinait sa faiblesse. Constatant l'ampleur des dégâts, le jeune homme soupira.

    *Merde.* Fit-il soudain.

    Des années d'expérience avaient fait d'Oryon un remarquable chasseur. Il était capable d'instinct de repérer les détails qui pourraient lui faire rater une proie. Des choses pour lesquelles la plupart des gens avaient besoin de se concentrer, il y prenait garde sans y penser. Des choses comme cette brise qu'ils n'avaient put sentir dans la forêt et qui, soudainement, leur caressa le dos.

    *Pourvu que ce soit Yäwé.* Pensa-t'il pour bien des raisons, mais surtout à cause du regard prédateur que le dragon dirigeait désormais vers eux.

    Il y eut un grognement. Le dragon montra les dents, s'avança d'un pas maladroit et alors qu'il était encore à bonne distance des voyeurs, un monstrueux jet de flammes oranges s'échappa de ses naseaux pour fuser contre eux.

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Dim 19 Fév 2012 - 11:31


Dès qu'il eut senti son congénère, Yenlui changea radicalement d'attitude. Chacun de ses gestes était devint calculé, ses pas se posant avec une force et une souplesse dosée sur le sol accidenté. Myad qui continuait d’avancer auprès d’Oryon pour le protéger en cas d’imprévu, évoluait près de lui et constata pour la énième fois à quel point un dragon était une créature impressionnante. Un Dragonnier a tendance à oublier le potentiel de destruction d’un compagnon qui ronronne, lèche et pétrit son petit corps de bipède, l’enveloppant d’humour et d’amour ; même après des batailles sanglantes passées à ses côtés, l’Impératrice avait encore du mal à se faire à cet aspect de sa personnalité. Yenlui se ramassa sur lui-même, frôlant le sol alors qu’il sinuait entre les arbres avec une agilité et un silence affolants. Il plissait les yeux et humait l’air de façon ininterrompue en analysant la moindre parcelle des fragrances draconiques qu’il percevait.
Myad accompagnait Oryon sans mot dire, cependant elle écoutait très attentivement chaque commentaire du dragon d’or.

*Oryon disait que c’est la mère de Yawë qu’il a vue. C’est peut-être elle que je sens.*

La Dragonnière se crispa.

*Elle est plus vieille que moi mais cela ne lui garantit pas la supériorité sur moi. Je suis un mâle, je suis entraîné, je suis en armure et surtout je ne suis pas blessé.*

La jeune femme perçut à cet instant précis, alors que la lumière d’une clairière leur parvenait par rayons pâles, l’odeur métallique du sang.

*N’y en a-t-il qu’un ?*

Yenlui acquiesça et se plaça devant eux alors qu’il débouchait dans la clairière, empêchant toute attaque surprise de toucher les bipèdes. Celui-ci ne recevant aucune boule de feu sur le coin son énorme gueule dorée, ceux-ci purent le rejoindre, clignant des yeux sous la luminosité presque agressive après ce brouillard obscur. Le dragon d’or se redressa de toute sa hauteur, ses antérieurs campés dans le sol mis à nu par le passage d’une harde. L’air empestait la charogne ; Myad fronça les sourcils alors qu’elle examinait avec ses propres yeux le dragon inconnu : il ressemblait tellement à Yawë !

*Mais il est trop grand. Le dragonneau ne peut, même avec une croissance rapide et des gènes de grande taille, me dépasser à ce jour.*
*On peut tout faire ou défaire avec la magie* lui rappela Myad sans joie aucune.
*Ce n’est pas le cas ici. C’est un dragon sauvage qui a grandi naturellement. Vois ses cicatrices, certaines sont vieilles de plusieurs années. Yawë n’a pas un an.*
*Il est blessé.* intervint Oryon, vers qui Myad se tourna brusquement comme si elle craignait qu’il se jette vers lui pour le soigner.
*Oui, nous l’avons vu aussi* répondit Yenlui en plissant ses paupières d’écaille, analysant la situation de tous ses sens réunis. *Ne bouge pas. Pour l’instant, il n’est pas agressif.*

La demi-drow sentit des mèches folles échapper à son chignon et les vit danser sous son regard – elle empoigna sa double faux sans attendre d’autre signal. Le vent avait tourné ; le dragon avait cessé de boire, levant la tête vers eux et leur lançant un grognement menaçant.
Yenlui gronda longuement, ses babines retroussées sur ses épais crocs ivoire en réponse. Le message était clair ; je n’ai pas peur de toi.

*Pourvu que ce soit Yäwé.*

Le dragon d’or inspira l’air une dernière fois pour confirmer son hypothèse, ne désirant absolument pas faire une erreur sur ce point, avant de communiquer à Oryon son verdict :

*C’est soit son père, soit son frère, apprenti. Mais non, ce n’est pas lui.*
*S’il a survécu à la guerre, il sera avec sa famille.

Ignorant l’avertissement, le dragon ennemi se tourna vers eux et battit faiblement ses ailes blessées. Il lâcha un jet de flammes dorées, face auxquelles Yenlui resta de marbre. Il se contenta d’avancer avec assurance, ses pattes frappants le sol avec détermination, et se plaçant légèrement de côté pour éviter qu’il ne s’attaque à ses protégés.

*N’aie pas de pitié.*
*En avais-tu quand tu as tué des humains, des elfes et des drows que tu ne connaissais pas… Et qui voulaient ta mort, de surcroît ?*

Myad dut admettre que non.

*C’est pareil pour moi. Maintenant, reculez.*

La demi-drow obéit et repoussa Oryon avec elle jusqu’à la lisière de la forêt.
Yenlui, lui, émit un rugissement sauvage en se jetant sur son adversaire sans autre forme de procès ; il laboura les jointures de ses ailes, à où les blessures étaient déjà profondes, mettant l’os à nu alors qu’il le mordait à la gorge pour s’éviter des morsures. Tous ces entraînements auprès de sa mère l’avait rendu extrêmement dangereux au combat rapproché ; il ne craignait pas grand-chose, et certainement pas un dragon blessé. Son ennemi s’agita violemment, l’inondant de flammes qui glissèrent sur son armure sans l’atteindre. Le dragon resserra son emprise sur sa gorge, inlassablement, cherchant à sectionner l’artère alors que sa proie émettait des rugissements étranglés. Ses griffes arrachèrent les ailes du pauvre dragon qui hurla de douleur ; Yenlui ne s’arrêta pas là et chercha ses autres faiblesses pour s’en servir. Alors qu’il creusait dans sa hanche blessée dans des gerbes de sang, le dragon s’agitait de plus en plus faiblement. Yenlui sentit qu’il avait entre ses dents sa chair transpercée ; il assura une emprise définitive sur celle-ci et tira violemment la tête en arrière en arrachant tout ce que sa gorge pouvait contenir. Un flot de sang l’envahit alors que le reptile émettait un dernier hurlement qui leur transperça les tympans. Le dragon d’or le décapita avant qu’il ne soit retombé sur le sol et recula prestement auprès de ses bipèdes, Myad s’empressant de soigner ses quelques blessures. Elle le félicita intérieurement.

*Pour moi, tu es toujours le dragonneau grincheux qui m’a mordu le doigt à son éclosion*
*Et c’est très bien ainsi.*

Yenlui entendit des rugissements plus lointains. Il émit un feulement contrarié.

*En glapissant comme ça, il va ameuter les siens…* il s’adressa à Oryon d’un ton amusé et fataliste *Au moins saurons-nous enfin si Yawë est avec eux, de cette manière.*
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Dim 19 Fév 2012 - 13:50




    Le jet de flammes envahit la clairière d'une intense et chaude lumière. Et tout le reste devint nuit. C'était comme si le monde s'était soudain éclipsé à l'ombre de cette montagne de feu, comme s'il n'y avait plus qu'elle et son extraordinaire puissance.

    Le jeune homme, arme en main, eu un mouvement de recule. Ce dragon était impressionnant, bien plus gros que Yenlui, mais il était grièvement blessé. Le combat serait inégal, tous le devinaient. Mais étaient-ils vraiment forcés de se battre ? Se demanda le jeune homme. S'il s'agissait de son père, ou de son frère, sans doute saurait-il où Yäwé pouvait être.

    *C’est pareil pour moi. Maintenant, reculez.*

    Myad, une fois encore, fit reculer le jeune homme d'un bras protecteur afin que tout deux puissent se mettre à l'abris. Yenlui n'aurait pas besoin d'eux pour remporter la victoire. Quoi qu'aucun combat n'ai jamais été sans danger. Et bien que le jeune homme recula sans que l'impératrice n'ai à insister, il était inquiet. Inquiet pour ce dragon qui ressemblait tant à Yäwé, pour ce dragon dans les veines duquel coulaient le même sang que dans celles de Yäwé.

    Mais que pouvait-il y faire ? Que devait-il y faire ? Le combat avait déjà commencé. Tout allait très vite et Oryon, blême, ne savait plus que croire. À chaque instant une nouvelle entaille déchirait la chair de l'ennemi. À chaque instant on sentait la force légendaire des dragons quitter un peu plus le corps de la créature couleur émeraude. Le combat ne durerait pas... S'en était presque finit... Et Oryon était perdu.

    Arrête ! S'écria-t'il en sentant la victoire du dragon d'or imminente. Yenlui arrête !

    Mais rien ne pouvait résonner la créature dont les grognements enragés se mêlaient au râles du dragon en détresse. Ces hurlements de colère et de douleur étreignaient le coeur du dragonnier avec une force démesurée. Ce pouvait-il que cela fusse Yäwé ? Non. S'aurait été bien pire. Mais la vision qui s'imposait au jeune homme ne pouvait le laisser indifférent. C'était un frère, un cousin, et sa ressemblance avec Yäwé était devenue un supplice.

    Le jeune homme courut en direction des combattant, écartant d'un coup l'avant bras de Myad qui voulut le retenir. Le corps du dragon était recouvert de profondes blessures dont s'écoulaient du sang avec abondance. La fin était proche, très proche. Oryon, terrifié, la gorge serrée, implora le dragon d'or de cesser. Mais le son des mots ne sembla quitter sa gorge et d'un coup de croc la gorge du dragon d'émeraude fut déchirée. Le dernier râle du dragon se tût en un clapotement visqueux. Son corps meurtris fut pris de quelques spasmes, puis s'immobilisa.

    Yenlui... Dit l'humain d'une voix penaude. C'était...

    Il s'approcha du corps jusqu'à pouvoir en caresser les écailles. Les yeux ouverts du cadavre transpiraient encore de la rage et la douleur qui l'avaient habité les instants qui précédèrent sa mort.

    Le jeune homme resta silencieux un moment, hésitant sur la colère et la peine qu'il ressentait, ne sachant trop s'il devait en vouloir à Yenlui pour avoir tué ce qui était probablement un membre de sa famille. Ou bien un ennemi. À vrai dire il n'en savait rien. Alors, le coeur lourd, la mine affreuse et le tin blême, il resta immobile un moment à scruter la belle créature.

    J'imagine que Yäwé doit lui ressembler maintenant. Dit-il en chuchotant, envahit d'une curieuse et inattendue sensation de fierté. J'aimerais tant le revoir.

    C'est alors qu'une étrange sensation envahit le jeune homme qui machinalement serra les le manche de son épée. Son coeur ralentit au point qu'il croyait en percevoir chaque battement. Levant sa main gauche, il la vit trembler, et les sensations qui l'habitaient, outre d'être d'une extraordinaire violence, lui étaient parfaitement incompréhensible. La colère, la joie, la tristesse, la honte, semblaient battre de concert pour le faire trépasser.

    Oryon se sentit vaciller et posa un genoux à terre. Des larmes noyaient ses yeux sans qu'il puisse en comprendre les raisons. Son corps tout entier lui semblait bandé comme la corde d'un arc qui pourrait lâcher à tout moment. Et en relevant la tête il découvrit à l'autre bout de la lisière, se tenant dans l'ombre des arbres, la silhouette d'un autre dragon vert. Immobile, un regard vague en leur direction. Le cerf qu'il tenait dans sa gueule tomba au sol d'un bloc. Et il compris.

    Yäwé...

    Le jeune homme se releva à la manière d'un homme sur lequel reposerait le poids du monde pour s'avancer maladroitement en direction du dragon. Il était trop loin pour le voir, mais la créature tremblait aussi, et les sentiments qui éprouvaient le coeur du jeune homme n'étaient pas les siens.

    Comment était il seulement possible de survivre à tant de contradiction ? Yäwé était heureux de retrouver Oryon mais la honte qu'il ressentait de l'avoir quitté n'avait jamais été aussi grande. Il avait l'espoir de retrouver son dragonnier mais craignait que leur lien n'ai à jamais été détruit par les pouvoir de nuit. Il baignait d'impatience d'enlacer Yenlui, ce dragon était comme son père, mais pas avant de lui avoir arraché le coeur à coups de crocs pour avoir osé tuer frère.

    La chair en dégoulinait encore de ses dents. Et Oryon... Et Myad...
    * Pourquoi. * Pensa la bête toute tremblotante alors qu'un long et lent grognement émanait de sa gorges.
    Pourquoi ? Murmura le jeune homme en s'approchant du dragon. Il avait lâché son arme, inconscient du danger. Plus rien ne lui importait. Si Yäwé voulait s'emparer de sa vie, qu'il le fasse, pensait-il. Plus rien n'importait. Pourquoi tu es parti ?

    * Pourquoi avoir tué mon frère. *

    Cela faisait huit mois que Yäwé n'avait pas communiqué par pensées humaines. Cela faisait huit mois qu'il n'avait vu le moindre humain, qu'on lui avait dit et redit leur monstruosité. Yäwé était devenu quasiment aussi grand-mais-quand-même-plus-petit que Yenlui et tout en lui transpirait la sauvagerie. Ses muscles, son regard, ses crocs et son esprit, étaient devenus ceux d'un dragon sauvage, d'un dragon prêt à combattre.

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Dim 19 Fév 2012 - 14:38


Yenlui ne prêta pas la moindre parcelle d'attention au jeune homme qui, après l'avoir supplié d'épargner son ennemi, s'écroula auprès du cadavre auquel il s'était désintéressé. Myad regardait son apprenti avec tristesse. Il était si jeune. Yenlui avait à peine deux ans, lui en aurait bientôt vingt, et pourtant d'eux deux ce n'était pas le plus vieux de plus mûr.

*J'aurais fait la même chose que toi.*
*Je sais, petite chose.*

Tous deux avaient un point commun, la séparation des émotions et de la raison lorsque la situation l'exigeait. Le dragon toucha sa compagne du museau en une caresse tendre, celle-ci l'embrassant en quittant du regard son apprenti effrondré.

*Il ne comprend pas.*
*Yawë comprendrait* ironisa Yenlui d'un ton froid comme la glace. *Aucun dragon sauvage n'aurait agi autrement que je ne l'ai fait.*

La demi-drow savait que son compagnon n'aurait pas attaqué le reptile blessé si celui-ci n'avait pas lancé les hostilités. Mais à partir du moment où on menaçait sa Dragonnière, il ne faisait pas de quartier. Il n'avait pas à s'apitoyer pour des ennemis déclarés quant il souffrait quotidiennement en s'inquiétant pour ses proches. Aucune culpabilité ne se ressentait dans son coeur. Myad s'approcha de son apprenti, le visage impassible mais souriant intérieurement :

*Tu me ressembles en certains instants... C'en est effrayant.*

Le dragon marchait derrière elle, lui souffla son rire chaud dans les cheveux avant d'accueillir un message choqué d'Oryon, qui n'avait pas bougé.

*Yenlui... C'était...*
*Nécessaire* coupa son maître en ployant le cou de façon à croiser son regard hasard. *Il aurait pu être mon fils que je l'aurais tué. Une menace doit être enrayée, qui qu'elle soit.*

Ce n'était pas sa Dragonnière qui allait le contredire. Si elle restait silencieuse, caressant les cheveux de son apprenti distraitement, elle n'en pensait pas moins. Son beau-père et son demi-frère étaient morts par accident de sa main, mais s'il eut fallu le faire de façon volontaire, elle l'eut fait sans hésitation. Vivre ou survivre. Éliminer les obstacles, ne pas regarder en arrière. Amonceler les cadavres patiemment pour s'en servir d'escaliers. Ainsi était-elle restée en vie. Ainsi Yenlui la maintiendrait-il vivante.

- J'imagine que Yäwé doit lui ressembler maintenant, chuchota Oryon.

Myad fouillait les environs d'un oeil acéré.

- J'aimerais tant le revoir.
- Cela risquerait d'arriver assez vite...

A cet instant précis, le jeune homme se mit à trembler, la température de son corps augmentant sous le choc des émotions qui le parcouraient. Yenlui inspira l'air avant de se tourner vers une direction, de nouveau prêt au combat. Il gronda tout bas, ses propres sentiments s'agitant en risquant d'enrayer sa concentration. Myad l'y aida calmement. Tous deux guettèrent l'apparition de celui qu'ils étaient venu chercher sans y croire vraiment...
Le dragon vert finit par apparaître. Yenlui émit un grognement bref.

- Yäwé...
*C'est lui* confirma-t-il sans joie.

Il avait beaucoup grandi, perdant sa taille et sa carrure fuselée de dragonneau pour prendre une carrure bien plus mature. D'après ce qu'il pouvait voir, Yenlui songea qu'il serait plutôt grand, plutôt agile que massif. Il s'ébroua en projetant du sang un peu partout, son armure émettant des cliquetis à chacun de ses mouvements. La demi-drow n'essaya pas de retenir Oryon lorsqu'il s'avança maladroitement vers le dragon émeraude.
Elle doutait que la colère du dragon ne soit dirigée vers lui.
C'était Yenlui qui l'avait amené ici, Yenlui qui venait de dépiauter son frère ou son père en morceaux.

* Pourquoi. *

Le grognement de colère contenue était à lui même plus explicite que la pénible pensée que le dragon venait de formuler en s'adressant à ses trois interlocuteurs.

- Pourquoi ?
- Oryon, arrête-toi, l'avertit Myad mais elle se ravisa. Il était devenu sourd.
- Pourquoi tu es parti ?

Vu le regard que Yawë arborait, son ardeur flamboyante et le tremblement de colère qui agissait ses épaules, ce n'était pas à cela qu'il pensait tout de suite.

* Pourquoi avoir tué mon frère. *

Cette question s'adressant directement à Yenlui, celui-ci s'avança juste derrière Oryon dont il arrêta la progression d'une patte plus grosse que lui. Il la reposa ensuite.

*Parce qu'il nous a attaqué* répondit-il simplement par des images et des sons. *S'il s'était abstenu, je me serais contenté de t'appeler.*

Le maître fixa son apprenti droit dans les yeux. On y lisait toute la déception qu'il lui avait fait ressentir, et un sentiment nouveau envers Yawë, du mépris.

*J'aurais peut-être dû tuer Oryon, tu aurais été moins fâché ?*

Pour Yenlui, sa Dragonnière était la chose la plus précieuse au monde, plus que sa mère, que ses soeurs blanches. Il aurait espéré que l'attitude de Yawë à ses retrouvailles avec Oryon allège sa rancoeur mais il n'était plus celui qu'il avait instruit.

*A moins que tu ne préfères le tuer toi-même ?* Il poussa Oryon en avant d'une petite tape de la patte dans le dos.
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Dim 19 Fév 2012 - 16:17




    *Parce qu'il nous a attaqué. S'il s'était abstenu, je me serais contenté de t'appeler.*

    Cela faisait bien longtemps que le maître n'avait plus adressé mot à son élève, au point que ce dernier avait presque oublié la saveur douce et bienveillante de sons esprit. Yenlui avait toujours été un père et un modèle pour Yäwé. Sa tendresse, son affection, sa force et son savoir avaient bercé les premiers mois de la petite créature et empreins ses souvenirs d'un amour que même le temps n'avait put effacer. Un amour que Yäwé lui avait rendu autant qu'il le put, appréciant chaque instant du temps qu'il avait put passer avec lui, sous son regard bienveillant. Mais aujourd'hui les yeux qui le contemplaient n'étaient que haine et mépris, comme un couteau qui viendrait blesser un peu plus son coeur meurtris.

    *J'aurais peut-être dû tuer Oryon, tu aurais été moins fâché ? A moins que tu ne préfères le tuer toi-même ?*

    Oryon faillit réagir. Il aurait dut réagir. Traiter Yenlui de l'imbécile qu'il était ou lui dire de se taire à jamais. Yäwé ne méritait pas d'entendre de tels mots. Sa souffrance était déjà assez grande. Le jeune homme ressentait chacune des multiples émotions qui, réunies, meurtrissaient son compagnon, et constata avec tristesse que le lien qui les avait unis jadis n'était plus que l'ombre de celui de son souvenir. Tant de choses avaient changées. Il y avait eu tant de joies, de misères, de victoires et de défaites. Leur retrouvailles n'auraient donc pas put se faire en de meilleures circonstances ?

    Le jeune homme s'avança désarmé et titubant en direction du dragon immobile. Ce dernier, tremblotant, avait cessé de grogner mais ne semblait pas moins menaçant pour autant. Il pouvait faire selon la proposition de Yenlui, sans doute. Tuer Oryon d'un coup de croc pour se venger du malheur qui le frappait.

    * J'aimais Drynn autant que tu m'aimais, Yenlui. * Dit-il à son tour par sons et images afin que le maître puisse découvrir ce que sa victime avait été pour Yäwé. Comment il l'avait aimé malgré tout le mal que pouvaient en penser les autres dragons. Comment il l'avait protégé ces huit long mois des dragons sauvages qui maintes fois avaient voulu sa peau. Comment il avait appris, avec lui, à cracher ses premières flammes. Et les souvenirs se mêlèrent à ceux qu'il avait connu aux côté du dragon d'or, si semblables, emplis d'un même amour.

    * Autant que je t'aimais. * Ajouta-t'il en suffoquant de tristesse et de colère alors que son oeil sombre et ses muscles saillant contredisaient la faiblesse qui le hantait. Ainsi donc son propre père le reniait, le méprisait. Ainsi il n'aurait plus rien à attendre de celui qui l'avait vu passer ses premiers mois, celui qui lui avait appris à voler ses premiers mètres.

    Il détourna donc son regard du dragon d'or pour s'intéressait au jeune homme qui s'avançait. Il était dés lors la dernière famille qui lui restait. Et il n'avait qu'une crainte, l'avoir perdu lui aussi.

    Le jeune homme arriva le visage recouvert de larmes aux côtés du dragons qui ne sut trop comment l'accueillir. Il semblait si petit, si faible, qu'il aurait put en finir d'un coup de dent. Yenlui l'aurait très certainement attaqué et tué tout comme son frère. Une fin à leur histoire... Heureuse car leur amour ne serait jamais mort. Heureuse car Yenlui aurait connu la souffrance qu'il méritait. Mais il ne pouvait s'attaquer à son propre dragonnier.

    Oryon était partagé entre la joie et la colère, plus heureux et plus furieux qu'il ne l'avait jamais été sans doute. Il l'aurait frappé encore et encore de ses poings nus jusqu'à n'en avoir plus la force s'il l'avait put. Mais l'aperçu de la torture que subissait son ancien compagnon et de la douleur qu'il ressentait suffit à calmer sa haine.

    * Pardonne moi petite chose. Je t'en supplie pardonne moi. * Dit le dragon à son compagnon de sorte que tout le monde puisse l'entendre, avant que le jeune homme n'enlace le cou du dragon et que l'esprit du dragon n'accueille avec amour celui de l'humain.

    * Je ne voulais pas partir. * Dit-il en s'allongeant sur le sol meuble, le corps lové autour du petit humain, la gueule en direction de son visage pour le caresser de son souffle brûlant. * Elle ne m'a pas laissé le choix. *

    * Je sais... Yäwé. Je sais. *

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Jeu 23 Fév 2012 - 13:38


Yenlui ne quittait pas des yeux son apprenti, l'implacable lueur de ses prunelles le transperçant de son jugement.

Le dragon était exceptionnellement modéré et sage pour une créature magique, la raison dictant la plupart de ses actes et la violence ne faisant pas partie de ses démonstrations communes. Jamais il ne prenait plaisir à tuer comme son apprenti avait pu le ressentir de façon inopportune ; il tuait pour s'en nourrir, pour se défendre, pour protéger les siens, point. On ne pouvait lui reprocher ni d'être vicieux ni d'être hypocrite. En d'autres circonstances il aurait peut-être accueilli Yawë avec gravité mais soulagement, frottant sa gueule contre la sienne en lui transmettant son bonheur de l'avoir retrouvé en vie.

Mais pour le moment Yenlui était d'une froideur de marbre.

Sa Dragonnière était dépassée par cette obstination dans le rejet, attitude exceptionnelle qu'elle ne lui avait pas connue avant aujourd'hui. Lui qui avait le pardon facile, il était à présent raide et froid, insensible aux gesticulations d'Oryon ou à la tension visible chez le jeune dragon vert.

*Tu es dur avec lui* lui communiqua-t-elle, entrée douce mais pertinente à travers les pensées glaciales du dragon.
*Il l'a mérité.*
*Parce qu'il est peiné d'avoir perdu son frère ? poursuivit-elle alors que le jeune Dragonnier s'avançait en titubant vers son compagnon. Il souffre, Yenlui, il a terriblement mal. Ta morale passera sur lui comme l'eau sur les rochers, sans l'atteindre. Tout ce que tu arriveras à faire, c'est émousser ce qu'il lui reste d'amour pour toi.*

Le jeune mâle entendait ce que Myad lui disait cependant une trop grande partie de lui se rebellait contre. C'étaient ses principes, indéfectibles. Il préférait tuer l'une de ses soeurs que de porter atteinte, directement, indirectement, physiquement ou moralement à sa compagne, et c'était là son unique défaut, disait-elle parfois. Cet amour sans limite pouvait l'amener à se conduire de façon exactement contraire à ses propres principes.

*Me reprocherais-tu ma loyauté ?* ses pensées étaient amères.

Il doutait à présent ; Myad sentit avec une brutalité assommante le doute qu'elle venait d'insinuer en lui.

*Jamais* rétorqua-t-elle aussitôt avec passion. *Jamais je n'en serais capable, toi qui a eu le caprice d'éclore pour un monstre qui ne rêvait que de ta venue...*

Ils se mêlèrent l'un à l'autre dans une tendre étreinte, la bipède encourageant Yenlui à cette tolérance dont il était naturellement doté et actuellement totalement dépourvu. Le fils d'Arget finit par s'adoucir. Sa rancoeur se fit malléable, perméable : de chape de métal, elle s'était faite voile de tissu, opaque certes, mais aisément déchirable. Des arguments suffisamment forts pourraient la réduire en lambeaux, lambeaux de colère qui s'envoleraient peu à peu au fil du temps. Pour l'instant il fallait crever sa méfiance.

L'Impératrice leva les yeux vers Yawë, le visage neutre mais l'expression attentive. Tout dépendait de lui, à présent, car que faire si l'ancien apprenti venait à se venger de son maître ?

* J'aimais Drynn autant que tu m'aimais, Yenlui. *

Ledit Yenlui plissa les yeux cependant aucun grondement ne fit vibrer sa gorge alors qu'il recevait les souvenirs aux couleurs violentes du dragon, si ému que sa perception de son passé s'en ressentait dans sa manière de les communiquer. Myad retint une grimace sous la salve de tristesse et de désespoir qu'elle perçut à travers lui, les battements de son coeur se faisant un instant erratiques tant ces émotions étaient vives.

* Autant que je t'aimais. *
*Parce que tu ne m'aimes plus* conclut doucement Yenlui, posant une question qui tendait à l'affirmation.

N'attendant pas de réponse, il rétracta son esprit dans les frontières physiques de son crâne, ne gardant que sa Dragonnière dans le feu des pensées qui y crépitaient. Celle-ci put assister, alors qu'il s'éloignait de quelques pas et se couchait lourdement sur le sol, qu'il réfléchissait intensément. A la valeur de ses actes, à la rationnalité de ses réactions, à des tas de choses philosophiques et morales que d'autres n'auraient même pas pris soin de connaître le nom. Myad le rejoignit, s'asseyant sur sa patte avant en laissant leurs anciens apprentis l'un face à l'autre.

* Pardonne moi petite chose. Je t'en supplie pardonne moi. *

Un frémissement parcourut les écailles de Yenlui. Il observa si intensément l'étreinte du duo reformé que Myad fut aveuglée par des images que ses propres yeux ne lui renvoyaient pas. Simple spectatrice dans ce spectacle triste, elle garda le silence, caressant simplement les écailles brûlantes de son si cher ami.

*Je suis heureuse pour eux* songea-t-elle avec tendresse, un sourire doux flottant sur son visage.
*C'est un petit miracle que ces retrouvailles* convint le dragon d'or, pensif.

Elle appuya la tête sur son épaule avec un soupir.

*Et de gros ennuis en perspective...* ajouta-t-elle en perdant ce sourire éphémère. *Leur blessure est notre blessure. Je sens leur pourriture... Elles cicatriseront mal.*

Yenlui approuva sans joie. Il se sentait las, et triste.

*Où allons-nous, petite chose ? Que pouvons-nous faire face à tant de souffrance ?...*
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Jeu 23 Fév 2012 - 19:29




    Le dragon d'émeraude, roulé en boule sur le sol meuble de la lisière, protégeait de son corps et de son aile la petite chose qui l'enlaçait avec tendresse. Et le temps qui s'écoulait leur sembla perdre son fil. Ils étaient seuls, l'un contre l'autre. Seuls, contre le monde. Seuls à s'aimer et à sentir la joie de leur retrouvailles. Et rien ne comptait plus que la présence de l'autre, son contact, son odeur, son esprit bienveillant, et la certitude de ne plus jamais le quitter.

    Drynn, le frère de Yäwé, était mort. Yenlui, son maître, l'avait tué. Bien sûr les choses auraient put être différentes. Yenlui aurait put retenir ses coups, et peut-être Yäwé serait-il arrivé assez tôt pour les séparer. Mais la vie était ainsi faite et il ne leur était plus possible d'éviter la blessure. Profonde, béante, sanglante... Nul ne savait trop comment ils pourraient en guérir. Mais cela importait peu.

    Plus d'une dizaine de minutes s'écoulèrent comme si elles n'en avaient été qu'une seule. Dix minutes d'un silence impénétrable pour ces deux êtres dont les esprits et les corps étaient devenus sourds au monde qui les entouraient. Dix minutes durant lesquelles ils n'échangèrent pas le moindre mot, la moindre pensée, et où, comme endormis l'un contre l'autre, leurs esprits s'enlacèrent et se mélangèrent au point qu'il leur devint difficile de se différencier.

    La joie et le malheur s'affrontèrent dans le plus grand des silence et dans l'indifférence générale avec une férocité et une rage à en faire pâlir les plus grands guerriers. Un combat sans merci, et un combat sans vainqueur. Il n'y avait rien à gagner et tout à perdre. Et tout paraissait calme... Flou. Ils n'étaient plus que leurs sentiments, aussi ouverts et vulnérables que l'auraient été des nourrissons, se désintéressant du monde extérieur, de leur corps, et même de cette lueur à l'intensité croissante qui plus d'une minute durant émana de la paume droite du dragonnier pour aller éclairer du pâle lumière les quelques arbres qui les entouraient.

    * C'est bon de te revoir. *

    Il y avait tant de choses à dire, tant de questions à poser. Toutes ces interrogations qui les avaient tourmenté des mois durant, toutes ces choses qu'ils s'étaient promis de demander et de dire lorsqu'ils se retrouveraient, et qui aujourd'hui semblaient tellement superflues. Leur temps était trop précieux et leur pardon sans conditions. Ils n'avaient plus rien à se dire, car seul le présent et l'avenir comptait désormais.

    Comme sortis d'une longue torpeur, le jeune homme et son compagnon se levèrent de concert pour se tourner vers leurs maîtres qui les attendaient plus loin. Le visage du jeune homme et la stature du dragon n'exprimaient ni joie ni colère, mais la tristesse et le doute continuaient de les tourmenter. Ils leurs fallait prendre une décision, une décision difficile. Trop difficile pour eux sans doute.

    * N'ai pas peur, Oryon. *
    * Je n'ai pas peur. *
    * Alors arrête de douter. Ta vie ne leur appartiens pas. *

    Le jeune homme soupira, sembla hésiter un instant, puis se mis en marche aux côtés de son compagnon. Yenlui était là. Son maître. Son ancien maître. L'avait-il vraiment renié ? Il était difficile de lire dans le regard que ce dernier portait sur eux. Difficile de deviner s'il regrettait ses paroles.

    Le dragon et son dragonnier s'arrêtèrent un instant aux côtés du corps sans vie qui gisait au milieu de la clairière. Yäwé s'en approcha et tendit le coup vers sa tête jusqu'à effleurer de son museau l'oeil ouvert et larmoyant du dragon vert. Son corps était encore chaud, on l'aurait presque cru endormi, mais l'odeur du sang et de la chair mise à nue suffisait à briser tout espoir. Après quelques secondes d'adieu, les deux compagnons s'éloignèrent du cadavre pour s'approcher de Myad et Yenlui.

    Yäwé, ne lâchant pas le dragon d'or des yeux, cherchait à lire en lui et, à défaut d'y parvenir, lui montrer sa détermination. Oryon, par contre, se tourna vers Myad après avoir obtenu la certitude que le face à face entre les deux dragons ne se terminerait pas en pugilat.

    " Je dois te remercier. " Dit-il tout d'abord, un sourire furtif au lèvres, avant d'hésiter un moment sur ce qu'il devrait dire ensuite.

    " Avant que le destin ne nous sépare Yâwé et moi, je t'avais demandé de ne jamais me laisser partir, quoiqu'il arrive... Mais cet engagement n'avait pas inclus Yäwé... "

    Le jeune homme se tourna vers son compagnon et ce dernier prit la parole.
    * Yenlui, tu te dis sans doute que tu étais dans ton droit. Il t'as attaqué, tu t'es défendu. Tu l'as tué facilement plutôt que de l'épargner les quelques secondes qui auraient suffit à éviter ce drame... Que tu ne le regrette pas me décevrait, mais je pourrais l'admettre. *

    Yäwé continuait de jeter un regard inquisiteur à son maître mais Oryon, peinant à retenir ses émotions, détournait désormais les yeux des personnes présentes.

    * Tu t'es permis de remettre en doute l'engagement qui me lie à Oryon et tu t'es adressé à moi comme au pire de tes ennemis. *

    Le dragon se tut un moment et repris d'une voix faibrile.
    * C'est vraiment ça que tu penses de moi ? Que j'aurais préféré voir mourir Oryon ? Que je ne suis rien à tes yeux ? Tu as réfléchis un instant avant de dire cela ?
    Tu as été comme mon père et... *


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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Mar 28 Fév 2012 - 13:41


Myad baignait dans un océan de réflexions murmurantes qui n'étaient pas les siennes ; sans s'y mêler, elle y flottait indéniablement, son corps insoluble percevant le remuement incessant d'un esprit familier. Le dragon était immobile cependant son esprit bouillonnait. Mille arguments brisés par mille autres. Il n'avait qu'une attitude à prendre mais elle lui semblait si floue, et il la voulait si juste, qu'il n'arrivait pas à déterminer laquelle il ferait sienne. Il ne lui demandait pas son aide aussi ne la lui donna-t-elle pas. Parfois, un Dragonnier n'a pas à intervenir auprès de son compagnon ; comme lorsqu'elle avait choisi de quitter l'Alliance pour l'Empire, comme lorsqu'elle avait accepté de devenir Impératrice. Il ferait ses choix propres, elle suivrait le chemin qu'il leur aurait dicté et n'aurait nulle leçon à lui donner.

Leurs apprentis se mirent en marche, d'un pas lent et hésitant pour Oryon, lourd et méfiant pour Yawë. La Gardienne Absolue regardait le jeune homme que lui avait confié Brexinga, un jour où elle aurait mieux voulu dresser une horde sauvage que de prendre quiconque en apprentissage.

*Je m'étais juré que jamais je ne serai maître* se souvint-elle. *J'avais peur de l'attachement, peur de l'échec, peur du déchirement.*

Et aujourd'hui qu'il était devant elle, ses craintes étaient-elles justifiées ?

Absolument. Définitivement.

Elle s'était attachée à Oryon comme à un fils ; elle était dure avec lui, le poussant toujours à l'excellence, mais se montrait aussi protectrice qu'une louve. Il avait droit à des regards, à des gestes que nul autre avant lui n'avait pu recevoir - hormis la petite fille qu'elle n'avait pu garder auprès d'elle que quelques maigres années. Celui qui l'avait tant exaspérée lui était aujourd'hui très précieux. Il grandissait, il mûrissait à une vitesse impressionnante, qui la laissait parfois indécise. Les humains ! Ils fleurissent et fanent avec tant de célérité qu'elle avait l'impression que le temps le lui volait. Lui volait le plaisir de le voir évoluer, la satisfaction de faire de lui un guerrier, un magicien, un Dragonnier accompli.
Myad avait toujours su qu'Oryon finirait par quitter l'Empire, comme elle l'aurait fait à sa place, parce qu'il était trop curieux et trop soucieux d'être sage pour se borner à une seule et même expérience de pensée. D'autres qu'elle auraient essayé à tout prix de le retenir auprès d'eux, par contrainte ou par tromperie. Elle ne voulait auprès d'elle que des gens loyaux et désireux d'être à ses côtés ; jamais elle n'imposerait ce qu'elle avait toujours refusé en bloc. La séparation lui ferait très, très mal, et Ayahantê l'avait en tête à chaque sourire qu'il lui lançait. Qui lui assurait que ce n'était pas le dernier, avant le néant d'un adieu nonchalamment lancé ?
S'il y avait une chose en laquelle l'Impératice pouvait cependant être fière, c'était dans le savoir du Dragonnier.

Il savait se battre au corps à corps, à distance, par magie, en utilisant son environnement. Il était capable de défendre son esprit efficacement et de communier avec son dragon de façon intuitive. Les domaines où Ayahantê ne s'était pas sentie suffisamment douée pour lui dispenser des cours, elle les avait laissés aux meilleurs instructeurs de l'Empire.

Oryon deviendrait un des Dragonniers les plus puissants de sa génération, et nul doute que Yawë n'aurait pas à rougir de le porter à la bataille. Mais elle ne leur dirait pas... Ils n'en avaient pas besoin.

Alors que les deux plus jeunes s'arrêtaient à quelques pas d'eux, Yenlui ne se releva pas. Il ne montrait aucun signe d'agressivité ; il était simplement couché sur le ventre, ses antérieurs paisiblement croisés l'un sur l'autre. Cela dut conforter Oryon dans l'assurance qu'ils ne risquaient rien car il prit la parole.

" Je dois te remercier. "

Yenlui inclina légèrement la tête, comme pour lui dire "de rien" sans réellement comprendre pour quoi l'humain le remerciait précisément. Il ne lui posa pas la question pourtant, car il sentait chez lui assez de tension et de difficultés pour dire ce qu'ils avaient sur le coeur.

" Avant que le destin ne nous sépare Yâwé et moi, je t'avais demandé de ne jamais me laisser partir, quoiqu'il arrive... Mais cet engagement n'avait pas inclus Yäwé... "
- En effet, confirma doucement Myad d'un ton neutre.

Ils y étaient : le point de rupture, le bord de la falaise. La limite redoutée, sans cesse contournée, aujourd'hui à franchir ou à repouser.

* Yenlui, tu te dis sans doute que tu étais dans ton droit. Il t'as attaqué, tu t'es défendu. Tu l'as tué facilement plutôt que de l'épargner les quelques secondes qui auraient suffit à éviter ce drame... Que tu ne le regrette pas me décevrait, mais je pourrais l'admettre. *

Yenlui écoutait la tirade de son ancien apprenti sans réagir. S'il écoutait on ne pouvait deviner ses sentiments, qu'il savait parfois cacher diablement bien.

* Tu t'es permis de remettre en doute l'engagement qui me lie à Oryon et tu t'es adressé à moi comme au pire de tes ennemis. *

Après un bref silence, le dragon reprit, ses pensées empreintes d'émotions qu'il n'arrivait pas à contenir aussi bien que son aîné.

* C'est vraiment ça que tu penses de moi ? Que j'aurais préféré voir mourir Oryon ? Que je ne suis rien à tes yeux ? Tu as réfléchis un instant avant de dire cela ?
Tu as été comme mon père et... *
*Yawë...*

Le dragon d'or se leva, sa Dragonnière s'écartant discrètement pour le laisser faire. Sa tête se haussa à hauteur de son cadet d'émeraude.

*... Lien de confiance en ancien langage. Tu n'as jamais si bien porté ton nom, apprenti.*

Il était sérieux et calme, sans tristesse ni animosité. Il avait trouvé l'attitude qui lui semblait la meilleure.

*J'ai tué ton frère, et cet acte ne pourra être défait, quelle que soit notre volonté de revenir sur ce qui a été fait. Tu me demandes ce que je regrette, je te réponds que non, je ne regrette pas d'avoir abattu un dragon ennemi de plus qui menaçait nos vies. Je regrette que ce fût quelqu'un à qui tu étais attaché néanmoins, car il n'est pas dans mes habitudes de faire souffrir les gens que j'aime en les privant d'une précieuse famille.*

Il marqua une pause avant de reprendre sur le même ton.

*J'ai tiré les conclusions les plus logiques des choses que j'ai constaté jusqu'ici. Tu es parti en abandonnant Oryon sur le champ de bataille ; tu n'es jamais revenu ; alors que nous te retrouvons, tu sembles plus sauvage et distant que jamais. Qu'aurais-tu fait à ma place, Yawë ? Te serais-tu jeté entre mes crocs alors que la prudence même te conseillait le contraire ?*

Il soupira, de la fumée blanche s'exhalant de ses naseaux.

*Tu ne seras mon ennemi que si tu t'en prends aux choses qui me sont précieuses, mais tu n'en as rien fait. Alors je ne vois pas pourquoi je ne te traiterais pas comme le dragonneau que j'ai pris entre mes griffes il y a, me semble-t-il, une éternité.*

Myad fronçait les sourcils, le regard vague alors que l'esprit de son dragon empiétait un peu trop sur le sien, ses pensées s'imposant dans sa tête comme les siennes propres.

*Vous êtes libres, vous l'avez toujours été. Nous sommes prisonniers de nos choix mais les vôtres ne vous obligent en rien* ajouta-t-il doucement.

- Nous avons toujours vénéré la liberté, dit Myad sur le même ton. Il ne nous viendrait pas à l'idée de vous en priver, surtout vous...

Elle s'approcha de Yawë sans crainte de quelque mauvaise réaction, allant jusqu'à toucher son torse brûlant où battait un coeur puissant.

- Mais n'oubliez pas que nous avons besoin de vous. Que nous aurons toujours besoin de vous... En tant que personnes, et en tant que chefs d'Etat.
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Mar 28 Fév 2012 - 18:56




    Bien des choses avaient changé depuis ces huit dernier mois. Yäwé était devenu plus grand, plus fort, capable de s'élever jusqu'où l'air que l'on souffle se transforme en glace, où l'oxygène vient à manquer et où le soleil brûle ce qu'il touche. Oryon était devenu bien plus habile, plus talentueux, et avait apprit bien des choses quant à l'art complexe de la gramarie. L'absence de l'autre les avait fait souffrir, la douleur les avait fait murir et l'espoir de se retrouver un jour les avait poussé à donner le meilleur d'eux-même. Pourtant, aujourd'hui, ils se tenaient côte à côte à nouveau, comme si jamais le destin ne les avait séparés, comme s'ils n'avaient jamais dut affronter cette injuste épreuve que seul leurs mines marquées laissaient imaginer.

    Yenlui aussi avait changé dans les yeux de son élève. Ou bien n'était-ce qu'une impression. Il semblait devenu plus dur, plus froid, presque impassible, au point que les émotions semblaient l'avoir quitté. Il était devenu le dominant face au rival plutôt que le parent face à l'enfant, il était devenu le juge d'avantage que le frère. Abandonnant aux oubliettes de leurs souvenir le temps où le dragon d'or n'avait jamais montré à l'égard de son cadet que la plus naturelle des affections.

    C'est que de l'être qui lui faisait face, à qui il avait fait la plus tendre des places, il ne restait guère plus que l'esprit et l'odeur, bien loin de celui à qui il avait ouvert son coeur.

    Sauvage... Il n'y avait guère d'autre mot plus juste pour décrire ce qu'il était devenu. De ces créatures, par mimétisme, il avait prit les attrait. Mais l'on ne pouvait pas vraiment le lui reprocher. Il avait passé en leur compagnie bien d'avantage de temps qu'aux côtés de son maître, et s'il n'avait sut s'adapter, sans doute, il ne serait plus là aujourd'hui.

    Le dragon d'émeraude écouta Yenlui avec grande attention et ne détourna le regard de son homologue qu'en de rares occasions pour le poser sur sa dragonnière. Elle était donc la seule à ne pas avoir changé, pensa-t'il en se remémorant les raisons qui l'avait poussé à la détester tant: Ces moments qui avaient marqué les premiers jours de son existence, le dédain qu'elle leur avait longtemps montré. Puis les semaines étaient passées et le coeur de l'impératrice s'était attendrie. Peut-être s'était-il trompé, ou bien avait elle changé finalement. Mais il était devenu clair, déjà bien avant que le drame ne les sépare, qu'Oryon ne serait devenu ce qu'il était aujourd'hui sans elle.

    *J'ai tué ton frère, et cet acte ne pourra être défait, quelle que soit notre volonté de revenir sur ce qui a été fait. Tu me demandes ce que je regrette, je te réponds que non, je ne regrette pas d'avoir abattu un dragon ennemi de plus qui menaçait nos vies. Je regrette que ce fût quelqu'un à qui tu étais attaché néanmoins, car il n'est pas dans mes habitudes de faire souffrir les gens que j'aime en les privant d'une précieuse famille.*

    Voilà que le maître s'extirpait des griffes du dragon d'une pirouette oratoire. Regrettant son acte sans le regretter. Que cela pouvait-il donc vouloir dire ? Qu'il n'aurait voulu le faire mais que le destin l'y poussa. Qu'il le regrettait mais que jamais son orgueil ne lui permettrait de demander pardon... Le pardon... Une chose curieuse qu'on peut obtenir en le demandant mais qui n'est jamais accordé sinon. Une chose aussi que Yäwé aurait été heureux de lui donner si jamais il avait eut le courage de le quérir.

    *J'ai tiré les conclusions les plus logiques des choses que j'ai constaté jusqu'ici. Tu es parti en abandonnant Oryon sur le champ de bataille ; tu n'es jamais revenu ; alors que nous te retrouvons, tu sembles plus sauvage et distant que jamais. Qu'aurais-tu fait à ma place, Yawë ? Te serais-tu jeté entre mes crocs alors que la prudence même te conseillait le contraire ?*

    Le dragon gratta nerveusement le sol pour en arracher quelques innocents plants de mousse mais ne sut trouver immédiatement les mots pour sa défense. Le jugement était tombé il y a bien longtemps déjà et jamais il n'avait eut l'opportunité de témoigner. Injustice ! Criait le dragon dans son fort intérieur. Comment celui qui aurait dut se faire son avocat pouvait-il avoir été le juge d'une si terrible condamnation ?

    Yäwé avait l'air d'un dragon sauvage et l'avis de Yenlui ne pourrait rien y changer. Il n'était plus le bébé qu'il avait connu. Yäwé avait depuis apprit ce que peut-être il lui faudrait bien longtemps à avouer. De ses parents, seul son père avait voulu le confier à un dragonnier, faisant de lui une espèce d'hybride entre le dragon sauvage et le dragon de dragonnier. Un bâtard incapable de contrôler ses émotions, incapable d'en protéger son dragonnier, et peut-être qu'un jour, c'était sa plus grande peur, il anéantirait l'esprit d'Oryon par accident.


    Le maître dragon continua quelques instant puis ce fut au tour de Myad de s'approcher pour lui adresse quelques mots d'une voix apaisée et amicale. Une voix qu'il lui semblait avoir oublié. Une voix qu'il n'aurait sans doute pas reconnue si elle n'avait été ancrée dans sa mémoire avec autant de force. Elle resterait sans doute à jamais synonyme de douleur... Quoique le message qu'elle délivra fit naître en lui le sentiment opposé.

    * Il est heureux de te revoir. * Dit le jeune homme à son compagnon.
    * J'ai vu plus accueillant. *
    * Ils n'ont pas changé, enfin... Pas vraiment. *
    * Oui, c'est moi qui ai changé. *

    Le dragonnier tourna la tête vers celle de la créature émeraude et l'observa d'un air compatissant. Il a raison, pensa-t'il en lui caressant le flanc. Il avait tellement grandit qu'Oryon ne pouvait même plus lui toucher le dos. Mais s'il ne ressemblait plus au même dragon, aussi semblable qu'il puisse être, son esprit était resté le même.

    * Je n'ai pas eu le choix, figure toi. * Dit sèchement le dragon. * Oryon était grièvement blessé et je ne faisait pas le poids face à ma mère. Tu ne t'ai jamais demandé pourquoi il était encore en vie ? Pourquoi elle ne l'a pas tué ? *

    Oryon qui partageait l'esprit de son dragon, n'avait pas eut besoin d'entendre ses explications, mais les choses n'étaient visiblement pas aussi évidantes pour Yenlui.

    * Une fois ici, je ne pouvais plus partir. Je n'étais pas vraiment prisonnier mais les autres dragons n'auraient pas hésité à m'ouvrir le ventre s'ils m'avaient vu partir. Il n'y avait que ma famille pour me protéger. *

    Ces huit mois n'avaient pas été roses pour le jeune dragon. Sa présence n'avait jamais vraiment été tolérée par la majorité des dragons sauvages. Bien des fois il avait frôlé la catastrophe et il ne serait sans aucune doute pas là aujourd'hui s'il n'avait eut son frère et sa mère pour le protéger.

    * Alors oui, je me tiens comme un dragon sauvage, je parle comme eux, et j'en suis fier. * Dit-il en défiant Yenlui du regard. * C'est une partie de moi et elle ne disparaitra pas. *

    Oryon s'amusa en écoutant le dragon. Il n'avait pas tellement changé finalement.

    * Et si je ne suis pas venu retrouver Oryon, c'était peut-être parce-que mon frère était blessé. Ou bien peut-être parce-que je ne pouvait m'approcher du camps des para... * Il secoua vivement la tête. * Des humains sans me prendre une volée de carreaux d'arbalète. Peut-être aussi parce-que ma mère ne pouvait pas s'occuper de Drynn là où elle est. Probablement en train de se faire dépecée par quelques soldats de votre armée. *

    Yäwé ne semblait pas fâché mais dire tout cela n'avait pas été facile pour lui. Alors il tourna un instant les yeux vers la lune quasi-pleine qui les éclairait de sa lumière blanche.

    * C'est du passé. Mais je ne l'oublierais pas. J'ai changé, c'est vrai, tu auras peut-être besoin de temps pour t'y faire. Le dragoneau que tu connaissais a disparu. Mais cela ne change rien à ce que nous avons connu ensemble. *

    Le jeune homme sourit à Myad qui lui répondit d'un air complice. Un tel sourire pouvait sembler curieux en de telles circonstances, mais Oryon avait deviné ce que le dragon ressentait au plus profond de lui. Il en voulait beaucoup à Yenlui, et la tristesse l'affligeait, mais tout cela serait pardonné à condition que Yenlui le veuille bien.

    Le dragon d'émeraude se tourna vers eux et constata avec surprise et jalousie leur petit jeu. Il émis un léger grognement et Oryon se tourna immédiatement vers lui en souriant.

    * Vous vous êtes bien occupé d'Oryon, on dirait. Merci pour ça. Mais vous ne l'avez visiblement pas assez nourrit. *

    Le jeune homme donna un violant coup de poing au dragon, qui feint la douleur en grognant, et Oryon ne put retenir une grimace tant le choc fut plus dur que prévu.

    * Je n'ai aucune raison de m'en aller. *

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Jeu 1 Mar 2012 - 1:01


* Alors oui, je me tiens comme un dragon sauvage, je parle comme eux, et j'en suis fier. *
*Je vois ça* remarqua Yenlui avec un mélange de sérieux et d'amusement.
* C'est une partie de moi et elle ne disparaitra pas. *

Le dragon d'or jeta un coup d'oeil auprès d'Oryon ; il vit que le jeune homme se plaisait aussi à constater que l'entêtement fier du dragonneau vert se perpétuait dans le grand.

*Et tu as bien raison. Il faut être fier de ses origines car elles font de nous ce que nous sommes.*
*Pas d'accord* rétorqua Myad avec froideur, dans un dialogue que seul son compagnon et elle pourraient entendre.

Le fils d'Arget ne chercha pas à entrer dans une négociation intense avec sa Dragonnière, surtout alors qu'ils étaient tous les deux à la fois tendus et fatiguées, éprouvés par des semaines de bataille et de difficultés quotidiennes. De plus il savait que l'Impératrice faisait beaucoup d'efforts pour devenir meilleure, plus forte, plus solide ; il ne pouvait lui en vouloir de s'enliser dans le ressentiment et le trouble dès que l'on abordait sa naissance. C'était là l'épine que personne ne pourrait jamais lui enlever, avec tous les pouvoirs du monde. On lui avait volé sa mère, elle s'était privée de sa mère. Elle qui aurait pu donner un bonheur infini à n'importe qui. Elle aurait volontiers donné beaucoup, son rôle de Gardienne, son âme pourquoi pas, pour avoir droit à ces années d'enfance au prix inestimable.
Yenlui réchauffa le coeur de sa Dragonnière de son amour, lui rappelant que si leur passé était trouble, leur futur serait bien meilleur, puisqu'ils le vivraient ensemble...

* Et si je ne suis pas venu retrouver Oryon, c'était peut-être parce-que mon frère était blessé. Ou bien peut-être parce-que je ne pouvait m'approcher du camps des para... * (il sembla se reprendre, comme s'il parlait une langue étrangère en s'adressant à eux) * Des humains sans me prendre une volée de carreaux d'arbalète. Peut-être aussi parce-que ma mère ne pouvait pas s'occuper de Drynn là où elle est. Probablement en train de se faire dépecée par quelques soldats de votre armée. *

Ni Yenlui ni Myad ne prirent la peine de répondre, car il n'avaient rien à dire là-dessus. Yawë était trop jeune pour prendre de la distance, tout comme Oryon d'ailleurs, et même Yenlui qui avait un naturel détaché, n'était pas encore capable de faire la part des choses comme le faisait sa Dragonnière. Mais elle avait eu tout son temps pour apprendre. Ils venaient seulement de commencer à faire leurs premières dents de loup sur l'os de la vie. Puissent-ils ne pas les y casser, songea la demi-drow avec un pessimisme acide.

* C'est du passé. Mais je ne l'oublierais pas. J'ai changé, c'est vrai, tu auras peut-être besoin de temps pour t'y faire. Le dragoneau que tu connaissais a disparu. Mais cela ne change rien à ce que nous avons connu ensemble. *

Oryon et Myad échangèrent un de leurs sourires complices, à la fois provocateurs, malicieux et affectueux, comme ils avaient pris l'habitude d'adresser l'un à l'autre comme d'autres s'embrasseraient à la bonne franquette. Yawë ne paraissait pas avoir oublié de détester son maître à deux jambes, car d'un grognement mécontent il rappela à son humain qui il était venu retrouvé dans le dangereux brouillard.

Ayahantê secoua doucement la tête en s'adossant à Yenlui. Elle ne se vexait pas puisqu'elle était surtout soulagée, soulagée que Yawë n'ait, au final, pas vraiment changé.

* Vous vous êtes bien occupé d'Oryon, on dirait. Merci pour ça. Mais vous ne l'avez visiblement pas assez nourrit. *

Oryon fit mine de protester, néanmoins sa volonté se brisa assez sèchement sur les écailles de Yawë, devenues aussi solides que le diamant.

- Il est trop soucieux pour prendre le bon temps de s'engraisser, plaisanta Myad sur un fond de vérité.

Son apprenti s'était en effet beaucoup trop inquiété pour s'octroyer le luxe de prendre du poids.

* Je n'ai aucune raison de m'en aller. *

- Nous l'espérons bien, car nous allons avoir grand besoin de vous.

Elle et son dragon échangèrent un regard, démonstration physique de leur intense discussion intérieure.

- L'Empire est resté aux mains du Concile et des nobles en notre absence, rappela Myad avec un sourire sans joie. J'ai peur de ce que nous allons y trouver à notre retour.

*Des ruines, des cadavres et des incendies en ton nom démystifié* ironisa Yenlui.

Myad leva les yeux au ciel mais elle ne fit aucun commentaire qui aurait pu le contredire. Elle craignait trop que ses dires ne soient horriblement proches de la réalité. Ils venaient à peine de quitter le champ de bataille ; ils étaient encore brûlants d'adrénaline, leurs corps rodés au combat prêts à se jeter dedans à nouveau, comme s'ils n'arrivaient pas à réaliser que tout était fini - du moins ce présent-ci.

- C'est maintenant que les ennuis vont véritablement commencer, conclut-elle d'un ton peu enthousiaste.

Elle soupira, passa une main dans ses cheveux de soie noire et posa les mains sur les hanches, l'air interrogateur.

- Êtes-vous prêts à rentrer ? Nous n'aurons qu'à retourner à la capitale, un message suffira à les rassurer sur notre survie. Yenlui et moi allons constater les dégâts, libre à vous de nous rejoindre après avoir savouré seuls vos retrouvailles.

Yenlui posa lui-même sa Dragonnière sur sa selle, s'ébrouant une dernière fois pour se forcer à retrouver un peu de dynamisme. Du repos... Il ignorait quand il aurait le droit d'en prendre...
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Jeu 1 Mar 2012 - 15:56




    - Nous l'espérons bien, car nous allons avoir grand besoin de vous. L'Empire est resté aux mains du Concile et des nobles en notre absence. J'ai peur de ce que nous allons y trouver à notre retour.

    *Des ruines, des cadavres et des incendies en ton nom démystifié*

    L'impératrice et son dragon d'or d'un côté, l'élève et son puissant compagnon de l'autre, tout semblait être rentré en ordre. Oryon ne serait plus seul et le dragon pourrait faire son grand retour dans les cieux et les rues de Dras Leona. À nouveau ils pourraient retrouver leur honneur et leur rang, entendre de la bouche des citoyens d'avantage de louanges que de vindictes. Ils pourraient se retrouver comme ils l'avaient toujours fait, maîtres et élèves, et vivre ensemble, agir ensemble, pour protéger le pays.

    Et pourtant le corps de Drynn gisait là, juste derrière lui. Yäwé feignait de ne plus le voir, lui tournait le dos avec obstination. Il le savait présent et sentait peser sur ses épaules toutes la terreur qui fut la sienne aux derniers instants de sa vie. Il souffrait encore de sa perte et avait en face lui le responsable. Il aimait et respectait celui qui avait accomplit cette abomination. Tiraillé entre la soif de vengeance et la crainte de détruire tout ce qui lui était encore cher, il ne pouvait plus guère présenter à cette créature qu'une mine amicale et rédemptrice.

    Le pardon est une chose qu'on ne peut acquérir sans le demander. Il n'existe aucune monnaie, aucun prix, pour l'obtenir. Yenlui avait fait un choix et à cause de celui-ci, sans doute, jamais plus rien ne serait pareil.

    * Le temps guérit même les blessures les plus profondes tu sais. * Murmura le jeune homme à son dragon lorsqu'il en perçu l'amertume.
    * Et il vous laisse comme un vieil infirme. *


    - C'est maintenant que les ennuis vont véritablement commencer, Repris soudain l'impératrice avec énergie.

    - Êtes-vous prêts à rentrer ? Nous n'aurons qu'à retourner à la capitale, un message suffira à les rassurer sur notre survie. Yenlui et moi allons constater les dégâts, libre à vous de nous rejoindre après avoir savouré seuls vos retrouvailles.

    Le jeune homme observa son dragon avec compassion pour s'enquérir de sa volonté et, à sa grande surprise, en obtenu une réponse sans tarder.
    * Il n'est pas de coutume chez nous d'enterrer les morts. Heureusement... Il restera ici... *

    Bien que l'esprit du dragon lui semblait être le même que lorsqu'ils se furent quittés, Oryon ne pouvait s'empêcher de réaliser à quel point Yäwé avait changé. Dans ses termes, sa manière de s'exprimer. Yenlui avait raison, il était devenu plus animal et sauvage que jamais. Mais plus sage, plus posé, plus puissant aussi. Le temps de l'insouciance semblait bien loin désormais.

    Et quoi qu'il en soit, le changement n'était pas pour déplaire au dragonnier qui ne pouvait guère que se targuer d'être dans l'estime d'une si puissante créature. En sa compagnie, celle de l'impératrice et celle de son dragon, il était sans doute désormais le mieux entouré des jeunes hommes de toute l'Alagaesia.

    * On ne l'oubliera pas. *


    Le jeune homme s'en alla ramasser l'épée qu'il avait abandonné quelques minutes plus tôt et la rangea dans son fourreau. Sa lame, encore couverte du sang d'un dragon, était en piteux état. Sans doute lui faudrait-il trouver une arme de meilleure qualité, pensa-t'il, avant de craindre que Yäwé puisse lui en vouloir pour ce qu'il avait fait.

    * Ne t'en fait pas pour ça, petite chose. * Lui fit le reptile lorsqu'il compris ce qui préoccupait Oryon. Le temps passé loin de Yäwé lui avait fait oublier à quel point il était difficile de lui masquer ses pensées... D'autant que son esprit avait prit en taille et puissance. Il lui faudrait réapprendre tout ça rapidement, pensa-t'il, à nouveau interrompu par le dragon.
    * Moi je préfère quand nous n'avons aucun sercret tu sais. *

    Le jeune homme souris alors qu'il marchait en direction des deux dragons. * J'ai pété. * Le dragon d'émeraude toussota à son tour et un panache de fumée grise s'échappa des ses naseaux. * Oui, bon, on va travailler ça hun... *

    De retour auprès de son dragon, Oryon jeta un coup d'oeil à Myad. Elle trônait à présent avec majesté sur le dos de son puissant dragon. Il avait beau y être habituait, une telle vision ne manquait jamais de l'impressionner... D'autant que c'était désormais son tour.

    L'idée surgit et explosa dans son esprit comme l'aurait fait une bombe. Pétrifié, il vira doucement au pâle, puis observa l'impératrice avec un léger sourire aux lèvre. Cette dernière, confortablement installée sur la scelle que portait Yenlui, arborait ce fameux sourire, cet air amusé et sadique, annonciateur en général d'une séance d'entraînement musclé.

    Et pour cause, Oryon, qui pour la première fois s'apprêtait à voler seul sur le dos d'un dragon, allait avoir besoin de tout ses muscles pour se maintenir en place, à crue, sur le trajet qui les conduiraient jusqu'à Dras Leona.

    - Sadique... Murmura le jeune homme, juste assez fort pour que Myad puisse l'entendre.

    * Allez ! En scelle ! * Dit le dragon de sorte que tous puissent l'entendre. - En scelle ? Quelle scelle ?

    Le jeune homme fit face au flan du dragon et eu soudain la sensation d'un alpiniste au bas d'un montagne qu'il devrait gravir. Pâle, crispé, il ne faisait vraiment pas le fier.

    * Hey, garçon ! Tu semblais fier d'avoir un dragon sauvage pour dragon alors commence par ne pas me faire honte. Je ne porterais pas un de ces bout de cuire ridicule et inconfortable !
    Maintenant monte ! *


    Le jeune homme grogna en grimaçant et saisit dans chaque main un des pics qui hérissaient le flanc du dragon. - Il faudra qu'on en reparle... , dit-il en se tirant sur le flanc de la bête comme un grimpeur découvrant une nouvelle voix d'escalade, ce qui ne manquait pas d'amuser leurs maîtres.

    - Oui oui, très drôle. Dit-il d'une mine ronchonne, mais amusée, à l'intention des deux spectateurs, lorsqu'enfin il fut capable de placer une jambe de chaque côté de la croupe du puissant animal.

    - Je me vengerais... Ajouta-t'il tout en cherchant une place qui lui semblerait un peu plus confortable, ce qui sans doute était impossible. Il avait tout juste la place pour s'assoir entre deux pics et le flanc de la bête lui donnaient l'impression d'une râpe à fromage.

    - On pourrait peut-être aller au camps chercher la scelle de... Haaaa

    Le dragon s'agita soudain et d'un coup d'aile son corps sembla quitter le sol de quelques centimètres. D'un second coup d'aile ils prirent de la hauteur et Oryon, pas très à l'aise, s'agrippa vigoureusement au premiers pics qui se présentèrent à lui.

    Pour le coup, le jeune homme pouvait remercier son armure, car de simples vêtements n'auraient sans doute suffit à protéger ses progéniture jusqu'à Dras Leona.

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Myad


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Myad
Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Sam 3 Mar 2012 - 1:12


* Il n'est pas de coutume chez nous d'enterrer les morts. Heureusement... Il restera ici... *

En effet il n'était pas habituel pour les dragons d'ensevelir les leurs sous une épaisse couche de terre et de cailloux, cette honteuse cachette pour une défunte merveille... Ils les brûlaient parfois. C'était une sorte d'hommage que les humains donnaient parfois à leurs puissants, leurs rois ; ainsi dans leur bizarrerie les deux-pattes n'étaient pas si éloignés des valeurs draconiques, pour peu que l'on savait s'attarder à leurs coutumes et croyances les plus profondes. Eux aussi aimaient, eux aussi haïssaient, eux aussi souffraient. Ils naissaient et craignaient leur mort, moins encore que celle qui pouvait toucher leur famille... Enfin, il ne fallait pas nier qu'entre les hommes et les dragons il existait quand même un fossé plutôt... Impressionnant. Même les elfes qu'ils avaient combattu puis côtoyé depuis si longtemps n'avaient pas encore réussi à comprendre tous leurs secrets.

* On ne l'oubliera pas. *

Leurs maîtres non plus n'étaient pas près d'oublier le frère de Yawë, malgré leur très courte première et dernière entrevue avec lui ; Drynn, car c'est ainsi qu'il s'appelait, allait hanter l'esprit de son cadet en un obstacle épineux entre les premiers et les seconds.

*La vie nous blesse tous mais ne nous brise qu'une fois... Il survivra... Il ira au-delà.*
*Mais il portera toujours cette plaie en lui...*

Ainsi on pouvait déceler chez Yenlui une très discrète culpabilité - qu'il tâchait de gommer car il savait qu'elle remettrait en cause ses actes et paroles jusqu'à le rendre fou. Or ils avaient besoin de calme, de droiture, de solidité. Oui car, malgré sa rationalité impressionnante, il n'était pas insensible à la souffrance de son élève. Il avait sa mère, ses deux soeurs. Certes il n'avait jamais connu son père, Arget refusant même de lui avouer son nom, mais il savait que le dragon dont il tenait la robe était mort depuis bien longtemps. Alors...

*Je n'ai jamais été véritablement malheureux...*

La Dragonnière appuya de toute la force de son esprit sur les sentiments montants pour les écraser de son amour, de sa conviction. Yenlui se laissa faire, un peu dépassé .

*Nous aurons bien assez de temps pour vivre des crises existentielles à Dras Leona, amicio. Ne te mets pas en peine d'avoir moins souffert que les autres... Tu es fatigué, tu les aimes... Ton jugement s'affaiblit et c'est normal, mais attend d'être assez fort pour le méditer de nouveau.*

Le dragon la prit brusquement entre ses pattes, enveloppant l'être qu'il aimait le plus au monde de ses pattes puissantes. Il n'y aurait personne pour la lui voler. Elle était une partie de lui, il agoniserait de ne plus être une partie d'elle. L'enfant du néant - d'une prophétie viciée, sa petite chose vivante et gesticulante, son adorable monstre. La vague de tendresse presque désespérée qui envahit l'esprit de Myad l'étourdit pendant de longues secondes durant lesquelles elle eut la franche impression d'être un pauvre petit bout de bois perdu dans des flots brûlants et doux à la fois.
L'éclosion de Yenlui pour elle avait métamorphosé son existence, lui apportant stabilité, protection et amour pour toujours.
Toujours étant, dans le monde actuel, une notion particulièrement mensongère qui n'avait d'éternel que la notion qu'il véhiculait. Tous nous rêvons d'éternité, aucun d'entre nous ne l'obtient, et nous ignorons si la mort elle-même nous l'offre sous une quelconque forme...

Ils étaient prêts à partir ; dès à présent, si leurs apprentis étaient décidés.

Un très lent sourire se dessina sur le visage de l'Impératrice, dévoilant ses canines pointues tandis que ses yeux s'éclairaient d'un éclat éminément moqueur. Dans un souci d'apparente neutralité, elle garda le silence. Ce n'était pas grave, Oryon savait lire sur son expression l'étendue de son amusement actuel et son attente du futur. Car il venait, un peu après son maître, de prendre conscience d'un tout petit, vraiment petit détail.

S'ils partaient d'ici, c'était avec leurs dragons. S'ils voulaient aller vite, c'était sur lesdits dragons. S'ils voulaient aller encore plus vite, c'était en volant.

Non seulement Oryon n'avait jamais chevauché son ami à écailles, mais de surcroît il allait devoir connaître l'une des premières fois les plus douloureuses de son existence : le premier passage à cru sur le dos de Yawë. Avec le temps, il apprendrait à se positionner, sa peau s'accoutumerait, et il aurait magie et vêtements pour l'aider à rendre sa situation confortable. Mais pas aujourd'hui... Et non ! Aujourd'hui, il allait souffrir, et mieux que ça, il allait souffrir en serrant les dents pour garder contenance !

Son maître en ricanait d'avance.

- Sadique...

Myad cligna des yeux, comme surprise, en entrouvrant la bouche dans une mimique innocente.

*Moi ? Jamais !*

Yenlui émit un grognement saccadé qui exprimait là un avis assez clair sur la pensée de sa compagne.

* Allez ! En selle ! *
*A la barbare !* ajouta Yenlui. *Il faut bien que jeunesse se fasse, n'est-ce pas Oryon ?*

Le jeune homme grimaça devant leurs plaisanteries ; il donnait l'impression d'un pauvre infirme devant escalader une chaîne de montagnes avec deux doigts seulement et un oeil crevé. Il était irrésistible de consternation, d'horreur, d'envie et d'exaltation, toutes ces émotions gaiement mélangées en lui donnant une expression totu à fait comique.

- Si cette petite escapade n'ait vraiment pas à ton goût, nous pourrons demander l'assemblage d'une selle sur mesure à la citadelle, lui rappela Myad avec un peu de compassion, quand même, pour son élève.
- Oui oui, très drôle.

Le petit singe en armure se hissa en ahanant sur le dos du dragon vert, qui lui aussi semblait s'amuser de la situation.

- Je me vengerais... gronda le jeune homme en agitant les fesses dans une vaine tentative pour s'installer confortablement. On pourrait peut-être aller au camps chercher la scelle de...

*Vers l'infini et l'au-delà !* s'exlama gaiement Yenlui, avant de se ramasser sur lui-même dans un cliquetis de métal et de se propulser dans l'atmosphère en étendant ses ailes immenses.

Myad éclata de rire, étendit les bras et se laissa chuter en arrière, son corps chutant dans l'air à peine sa monture s'y fut élevée ; joueur, le dragon la laissa plonger jusqu'à deux mètres du sol avant de la récupérer sur sa selle sans qu'elle tu cessé de rire et de hululer de joie. Ils remontèrent dans une courbe gracieuse, le duo retrouvant une certaine paix dans les airs mais souhaitant s'enquérir de l'humeur de leurs apprentis.

- C'est merveilleux, non ? s'exclama la demi-drow, le regard étincelant et aux lèvres un sourire franc. Si jamais tu souffres trop, Oryon, tu pourras venir derrière moi pour le restant du voyage...

*Allons-y, j'en ai assez de cet accoutrement* grommela Yenlui qui commençait à prendre son armure en grippe.

Il prit une cadence régulière, s'élevant un peu plus en guettant son cadet et son fragile petit paquet.
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Oryon

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Oryon
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Message Sujet: Re: À la recherche du temps perdu | Jeu 15 Mar 2012 - 23:07




    " C'est merveilleux, non ? Si jamais tu souffres trop, Oryon, tu pourras venir derrière moi pour le restant du voyage... " Dit l'impératrice à son élève, un air amusé sur son visage grisâtre, face au spectacle qui lui était proposé. " Génial... " Grogna-t'il avant de retenir un gémissement lorsque, dans un mouvement d'aile du dragon, un pic s'infiltra entre les mailles de son armure pour lui chatouiller la cuisse. *Pardon.* Intervint le dragon d'un air moqueur. Puis Oryon bredouilla quelques insultes incompréhensibles.

    Le décollage fut sans doute, de tout le voyage, le moment le plus pénible. Entre les écailles qui recouvraient le reptile et les pics acérés qui en hérissaient le dos, les mouvements brusques du dragon et les battements puissants de ses ailes, les différentes positions qu'expérimenta le jeune homme lui semblèrent, à la longue, autant de moyens de torturer un esprit faible.

    En quelques secondes à peine, les deux dragons s'élevèrent au delà de la couche de brume qui recouvrait la jungle. Il faisait déjà nuit mais on y voyait presque comme en plein jour. L'horizon était encore rouge du soleil qui s'éclipsait et la demi-lune au zénith offrait au désert son apaisante et grise lueur.

    Face à un tel spectacle, le jeune homme en oublia presque ce pic qui continuait, à chaque battement d'aile, de menacer ses futurs enfants. L'emprise des forces magiques qui hantaient les montagnes s'envola avec son atmosphère humide, et le corps du jeune homme lui sembla soudain plus léger. Il faisait chaud. Chaud et sec. Si sec que ses vêtements détrempés s'asséchèrent et lui collèrent à la peau en moins d'une minute. La journée avait été longue. La nuit le serait tout autant.

    Avec l'altitude, la température chuta rapidement, et Oryon fut bien heureux de ne pas avoir abandonné son armure pour un vêtement plus adapté au désert. * Je ne m'imaginait pas qu'il puisse faire aussi froid au dessus du désert.* Dit-il avant d'être parcouru par un frisson. Le vent, à cette altitude, était déjà fort.

    * Et ce n'est rien encore ! * Rétorqua le dragon avant de mettre un peu plus d'énergie dans ses battements d'aile.

    Yäwé, pendant les huit mois passés ici, avait beaucoup appris. À cracher du feu, avant tout, et à parfaire ses techniques de vol. Ses compagnons, bien que sauvages, n'étaient pas moins intelligents ou talentueux. Mais de tout ceux qu'il avait côtoyé, Szanghai y compris, son frère avait été le meilleur mentor.

    Oryon n'était pas dupe. Le dragon avait le coeur lourd de la perte qu'il venait de subir. Quoiqu'il puisse penser du geste de son maître, cela ne pourrait effacer la perte d'un proche. L'image le hantait déjà, comme un film qui revenait encore et encore, toujours aussi réelle, sans pour autant qu'il puisse y croire. C'était un cauchemar duquel il ne se réveillerais pas.

    En silence, renfermé sur lui-même, le dragon redoubla de vigueur, et pris autant d'altitude qu'il en fut capable, à la recherche de solitude. * Je suis toujours sur ton dos, tu sais.* Pensa doucement le jeune homme, comme s'il murmurait à l'oreille de son dragon, et celui-ci lui répondit d'un air surpris. * Je sais bien. Et c'est tant mieux. J'ai juste besoin d'air frais. *

    * Je vois ça. * S'amusa le jeune homme, frigorifié. À cet altitude, c'était comme si la vapeur qui sortait de sa bouche se transformait immédiatement en glace. Comme si la nuit s'était subitement retirée et que le soleil s'était étiré en un tapis d'étoiles.

    * Ici, on est dans un courant rapide. Il fait plus froid, mais il nous pousse dans la bonne direction. Tu ne t'en rend pas compte, mais on va très vite. * Le dragonnier écoutait son compagnon avec attention, content de voir qu'il n'avait pas perdu son temps, mais il devinait aussi les raisons qui le poussaient à parler de tout ça. * La nuit, les courants changent. Il est possible qu'il ne nous porte pas jusqu'au bout. Des fois, il faut changer d'altitude. Des fois, on a du vent de face quoi-qu'il arrive. Et bizarrement, on ne peut pas allez aussi haut qu'on veut. L'air devient trop mou. *

    Et il continua pendant plusieurs dizaines de minutes en alternant entre sciences et banalités. Des choses qu'Oryon savait déjà sans oser le lui dire et d'autres choses qu'il ignorait complètement et qu'il fut très surpris de la bouche d'un dragon. Sur le vol, bien entendu, mais sur l'orientation, aussi, sur l'astronomie et sur les paysages qui s'étendaient au loin. Il lui divulgua le nom que donnaient les dragons sauvages à différents reliefs, à différentes choses, sans qu'Oryon ne puisse même reformuler le mot. Il lui parla des proies qu'on pouvait trouver dans la jungle, du souvenir nostalgique qu'il gardait du fumé délicat des biches et du fait qu'il aurait donné n'importe quoi pour un bon sanglier.

    Parfois, une pensée désagréable lui revenait, et Oryon le relançait amicalement sur un sujet qu'il n'avait pas encore abordé, comme pour lutter coute que coute contre l'ennui. Un ennui lourd de conséquences, car aussitôt qu'ils ne trouvaient plus que dire de tristes pensées revenaient les harceler.

    Yenlui et Myad avaient pris leurs distances, si bien que l'oeil d'Oryon ne pouvait plus distinguer d'eux qu'un minuscule petit point, loin derrière. L'impératrice et lui s'entendaient comme chien et chat, mais ne se haïssaient pas pour autant, bien au contraire. Myad se refusait à l'admettre, mais elle était une excellente professeur. Et quoiqu'en dise Oryon, et bien, il n'était pas trop mal non plus.

    Après une heure de bavardage, peut-être deux, comme si le temps n'avait plus eu d'emprise sur eux, les sujets de conversation vinrent à manquer. Oryon ne trouvait plus que dire sur ce que Myad lui avait fait subir pour le remettre sur la bonne route, et Yäwé avait terminé son long monologue concernant le soleil chaud du Hadarac et la fréquence avec laquelle il avait été contraint de se rafraichir.

    * J'ai eu peur. * Dit-il doucement, après un long silence.
    * C'est terminé maintenant. * Lui rétorqua le reptile en accompagnant sa pensée d'une sensation apaisante, entre l'amour et la gratitude. Ce que demandait n'importe quel être humain, après tout, sentir la bienveillance de quelqu'un se poser sur lui.
    * J'ai froid. * Dit le jeune homme en s'allongeant le long de la croupe du dragon, ce qui n'était pas un exercice facile étant donné les pics qu'il devait ésquiver.
    * Fin de la leçon théorique. *

    En un instant, le jeune homme senti le corps robuste de la créature qu'il montait s'affaisser sous son propre poids. L'armure du jeune homme se fit aussi légère qu'une plume, comme le restant de son corps, d'ailleurs. Ils tombaient.

    Quelque-chose s'éveilla en Oryon. Un instinct animal, profond, une sensation de mort imminente. Cette partie de son esprit l'alarmait, le mettait en garde et le suppliait de faire quelque-chose. Mais il n'en avait que faire car une autre partie de lui, celle qui faisait une confiance aveugle en Yâwé, jubilait.

    * Hé ! Tiens toi espèce d'abruti ! * S'écria le dragon en constatant qu'Oryon, un large sourire au lèvre, s'éloignait du dragon de quelques centimètres. Comme s'il avait voulu prendre son envol.

    * Pourquoi ? * Rétorqua le jeune homme, joueur, alors qu'il s'éloignait un peu plus du dragon, la tête en bas, freiné seulement par l'air qui déformait son visage. Il riait.

    * Pour ça ? *

    Sans prévenir, et alors qu'Oryon avait pris soin de rester à portée de bras des pics qui hérissaient le dos du dragon, "au cas où", ce dernier s'ésquiva subitement et laissa Oryon seul, la tête en bas, dans le vide.

    * Revient !! * S'écria l'humain, entre panique et fou-rire, alors qu'il sentait son corps s'imbiber d'adrénaline. Une sensation terrifiante, mais ho combien addictive !

    Après une petite pirouette, le dragon revint vers l'humain et tourna avec élégance autour de ce dernier. Le sort s'approchait, encore et encore, et Oryon se sentait soudain comme une baleine... Ou un pot de fleur...

    À deux reprises, il chercha à saisir un des pics que Yäwé s'amusait à lui présenter. Mais aussitôt qu'il tendait un bras pour s'en saisir, c'était comme si l'air lui même cherchait à l'attirer dans l'autre direction.

    * Alors, petite chose. Leçon de vol numéro un. * Commença le dragon, d'une voie claire, paisible, et didactique. " Rattrape moi tout de suite ! Satanée boule d'écailles. "

    Oryon s'énervait, criait, mais cela ne semblait pas déranger le dragon qui continuait de parler à la manière d'un mode d'emploi pour meuble IKEA© * Étendez vos ailes et battez les à la manière d'une oie qui chercher à décoller. *

    Le dragon continuait de tournoyer autour du bipède, le suivant dans sa chute, alors que le sol s'approchait. * Exercez vous d'abord sur une surface plate... Bon... Tant pis. * Le dragon marqua une pause, puis repris. * Leçon numéro deux. Lorsque vous vous sentez assez sur de vous, prenez de l'élan et... Ha bah non. *

    " YÂWÉ ! C'est pas drôle. "
    * Leçon numéro trois. * " Arrête ça et approche toi ! "

    L'humain agitait ses bras désespérément à la recherche d'un pic auxquels il pourrait s'agripper. Et la pression de l'air le fit soudain tournoyer dans les airs.

    * Si tu voulais apprendre à voler, suffisait de me le dire aussi. On aurait commencé par s'exercer au sol. Toi et tes envies de sauter les étapes... *

    Après quelques galipettes aériennes qui donnèrent au jeune homme le tournis, il se stabilisa dans une nouvelle position, allongé.

    * Ha ! Tu fais des progrés ! * S'exclama le dragon d'un air enjoué, forcé de ralentir sa chute pour rester à le même hauteur qu'Oryon. * Maintenant bat des ailes... Allez ! *

    " J'ai compris Yäwé ! Approche toi s'il te plait ! "

    Le dragon poussa un léger soupire et un panache de fumée noir s'échappa de ses naseaux. Avec un remarquable savoir faire, il se plaça au dessus du jeune homme qui ne se fit pas prier pour récupérer sa place.

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À la recherche du temps perdu

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