Une devanture aux couleurs chatoyantes annonce une vitrine d’artisan. On peut y lire en lettres écarlates : l’Antre du Jeu. Il s’agit d’une petite boutique tenu par un étranger venu faire fortune en Alagaësia. Fabriquant de marionnettes, il s’est lancé dans le commerce de jouets exotiques. Depuis quelques temps, Maître Li connaît un commerce florissant. Son nom est désormais accompagné d’une réputation respectable. Parfois, dans l’ombre d’une ruelle malfamée, l’on peut même entendre quelques compliments à son égard.
Un carillon tinte légèrement, la porte vient d’être poussée. Un nouveau client vient d’entrer. Affairé derrière son comptoir, Maître Li est plongé dans la lecture d’un livre de comptes. Parfois, on peut le surprendre en train de travailler un nouveau jouet. Des marionnettes aux couleurs éclatantes pendent çà et là. D’autres attendent quelques finitions ou certaines gisent à moitié achevée sur des étagères.
Ces derniers temps, Maître Li manque de temps pour accueillir ses propres clients. Généralement, c’est son assistant Hang qui accueille de nouveaux clients. Il s’agit d’un jeune homme ayant à peine passé la vingtaine. Vêtu de vêtements amples et bariolés, il ressemble à s’y méprendre à Maître Li avec quelques années de moins. Hang est un jeune homme timide et courtois. A l’instar de son Maître, il sait se montrer tout aussi affable et dur en affaire que lui.
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A l’angle de la rue qui donne sur la boutique de Maître Li, une modeste porte est gardée par deux hommes armés de sabre. « Réserve » est écrite sur la porte. Les gardes sourient rarement et conservent toujours un air distant, légèrement menaçant. Ils ressemblent à d’étranges gargouilles gardant un lieu presque sacré. De temps à autres, ils quittent leur immobilité pour laisser passer quelques hommes. Ces derniers s’arrêtent à leur pied, murmurent tout bas quelques mots, montrent parfois une mystérieuse marque sur leur poignet et les gardes leur cèdent le passage.
Et les mystérieux visiteurs disparaissent derrière la porte de la Réserve. Elle s’ouvre rapidement et se referme presque aussitôt. On ne peut rien deviner derrière, un rideau épais bouche la vue. Les visiteurs l’écartent d’une main distraite. Une femme souriante les accueille. Elle ne porte presque aucun vêtement, elle n’en a pas besoin. Parfois, Maître Li remplace le sourire de la jeune femme et accueille lui-même ses visiteurs. Il se frotte les mains d’un air satisfait, se courbe légèrement et n’efface jamais son sourire avenant. Quelquefois, on peut le surprendre à se lisser la barbichette.
La jeune femme invite les nouveaux venus à la suivre d’un nouveau sourire charmeur. Ses fesses dénudées dodelinent légèrement sous sa démarche chaloupée. Elle est extrêmement belle. Elle ressemble à ces fruits exotiques que l’on aperçoit parfois sur le port de Teirm. De ceux d’on ne sait d’où ils viennent mais on a cette certitude qu’il faut les goûter au moins une fois dans son existence. Les murs du couloir d’entrée ruissellent de perles et d’autres babioles. Les visiteurs les écartent avec leur éternelle désinvolture. Ils semblent attirés par une force invisible. Les yeux fixés vers le selon qui s’offre à eux.
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Des banquettes jonchent l’immense salle aux voûtes impressionnantes. Des tentures sont dressées pour atténuer la présence de la pierre. Des tables basses sont disposées tout autour des banquettes. Quelques mets y sont déposés avec soin. Ce qui attire l’œil, pourtant, ne sont pas les femmes partiellement dénudées qui dansent entre les tables, ni même les fumées envoûtantes qui saturent l’atmosphère, ce sont les hommes allongés sur les banquettes. Le regard perdu dans le vide, ils semblent avoir oublié ce qu’ils sont. On pourrait croire qu’ils ont découvert une nouvelle vérité, plus grande encore.
Et parfois, ils s’extirpent de leur léthargie, tende une main hasardeuse vers la table la plus proche et se penchent vers de curieux récipient. Ces hommes paient une fortune pour l’Opium. Essence rare et précieuse. L’ensemble de la scène se déroule avec une volupté presque irréelle. L’on semble se trouver ailleurs, loin de l’Alagaësia et ses sombres complots.
Plus loin, derrière ces hommes qui se prélassent dans des rêves qui n’appartiennent qu’à eux, l’on peut voir des belles jeunes femmes s’occuper d’autres hommes. Attablés pour la plupart, ils semblent jouer. L’on perçoit des dés çà et là ou même des cartes. Certains rient, d’autres dévorent des yeux leur compagne du moment. Parfois, l’une d’elle amène un homme un peu plus loin. A l’étage, quelques bruits étouffés s’échappent.
Et sans cesse, ces effluves envoûtantes vous embrument l’esprit, épaississent l’atmosphère et vous transporte en des lieux oniriques.
Parfums de Chine ou de n’importe quoi.