Vassili observa de biais la centaine de milliers d’Alliés qui se trouvait aux pieds de la ville, ou certains, à l’intérieur même. Il avait bien accueilli le renfort de quinze mille hommes que leur fournissait l’Alliance, mais maintenant, ils étaient bien trop nombreux pour n’être qu’un simple renfort. Ils ne pouvaient même pas tous entrer dans la ville ! Qu’est-ce que cela voulait dire ? Il y avait anguille sous roche, il le sentait, et comme à son habitude, il alla aux nouvelles. Chercher l’information à la source est le meilleur moyen de trouver des réponses à ses questions.
Et des questions, il s’en posait ! Le grand homme malingre au visage écharpé s’approcha du lieutenant qu’il avait accueilli en ville, qui était en grande discussion avec ce qui semblait être le chef de cette armée.
Vassili s’approcha des deux hommes de sa démarche chaloupée. Il avait cela d’inconcevable en lui qu’il était dur de lui accorder l’humanité de premier abord. On le prenait souvent pour une sorte de bête de foire, pourtant, il suffisait de le voir commander, exhalé sur un champ de bataille, pour se dire que ce type était tout ce qu’il y a de plus redoutable.
Il réfutait être magicien, pourtant, il savait parfois des choses qu’il n’aurait pas dû savoir, et il accomplissait parfois des actes qui auraient dû le dépasser. Il suffisait de voir sa démarche bancale d’handicapé se transformer en une danse féline une épée à la main pour se convaincre qu’il n’était définitivement pas humain.
Bref, son grand échalas s’approcha pesamment des deux hommes. Un coin de sa bouche semblait s’étirer en une éternel sourire, figé par le coup de poignard qui lui avait lardé la joue de la tempe à la commissure des lèvres. Il doutait que le général de cette troupe ne lui accorde sa confiance.
-Puis-je vous demander quel est la raison de votre venue ici ? demanda-t-il sans ambages, sans courtoisie, mais sans aucune animosité non plus, simplement neutre. Par ailleurs je n’ai pas l’heur de connaître votre nom.
Le commandant de la troupe serra les dents brièvement, mais sembla décider qu’il n’était nul besoin de s’offusquer de l’accueil un peu brusque. Il haussa les épaules.
-Je suis le commandant A.J.T. Dubocal, déclara l’autre. Je…
-Général ! cria un homme qui déboulait à cheval des portes de la ville.
Les sabots de son étalon martelaient le pavage régulier, et il s’arrêta après un galop qui semblait trop long pour sa monture juste en face du général Vassili. Il descendit à terre sans cesser de parler :
-J’ai un message important mon général. On me fait vous dire qu’une armée de l’Alliance est en chemin pour se ranger sous vos ordres. J’ai une missive officielle.
Il sortit d’une des sacoches de sa monture un tube de fer clos dont il sortit un pli scellé à la cire. Vassili le décacheta, le lut dans son intégralité, et hocha la tête, satisfait. Sur son visage, son sourire figé sembla s’étirer un peu plus.
-Commandant Dubocal, dit-il, je suis le général Surdan Léon Vassili. Je vous prie d’excuser mon accueil un peu brusque, j’étais inquiet par le fait de voir tant d’hommes si près.
-Ce n’est rien, répondit Dubocal, et il semblait sincèrement le penser. Je suis maintenant sous vos ordres. Je crois que vous connaissez déjà le lieutenant M. Hathöm, il est mon second.
Vassili hocha la tête. Il congédia le messager avant de s’enfermer avec Dubocal dans ses appartements privés. Le soir même, l’armée Alliée repartait, menée par Dubocal et Hathöm.