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Gloire à qui encargiet les armes

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Henry


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Henry
Message Sujet: Gloire à qui encargiet les armes | Mer 18 Nov 2009 - 14:05



    La truffe bien ciselée de l'aimable Guinegate avait senti le vent tourner contre l'empire. Quel Destin était assez cruel pour ne point gonfler les voiles Léoniennes ? Henry ne le savait pas, mais il avait décrété que jamais de son vivant on ne le verrait au bord d'un navire qui n'avançait pas ; et même, un navire qui reculait ! Le bon baron n'était point homme à s'abandonner à quelconque langueur ou décrépitude mortifère. Prenant -comme à son habitude- le problème à bras le corps, Henry de Guinegate s'était défait des insignes pourpres de l'Empire, de son caducée moult sanctifié et de son ineffable loyauté. Tout à la fois. Il n'était pas fait pour la demi-mesure, en témoignaient son esprit vif et sa musculature saillante, luisante, qui aurait fait passer n'importe quel Hercule pour frêle brindille.

    Depuis, la pimpante campagne du Yazaret voyait déambuler entre ses pampres un homme libre et fier, arrogant seigneur de tout vent et de tout temps qui n'avait pour maître que lui-même, et pour dieu son bon-vouloir. Et quelle ébaudissante troupe suivait ce parangon ! Des gens d'armes parmi les plus parfaits que cette terre ait porté, des chevaliers qui, s'ils n'étaient pas amour courtois et vertus, étaient au moins férocité et vaillance ; et des valets en livrée et des écuyers, des bateleurs, des vielleurs et des aèdes pour divertir les fermes seigneurs des Vals. Il y avait au moins deux cent hommes défilant entre les opulentes cultures des marches alliées. Deux cent purs produits de la tradition martiale humaine. Deux cent braves -même le fourrier- descendants de ceux qui déjà les mythes louaient. Sous le tonnerre de leurs bottes souillées par la terre noire du Yazaret tremblaient de concert les nations d'Alagaësia.

    Exaltés par l'époustouflante épopée qu'ils s'apprêtaient à vivre, les reîtres de Guinegate avaient écumé les villages alentours. Tavernes et maisons closes avaient été l'objet de toutes leurs attentions, avant que ne passent sous leurs doigts avides le contenu des greniers et des resserres cachées. Il fallait bien vivre, et vivre sur le labeur des autres était pratique. Toutefois soucieux de son image auprès de la gueusaille, Henry s'était fait loi de payer dûment chaque paysan dépouillé de ses biens. Aussi le sud des territoires alliés fut-il bientôt engorgé de diverses babioles en os, en bois ou en cuivre, de colifichets en argent et de plumes d'animaux exotiques. Henry savait se montrer prodigue auprès des moins dotés. Il demanda qu'un histrion fasse chanson de telle munificence, et ce fut un obèse en tenue bariolé qui se présenta à lui. Le baron exigea qu'un être plus digne fasse le récit de son aventureuse geste, et un éphèbe poète et blond fut donc chargé de coucher sur le papier la légende. Henry était satisfait.

    Après quelques dix jours d'une marche soutenue en ces riantes contrées, l'étourdissante compagnie fut en vue du lac Fläm. Ils pouvaient le contempler depuis un mont chargé de cyprès et de mytres. En contrebas courait un bois vaste et touffu qui jusqu'aux rives étincelantes de l'immense plan d'eau s'étendait. Le vent portait le chant égrillard des canards et des exhalaisons entêtantes d'humus frais. Enthousiasmé, Henry fit établir un bivouac en ce petit paradis, digne de sa noblesse. Il comptait rester là plusieurs jours, afin que ton son être puisse s'imprégner de l'onde apaisante et de la prospère végétation. Attaché à ce que ses hommes et lui-même ne manquent de rien, le bon seigneur de Guinegate entreprit de visiter tout ce que l'avenir pourrait lui donner en tavernes, afin d'y faire respecter la loi et d'y prélever de modestes quantités de bières, vins et divers spiritueux.

    Par chance, l'avenir souriait toujours aux hommes de sa trempe, et il trouva bien vite de quoi satisfaire ses plus heureuses convoitises. Un bourg arrogant s'étendait à quelques lieues de là et il se trouvait être un haut-lieu de pèlerinage. Les pieux voyageurs n'étant pas si différents des autres hommes, il y avait là-bas imposant estaminet. Guinegate entretint le tenancier de ces mots « Adonc tavernier ! Vois force preux en li frimas assemblés, e consens a l'yleur accordier breuvage et douseurtey a moult gran fuison pour leur gosier ! » Sensible aux bons mots du grand homme et à la cinquantaine de reîtres qui l'accompagnaient, le gérant de la taverne leur fournit de bonne grâce moult fûts, bouteilles et quelques jambons parmi ses meilleurs. Par chance, les ladres se contentèrent de cela et regagnèrent leur camp.

    Celui-ci, d'un abord peu fréquentable, bouillonnait à présent d'une frénétique activité. Riche en idées, Humphrey fouine-viscères avait fait montre de ses talents de chasseurs et ramené plus d'une d'une dizaine de bêtes en le centre du village improvisé. Guillaume sans-nez, connu à juste titre pour être plus badin, était aller réquisitionner un montreur d'ours errant pour animer les festivités envisagées. L'homme semblait talentueux et son animal des plus cocasse : de grands yeux humides et mutins, une truffe délicieuse d'insolence et un poil luisant de santé promettaient un truculent spectacle. Prompt à montrer une joie exubérante, Henry de Guinegate se mit de la position idoine -jambes écartées, poitrail déployé et mains sur les hanches- et éclata d'un rire aussi noble que tonitruant. « HAHAHA ! Que ferais-je sans le secours d'homme si ingénieux ! » s'ébaudissait-il inlassablement. Alors qu'il prononçait ces mots, des dizaines d'hommes partaient en forêt, désireux de montrer leur talent à l'arc et ramener force volaille pour le bon plaisir du seigneur. Ils hurlaient en cœur « Pour li esbaudissant seigneur de Guinegate ! »

    Et puis voilà que le serein tombait, épais. Comme il mouillait l'herbe et les nuques de la virile troupe, on embrocha trois cerfs entiers au-dessus d'impressionnants bûchers. Autour de leur chaleur luciférienne s'amassaient des échansons, de jeunes marmitons et des lansquenets mis en féroce appétit par le fumet épicé de la venaison. Les nobles guerriers, eux, avaient élu domicile sous de majestueux dais dressés pour l'occasion. Déjà on servait des vins parmi les plus délicieux à Guinegate et ses pairs, alors que le cocasse ours savant titubait au milieu des tables, les yeux bandés, en faisant mine de poursuivre son maître charnu. Accompagnaient des bateleurs en grotesques tenues bariolées, et un baladin qui chantait la Geste de Manfred Rouge-Epée, illustre ancêtre Guinegate dont le souvenir était encore pur dans l'âme de Henry. Un homme fougueux que ce Manfred, trop vite emporté par son goût de l'activité martiale.

    Le campement du noble sire était joyeux en ce doux crépuscule d'été. Les immenses bannières Guinegate claquaient dans la fraîcheur de ces heures bénies, veillant sur la troupe assemblée qui semblait avoir oublié toute précaution. Ni mur ni fossé ni piège, ni sentinelle. Après tout, ils étaient loin de toute guerre et n'étaient pas hommes à se cacher derrière des murs. Les Guinegate campaient aussi hardiment qu'ils combattaient.



Dernière édition par Henry le Mer 6 Jan 2010 - 14:48, édité 1 fois
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Henry


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Henry
Message Sujet: Re: Gloire à qui encargiet les armes | Dim 3 Jan 2010 - 22:16


Grand mal prit à la compagnie de mettre tant de témérité en son établissement. L'incurie des Guinegate, se rendirent-ils compte, fut bien vite la cause de tous leurs malheurs. En effet, alors que le suave baron alpestre suçotait un ortolan ruisselant de son verjus, vint à hurler une sentinelle somnolente. Que valait au luron si prompte vivacité ? Qu'elle horreur des abysses pouvait ne serait-ce que la tirer de sa sérénité ? La réponse ne se fit pas attendre, puisque une horde visqueuse déboula sous le dais seigneurial même. Quelle outrecuidance ! Quelle engeance avait la hardiesse de molester les alcides Guinegate et de s'inviter à la table baroniale ? Et bien, croyez-le ou non, il y avait là une assemblée bien étonnante d'ondins. Des nixes farouches, à la chevelure alourdie d'algues, et de patibulaires tritons enchanteurs encerclaient le gratin du Woardak. Humphrey se dressa de rage et vit une lance d'un rose pâle le transpercer, puis deux, puis trois. Fouine-viscères s'écroula aussi nonchalamment qu'il consommait les nourrissons vivants et la vertu des jeunes filles. La cour de Henry fut agitée d'une houle réprobatrice, et l'on en vint bien vite à tirer les épées. Le bon seigneur lui-même délesta son fourreau de l'Ort Lame et la pointa, menaçant, sur les écailles humides des intrus, en prononçant ces exacts mots : « Démons aquatiques, que nous signifie pareil meurtre sous mon dais, et surtout de l'un de mes officiers de la plus fine qualité ? » les créatures ne daignèrent répondre que par des gargouillements incompréhensibles, accompagnés par des chapelets hétéroclites de bulle et de bulots qui surgissaient de leurs entrailles. « Mon rang de gentilhomme m'a alors obligé à faire preuve de clémence, mais, voyez-vous, votre mutisme me pousse à vous infliger juste châtiment pour vos méfaits ! Hardi ! Sus aux tritons ! » Agrippant ferme l'espoir que l'on conterait cette geste, Henry chargea les odieuses créatures à la tête de ses braves. L'extraction magique des nymphes leur fit esquiver les coups avec une agilité hors du commun, et les tritons usèrent de tentacules jusqu'alors dissimulés pour se défendre, jouant en même temps de la lance pour occire les courageux chevaliers. La lutte était inégale, mais l'ardeur Guinegate ne fit pas pâle figure face aux artifices infamants des bêtes d'outre-plan. Herbert Fend-Crâne, comme à son habitude, fit littéralement imploser le chef d'un triton sous le poids de sa hache d'arme. Pendant ce temps-là, Guillaume Sans-nez tranchait longitudinalement deux nixes séductrices. Des reîtres, alertés par les cris de guerre de leur employeur, avaient pris les armes et se jetaient sus aux tritons à revers, assurés d'une prime coquette pour leur intelligente stratégie. La conflagration agitait la colline aux cyprès, et tâchait de sang l'herbe fraîche. Les monstres du lac prenaient peu à peu l'avantage sur des hommes vaillants, mais démunis face à cette félonne sorcellerie. Nombreux furent à trépasser piteusement, terrassés par un horion captieux ou un estoc vicieux. Ils tâchaient les gazes des tentes et les bannières flamboyantes de leur sang idiot, et laissaient toujours plus de terrain aux ondins. Ne resta bientôt plus que Henry, accoté de ses deux fidèles ! Herbert et Guillaume. Tous deux, tels des démons, ruisselaient de sang et leurs yeux brûlaient d'une juste rage, réclamant justice pour les braves tombés aujourd'hui. « Mort pour les traîtres ! Mort pour les nuées infernales ! » disaient ces visages crispés, ces muscles bandés et ces épées maculées d'un sang verdâtre. L'ultime charge fut magnifique, spectaculaire. Un feu ardent avait pris possession des guerriers, leur insufflant la gloire des dix-huit dieux des monts ! Ainsi inspirés, ils pourfendirent moult tritons abasourdis par l'éclat de leur geste. Henry était un véritable lion, un parangon inflexible qu'aucune miséricorde n'arrêtait. Son bras écrasait toujours les hordes impies, sans qu'il ne se souciât des ravages infligés à son propre corps. C'était le bras des dieux, le fidèle esclaves des bienveillants géants des montagnes, l'avatar des héros passés et futurs, le symbole marmoréen de la gloire des hommes ! Sa lame finalement se brisa sur l'ébaubissant coterel du roi-triton. Celui-ci, fort gouailleur, se fendit d'un borborygme hideux et enfonça sa lame viride dans le ventre de notre héros. Cela semblait être le point final, jusqu'à ce que, dans un élan de colère indicible, Henry s'empare de sa dague et égorge son assassin. Son souci de vengeance était envolé, son besoin de vindicte soulagé. Il pouvait s'en aller en paix, ce qu'il fit dans un altier soupir, dignement.
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Henry
Message Sujet: Re: Gloire à qui encargiet les armes | Mar 5 Jan 2010 - 21:14


« Serais-je au paradis des guerriers ? »
« Non pas, Guinegate, il te reste moult gestes a accomplir et à arroser le monde a moult grand fuisson de ta gloire ! Que la vie en ton cueur tien et tes vesnes coule ! »
Henry avait toujours nourri le rêve secret d'effleurer la conscience des dieux, de converser avec Zomdublur, le dieu Géant vêtu de peaux de bêtes qui dans les montagnes erre, à la recherche d'adversaire digne de lui. L'esbaudissante rencontre préserva longtemps le triste sire des douleurs du réveil. Mais, un jour, même les plus vives lumières s'étiolent et quittent le monde. Là, le halo bénéfique s'épancha du corps nerveux de Henry et le laissa seul face à sa triste situation. Il était entièrement nu ! Voyez-vous ! Les tritons avaient jugé bon de dévêtir si altière figure et de la trimballer sous son plus simple appareil. Et sous l'eau encore. Guinegate ne savait point dans quel pétrin sa témérité l'avait fourré, mais il était humide. A peine voyait-on la surface d'ici, qui se réduisait à un ballet flottant de perles scintillantes à quelque inimaginable distance de ses yeux. Étrangement, il respirait comme s'il s'était trouvé dans les cols frais de ses montagnes, où coule un air pur et vivifiant. Tant et si bien qu'une impétueuse vitalité regagna bientôt ses membres indolents, et son esprit ! Son appareil spirituel d'une rare efficacité tournait à plein régime sous le sommet de son crâne, derrière ses yeux séduisants et son front noble. Il était donc sous l'eau et totalement nu, a des profondeurs hadales que nul homme n'avait jamais explorées, sans doute dans le lac Fläm. Et donc ? Six tritons de belle complexion l'agrippaient de part en part, tandis que deux ouvraient la marche. Aussi loin que le regard portait en de si sombres profondeurs, l'on pouvait voir un cortège de sirènes aux yeux d'un bleu pur et hypnotisant, qui portaient un curieux plateau garni de la dépouille du roi-Triton, enroulé dans une toge rouge et couronné de coquillages. Des bigorneaux, selon l'œil averti du Guinegate. Il se surprit d'avoir l'inconscience d'ouvrir la bouche, et pour parler ! Mais une surprise bien plus grande encore lui fut infligée, telle un coup impérieux derrière le crâne. Non seulement l'eau ne pénétrait pas sa gorge, mais en plus il parlait tout à fait intelligiblement. Fait à cet étrange état de fait, il fit ronfler ses accents les plus suborneurs et questionna sa polypeuse escorte. « Que fais-je là ? » « Qui êtes-vous, ladres ! » «  Répondez ou trépassez ! ». Mais aucune de ces créatures ne semblait douée de paroles, ni même d'oreilles, puisqu'elles faisaient preuve d'une olympienne indifférence. On le déshabillait de pied en cap, on le maintenait d'une poigne douloureuse, on le traînait dans des abysses poisseux et on ne lui disait rien des raisons de tel rapt ! Autant, d'un oeil extérieur la situation aurait pu être cocasse, mais là ! Là ! Elle faisait se plisser le front hâlé du farouche seigneur. Il ne goûtait pas de ce sel là ! Et alors qu'il vitupérait vivement ses ravisseurs, une goulée de stupéfaction lui imposa un silence religieux. Voilà que l'esbaudissant seigneur de Guinegate, aventurier de tous chemins et chevalier de toutes dames, lui voyait quelque chose lui semblant extraordinaire. Là, tapie au fond des flots, une cité de roches vertes et marbrées toute illuminée par des méduses enchantées, des poulpes spectraux et des tritons lampadophores. Quelles rocambolesque aventure attendait Henry de Guinegate ?
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Message Sujet: Re: Gloire à qui encargiet les armes | Dim 31 Jan 2010 - 13:36


Il fut incessamment intronisé dans un hall de coraux et de marbre luminescent. Il y avait des plantes qui irradiaient une lueur verte, malsaine, digne des plus lugubres nécropoles. L'agitation opportune de lanternes spectrales faisait un clair-obscur dansant dans les coins les plus reculés de la pièce monumentale, laissant entrapercevoir des écailles ondulantes, des tentacules troglodytes et diverses créations que le Seigneur ne trouva pas bon de mettre au jour. Mieux valait pour le salut de l'âme humaine et des choses terrestres que les habitants des abysses restent tapis dans l'ombre, épargnant aux nations le spectacle de leur hideuse complexion. Il y avait, d'un côté de la salle, une assemblée bourdonnante de sirènes et de tritons pris dans une ardente conversation. L'un bavait une logorrhée de bulles et de panaches spumeux, tandis que l'autre réfutait en agitant sa barbe polypeuse et les conques ornant ses cheveux. Et il en allait de même pour les nixes aux gorges opulentes, les homoncules flapis et chenus, les patriciens à l'esprit aussi pauvre que leur toge était riche. Henry subodora que cela ne présageait rien de bon, car dans cette électrique promiscuité se jouait peut-être son destin. Il avait, après tout, pourfendu le roi des ondins qui, à coup sûr, n'avait pas eut la riche inspiration d'une descendance vigoureuse. Il mourait seul, sans doute haï et jalousé, et sans fils -ou fille, qui sait quelles pratiques barbares pouvaient régir la vie aquatique- et on l'oublierait aussi vite que l'on s'en était défié. Quoique pourvus de queues de poissons et de barbes vertes, ces innommables êtres avaient dans la tête les mêmes préoccupations que les hommes. Et là, il leur fallait un successeur consensuel, souriant et aimable. Henry savait qu'il était les trois à la fois, mais il savait moins que cela était le cas en les mares profondes de l'Alagaësia. Il fut jeté sur un trône de coquillages et d'or et surmonté de la couronne de son adversaire défunt. Et puis une foule poissonneuse se massa à ses pieds, dardant sur lui des regards globuleux, vides d'âme et de raison. Dieu sait quelle prophétie saugrenue agitait ces simples d'esprits. Quoiqu'il en soit, elle leur avait fait choisir un chef brillant, un guerrier sans peur et sans reproche qui déjà sur terre était une légende. Ne lui restait plus qu'à inscrire son nom dans le basalte des abysses, et il serait le Héros des mondes d'en Haut et d'en Bas, la jonction entre l'humanité brillante et l'ondinité ignorante. Il allait mener ces bêtas amphibies conquérir le monde, et faire trembler les ports du martèlement de leurs tridents. Nul marin ne pouvait imaginer si infâme péril, ni aucune nation ni aucun devin raisonnable sur cette Terre. Henry était le seigneur de guerre des lacs et des mers, le glaive turquoise des déshérités de la création, ceux qui jamais ne voyaient le soleil. Ils feraient de lui un dieu, et ils l'aimeraient, et ils lui obéiraient jusqu'aux portes des enfers s'il le fallait, et même au-delà en la cité infernale de Dité. Ils navigueraient sur la mer extérieur, iraient fouler le pavé des villes sélènes et les plages cosmiques où nul n'alla jamais. Ils étaient tout dévoués à leur nouveau maître, si charmant et charismatique dans sa nouvelle tenue de roi !
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Message Sujet: Re: Gloire à qui encargiet les armes | Jeu 11 Mar 2010 - 22:50


Le bon roi Henry s'en alla visitant ses siennes marches ! Celles-ci étaient fort âpres et noires, de basalte et d'onyx piquetés de rubis iridescent. Oh que cela était beau ! Il put ainsi baguenauder parmi les coraux jaunes d'outre-abysses, rencontrer les sultans infernaux des confins de la mer extérieure, satrapes cruels aux bouches larges et aux lèvres turgescentes qui avaient comme singulière habitude de dévorer des stryges des plans étrangers. Munificents, ces cyclopéens souverains firent armer de terribles galères noires pour ramener leur hôte à bon port. Les resserres en étaient remplies de thons géants bouillis dans le verjus, et de vin âcre des fonds marins. Il y avait aussi quelques nonces démoniaques, aux petits soins avec Henry qu'ils ne cessaient de flagorner dans l'espoir, peut-être, que celui-ci leur confie l'ost ondin pour chasser plus de stryges. Mais le roi n'était pas homme à céder à ces flagorneurs barbaresques, ni à leur laisser la main-mise sur une armée qui faisait son orgueil !

Mais vint un jour où le folâtre démiurge fut mandé par d'urgentes affaires : il fallait expédier les vicissitudes de la vie comme le marin opiniâtre affronte la mer agitée. Avec fougue ! Opiniâtre, le roi l'était assurément. Mais même sa proverbiale assurance ne savait le détendre quand, sachant ce que lui promettait l'avenir depuis qu'il avait rencontré cet aruspice, cela lui revenait à l'esprit. Tritonia la nixe aux yeux pers, ondine éminente et divinité des fonds marins, reine des créatures d'outre-abysses ! Oh, que ne pouvait-il pas se cacher dans quelque conque, le bon Henry. Mais au lieu de cela il se faisait une flamboyante mise, à même de séduire le regard expert d'une déesse pluri-millénaires. Quelques pétoncles couvraient les cheveux du roi, et il avait revêtu quelque beau pourpoint de goémons, et par dessus une rude brigandine ; d'aucuns en disaient qu'il n'y avait dessus que petits clous dorés par-dessus le satin, pour qu'elle soit plus légères et le roi à son aise dedans.

Quand ce-dernier put se piquer d'être une élégance exquise, il congédia ses pages vigoureux et s'en alla vers le palais d'albâtre de Tritonia, qui était dit luminescent et laiteux. Il y avait quelques rudes spadassins pour accompagner le suzerain des océans, car on était jamais trop prudent vis-à-vis de ces cruels mérous qui parmi les fonds rôdent. Leurs yeux torves et leurs bouches avides n'étaient jamais sans présager quelque mauvais coup ! Heureusement, la filouterie fit queue basse tant qu'on voyageait vers le palais d'albâtre ; sans doute les hideux poissons étaient-ils intimidés, de ce que cet homme était invité par la déesse, et qu'ils n'étaient pas étrangers aux arcanes de la pieuse sujétion, tout animaux et anthropophages fussent-ils.

Des tritons enchanteurs faisaient quelque danse étrange aux abords du palais, afin, comme ils le dirent eux-mêmes à Henry, d'honorer les mânes que daignait déléguer Tritonia sur les mers. Les funambulesques espinguiers demandèrent aussi à ce que l'escorte du roi reste en leur compagnie, car ils avaient de bons morceaux d'humour à leur faire partager, et que la déesse n'était pas femme à tolérer si éminente preuve de méfiance. Intransigeante mais d'une justesse sans égale, telle était la déesse aux yeux pers et à la nageoire caudale prométhéenne. Henry, habile orateur, leur dit que cela lui plaisait de leur laisser de si bons raconteurs que ses gardes, puis pénétra la lactescente bâtisse.

" Viens ici Henry, je t'attendais " prononça une voix caverneuse, mais bigrement féminine ! Elle guida, telle un cicérone zélé, l'hôte de ces lieux dans une grand'sall d'un abord fréquentable. Il y avait un piédestal de marbre rose sur lequel trônait un avatar de Tritonia : une créature aux multiples écailles, véhicule délicieux de la grâce céleste. La chose dont on ne saurait rendre ici l'apparence fit preuve de charité et d'hospitalité, et, d'un claquement de doigt, fit déverser cent-cinquante-trois grands poissons sur le sol chryséléphantin. " Je sais faire aller les poissons dans les filets des pêcheurs, en échange de quelques beaux garçons à dévorer et, parfois, une partie de leur pêche "

" Oh quelle avisée reine vous faites, vénérable Tritonia ! " rétorqua Henry, jamais avare de compliments finement tournés. Comme il savait qu'on ne questionnait pas les dieux, et encore moins ceux de cette terrible envergure qui caractérisait Tritonia, il attendit patiemment que celle-ci le questionne. Attendant ce moment avec impatience, il dévora quelques-uns des grands poissons et but du vin qu'un échanson ichtyophorme lui apportait. Il était souple dans sa gorge, et il reconnut là quelque bon cru délayé d'eau, sans doute dans le cratère mille fois sacrés qui bonifiait ce que l'on y déposait. Son corps était transporté par le pain et l'eau, et son âme fut transportée par la voix enivrante de sa déesse.

" Henry, je t'ai choisi pour quelque tâche qui demandait parmi les plus rares qualités ! Nul parmi les miens ne savait les assemblé en lui comme tu le fais toi. Je t'ai fait bien du tourment, mais t'ai pourvu de branchies en échange. Apprécie ma munificence. Puis, ceci fait, apprends que tu devras mener mes fidèles partout où je te le dirai, car telle est ma volonté ! " bien peu désireux de contrarier les brefs merveilleux, Henry s'évertua à faire bouillir quelque jubilation opportune dans son coeur. Il était prêt à parier que savoir ces branchies sur lui n'y étaient pas pour rien ! La déesse avait, encore une fois, prodigué là une preuve fabuleuse de sa générosité sans bornes. Plus encore quand elle confia au roi la teneur de ses désirs.
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