La pâle lueur de la pleine lune peinait à traverser l'épaisse canopée d'arbres deux fois millénaires, dont le feuillage se voyait teinté progressivement d'une couleur orangée, annonçant un glorieux lever de soleil. L'eau de source infiltrée depuis plus d'une saison dans la riche terre du Du WeldenVarden quittait cette dernière pour former une étrange brume à même le sol. Un gazouillement par ci, un rugissement par là, les créatures de cette contrée s'éveillaient lentement mais surement, chacune le manifestant à sa manière.

-Tous des lèves-tôt, bon sang ! Si je devais vivre au Jardin d’Éden ça serait d'abord et avant tout pour paresser nuit et jour, un fruit à la main. "Mais le fruit pourrira bien à un moment ou un autre", que disait ma grand-mère... Tss, tu veux mon avis Cyril ? Qu'il pourrisse ! Je pourrirais avec lui ! et je nourrirais dans un futur lointain les bons comme les mauvais fruits...

Syaldo bomba son torse, indigné devant la question qu'il s'était lui même posé, si bien qu'une boussole dorée apparu brièvement derrière l'épais manteau recouvrant son poitrail. Sa main gauche caressait le cadre rongé par le temps d'une lunette en bronze, et sa main droite tenait fermement un livret en cuir ouvert à une certaine écriture...
Chargé d'une mission de première envergure par son employeur, Kaylan, il avait tout planifié pour le bon déroulement de celle-ci, mis à part certains imprévus d'origine étrangère, songea-t-il. Comme ce vieux lourdeau de Cyril qu'on lui avait imposé en tant que "aide physique et pratique sur le terrain" pour la deuxième fois, où encore la perte de son ingénieuse arme de jet, confisquée lors de leur passage de la lisière par un elfe grincheux.

-Mr l'Ombre veut un zoo dans son manoir, railla Syaldo, autant réclamer un laboratoire pour étudier la durée de vie d'un animal tropicale sous la chaleur étouffante du désert du Hadarac !

Une silhouette, dont la forme épousait celle des buissons à l'horizon, perturba le paysage matinal jusque là inerte.
Aiguisé par l’expérience, Syaldo pointa en sa direction son outil d'observation en deux temps trois mouvements.

-Tiens-toi prêt ! Souffla-t-il à son compagnon d'arme, le visage tendu.