Comment devenir un méchant ?

Voyez-vous, être méchant méphistophélique, méphitique, diabolique, vilain, enfin bref, être méchant est un art. N'en déplaisent à certains bouchers sans manières, la perfidie et le crime institutionnalisé sont l'affaire des plus subtils. Ceux dont l'esprit est trop étriqué pour appréhender les principes de la Méchanceté sont ce qu'on appelle des Gros Bras. Généralement ils servent de bêtes de somme armées et cruelles aux véritables esprits du Mal. Ce guide vous permettra d'éviter cet écueil sournois et vous donnera les clés pour devenir un véritable homme de l'ombre.




1 / Les caractéristique du méchant

a/ Raffiné

Comme dit dans le petit paragraphe liminaire ci-dessus, le Méchant est quelqu'un de subtil. Bien plus qu'un personnage ambitieux ou simplement quelqu'un d'intelligent, il est une personne qui cultive un certain Art de Vivre. Cruel, passionné de fleurs, de peinture, de littérature ou de faïence, le Méchant s'adonne toujours à un hobby affirmant son caractère esthète. Oui, le Méchant aime les belles choses et sait le montrer, sa demeure n'est souvent qu'un vaste musée où trônent fièrement les œuvres qui l'émeuvent au plus profond de son petit cœur. Parfois, c'est cette demeure même qui devient un chef-d'œuvre selon la volonté du Méchant. Cependant, l'architecture est une affaire complexe pour le Méchant, elle doit à la fois refléter son bon goût et la complexion touffue de son esprit ; il fuit donc les idées constructivistes comme la peste, l'art roman est ce qui déclenche ses plus vives colères, les bicoques le débectent et les « petites choses sans prétention » sont son plus puissant émétique. Mais qu'aime donc le Méchant, esthète raffiné, noble sybarite aux petits yeux cruels ? Le gothique, et parfois même les audaces de l'art byzantin. Mosaïques foisonnantes, voûtes en arabesques voluptueuses ou cintres cassants, maillages réguliers et excroissances calamistrées font son bonheur.

b/ Manipulateur

Le Méchant n'aime rien au monde plus ardemment que la manipulation. Prendre dans d'immenses mais discrètes pincettes son prochain et le glisser dans un engrenage dont il ne peut sortir autrement qu'en miettes, voici l'activité essentielle du Méchant. Mais cet épouvantable passe-temps n'est jamais pratiqué en vain, chacune des opérations quasi-chirurgicales du Méchant sert une ambition souvent considérée comme outrancière. Mais le Méchant, lui, sait que l'ambition confinant à la mégalomanie est l'apanage des êtres supérieurs et la marque d'un génie trop à l'étroit dans ce monde.


c/ Condescendant

Le Méchant se gausse des vains efforts de ses pairs pour survivre. Tout ce sérieux, tout cet air brassé, cela pourrait seulement l'ennuyer. Mais il ne serait alors pas vraiment méchant. Non, les tortillements futiles des Autres l'amusent, le font parfois même éclater de rire. Et alors, rien ne peut plus arrêter son long doigt fin et éburnéen qui va écraser le vers, pour qu'il arrête sa stupide gaudriole. Oui, le Méchant est condescendant. Il méprise allègrement tout ce qui n'est pas lui et à la plaisante capacité de rationaliser sa supériorité. Il lui arrive même de la prouver à son adversaire par A+B juste avant de l'abattre d'un coup sec.
C'est cette vanité sans pareil qui rend le Méchant si redoutable. En effet, qui d'autre qu'un hippie pourrait avoir pitié d'un asticot ? Qui pourrait avoir des scrupules à écraser une fourmis en faisant semblant de ne pas s'en rendre compte ? Exemple plus criant : qui pourrait ne pas exterminer une colonie de poux pour son propre bien-être ? Imaginez-alors que vous êtes un pou, et que vous importunez le Méchant... Alors vous vous rendrez compte à quel point il est stupide de pleurer toutes les larmes de votre corps quand il s'apprête à vous oblitérer. Au mieux il ne s'en rendra même pas compte, au pire cela l'agacera plus qu'un moustique qui persiste dans son bourdonnement aigu...



2 / Le surnom du méchant

Le méchant est un comédien qui se rit du sérieux des autres. Le monde n'est qu'une immense pièce de théâtre dans laquelle il joue le rôle principal, le plus succulent des rôles, celui de l'Ombre machiavélique. Et comme tout acteur digne de ce nom, le Méchant sait se doter d'un nom de scène évocateur. Parfois éhontément vulgaire, confinant souvent au précieux, le surnom du Méchant est toujours le reflet de son âme, un miroir dans lequel il peut se regarder sans déplaisir. Tous ces sobriquets dont s'affuble l'essence même du Mal à travers ses serviteurs se doivent d'être terrifiants, mystérieux ou bien tout simplement dégueulasses. Voyons donc les principaux maîtres mots que vous devrez garder en tête lors de la confection de votre nom de scène :

- Le surnom du méchant doit se référer à la mort, au feu, aux animaux crevés, aux Fleurs du Mal, au culte satanique, au nihilisme, aux champs de bataille et, si vous êtes un farceur, au système digestif et à la scatophilie.
- Le surnom doit tenir en deux ou trois mots, moins démontre un cruel manque d'imagination, plus ne fait que prouver une réflexion confuse, incapable de se maîtriser.

3 / L'apparence du méchant


L'apparence du méchant doit le montrer sous son meilleur jour. Ce n'est pas facultatif mais impératif. Un Méchant qui ne soigne pas son apparence n'est qu'un Gros Bras. Le corps du méchant doit être pour ce-dernier un bloc de marbre pur dans lequel sculpter, quelque chose à façonner pour en extraire la substantielle Beauté. N'oublions pas que le Méchant est un esthète et, que de ce fait, il ne supporte ni la laideur, ni la bêtise ; encore moins sur lui-même. L'œuvre corporelle peut donc arborer de nombreux visages : une masse sombre et comminatoire, une silhouette effilée et fascinante, une fantaisie savamment dosé... Quelle que soit sa forme, la tenue du méchant doit toujours servir un dessein précis. N'oublions surtout pas que le Méchant est calculateur.


4 / Le méchant, habile bretteur

Le méchant est un combattant hors-pair ; sa vie n'a été qu'un long chemin sanglant. Il est d'ailleurs à noter que l'une des ses activités favorites est le duel, à la magie ou à l'épée, il règle l'offense l'arme à la main. Jeter le gant à quelque présomptueux ou ridicule faraud ne lui fait pas peur, au contraire, cela lui plaît... vraiment. Au combat, le méchant est un tourbillon de bottes, de feintes et d'estocades puissantes, tant et si bien qu'il se passe d'artifices pour obtenir la victoire. En somme, le méchant n'a guère besoin de tricher ou d'accroître artificiellement sa puissance pour terrasser aisément son adversaire : sa compétence y suffit amplement. Bien qu'il apprécie la cautèle, il répugne à l'utiliser dans le feu de l'action, il possède en effet un certain code d'honneur.



[à suivre, popopom]