Niveau 2 : Cours de civilisation et de littérature

Ikana réfléchit longuement, sans regarder Tenel ka. Il y avait bien ces deux aspects là, et savoir les différencier l'un de l'autre permettraient à de nombreuses personnes, même à des dragonniers, d'ouvrir les yeux et de se remettre en question. L'elfe haussa les épaules :

"Comment définir la foi aveugle ? J'avoue que ce sujet m'intéresserait en premier, je ne le connais pas aussi bien que le second."

L'elfe n'était pas le témoin de dépendance totale à une cause, et n'avait aucune idée de ce que cela pouvait être concrètement.

Tenel Ka réfléchi un instant.

"La foi aveugle? Hé bien je la définirais comme une attitude particulière. Des personnes créent un principe, une manière de voir la vie et la manière dont elle doit être vécue, ainsi que les buts de cette existance. Certaines personnes vivront selon ces principes en toute connaissance de cause, en comprenant tous les tenants et les aboutissants de cette 'religion'. En revanche, les personnes qui suivront ce principe uniquement parce que le but leur semble louable même s'ils doivent y perdre leur dignité, leur liberté, leur libre arbitre."

Ikana écouta en silence le point de vue de Tenel ka et le compara à l'idée qu'il s'en faisait. C'était à peu près la même chose. Il répondit d'une voix lente :

"Donc, ce serait agir sans réfléchir et juste se dire que c'est ce qu'il faut faire alors qu'on en connaît pas les modalités ? En effet, le terme aveugle est bien justifié. Cependant, on peut agir comme tel, mais sans être persuadé que c'est ainsi qu'il faut faire. Quand on est soumis à un certain serment en ancien lagage, c'est quasiment la même chose, non ? Et pourtant, on a conscience de ses actes, cette fois."

La jeune femme acquiessa.

"Ce n'est valable que si tu comprend les subtilités de l'ancien langage et de ce que tu dis. L'aveuglement est dans le fait que les masses n'ont en tête que le but ultime de leurs 'libérateurs', un but bien entendu utopique ou alors très éloigné de la réalité matérielle à court terme."

Ikana hocha la tête, en répondant :

"En un sens, ils seraient prêts à renier tout ce à quoi ils s'attachaient pour parvenir à satisfaire cet aveuglement. Je n'ai jamais eu à faire avec ce genre de cas, mais à mon avis, il doit être plutôt difficile de leur rendre la raison. Pas impossible, mais difficile."

La dragonnière rousse souri.

"Je suis d'accord, certains saurtont voir la vérité mais ensuite tout dépend de ce qu'ils sont capable de faire ou d'endurer pour garder et défendre cette vérité.
Le clameront-ils haut et fort? En parleront-ils aux personnes de leur entourage? S'en ouvriront-ils à leurs employeurs ou employés? Ou garderont-ils le silence?

A chaque fois tout dépend du systéme en place, des ses points forts et de ses faiblesses. Mais cela dépend aussi beaucoup de la population.
Approuvera-t-elle des idées nouvelles? Prendra-t-elle le risque de déplaire aux gardiens du systéme collectif dont le but est si exceptionnel?

La question majeure restera: Quel moyen utiliser pour prouver la validité de ces nouvelles idées? Comment y arriver sans se faire immédiatement repérer par les autorités?"

Ikana opina du chef, puis poursuivit :

"Le clamer haut et fort ne serait que pure folie. Quant à en parler à son entourage, on ne peut le faire qu'à condition de leur faire la plus grande des confiances et que cela se fasse réciproquement. Sans ça, les meilleurs amis d'un jour deviennent les pires ennemis du lendemain. Le garder pour soi et trouver des arguments à sa cause paraît beaucoup plus réfléchi car agir sans songer aux conséquences relève de la plus grande des imprudences.

Pour la population, il faut d'abord en déterminer les véritables intentions. Certes, les gens auront quelques 'points à donner' à une cause révolutionnaire, mais dans de tels cas, plus nombreux sont encore ceuix qui ont une peur bleue des autorités en présence et n'oseront rien face à eux. Préférant sauver leur peau plutôt que de courir au danger, ou à la mort pour défendre ses principes réels.

A mon sens, ce qui implique que je peux me tromper, la meilleure option est d'attendre, analyser, tester et trouver des arguments convaincants qui sauraient relever une situation qui paraît être enfoncée au plus profond."

L'elfe ne bougea pas. Il venait de se rendre compte que de quasiment toute sa vie, il n'avait jamais parlé aussi longtemps.

Tenel Ka écouta avec attention le discours d'Ikana, c'était la première fois qu'il parlait autant.

"Le probléme dans ton analyse c'est que si tous agissent ainsi, rien ne bougera."

Ikana secoua négativement la tête, puis reprit plus lentement :

"Jamais je n'ai dit qu'il ne fallait pas agir. J'ai dit qu'il fallait d'abord savoir véritablement à quoi on allait s'en prendre avant d'attaquer. Le temps dépend de la situation du problème, compte tenu de cela, ça peut mettre trois jours comme ça mettrait trois ans. Rien ne bougerait dans la précipitation non plus. Bien sûr qu'il ne faut pas non plus attendre des millénaires, avant de passer à l'acte, la patience à ses limites, mais se jeter sans avoir réellement discerné les conséquences et l'impact que ça créera est pire encore : ce serait innefficace."

La dragonnière réfléchi à ces paroles.

"Il est vrai que toutes ces composantes doivent être prises en compte, d'un autre côté sans une véritable détermination les choses ne changeront pas. Les personnes qui veullent agir doivent évaluer les risques et les actes qui devront être effectués."

Ikana opina du chef, Tenel ka avait comprit où il voulait en venir. Il aborda alors l'autre sujet :

"Et adhérer à une cause, cette fois de plein gré et en ayant réfléchi, cela peut s'apprenter à la caste des dragonniers, non ? Enfin, à part si on ne s'attache pas au fait qu'on ne sait pas à l'avance si on sera dragonnier..."

Tenel Ka acquiessa.

"C'est tout à fait ça Ikana. La Caste des dragonniers suit un mode de fonctionement simillaire. Les Parjures n'acceptent pas d'utiliser leurs capacités pour aider leur prochain au contraire des dragonniers. D'un autre côté si un dragonnier suis en gros les régles mais se permet des disgressions qui sont sans conséquences pour la population, les autres dragonniers ne vont pas le tuer pour penser différement.
Le systéme aveugle n'est pas transposable à toutes les situations. Même si le cas des Parjures s'en rapproche, ils pensent différement et doivent être repoussés."

Ikana eut la mine un peu plus sombre que d'habitude à la mention des Parjures. Quand il savait que Takhis en faisait indirectement partie, il serra son poing sous la table. Mais il se calma, en pensant que bien vite, il mettrait tout en oeuvre pour que ce maudit Ombre la lâche définitivement. Et ce, d'une manière ou d'une autre. L'elfe reprit bien vite son attitude normale, puis hocha la tête :

"Et que pourrait penser la population d'un dragonnier normal qui se permettrait trop de disgressions aux règles établies ? A son tour, le peuple deviendrait dangereux pour ce dragonnier et les gens se mettraient peut-être à penser que si l'un des dragonniers pense ainsi, les autres ne doivent pas être bien loin derrière."

C'était une question qu'il posait, car il n'avait que l'expérience des gens de sa ville du Hadarac et ce n'était pas l'aspect général de l'Alagaësia.

Tenel Ka souri.

"C'est là le véritable probléme de la foi aveugle. Imagine que ce soit le cas: un dragonnier se rapproche du comortement d'un Parjure, sur cet évènement un groupe de personnes représentant un ordre religieux jusqu'alors méconnu annonce partout que cet homme est le digne représentant de la véritable nature des dragonniers.
Comment faire face? Comment empécher la propagation de telles rumeurs?
La solution serait de tuer le dragonnier? Impossible, nous serions vraiment intraitables envers les notres. Alors qu'est-ce que ça serait contre un non-dragonnier?
Peu être combattre l'ordre religieux responsable de ces calomnies? Non, nous voudrions empêcher la vérité de se répendre.
Nous laisser bannir? Tuer?"

Ce tableau était fortement pessimiste mais plausible.

Ikana regarda un mur. Son mentor l'avait élevé dans le sens où le jour de sa mort, il prendrait la tête de la ville du Hadarac. Ainsi, il avait apprit à gérer les crises populaires par le dialogue et non la force des armes ou de la magie. Tant de souvenirs qui remontaient à la simple mention d'un énoncé de cours. Il reprit ses esprits puis répondit à Tenel ka en soignant chacun de ses mots :

"Inutile de tuer le dragonnier, car cela ne ferait qu'ajouter de l'eau au moulin qui alimenterait la colère du peuple, qui nous considérerait en plus comme des meurtriers et des êtres assoifés par le pouvoir.
Tuer cet ordre religieux éveillerait les soupçons de la population comme quoi nous tuont la moindre personne qui ose se mettre en travers de nous, et cela nous ferait passer pour des tyrans.
Nous laisser bannir reviendrait au déshonneur de notre tâcher et de notre devoir, à savoir la protection. Ce serait plus lâche qu'autre chose. Quant à nous laisser tuer créérait derrière nous des conséquences plus impensables les unes que les autres.
Dans un premier temps, établir un dialogue explicatif avec le peuple, pour déterminer réellement ce qu'on pourrait nous reprocher pourrait représenter un début de solution. A partir de là, réfuter les thèses de l'ordre adverse en utilisant des arguments pour les prendre à leur propre piège finirait cette solution. Sinon, nous pourrions mettre en place un débat pour connaître les désirs du peuple. D'ici, si l'ordre veut rééellement notre perte, il tentera de mettre des bâtons dans les roues pour clore le débat et à cet instant seulement, nous démontrerions à tous les intentions réelles de nos adversaires. Je peux me tromper sur certains points, ce n'est qu'un avis."

(Pour une fois qu'on a un super sujet, j'ai qu'un élève!)

Tenel Ka haussa les épaules.

"Cela n'est valable que si le peuple est perméable à nos arguments. Or si l'ordre religieux a multiplié les arguments pour nous rouler dans la boue, les gens ne croiront pas un mot."

[Les inconvénients des suicides de certains ^^ En même temps, y a moins d'action, ça intéresse moins... Mais t'inquiète, je te lâche plus Wink

]

Ce fut au tour d'Ikana de hausser les épaules :

"Au peuple ensuite de savoir faire la part des choses. Nous avons toujours été là pour eux lors de conflits, comme la guerre de Gil'e..."

L'elfe, on avait besoin de renforts. Il fit comme si de riene s'interrompit. Lui-même n'avait pas été là, cloîtré de force dans sa ville, soi-disant pour sa sécurité, alors qu'à quelques kilomètr n'était, puis reprit :

"A eux de savoir faire la différence entre des rumeurs non fondées et des actes réels qui les ont déjà sauvé de la tyrannie des Parjures et des gens du genre de cet ordre."

Tenel Ka fronça les sourcils. L'interruption de l'elfe était interressante.
"Ceux qui ont une foi aveugle auront du mal à faire la part des choses. C'est pour cela que les Clans permettent aux dragonniers de parler avec des soldats et des chevaliers."

Elle s'interrompit un instant et repris, d'une voix plus dure.
"Je ne me souviens pas t'avoir vu à Gil'Ead, pourtant le ton sur lequel tu as parlé laisse entendre le contraire."

Ikana acquiesca, puis croisa le regard de Tenel ka en entendant son ton dur. Il la fixa dans les yeux, son regard rubis flamboyant déversant une froideur incommensurable dans le sien :

"Non, je n'y étais pas, et d'ailleurs j'ai failli en tuer certains qui me l'ont déjà reproché. Si je n'y étais pas, c'est parce qu'on m'en a empêché, malgré mes indénombrables tentatives."

Il se souvenait des entraves que lui avait lancé son mentor, Terhys. Soi-disant pour sa sécurité, il ne devait pas sortir du Hadarac, et encore moins maintenant. Jamais il n'avait voulu lui en donner la cause, dont il pensait être loin du problème de la guerre, c'était autre chose à cette période. Une période o le chef de la ville était extrêmement tendu, par ailleurs. Le dragonnier se souvenait de toutes ses tentatives de filer sur le dos de tael pour porter son aide aux dragonniers, mais d'une, Terhys savait toujours où était Ikana et son compagnon, et de deux, dissimuler un dragon de plus de quelques dizaines de mètres n'était pas particulièrement facile.

Immédiatement le regard de Tenel Ka passa su gris acier au gris tendre. La jeune femme acquiessa, elle comprenait aussi bien la rage de l'elfe qui n'avait pu se battre et les raisons de ses amis qui l'en avaient empêché.
La dragonnière repris une voix neutre, moins marquée.

"Tu as tenté de venir mais tu n'a pas pu. Tu n'as rien à te reprocher. D'un certain côté tu pourrais même remercier les personnes qui t'ont évité de voir ce carnage. J'ai perdu des milliers de soldats dans cette guerre, certains que j'avais personnellement entrainés, plus des amis proches blessés. J'ai moi même été blessée, tout comme ma dragonne.
Ne pas possédé de tels souvenirs est un bienfait, même si tu ne peux t'en rendre compte à l'heure actuelle."

Tenel Ka laissa le silence s'installer dans la petite pièce. Quand on avait jamais fait la guerre, de tels propos pouvaient sembler déplacés. Les vétérans d'un conflit avient parfois des difficultés à se réadapter à une vie plus tranquille, la dragonnière n'avait pas ce probléme mais les souvenirs persistaient.

Il écouta Tenel ka, préférant ne rien ajouter là-dessus. Elle pouvait dire ce qu'elle voulait, il avait manqué à son devoir premier. La perte de soldats et d'amis faisait toujours partie d'une guerre, celle de Gil'ead et la récente bataille d'Hyrule en faisaient partie. L'elfe laissa son regard reprendre son habituelle plénitude, il n'avait que peu apprécié son ton dur et réprimant.

"Sans doute."

C'était tout ce qu'il préférait répondre pour l'instant. Le silence qui pesait dans la salle était très lourd.

La jeune femme soupira.
"Sans l'avoir vécu tu n'en sera pas convaincu. Ce n'est pas grave, tu comprendra en temps voulu."

Tenel Ka souri tristement.
"Le peuple a souvent tendance à se laisser vivre, laisser les autres penser à sa place. A ce niveau là il est facile de croire aveuglément des mensonges."

Ikana ne répondit rien, et préféra penser à la seconde remarque, en revenant au cours. Il haussa les épaules :

"Je le sais, les gens se bercent dans de fausses illusions et il est plus facile de croire à des mensonges comme ceux-là. Toutefois, nous ne pouvons pas faire grand chose pour remédier à cela, cela reviendrait à changer complètement la manière de 'penser' de la population, et ils pourraient penser que ce serait contre leur volonté."

Tenel Ka acquiessa.

"C'est l'aspect le plus dangereux et le plus imprévisible de la foi aveugle. On ne sais jamais si en parlant avec une personne elle aura le courage de rejeter certains concepts qu'elle considérait comme naturels. Dans cet aspect, il faut des arguments pas imposer nos idées.
Encore faut-il que la personne souhaite la liberté."

Ikana hocha la tête :

"Ce qui arrive très rarement quand quelqu'un est totalement converti à cette croyance. De plus, elle pourrait prendre des risques en s'opposants à l'organisation et hésiterait franchement à rallier une cause encore peu connue plutôt que celle que tout le monde connaît."