Cithri, clef de voûte de la défense du Surda. Une ville ravagée par endroit à cause d’une guerre dont les surdans n’étaient en rien responsables. Etait ce de leur faute si la veulerie de certains Alagaësiens les avait poussé à vouloir conquérir un pays divisé ? Cette question, Montaron ne se l‘était posée qu’une seule fois, et la réponse qu’il avait trouvé était un non retentissant.
Ce surdan approchait la trentaine, mais il en paraissait cinq de moins. Fils de marchands surdans, il avait été initié à tous les mécanismes du commerce et du marchandage puis avait fait son bout de chemin jusqu’à acquérir une excellente réputation. C’est ainsi qu’il avait pu convaincre cette vieille femme du nom d’Ejania de lui céder la moitié de la taverne pour un bon prix. Le physique de Montaron avait sans doute joué un grand rôle dans cette tractation.
Sa silhouette à la fois fine et musclée, ce visage fin, halé par le soleil, au milieu duquel scintillaient de magnifiques yeux bleu-vert ne laissaient pas les jeunes femmes indifférentes. Ses cheveux noir toujours impeccablement peigné, sa fine moustache noire, et surtout les vêtements délicats et coûteux qu’il portait lui attiraient l’estime des nobles. Tandis que la rapière qu’il portait au coté dans un baudrier rehaussé de feuilles d’or et l’argent qu’il dépensait pour les plus pauvres lui conférait un aspect chevalier au grand cœur.
Autant d’éléments que Montaron maniait à la perfection pour faire d’excellentes affaires, au grand dam de ses concurrents. Certes, il n’avait pas réussi à faire plier le vieille dame sur le fait qu’il devait lui rendre compte de tout ce qu’il faisait, mais ce n’était qu’une petite tâche sur son tableau de chasse. Car pour Montaron, toutes ses acquisitions n’étaient qu’un butin, et il prenait autant de plaisir à commercer que d’autres en trouvaient en chassant. Pour lui le commerce n’était plus un art de vivre, mais un besoin maladif. Aussi, lorsque Ejania était aux portes la mort, Montaron avait obtenu d’elle qu’elle lui cède le reste de la taverne. Et elle l’avait fait, gratuitement en plus, parce qu’elle trouvait qu’il était le plus honnête de tous les hommes qu’elle avait croisé...

Dès qu’elle avait rendu l’âme, Montaron s’était empressé de faire tous les changements dans la taverne, changements auxquels Ejania était opposée de son vivant. Le surdan en avait fait un lieu pour la grande bourgeoisie, et avait fait chassé par la garde les mendiants qui venaient demander un quignon de pain, comme ils en avaient pris l’habitude avec le vieille femme. Cinq années plus tard, Montaron était à la tête d’un mini empire commercial dans Cithri... sans que sa soif d’argent n’ait été satisfaite pour autant.
Montaron s’apprêtait à élargir son ‘empire’ lorsque le roi était décédé. Le marchand n’en était pas désolé et avait même fourni de l’argent à ceux qui s’opposaient à ses idées. Il espérait un retour de boomerang qui lui fut profitable, mais il n’en fut rien. Quelle avait été sa déception lorsque il s’était aperçu que le Surda basculait peu à peu dans la guerre civile !!
Au début, il avait cru que cela ne dépasserait pas la capitale, mais le sort en avait décidé autrement. Cithri avait d’ailleurs été épargnée par cette vague d’insurrection jusqu’à ce que les premières rumeurs d’une armée d’invasion Alagaësienne arrivent à Cithri. Ce fut un chaos mémorable. Les vols se firent de plus en plus nombreux dans les greniers et stocks de marchandise. La taverne de Montaron fut épargnée parce que ce dernier avait de quoi des mercenaires valides. Cependant, lorsque une autre armée Alagaësienne fut signalée, cette stabilité toute relative fut sérieusement mise en péril. Montaron était suffisamment intelligent pour savoir que tôt ou tard, ses mercenaires viendraient se servir eux-mêmes, et que une reprise des activités ne serait pas possible avant longtemps. Une chose totalement inacceptable pour lui.

Un beau jour, il avait donc décidé d’écouler tout son stock de boissons et nourritures pour un prix inférieur à la normale puis avait fermé la taverne avant de quitter la ville. Il avait fait un très long détour à cheval pour éviter de se trouver nez à nez avec une armée et s’était finalement retrouvé en Alagaësia. Avec un goût amer dans la bouche, il songea qu’il allait trouver refuge sur la terre de ceux qui voulaient piller son pays natal, lui dérober tout ce qu’il avait acquis dans la douleur. D’abord Galbatorix... et maintenant eux. A ce moment précis, Montaron se jura de mener tous les dragonniers à leur perte, pour que jamais plus ils ne puissent imposer leur volonté aux autres. Le marchand le savait. Les surdans, quelles que soient leurs opinions politiques auraient mis de coté leurs divergences pour faire front commun devant l’ennemi. Ils auraient affronté les armées Alagaësiennes, piétiné dans leur sang encore chaud au milieu des cris d’agonie. Et ils auraient vaincu, parce que l’amour de leur liberté acquise il y a des millénaires dans le sang les aurait rendus invincibles. Quelle armée aurait été capable de résister face à une armée surdanne dont les hommes se fichaient de mourir ? Aucune... En revanche, face à des dragons et dragonniers aguerris, qu’auraient il pu faire ? Attendre bien sagement que la mort vienne les emmener dans son empire glacé... Montaron avançait sur son cheval fourbu dans l’obscurité du crépuscule, en proie à ses sombres pensées...

« Où est ce que vous comptez aller l’ami ?
Montaron fit tourner bride à sa monture, cherchant l’origine de la voix tonitruante qui venait de l’apostropher. Il n’eut pas à chercher longtemps. Un homme à la carrure massive se tenait sur sa droite, fermement campé sur ses deux jambes et semblait attendre une réponse.
- Quelque part où je pourrais trouver une personne intéressée par une taverne... répondit Montaron d’une traite sans quitter des yeux la hache impressionnante que portait l’homme.
A ce moment, les fourrés alentours s’agitèrent. Par pur réflexe, Montaron dégaina sa rapière, s’attendant à voir surgir des brigands.
*Je suis vraiment un imbécile !* songea-t-il, se maudissant de ne pas avoir envisagé cette hypothèse. Il aurait pourtant du s’en douter mais maintenant, il n’avait plus qu’à attendre, et défendre chèrement sa vie. Curieusement, l’homme qui l’avait apostrophé ne réagi pas. Il se contentait de l’observer de ses yeux pâles avec une expression indéchiffrable qui mettait le marchand mal à l’aise...
- J’ai connu des taverniers qui, eux, savaient correctement tenir une rapière...
Un jeune homme venait de sortir des buissons. Fidèle à son habitude, Montaron le regarda de la tête aux pieds. Une taille moyenne, plutôt fluet, des cheveux bruns en pagaille, des yeux verts, et un accoutrement brun et vert tendre. Le marchand se retint de pouffer de rire devant cette apparition qui le faisait davantage songer à un bouffon qu’à autre chose. En effet, Montaron avait remarqué l’arc attaché dans le dos du jeune homme, ainsi que l’épée qui pointait sous son manteau. Sans compter ses yeux un brin moqueur qui semblait le juger.
- Peut-être que c’étaient eux qui ne savaient pas manier une arme !!railla Montaron, piqué au vif par les insinuations du jeune homme
- Voyons, mes amis, ce n’est pas le moment de nous disputer pour si peu...tempéra l’un des cinq autres hommes qui venaient de sortir à leur tour des fourrés
- D’autant plus que ce serait dommage de souiller cette clairière avec du sang...
- Surtout le sien... Ce serait dommage pour cette herbe si verte..
- Mais si il insiste tant que ça...
- Il devrait y avoir moyen de s’arranger…
- Druss vous laissera pas faire les gars…
- Mais qu’est ce que tu en sais ? »

Sous l’œil passablement stupéfait de Montaron, celui blasé du jeune homme aux yeux verts, et celui bizarre du colosse à la hache, les cinq hommes commencèrent à se disputer. Ils avaient pour le moment totalement oublié Montaron. Ce dernier se demandait d’ailleurs si il ne devait pas plutôt en profiter pour prendre la poudre d’escampette... A moins que... au moment où cette idée surgissait dans l’esprit de Montaron, son instinct de marchand refit surface, et, au mépris de tout danger, il rengaina sa rapière et descendit de cheval.
« Allons, messieurs, ne vous disputez pas pour si peu. Il me reste quelques excellentes bouteilles de vin pourpre d’Izo.... et tout seul, je n’en viendrai pas à bout...leur annonça Montaron en exhibant une bouteille de verre contenant un liquide à la riche robe pourpre.

Presque instantanément, six visages avides se tournèrent vers lui, une lueur de gourmandise dans les yeux. Ce que Montaron ne pouvait savoir, c’est que ces six hommes étaient bien des voleurs et que leur tête avait été mise à prix. Cette prime avait d’ailleurs augmenté de manière significative après les guerres dont l’Alagaësia avait été ensanglantée. Surtout celle de Dras Léona où ils avaient mis tout leur talent à s’efforcer de pourrir la vie de ses envahisseurs. Les six n’y avait jamais remis les pieds depuis, et ne comptait pas le faire. Il fallait bien l’avouer, se promener dans une ville alors que votre groupe pouvait rapporter plus de 120 000 pièces d’or était devenu plus que risqué, c’était suicidaire. La Noisette, le Pinson, la Couleuvre, l’Ombre, l’Idiot avaient donc pris la dure et cruelle décision de laisser le temps les oublier, et priaient pour qu’ils le fassent vite....
En attendant de pouvoir reprendre le cours de leurs activités, ils s’étaient invités, sur proposition du Sanguinaire, chez un lointain cousin de ce dernier. Un colosse dénommé Druss. Passé le moment de stupeur en découvrant que quelqu’un pouvait être plus massif que le Sanguinaire sans toutefois avoir une parole plutôt rare, les voleurs s’étaient présentés tour à tour, inventant des vies fictives pour ne pas dévoiler leurs véritables activités. Car le Sanguinaire avait fait savoir à ses compagnons que son cousin n’aimait pas les gens malhonnêtes, et qu’il était parfaitement inutile de chercher à lui faire comprendre en quoi voler était honnête...
Ainsi, le Pinson était devenu un barde itinérant, accompagné de son fidèle garde du corps, le Sanguinaire. La Noisette était, quant à lui, un amoureux transi à la recherche de sa bien aimée kidnappée par d’horribles ombres. Dans sa quête insensée, il était accompagné par un ancien espion à la solde de l’alliance dont le nom de code était l’Ombre. La Couleuvre campait à merveille un guérisseur dont les remèdes étaient à base de venin de serpent. Son assistant était l’Idiot, un jeune garçon désoeuvré que le guérisseur avait pris sous son aile. Evidemment, ils s’étaient aussi présentés sous leurs véritables identités. A savoir Allanon pour la Noisette, Sieben pour le Pinson, Nadir pour la Couleuvre, Nosta pour l’Idiot, Padishar pour l’Ombre et Borcha pour la Sanguinaire. Spécialistes en mensonges de toute sorte, les six voleurs avaient toutefois eu du mal à raconter de façon convaincante leur histoire totalement imaginaire. Plus d’une fois, des paires d’yeux s’étaient posées sur la hache de Druss pendant le récit, de crainte que son propriétaire ne s’en saisisse pour faire un massacre.

Et maintenant, ils étaient là, au milieu de nulle part, à regarder plutôt stupidement une bouteille de vin. Pire, à attendre que ce marchand leur en offre, alors qu’auparavant, ils n’avaient eu qu’à se servir. Encore que ce vin fusse plutôt rare dans les villes qu’ils fréquentaient, et que les riches pussent se payer des magiciens de talent pour protéger leurs caves. Montaron mis cette expression sur le compte de la pauvreté dans laquelle ces gens devaient vivres. Trop pauvres pour se payer une bouteille de vin... quoique, l’homme à la hache semblait bien vivre... Peut-être que...
Après s’être discrètement raclé la gorge, Montaron afficha un sourire enjôleur sur son visage et se composa le masque parfait du voyageur harassé par les chemins.
« Que diriez vous de nous asseoir pour partager ce nectar divin ? proposa le marchand en faisant mine de s’asseoir dans l’herbe épaisse. Le brouillard commençait à s’installer sous la lueur fauve d’un soleil déclinant. La nuit n’allait pas tarder à tomber...
- En voilà une excellente idée !! s’enthousiasma aussitôt l’Idiot, avant de jeter un coup d’oeil sur l’herbe à présent humide. Ce qu’il vit le désappointa grandement. Fort heureusement pour lui, l’Ombre vint à sa rescousse et lui évita de s’étendre sur tous les problèmes que l’on avait après s’être assis dans de l’herbe humide.

- Mais un abri serait plus que bienvenu, n’est ce pas l’Id...Nosta ? se repris de justesse l’Ombre en jetant un coup d’œil inquiet vers Druss. Ce dernier n’avait pas cillé... et pourtant, le voleur commença à se sentir mal à l’aise, se demandant si le colosse avait ou non compris... L’Ombre espérait que la deuxième option fut la bonne....

Une dizaine de minutes plus tard, toute cette joyeuse compagnie se retrouvait assise plus ou moins confortablement sur des bancs en bois. Du pin cendré plus exactement, nota Montaron avec une pointe se satisfaction. D’expérience, il savait que ce bois n’était pas facile à travailler, et que les meubles ainsi fabriqués se vendaient à prix d’or. Une raison supplémentaire pour s’attarder ici et ne pas regretter de partager ses dernières bouteilles de vin. La table était elle aussi fabrique à partir de ce bois brun sombre strié de gris et le marchand se surpris à apprécier l’abri que lui offrait cette cabane de paysans.
Vue de l’extérieur, elle offrait un aspect miteux, si bien sûr on arrivait à la distinguer parmi cet enchevêtrement de ronces, de branches et de chèvrefeuille. Le bois sombre et vernis se fondait dans son environnement et seul le petit panache de fumée qui s’étiolait dans le vent trahissait la présence de l’abri. Dès le premier coup d’œil, Montaron s’était préparé à devoir passer la nuit dans un endroit sentant la pourriture et ouvert aux intempéries. Force lui avait été de constater qu’il avait eu tort, une fois de plus. L’intérieur de la cabane était parfaitement sec, et les murs recouverts de lattes de bois clairs exhalaient une douce senteur de résine. Des lanternes judicieusement placées – et sans l’ombre d’un doute magiques – éclairaient les différentes pièces.. Montaron n’avait vu que le couloir qu’il avait suivi et la salle où il se tenait, mais les différentes portes laissaient supposer l’existence d’autres pièces.

« Vous voulez un peu de ragoût ?
- Oui, merci » répondit Montaron, pris par surprise dans ses réflexions.
Il tendit son assiette vers la marmite que la Noisette s’efforçait de soutenir tant bien que mal. Ce dernier lui servit trois louches pleines avant de continuer le service, titubant sous le poids de la marmite. Alléché par le délicieux fumet qui s’échappait de son assiette, Montaron se concentra sur son contenu et le goûta précautionneusement. Les bouts de viandes, tendres et cuits à points fondirent dans sa bouche, sublimés par la sauce aux multiples arômes. Un plat digne d’être accompagné par du vin pourpre d’Izo. Avec un large sourire, Montaron ouvrit une bouteille et se leva à son tour pour servir les sept autres convives dans des choppes en céramique.
« Messieurs, à votre santé !! »
Dans un raclement, les voleurs et Druss se levèrent à leur tour et trinquèrent du mieux qu’ils le purent par-dessus la table. La suite du repas fut toute aussi délicieuse, à tel point que pour une fois, Montaron parvint à oublier son infortune. Malgré tout, il n’en oublia pas son idée de vendre la taverne à ce Druss. Après tout, il ferait un bon tavernier sans nul doute, chacun féliciterai Montaron pour avoir choisi tel successeur. Aussi le marchand attendit-il patiemment la fin du repas pour amener le sujet sur la table.

« Ce repas était vraiment exquis. Qui dois je remercier pour un tel chef d’oeuvre gastronomique ?demanda mielleusement Montaron. Il ne fut pas outre mesure surpris de voir les regards des six autres se tourner vers Druss. Ce dernier se contenta de répondre :
- On ne fait pas de bonnes choses avec une mauvaise viande...
- Mais une viande de bonne qualité n’est pas synonyme d’un bon repas...insista Montaron, quelque peu désarçonné par la réponse du colosse. Ce dernier laissa le silence s’installer avant de laisser la Noisette l’interrompre.
- Vous semblez bien vous y connaître en cuisine... Vous étiez cuisinier ?
* Il n’a pas la tête d’un cuisiner, Noisy.*
* Mais lui, au moins, il sait apprécier la bonne nourriture !!*
* Je n’aime pas la viande, c’est tout…*
* Tu ne sais pas à coté de quoi tu passes...*
* Si, à coté d’un cauchemar !!*
* Mais tu ne manges pas en dormant…*
* Figure toi que si, je fais des rêves ou je mange ... et la viande a une sale gueule...*
*Tout comme toi….*
*Mais vous allez vous taire à la fin ? Je ne m’entends plus penser !!*
- Non, je ne suis pas cuisinier, mais j’ai connu de nombreux maîtres queue... et je sais en reconnaître un quand je le vois. répondit Montaron d’un ton calme. Il se doutait, aux changements d’expression de quelques unes des personnes présentes, qu’il devait y avoir une discussion dans l’air mais il décida de faire comme si de rien n’était...
- Et vous êtes en train d’essayer de me faire comprendre que je suis un chef ? lança joyeusement Druss avant de partir dans un formidable éclat de rire.
- Entres autres, entre autres... [i]affirma tranquillement le marchand en buvant une gorgée de vin pourpre.
- Tu ne m’as jamais dit que tu possédais un tel talent ! Et dire que c’est moi qui devais faire la cuisine pendant que tu allais chercher du bois et de l’eau !!se lamenta théâtralement le Sanguinaire en levant des yeux désespérés vers le ciel.
Il ne se plaignait pas réellement, mais adorait charrier son cousin pas si lointain que cela en vérité. Tous deux avaient étaient très liés et s’adonnaient souvent à des petits duels amicaux qui se finissaient invariablement sur une belle collection de bleus de toutes tailles et formes, avec pour clou du spectacle quelques coupures et dents cassées. Rien de bien grave, quoi. Et cela avait le mérite de les faire passer pour des personnes qu’il valait mieux laisser en paix pour finir leurs verres. C’était la belle époque, avant que le Sanguinaire ne se sente irrémédiablement attiré par les affaires des autres. Assez bizarrement, il n’avait jamais tenté de voler quoi que ce soit qui appartienne à Druss, mais là n’était pas la question. Le marchand semblait avoir une idée derrière la tête, et pas forcément des plus plaisantes.

- Vous aviez bien dit que vous cherchiez quelqu’un qui soit intéressé par une taverne, non ? demanda brusquement l’Ombre après avoir contemplé un instant sa choppe. A ces mots, Montaron se raidit imperceptiblement. Il avait pourtant bien pris soin de ne plus aborder ce sujet, mais peut-être n’avait-il pas pris suffisamment de précautions. Les doigts, crispés, le marchand parvint néanmoins à afficher un belle décontraction.
- Mais tout a fait. Je suis le propriétaire d’une taverne florissante, mais le sort s’est acharné sur moi et je ne puis malheureusement plus la diriger. C’est pour cela que je me suis aventuré si loin dans le but de trouvé un successeur digne de confiance. acheva-t-il d’un ton nostalgique. Sa moustache elle-même semblait pendre de tristesse.
- Et où étiez vous ? lui demanda alors Druss, sa curiosité piqué au vif par les dires du marchand. Montaron semblait hésiter à répondre, bien conscient de ce que cela pourrait laisser à penser. Il décida néanmoins de se lancer sur un ton morne.
- Cithri, ma taverne se trouve à Cithri. Les gens se terrent chez eux à cause des affrontements, même les vandales, ce qui est une bonne nouvelle. Montaron parvint à sourire en entendant ces mots sortir de sa propre bouche. Même si les vandales n’avaient pas mis à sac sa taverne, les combats avaient sans doute eu raison du bâtiment, surtout si les assaillants avaient utilisé des catapultes. Mais le marchand ignorait totalement la tournure qu’avaient prise les évènements depuis son départ. Et le reste de l’assemblée se trouvait exactement dans le même cas. Une chance pour lui.
- J’ai toujours aimé le Surda, à la frontière de l’Alagaësia et pourtant si différent.... Et à combien vendriez vous votre taverne ? s’enquit le Pinson avec une innocence parfaitement feinte.
- Lorsque je suis parti, je l’aurais estimée à 500 000 pièces d’or, mais maintenant, je dirais 300 000, mobilier compris. Peut-être 200 000 mais pas moins. annonça Montaron, avec une nuance subtile dans la voix, toujours présente lorsque qu’il commerçait. Bien que, dans le cas présent, le marchand savait parfaitement que le prix qu’il annonçait était bien supérieur à celui de la taverne, même selon les prévisions les plus optimistes.
La conversation s’était prolongée tard dans le soir, émaillée de question apparemment anodines et par l’arrivée de nouveaux plats...

Petit à petit, les voix s’estompèrent dans l’esprit de Druss avant de disparaître totalement. Il se souvenait des moindres détails de cette soirée là, où il avait acquis cette fameuse taverne pour un prix de 150 000 pièces d’or.

Sur le coup, Drus s’était demandé où est ce que les compagnons de son cousin avaient appris à négocier de la sorte mais après réflexion, il s’était dit que c’était sans doute du au fait qu’ils vagabondaient plus ou moins. En revanche, ce qui l’avait grandement surpris était le nombre de pièces d’or qu’Allanon avait fait pendouiller sous le nez de Montaron. Avec un haussement d’épaule, le jeune homme aux yeux verts lui avait dit que le prince qu’il était n’avait pas l’usage de tout cet or.
Druss était parti quelques jours plus tard, un parchemin signé de la main de Montaron en poche, sur son cheval pommelé. Son cousin lui ayant dit qu’ils s’occuperaient des provisions et de la boisson pour l’inauguration.
Lorsque il était arrivé, Cithri semblait presque ne pas avoir traversé de guerre, mais des corbeaux volaient encore et jetaient aux humains des regards noirs. Comme s’ils leur reprochaient d’avoir stoppé si brusquement le festin et quelque part, ils n’avaient pas totalement tort.
Toujours est-il qu’après avoir cherché cette fameuse taverne, sa taverne plus précisément, il l’avait enfin trouvée. Elle était vaste, sur plusieurs étages et servait pour l’instant de refuge à toute une faune locale parmi laquelle figuraient en bonne place les araignées et les rats. Le reste était dans un état plus que déplorable. On avait visiblement volé les tables, le plancher, les réserves... Enfin, tout ce qui pouvait servir à des assiégés. Druss avait alors utilisé tout l’argent que lui avait confié Allanon pour que cette taverne ressemble à quelque chose.

Et maintenant, les travaux étaient finis, et Druss était particulièrement content du résultat, mais en même temps, il sentait la nervosité le gagner à une vitesse grandissante. Dans quelques jours, la taverne ouvrirait... et non seulement il n’avait pas encore de vivres, mais en plus, il hésitait encore sur le nom à lui donner.
Incapable de rester en place, Druss sorti dans la rue et regarda le mur de la façade de la taverne à la recherche du meilleur endroit où accrocher l’enseigne. Immédiatement, d’autres souvenirs affluèrent dans son esprit.

Druss se revit quelques semaines auparavant, occupé à transporter d’énormes sacs de plâtre et des quantités affolantes d’eau. Des échafaudages de bois étaient dressés contre le mur extérieur, et les artisans travaillaient d’arrache pied pour enduire la pierre de plâtre blanc. Ils étaient même accompagnés par quelques magiciens qui utilisaient la magie pour empêcher le plâtre de se dégrader avec le temps. La façade avait ensuite été peinte pour donner l’impression qu’elle avait été construite en sable. C’est ainsi que lorsque le soleil tapait sur le bâtiment, celui-ci scintillait doucement et se parait de reflets blancs et dorés.

Druss revint à l’instant présent et observait minutieusement la solide porte en chêne verni. Un sourire ne tarda pas à se dessiner sur son visage. Il n’allait pas accrocher l’enseigne, il allait la graver dans la porte. Mais cela n’allait pas résoudre son problème loin de là.
Druss finit par retourner dans la taverne et essaya de faire une sieste, de penser à autre. Rien n’y fit. Dès qu’il fermait les yeux, il voyait un long convoi de vivre et de boissons, du sable, le soleil, de l’eau, de la neige, et toujours cette espèce de grillon. Il hantait ses rêves et ne cessait de faire crisser ses élytres.

Deux jours plus tard, des coups résonnèrent furieusement contre la porte d’entrée suivit. Druss descendit en hâte et ouvrit la porte à la volée, manquant par la même occasion de se recevoir un coup de poing.

« Excusez moi, mais il ne me semble pas vous connaître. Vous êtes ?
- Jeloï Aperios, à votre service lui répondit l’autre dans un magnifique sourire. Nous venons vous livrer quelques commandes...
- Ah euh... oui, déposez ça là. » bafouilla Druss tandis que sa mémoire se remettait péniblement en place.

Les caravaniers déposèrent soigneusement les paquets dans la taverne dans la salle principale et s’en furent après avoir été payés. Druss s’empressa de refermer la porte pour pouvoir ranger tout tranquillement. Une heure plus tard, d’autres coups résonnaient. Encore des livraisons, qu’il ne se souvenait pas d’avoir commandé. Le balai se poursuivit ainsi jusque tard dans la nuit, et ce fut un Druss épuisé qui sombra dans un sommeil de plomb. Cette fois encore, il rêva de ce grillon, et de son éternel crissement, au milieu des zones humides de la région.

Le soleil levant vit un Druss heureux et plein d’énergie s’activer sur la porte. Le colosse avait enfin trouvé le nom de sa taverne. Il l’appellerait l’antre des Nicbriqueux. Pourquoi donc ? Parce que ces neurones avaient fait le rapport suivant : Nicbriqueux = marais = eau fermentée = boisson fermentée = alcool. Il allait donc de soi qu’un Nicbriqueux vivrait alors dans un lieu où l’alcool coulait à provision. Deux heures plus tard, Druss se releva enfin et admira son travail.
Sur la porte était maintenant gravée un magnifique N majuscule sur lequel trônait un grillon en train de boire à une choppe.

Enfin rassuré, Druss envisageait le futur très proche avec une immense sérénité. Les gardes manger regorgeaient de viandes, légumes, fruits et fromages, qu'ils soient des lieux ou plus exotiques selon les normes de Cithri. Quant à la boisson, il y avait de quoi désaltérer un véritable régiment de nains. Entre les tonneaux de toute sorte de bière, d'hydromel, de rhum, de vin et de cidre, sans oublier les bouteilles de liqueur forte qui se disputaient l'espace frais de la cave, il y en avait pour tous les choix. A cela s'ajoutait évidemment l'eau qu'un peu de magie permettait de servir glacée et la production personnelle de Druss...

Robhue, abattu, fatigué de son voyage et de sa confrontation avec cet être maléfique, entra dans la taverne et s'affala sur une table. Il accosta une personne qui semblait servir l'établissement.

"Bonjour mon brave. J'ai dehors, devant votre établissement, une charrette attelée à un âne. Elle contient tout ce que je possède. J'aimerais que vous la mettiez en lieu sur, dans votre étable. Et je voudrais aussi être servis de quelque remontant."

Même s'il était contrarié, Robhue avait dit tout celui sur une voix calme et douce. Ribb, son petit chiot, agrippé sur l'épaule du forgeron, le regardait d'un air triste. Ils pensaient tous les deux la même chose ... laisser une femme si belle aux mains (et pas qu'aux mains ...) d'un tel individu ... Robhue en rageait tout seul. Il s'en voulait de n'être que se qu'il était. Il savait que même s'il s'était battu, ses muscles et sa force n'airaient pas suffit.

Appuyé contre le comptoir, Druss était en train de faire un rapide inventaire de ses réserves et il était plutôt content de ce qu'il voyait : en dépit de la situation actuelle, ses réserves n'étaient pas sérieusement entamées. Il fut hélé par un client qui commandait un énième verre d'eau, et il lui apporta sa commande dans les minutes qui suivirent, assez étnné que son client ne soit venu que pour faire ça. Mais bon, s'il commençait à partir dans ce genre de considération...
Entre temps, la porte s'était ouverte livrant le passage à une véritable à un homme d'une trantaine d'année qui - à la manière dont il s'affala sur la table - ne devait pas être au meilleur de sa forme. Le nouveau venu lui demanda alors un remontant ainsi qu'une place dans l'étable, ce à quoi Druss, après l'avoir salué, répondit dans un sourire.

" Bien sûr, mon étable est un peu vide ces temps ci et je demanderai à quelqu'un de veiller à ce que cotre âne soit confortablement installé. Et pour vous ce sera ? J'ai du rhum ainsi que de l'eau de vie. Et si vous voulez... Le tavernier jeta un regard au petit chien sur l'épaule de son interlocuteur Je dois avoir quelques restes pour votre chiot."

Tout en parlant, il fit signe à l'un de ses employés, un jeune homme au visage constellé de tâche de rousseur et qui n'avait rien perdu de la conversation. Ce dernier acquiesça brièvement et sortit en trombe de la taverne pour so'ccuper de la charrette ainsi que de l'âne.

L'hospitalité et l'accueil que le forgeron recevait lui remontait un peu le moral, et lui redonna le sourire.

"Je vous remercie grandement. J'aimerais manger. Et dormir aussi. J'étais à Cithri pour affaire, et je repars normalement demain matin."

Il passa une main dans sa grosse barbe blonde, qui crissa au contact des doigts.

"Auriez-vous un endroit où je pourrais me laver également ? Ah pardon, oui, si vous aviez un beau gibier, ce serait parfait. Avec une pinte de bière. Ribb mangera avec moi."

Le forgeron inclina légèrement la tête en signe de gratitude pour l'accueil.

Druss pris mentalement note de la commande et songea aux chambres de disponible. Oui...

" J'ai plusieurs chambre de libres, et à quelques détail près, elles sont identiques. Je vous monterai un baquet d'eau chaude et tout le nécessaire. Mais bon, on reparlera des détails après que vous vous soyez restauré... J'ai une viande à mettre sur le feu..." ajouta-t-il gaiement en s'éloignant vers le comptoir.

Il en revint quelques minutes plus tard avec une corbeille de pain dans une main et une choppe de bière fraiche et mousseuse dans l'autre. Il déposa les deux sur la table, puis s'en retourna pour apporter une écuelle contenant des morceaux de viande divers ainsi qu'un gros os au chiot.
Lorsque il revint pour la trosième fois - après un absence d'une dizaine de minutes - il portait une grande assiette en bois d'où s'échappait un délicieux fumet de faisan roti. Le malheureux volatile tronait aux milieu de tomates, d'échalotes ainsi que de champignon, accompagné par une sauce fort apétissante.

" Bon appétit, monsieur ?"

"Robhue ... merci."

Sans plus attendre, le forgeron attaqua. Il avala la moitié de la pinte en deux gorgées, puis mangea dans l'assiette. Ribb monta sur ces genoux, les deux pattes avant posée sur la table. Il lapait dans l'assiette. Le forgeron fini son repas en moins de 5 minutes. Il n'avait pas si bien mangé depuis longtemps.

"Mes compliments au chef ! Vous savez, je voyage beaucoup, et je vous recommanderais !"

Robhue était prit d'une grande fatigue, qui lui faisait oublier tous ces tracas précédents.

" Et moi, Druss " répondit le tavernier avant de s'éloigner vers un client qui venait de le héler.

Le temps de lui apporter sa commande, Druss se rendit compte que le dénommé Robhue avait déjà tout englouti.

* Et beh, il y en a qui ont un sacré appétit...* songeat-il pour lui même en retournant vers l'homme et son chiot pour voir s'il ne désiraient pas autre chose et dans le cas contraire, débarasser la table.

"C'est fort aimable de votre part ! répondit-il joyeusement aux compliments de Robhue.
- Et vous avez visité quels coins exactement ?..... Oh, j'ai pris la facheuse manie de trop parler ces derniers temps. Peut-être désirez vous dormir tout de suite..."

"Oh, ça va me reposer de discuter. Ma vie est un voyage. Les contrats ne viennent pas à moi, je vais vers eux. Ainsi, j'ai parcouru l'Alagaësia en long en large et en travers. Je viens assez peu au Surda, surtout en temps de guerre. Mais l'affaire que j'ai conclu en valait la peine. J'ai travaillé pendant tellement longtemps sur l'objet que j'ai livré que je ne pouvais le laisser se perdre."

Robhue parlais en restant vague. Il ne voulait surtout pas attirer l'attention sur lui, surtout après les évènements de la soirée. La nuit avancait à mesure que les deux hommes parlaient.

Robhue sourit, ce qui eut pour effet de faire frémir sa barbe blonde et épaisse. Il n'avait pas vraiment l'air d'un artiste aussi prestigieux qu'un sculpteur ... et très rares sont les sculpteurs qui se déplacent pour livrer leur masse de roc. Il répondit simplement, avec le sourire.

"Je ne suis que forgeron. Et bien que je puisse forger quelque objet qui me soit demandé, je forge principalement des objets utiles. Des outils pour l'agriculture, pour la boucherie, des armes. Je suis d'ailleurs attristé quand je vois ce si beau pays ravagé par l'utilisation que font les hommes des armes. Je m'en veut à moi même quand je me dis que peut être certaines de mes œuvres servent à détruire. C'était à prévoir me direz-vous, mais je les conçois pour qu'elle soient belles, et pour qu'elle soient facile à manier pour quiconque se trouverait en danger et dans l'obligation de s'en servir vite et sans erreur. Je veux faire des armes pour se défendre, et non pour détruire et ravager. Ces hommes, ils n'ont aucun respect pour rien ..."

Robhue disait ce qu'il en avait sur le cœur, qu'importe si on le dénonçait, il ne serait plus là le lendemain. Sa rage intérieur, qu'il exprimait par des paroles douce et mélancoliques, lui faisait oublier ce qu'il avait vécu un peu plus tôt.

[ça aurait pu être de très petites sculptures ]

Hum, des armes qui n'étaient pas conçues pour ravager... Druss essaya de ne pas penser à sa hache qui trainait derrière le comptoir - là où chez la plupart des autres taverniers se trouvait un gourdin.

" C'est un beau métier que vous faites là, Monsieurs Robhue. Et ne vous laisser pas miner le moral à cause de tous ces idiots qui prennent les armes pour montrer à tout le monde qui est le plus fort et tout et tout. Et encore, je crois que j'insulte les idiots en disant ça... Tiens. Pensez plutôt au nombre de gens qui sont en vie grâce à vous. Rien que pour ça, vous ne devriez pas vous faire autant de mouron...
Enfin, il y a quand même quelques endroits qui ont été épargnés par les récents conflits. Peut-être que ça vous allègera le coeur si vous y passez... vous comptez aller par où, demain ?"

Cette perception apaisait un peu Robhue.

"Je compte repartir vers les Béors, les traverser puis remonter vers le Nord Est, dans les territoires peu fréquentés, et épargné pas la guerre. Ce sont de territoires magnifiques, des champs à perte de vue, de la verdure partout. Les gens entretiennent leurs villages avec soin, des fleurs et des jardins exceptionnels garnissent les contrées. C'est un endroit que j'aime, juste en limite de la grande forêt gardienne."

Robhue bailla à s'en décrocher la mâchoire.

"Désolé, mais je suis vraiment fatigué. j'aimerais me laver et me coucher ..."

" Ca fait une sacrée trotte tout de même... commenta la tavernier tout en tentant de s'imaginer mentalement le trajet. Et...

A ce moment, le forgeron bailla et vu l'heure qu'il était, c'était somme toute assez normal.

- Ah oui, je vais vous montrer les chambres. Suivez moi."

Le tavernier se leva et précéda Robhue dans un couloir lambrissé éclairé par des torches. Il s'arrêta devant la première porte puis sorti un anneau de fer où pendaient une bonne dizaine de clefs en fer. Druss pris l'une d'elle puis ouvrir la porte.
Le battant de bois coulissa pour révéler une pièce de dimensions raisonnables où se trouvaient un lit ainsi que quelques meubles divers. D'épais rideaux bleu marine marine masquaient la fenêtre, garantissant par la même une pièce sombre, même au beau milieu de la journée.

" Si celle ci vous plait, je vous fais monter les baquets d'eau dans les cinq minutes... Ah oui, tant que j'y pense. vous souhaitez que je vous prépare des provions pour demain ?"

"Je vous remercie. je mangerais demain avant de partir, mais je n'emporterais pas de provision. J'ai déjà assez de poids à transporter comme ça. Mais je vous remercie."

Robhue entra dans la chambre. Elle était parfaite. Il enleva ses chaussures et s'allongea sur le lit en attendant qu'on lui apporte de quoi se laver.

" Comme vous voudrez..." répondit Druss avant de dirger ses pas vers l'une des grandes citernes entérées dans le sol. Elles receuillaient l'eau de pluie, mais surtout l'eau du lac Tüdosten, régulièrement ramenée par d'impressionants convois.
En siffltant, le tavernier murmura quelques mots et l'eau jalli de l'ouverture de la citerne la plus proche et se faufila par magie dans un réseau de tuyaux en cuivre qui donnait sur un pièce à l'étage, là où étaient stockés bon nombre de baquets.
Dès que Druss jugea la quantité suffisante, il se hâta de remonter à l'étage et toqua à la porte plusieurs minutes plus tard. Derrière lui, l'on pouvait voir un baquet d'eau fumante, et lui même tenait une grande cruche d'eau froide ainsi que deux serviettes.

Robhue alla ouvrir la porte. Le tavernier lui apportait de quoi se laver.

"Je vous remercie."

Sur cette phrase, le forgeron ferma doucement la porte. Il posa l'eau et les serviettes sur une table de la chambre. Il se posa en face, et enleva son pantalon, qui était son unique vêtement. (hormis les chaussures mais il les a enlevé un peu plus haut ... faut suivre un peu !). Il trempa une serviette et l'essora au dessus de sa tête. L'eau perla sur ses épais cheveux blonds, et coula dans son cou, pour rouler sur les muscles de son torse. Les perles scintillantes vinrent se perdre dans les creux de ses abdominaux. Il ramassa son pantalon et fouilla dans une poche. il en sorti un petit bout de savon tout noir. Il se frotta avec. Le bout moussa sur le corps très musclé du forgeron. Il retrempa la serviette et recommença à l'essorer au dessus de sa tête pour se rincer. Quand il fut rincé, il prit la seconde serviette et se sécha, puis l'accrocha à sa taille. Il s'abattit sur le lit et s'endormit.

" De rien..." répondit Druss avant que la porte ne se referme sur le forgeron.

Dans le couloir, le tavernier jeta un coup d'oeil aux torches et bougies qui éclairaient les couloir et en éteignit la moitié, laissant une clarté suffisante.
après quoi, il descendit l'escalier jusqu'à la salle commune où il retrouva son client adepte de l'eau.

" Désolé, mais il est temps que vous quittiez mon établissement, à moins que vous ne souhaitiez prendre une chambre. lui annonça-t-il calmement.
L'autre le regarda comme s'il ne voyait pas où il voulait en venir, puis un éclair de compréhension s'alluma dans ses yeux endormis.
- Ah ? Euh, je veux dire, déjà ? il fouilla dans ses poches et en sortit une bourse de cuir fatigué. Combien je vous dois ?
- Cinq pièces d'argent et une de bronze.
- Ah.. Tenez"

L'homme compta soigneusement les pièces puis les tendit au tavernier avant de sortir. Druss l'accompagna et lui souhaita au revoir avant d'accrocher un écriteau à la solide porte en bois.


Ceci fait, Druss referma la porte et alla piquer un petit somme non sans avoir auparavant vérifier que tout était en ordre. Quelques heures plus tard, un peu avant l'aube, il était debout en pleine forme et prêt à attaquer une nouvelle journée...

Robhue se réveilla en sursaut. Il avait le sommeil très léger, et quelqu'un venait de rentrer dans la taverne en pleine nuit. Il enfila son pantalon et sorti de sa chambre. Il avait l'impression que ce serait important. Il prit une bougie dans le couloir et descendit. Il se retrouva dans l'entrée, torse nu, avec son pantalon, ses muscles et sa bougie. Il se trouva nez à nez avec la prostituée qu'il avait rencontré plus tôt. Elle était frigorifiée et terrorisée. Son intuission ne l'avait pas trompé, elle avait vécu quelque chose qu'elle n'aurait jamais du vivre. Elle tenait à peine debout. Sans dire un mot, le forgeron la pris dans ses gros bras, un sous les genoux, l'autre sous le cou. Elle était glacée. Il la monta sans les escalier jusqu'à sa chambre. Il la posa sur son lit, et l'enroula dans une grosse couverture. Il rapprocha une chaise et s'assit en face d'elle. Il parla en chuchotant d'une voix rassurante.

"Que c'est-il passé ?"

"Un bain gelé ?"

Soit elle délirait, soit il y avait de la magie derrière tout ça. Le forgeron se rappela comment l'homme étrange avait pu le faire voler sans le toucher. Un bain gelé était a sa portée. Il n'était vraiment pas fréquentable.

"Maintenant que vous êtes ici, mettez-vous à l'aise."

[i]Le forgeron se leva de sa chaise pour s'assoir à côté de la femme, sur le lit. Il fit le tour de son corps avec ses bras puissants, et posa la fine tête sur son torse. Son corps était un vraie bouilloire, il allait réchauffer la femme. Elle était encore gelée et apeurée. Il faisait preuve d'attentions fraternelles que la femme ne devait pas avoir eu souvent, étant donné sa condition.[/i@

"Il faut vous reprendre. Espérons qu'il ne vous cherchera pas. Vous devriez partir d'ici, dès que vous serez reposée."

La femme avait réagit violemment, mais Robhue restait impassible et calme.

"Si il avait quelqu'un à payer, c'est certainement pas de votre faute qu'il est parti. Vous vous faites plus forte que vous n'êtes. Cette ville c'est chez vous. Elle représente tout ce que vous avez toujours connu. Moi, je n'ai pas de chez moi. Ma vie c'est le voyage. Il n'y aucunement besoin de moyens exceptionnels pour partir, j'en suis la preuve. Je ne connais pas grand chose de vous, mais assez pour me rendre compte que vous ne faite pas tout ça par gaité de cœur. Il faut chasser vos démons. Et votre soucis, c'est qu'ils sont là, vos démons. Vous ne pourrez pas vivre avec, il faudra les chasser. J'ai vu quasiment toute l'Alagaësia, tous les gens qui la peuple, et ce que je peux en dire, c'est qu'ils sont tous pareils. Ils courent après quelque chose qu'il ne peuvent pas atteindre, tentant de fuir leur passé. Cela, à des niveaux différents. Alors, prenez pour un allumé, pour un dingue, un charlatan, mais je vous raconte ce que je sais, rien de plus."

Il se dégagea doucement de la femme, et commença à rassembler ses affaires.

"Je pars demain matin ..."